Attentat de Berlin: La faillite d’une sécurité allemande marquée par le poids de l’histoire



Le drame de Berlin a été (et sera encore, n’en doutons pas) l’occasion pour l’extrême droite allemande et les populistes, partout en Europe, d’attaquer la politique d’accueil des migrants voulue par Mme Angela Merkel. C’est un faux et mauvais procès. Bien entendu, le flux des « réfugiés syriens » de 2015 a été exploité par Daech, et peut-être par d’autres organisations terroristes ou criminelles, pour infiltrer en Europe des terroristes ou des indésirables. Comme ceux qui ont frappé à Paris le 13 novembre 2015 ou à Bruxelles, le 22 mars 2016. D’autres ont, depuis, été arrêtés, à Salzburg, à Paris ou ailleurs. Mais de combien de personnes parlons-nous ? Une vingtaine ont été identifiées (elles sont mortes ou en prison); les services de renseignement européens estiment que quelques dizaines de djihadistes ont pu entrer en Europe entre l’été et l’automne 2015 en se faisant passer pour des réfugiés.

C’est beaucoup. Mais c’est une goutte d’eau si l’on compare ce chiffre à la masse des centaines de milliers de personnes accueillies. Bien entendu, cet accueil de masse pose et posera des problèmes sociétaux, culturels et d’assimilation mais ceci est un autre débat. En termes de terrorisme, la menace est « intérieure » bien plus qu’extérieure et importée : ce sont ces milliers de salafistes djihadistes, nés en Europe et passés par nos écoles. De purs produits de notre société.

Non, le vrai problème allemand, c’est la faillite totale d’un système sécuritaire dont on nous vantait encore les mérites il y a peu.

« Faillite totale » : on nous reprochera un jugement à l’emporte-pièce. Mais c’est, malheureusement, une réalité. Comment comprendre qu’un homme comme Anis Amri, aujourd’hui principal suspect de la tuerie, ait pu se trouver en liberté ? Les services allemands savaient qu’il avait fait de la prison en Italie pour des faits de droit commun. Ils savaient qu’il avait introduit plusieurs demandes d’asile en RFA sous des identités différentes. « Mieux » : l’homme avait même été arrêté, cet été, à Friedrichshafen muni de faux papiers.

Ils savaient également qu’il entretenait des relations avec Daech : il avait, entre autres, fréquenté « Abu Walaa », prêcheur de haine considéré comme l’un des principaux propagandistes et recruteurs de l’Etat islamique en Allemagne, et avait logé chez un de ses complices (les deux hommes avaient, d’ailleurs, été arrêtés en novembre dernier). Il était considéré comme un « islamiste dangereux » et, sous surveillance, avait tenté de recruter des volontaires pour des attentats en mars dernier.

Et malgré ce dossier qui, n’importe où ailleurs, lui aurait valu un long séjour derrière les barreaux, il était en liberté

Certes une enquête a été ouverte et on nous dit que l’homme était « suivi » de près. Mais pas d’assez près, de toute évidence. La mauvaise coordination entre les différents services fédéraux et régionaux concernés aurait empêché, nous explique-t-on, de prendre la décision qui s’imposait : mettre Amri derrière les barreaux.

Autre question gênante: comment expliquer que, faute de caméras de sécurité, les autorités n’aient disposé d’aucune image du conducteur du camion qui a fauché des dizaines de personnes lundi soir.

Au-delà des dysfonctionnements et de l’influence « libertarienne » de certains milieux politiques et « humanitaires » hostiles à toute surveillance, ce qui est en cause c’est la « timidité » des Allemands dès qu’il est question de sécurité.

On peut comprendre l’origine de cette « prudence »: en matière sécuritaire, les deux références historiques de Berlin sont la Gestapo et la Stasi. Cela pèse : les Allemands semblent se méfier davantage de leurs services de sécurité que de ceux qui menacent leur vie.

Mais ce qu’on ne comprend pas, c’est que, dans l’Allemagne d’aujourd’hui éminemment démocratique (c’est même un modèle en la matière), ce double complexe de culpabilité continue à paralyser l’action publique alors que l’Europe est soumise à la plus grande menace sécuritaire de l’après-guerre.

Lundi, l’Allemagne a payé, du prix du sang et des larmes, sa pusillanimité. Espérons que la leçon ait été apprise.  Pour les Allemands comme pour nous : dans une Europe aux frontières ouvertes,  celui qui a tué il y a quelques jours à Berlin (et qui, étant Tunisien, est donc francophone) peut, demain, frapper à Bruxelles ou à Paris.

Face à une menace globale, notre réponse doit donc être collective et d’une fermeté absolue. Reculer devant  cette évidence, c’est faire le jeu des terroristes. Et le lit des extrémistes et populistes qui rêvent de détruire le modèle européen.

 


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