Claude Moniquet, expert en contre-terrorisme, répond à 20 Minutes...



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Bruxelles, base arrière du terrorisme islamiste en Europe ? Ce mardi matin, la capitale belge se relevait tout juste de l’arrestation de Salah Abdeslam, suspect clé des attentats du 13 novembre à Paris, quand elle a été frappée par un double attentat sanglant qui a fait au moins 30 morts. « Ma vraie surprise, c’est quand il n’y a pas de filière belge derrière un attentat », déclarait dans Le Figaro, le 15 novembre dernier, le Franco-Belge Claude Moniquet, expert en contre-terrorisme et co-fondateur du Centre européen pour le renseignement stratégique et la sécurité (ESISC) basé à Bruxelles. Cet ancien journaliste revient pour 20 Minutes sur le poids de l’islamisme radical en Belgique. Claude Moniquet, expert en contre-terrorisme et co-fondateur du Centre européen pour le renseignement stratégique et la sécurité (ESISC) basé à Bruxelles. 

Faut-il voir aujourd’hui la Belgique comme le creuset principal de l’islamisme radical en Europe ?

Il y a des djihadistes en Belgique, mais comme il y en a en France, aux Pays-Bas, en Allemagne… Effectivement, des connexions avec la mouvance islamiste belge ont été constatées dans de nombreuses attaques terroristes commises en France. Elle s’explique de manière très simple. Les gens s’agglomèrent entre eux pour des raisons linguistiques. Or les islamistes belges et français parlent la même langue, ce quirend leurs contacts plus faciles. Y compris lorsqu’ils se retrouvent dans des camps d’entraînement à l’étranger. Ceux d’Al-Qaeda hier, ceux de Daesh aujourd’hui.

Mais les réseaux djihadistes sont-ils bien plus développés en Belgique que n’importe où ailleurs en Europe ?

Si on tient compte des sympathisants, la mouvance islamiste regroupe entre 2.000 et 5.000 personnes en Belgique. Plus précisément, on estime à un millier le nombre de Belges concernés par le djihad en Syrie. Ils y ont été, en sont revenus, ou songent au départ. En chiffre absolu, c’est moins que la France, le premier exportateur européen de djihadistes vers le Moyen-Orient avec 2.000 personnes concernées. Mais si on rapporte ces chiffres aux populations des deux pays et à la taille de leurs communautés musulmanes, alors oui, la Belgique est le premier exportateur de djihadistes vers le Moyen-Orient : 1.000 djihadistes belges, c’est comme s’il y en avait en France 6.000.

Comment expliquer ces chiffres ?

Les réseaux islamistes radicaux sont implantés depuis très longtemps en Belgique. Depuis au moins 20 ans. Il y avait déjà des liens avec la Belgique dans les attentats commis en France en 1995 à l’époque du GIA algérien. Ce n’est pas nouveau. Pourquoi en Belgique ? Il y a eu certainement à l’époque un laxisme qu’il n’y avait pas ailleurs. Nous avions moins d’intérêt pour la question du terrorisme. Bruxelles se croyait hors de danger puisque nous n’avions pas de positions internationales très visibles. Nous n’étions pas engagés dans des opérations militaires au Moyen-Orient…

Y a-t-il eu depuis une prise de conscience ?

Oui. N’oubliez pas que le premier attentat commis par l’Etat islamique en dehors de son territoire estl’attaque de Medhi Nemmouche au musée juif de Belgique, fin mai 2014 à Bruxelles. Cet attentat aboutira à une vraie prise de conscience et pas seulement en Belgique. En France également. Jusque-là, personne en Europe ne portait une grande attention au fait que des milliers d’Européens se soient envolés vers la Syrie.

Comment faut-il lire cette nouvelle vague d’attentats commise à Bruxelles ce matin ?

A Paris, si on excepte le stade de France dans lequel les terroristes n’ont jamais pu entrer car l’enceinte était sécurisée, les attaques ont visé des terrasses de cafés et de restaurants, une salle de concert. Autrement dit, des sites qu’on ne peut difficilement anticiper comme à risque et donc y prévoir des renforts de sécurité. Ce mardi matin, les terroristes ont visé l’aéroport de Bruxelles. Le quatorzième d’Europe. Cela n’a plus rien à voir. C’est une cible ultra-protégée avec la présence constante de policiers et de militaires à l’intérieur et à l’extérieur. L’Etat islamique a montré qu’il était capable du pire mais aussi d’attaques difficiles.


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