«Quand les ONG nuisent aux intérêts de ceux qu’elles prétendent défendre»



  1. Etude de cas 

    Fian-Belgium 

     

    Les « dérives néocolonialistes » 

    d’une ONG de développement

     

    1.     En résumé

 

  • On ne peut se contenter, pour analyser le travail des ONG de développement, devenues incontournables sur la scène internationale, de leurs propres définitions plus révélatrices d’une satisfaction de nature publicitaire que de la réalité de leurs actions sur le terrain. Notre propos n’est pas de nier l’importance du rôle du secteur associatif mais bien de l’analyser de manière distanciée et objective en ne nous contentant pas de nous fier aux seules déclarations des grands acteurs internationaux que sont devenues les ONG au lendemain de la Seconde guerre mondiale.

 

  • Il s’agira donc, dans les pages qui suivent et qui seront consacrées à une étude de cas, d’examiner si les objectifs revendiqués par l’ONG étudiée sont conformes à la réalité de ses programmes d’action. Cette étude n’a d’autres ambitions que de proposer de nouvelles pistes de recherches sur le présent et l’avenir du secteur des ONG, reconnaissant a priori l’importance de leur engagement et la générosité des principes qui les animent : le label « ONG » manque sans doute d’une définition claire et ouvre ainsi la porte à des programmes d’action dont rien ne garantit l’adéquation avec leurs objectifs déclarés : la défense des Droits de l’Homme.

 

  • Notre choix s’est porté sur FIAN Belgium, un important opérateur d’éducation permanente actif en Belgique et développant d’importants programmes d’action à l’internationale.

 

  • L’objet choisi pour notre étude permet d’ouvrir des hypothèses qui concernent les contradictions idéologiques entre la réalité de terrain et les choix politiques des ONG pouvant être à l’origine d’une dérive qui, comme nous tenterons de la définir, conduit des organisations censées interpeller à dénoncer sans accepter la contradiction, même si celle-ci vient des autorités et des populations locales.

 

  • Il est nécessaire, à nos yeux, de s’interroger sur la pertinence des programmes de développement menés par des ONG qui, rappelons-le, ne sont contrôlés par personne tout en bénéficiant très largement de financements publics. Il convient de s’intéresser à la pertinence de campagnes de mobilisation de l’opinion publique et de lobbying qui s’inscrivent peut-être en opposition avec les politiques de coopération européenne et belge et, plus préoccupant encore, qui sont peut-être contradictoires avec l’intérêt collectif des populations de certains pays dans lesquels intervient l’organisation.

 

  • A travers l’étude de 3 campagnes menées par « FIAN Belgium » au Brésil, au Ghana et en Sierra Leone. Le choix de ces campagnes précises, qui ne remet pas en cause l’intérêt d’autres programmes d’action de l’ONG, nous a permis d’étudier les choix politiques de « FIAN Belgium » dans des contextes socioéconomiques distincts, la démocratie brésilienne, nouvelle grande puissance économique mondiale, le Ghana, démocratie africaine en plein essor économique et la Sierra Léone qui se reconstruit après des années d’une guerre civile d’une extrême violence.

 

  • Notre conclusion est que, aveuglées par une idéologie marquée du sceau d’un gauchisme aussi suranné que dangereux, engagées dans la course aux financements publics et souvent coupées des réalités et des préoccupations d’une très grande majorité des populations des pays dans lesquelles elles interviennent, ces ONG pratiquent une forme de « néocolonialistes » de fait et ont renoncé à leurs idéaux.

 

  • Dans le cas que nous avons étudié, les campagnes « Brésil », « Ghana » et « Sierra Leone » de FIAN Belgium sont des modèles de cette dangereuse dérive : l’organisation dénigre les décisions et les engagements des gouvernements tandis que les intérêts de la très grande majorité de la population sont totalement laissés pour compte.

 

  • Les premières victimes de ces campagnes sont souvent de petites communautés locales soutenues dans des combats sans espoir mais qui permettent à FIAN Belgium de présenter des rapports d’activités à des bailleurs de fond publics sans doute trop peu soucieux d’en vérifier l’exactitude et surtout d’analyser la pertinence de programmes d’action qu’ils financent généreusement.

