La fausse bonne idée d’un FBI européen



Depuis les attentats de janvier 2015 à Paris, des voix se font entendre pour réclamer la création d'un FBI européen ou d'un grand service antiterroriste au niveau de l'Union. C'est, à mon avis, une fausse bonne idée et ce pour au moins cinq raisons :

 

1) La sécurité, ou plus exactement la "sûreté", même si certains de ses aspects sont couverts par le "troisième pilier" de la construction européenne reste, fondamentalement, une compétence nationale pour ne pas dire régalienne. Si les Etats de l'Union ont des intérêts communs dans certaines matières - la lutte contre le terrorisme, mais également contre l'immigration clandestine ou le crime organisé, pour n'en citer que trois -, ils sont divisés sur bien d'autres points. Les intérêts de la France, de la Belgique et de la Grande-Bretagne sont-ils les mêmes en Afrique, par exemple? On peut en douter. Une agence européenne ne pourrait donc avoir qu'un spectre d'action limité.

 

2) Les politiques de sûreté déjà gérées au niveau de l'Europe ne le sont pas de manière satisfaisante: qui peut dire que le contrôle extérieur des frontières de l'espace Schengen est suffisamment sécurisé? Que l'Europe commence par faire ce qu'elle doit dans les matières qui lui sont déléguées...

 

3) Il faudra un accord politique pour établir un FBI européen et il devra, si l'on veut agir au niveau de l'ensemble de l'Union, être pris à l'unanimité. Or les positions sont divergentes. La France, par exemple tente d'éliminer physiquement les djihadistes français (et européens) présents en Syrie et en Irak et prône la prison pour ceux qui rentrent en Europe tandis que le Danemark les considère comme des "garçons égarés qui ont fait un voyage et qu'il faut aider à rentrer à la maison et à se réinsérer" (ceci caricature à peine la position de Copenhague...). Comment concilier ces deux positions antagonistes? L'accord sera donc un accord a minima, au plus petit dénominateur commun, et on voit mal ce que les pays les plus menacés et les plus actifs (France, Grande-Bretagne mais aussi Allemagne ou Belgique) auraient à y gagner....

 

4) De l'avis général, nos services nationaux manquent encore de moyens. Créer un FBI européen, ce serait distraire encore plus de moyens financiers qui pourraient, beaucoup plus utilement, être investis par chaque pays dans sa propre sécurité.

 

5) Last but not least, créer un "machin" de plus, prendra du temps : il faudra trouver un accord politique, embaucher ou muter le personnel (cette dernière option ayant pour effet de diminuer encore l'efficacité de nos service), trouver un lieux d'implantation, définir des méthodes de travail, etc. Bref, dans le meilleur des cas, l'agence européenne serait en état de marche dans trois ans, au minimum ; or la menace, elle, est immédiate.

 

Bref, on fait fausse route en allant dans cette direction. Ce que l'Europe peut et doit faire c'est pousser les Etats membres à renforcer leurs législations et à collaborer plus étroitement et ce qui doit être fait au niveau national, c'est renforcer les capacités d'analyse des services en engageant, comme cela se fait dans certains pays anglo-saxons, des analystes capables de penser "out of the box" et d'apporter un sang neuf et des idées nouvelles à l'analyse du renseignement touchant le terrorisme. 

 

Ce n'est pas en empilant les structures qu'on gagnera cette "guerre" mais en rendant plus efficaces et plus réactives celles qui existent déjà.  

 

FIN

 

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