 

  • Il est impératif que certaines ONG, et FIAN Belgium est du nombre, repensent leur politique institutionnelle et privilégient des actions compatibles avec les transformations de sociétés pour lesquelles ces changements garantiront leur avenir, voire dans le cas de la Sierra Leone, leur survie.

 

  1. Introduction

Le terme d’organisation non gouvernementale (ONG) est bien connu aujourd’hui du grand public qui l’identifie aux campagnes d’action menées par des acteurs désormais incontournables de la scène politique et sociale. Amnesty International, Greenpeace ou encore Oxfam sont, parmi d’autres, des « labels » incontournables et prestigieux de la défense des Droits de l’Homme, de la protection de l’environnement et d’une économie sociale respectueuse des intérêts des petits producteurs des pays en voie de développement.

Il convient de rappeler que le terme d’ONG est apparu en 1945, au lendemain de la catastrophe sans précédent que fût la Seconde Guerre mondiale. Il fallait, à l’époque, repenser la place du citoyen dans un nouvel ordre mondial soucieux de s’engager dans une perspective politique dans laquelle la « société civile » disposerait des moyens nécessaires pour s’opposer aux Etats lorsque ceux-ci faisaient fi des droits de l’Homme. C’est d’ailleurs peu après la reconnaissance des ONG par les Nations Unies, plus précisément le 10 décembre 1948, que les 58 Etats membres qui constituaient alors l’Assemblée générale des Nations Unies adoptèrent la Déclaration universelle des Droits de l’Homme à Paris au Palais de Chaillot.

On peut considérer que les ONG  et la Déclaration universelle sont nées d’une même volonté politique et éthique à savoir préserver à l’avenir l’humanité du danger majeur posé par le fanatisme poussé à l’extrême dont le nazisme est resté jusqu’aujourd’hui un exemple indépassable.

Cela dit, force est de constater que le concept même d’ONG reste relativement flou, sans doute victime d’une reconnaissance précipitée au lendemain de la guerre ce qui contribua à faire l’économie d’une définition rigoureuse.

Marie-Claude Smouts, une chercheuse qualifiée du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) propose une définition minimaliste et sans doute très évocatrice de la difficulté à cerner les limites précises du champ des ONG : «organisations composées d’individus qui se regroupent volontairement en associations pour poursuivre des objectifs communs ».

On remarquera que cette définition fait l’impasse sur une série de qualités pourtant largement revendiquées par les ONG. Celles-ci se déclarent généralement, pour ne pas dire systématiquement, être les principaux défenseurs des droits de l’Homme, être indépendantes des Etats et être engagées dans les domaines de l’action humanitaire et/ou de la protection de l’environnement.

La Fondation « Tous unis pour les Droits de l’Homme » a été fondée en 2008 pour célébrer le 60ème anniversaire de la Déclaration Universelle. Pour la Fondation, qui fait référence en la matière dans la galaxie des ONG, « Dans le monde entier, les défenseurs des droits de l’Homme sont le plus souvent des citoyens et non des représentants officiels de gouvernements. En particulier, les organisations non gouvernementales (ONG) jouent un rôle de premier plan en focalisant l’attention de la communauté internationale sur les questions des droits de l’Homme.

Les ONG surveillent les actions des gouvernements et les poussent à agir selon les principes des droits de l’Homme » ([1])

Force est de constater que cette déclaration pour le moins auto satisfaite fait complètement l’impasse sur le travail législatif accompli dans les Etats de droit et les démocraties par les élus de la Nation. Sans nier le travail réalisé en matière de défense des Droits de l’Homme par le secteur associatif, il convient de rappeler que si ceux-ci sont garantis, plus particulièrement dans les Etats démocratiques, c’est en raison de la volonté du législateur de les couler dans la Loi. Sans cela, les Droits de l’Homme seraient restés au stade d’utopie généreuse mais dénuée de réalité.

Autre question épistémologique née de la liberté accordée aux ONG depuis 1945, en l’absence de toute définition officielle et contraignante, de s’auto définir, la fameuse indépendance par rapport aux Etats.

Comme le rapporte la « Fédération belge des ONG de coopération au développement » : « Une ONG est en effet autonome et indépendante des gouvernements nationaux ou supranationaux. Elle peut recevoir des subsides publics mais elle définit ces stratégies et approches de manière indépendante. Elle est issue de la société civile et ne poursuit pas de but lucratif.

Une ONG a un ancrage international car elle crée des liens avec d’autres ONG partout dans le monde. Ces partenariats et ces alliances sont basés sur des valeurs, des objectifs et des activités communes. Les sociétés civiles du Nord et du Sud sont ainsi mises en lien. Ces liens permettent de mieux comprendre les problèmes et d’innover dans les solutions ».([2])

Peut-on réellement parler d’indépendance des ONG par rapport aux Etats et aux organisations supra nationales alors que ceux-ci garantissent l’activité de ces associations en les finançant très largement ? A l’évidence, la réponse à cette question est négative. Par contre, cette déclaration pour le moins paradoxale et qui est reprise comme une incantation par la plupart des ONG est révélatrice d’une question politique incontournable. Les ONG, qui jouissent effectivement de la prébende publique et d’une liberté d’action totale, du moins dans les Etats démocratiques qui les financent ([3]), ont une position de négation de la légitimité des appareils d’Etat, adoptant de la sorte et paradoxalement pour des initiatives citoyennes, un comportement qui n’est pas sans rappeler celui qu’on impute généralement à une « Finance internationale » souvent présentée comme méprisante des lois et des compétences régaliennes des Etats.

Nous citerons également la remarquable recherche consacrée à une étude de cas des opérations d’ONG, financées notamment par les Nations Unies, réalisée en 2003 par Bouchra Sidi Hida, une doctorante de l’UCL ([4]).

Cette recherche met en évidence la proximité entre les acteurs politiques locaux et certaines ONG, la propension de ces dernières à imputer leurs échecs à des populations locales incapables de s’autonomiser ou encore à « profiter » des faiblesses de l’Etat nation marocain.

Un des répondants de la chercheuse belge, le secrétaire général d’une association provinciale déclare que : «beaucoup d’associations sont manipulées par le politique, surtout à l’approche des élections, quand une association est manipulée ou partisane, elle se contredit avec l’objectif du développement durable » ([5]).

 

On restera également attentif au passage concernant le rejet par les ONG de développement étudiée par Bouchera Sidi Hida de leurs responsabilités en cas d’échec de leurs projets : « Notons que dans la majorité des cas, l’échec de leurs activités est attribué à la population locale. Leurs arguments sont, soit que « la population est analphabète, elle est «ignorante et ne connaît pas son intérêt » ou alors « elle est pauvre et démunie. Termes qui deviennent de plus en plus familiers par leur « universalisation. Paradoxalement, ce sont ces mêmes termes que les ONG de développement utilisent pour, d’un côté, acquérir le financement des actions de

développement et, de l’autre, en faire l’argument des obstacles à la réussite de leurs actions » ([6]).

 

Enfin, comme le remarque Bouchra Sidi Hida, les ONG sont favorisées par l’effritement progressif mais incontestable des compétences régaliennes des Etats. Alors qu’elles dénoncent régulièrement le manque d’investissement des Etats dans des programmes de développement, cette situation leur est tout bénéfice : « Face à l’affaiblissement de l’Etat-Nation, on assiste à une prolifération d’ONG et d’associations de développement dont les actions sont une sorte de « remède provisoire» aux problèmes émergents, plus particulièrement en ce qui concerne l’environnement. Faute de ressources « sui generis », elles ont eu recours au financement externe par l’intermédiaire des Agences des Nations Unies, de la coopération bilatérale ou à travers des ONG internationales, leur permettant ainsi d’être actives et de faire des actions concrètes » ([7]).

 

La recherche de Bouchra Sidi Hida démontre avec brio qu’on ne peut se contenter pour analyser le travail des ONG de développement, devenues incontournables sur la scène internationale, de leurs propres définitions plus révélatrices d’une satisfaction de nature publicitaire que de la réalité de leurs actions sur le terrain.

Notre propos n’est pas de nier l’importance du rôle du secteur associatif mais bien de l’analyser de manière distanciée et objective en ne nous contentant pas de nous fier aux seules déclarations des grands acteurs internationaux que sont devenues les ONG au lendemain de la Seconde guerre mondiale.

 

Il convient d’ailleurs de distinguer entre les ONG actives dans la défense des Droits de l’Homme, à l’instar d’Amnesty International et de Human Rights Watch, de celles qui sont engagées dans le développement ou la protection de l’environnement. Cette distinction s’impose parce que les premières agissent sur base de principe admis, même si souvent malmenés, par la Communauté internationale alors que les secondes, par la nature de leur terrain d’engagement, sont plus indépendantes, de règles et de normes universellement admises.

 

Si personne ne contestera, du moins ouvertement, que la torture est illégitime, la réponse sera moins automatique quand les droits de quelques centaines d’autochtones à résider sur leurs territoires ancestraux seront mis en balance avec ceux de 200 millions de Brésiliens dont l’accès à l’électricité dépend d’un barrage hydro-électrique construit dans le bassin de l’Amazone.

 

A ce sujet, on doit se poser plusieurs questions. Comment les ONG environnementalistes justifient leur mépris envers un droit essentiel pour des centaines de millions d’êtres humains ? Comment ces associations développent une stratégie politique qui contrevient aux décisions d’un Etat souverain et qui de plus est un modèle de démocratie depuis la chute de la junte militaire en 1985 ? En s’opposant à l’intérêt commun, les ONG poursuivent-elles réellement un autre objectif que de lancer de profitables campagnes de récolte de fonds en dépit du fait qu’officiellement elles ne poursuivent aucun objectif lucratif ?

 

Ces quelques questions, certainement pas limitatives, peuvent bien entendu être adressées à d’autres situations que celles des grands travaux de gestion de la ressource hydraulique amazonienne.

 

Le lecteur l’aura compris, le développement rapide des ONG, qui se substituent de plus en plus régulièrement à l’action de pouvoirs publics défaillants ou qui choisissent de déléguer en la matière leurs responsabilités, nous interpelle parce qu’il échappe sans doute au cadre particulier, la fin de la Seconde guerre mondiale, qui a vu son émergence.

 

Les questions sociétales et politiques que posent le développement du secteur des ONG, et nous pensons à celles qui sont actives dans le domaine du développement et de la protection de l’environnement, méritent certainement d’être étudiées de manière systématique. Faute de quoi, on assistera à la montée en puissance d’organisations qui assurent représenter la société civile mais sans consentir à ce que celle-ci puisse les contrôler et qui développeront peut-être des programmes d’actions aux effets paradoxaux.

 

Il s’agira donc dans les pages qui suivent et qui seront consacrées à une étude de cas d’examiner si les objectifs revendiqués par l’ONG étudiée sont conformes à la réalité de ses programmes d’action.

 

Cette étude n’a d’autres ambitions que de proposer de nouvelles pistes de recherche sur le présent et l’avenir du secteur des ONG, reconnaissant à priori l’importance de leur engagement et la générosité des principes qui les animent.

 

 3.   Une question de méthode

 

Le choix méthodologique de notre démarche a été délicat à préciser. Différentes possibilités étaient envisageables. Etudier plusieurs grande ONG internationales, au risque d’être noyé par un matériau trop abondant pour être traité de manière efficace. Nous nous sommes également rapidement rendu compte que l’étude d’une seule ONG internationale présentait le même risque. Analyser un réseau implanté sur plusieurs continents et dont les succursales dépendent d’Etats dont les législations diffèrent souvent très sensiblement revenait à comparer des situations par nature incomparables.

 

Pour pallier à ces difficultés méthodologiques, nous avons opté pour un choix qui garantissait de pouvoir traiter l’information tout en restituant la dimension internationale des opérations courantes des ONG. Une question importante, il faut rappeler à ce propos que le monde anglo-saxon, à commencer par le Royaume-Uni, reconnaît comme ONG des structures impliquées localement et sans dimension internationale, alors que la tradition latine, à laquelle nous appartenons, leur confère le statut commun de secteur associatif. Autrement dit, la sélection du cas à étudier devait impérativement tenir compte de la dimension internationale de ses opérations sans pour cela oblitérer ses programmes nationaux.

 

Autre point important, il fallait que l’ONG à étudier soit basée pour des raisons évidentes dans un Etat de droit. La démocratie étant une condition indispensable à l’indépendance politique et à la liberté d’action de notre objet d’étude. Reconnaissons que pour des raisons pratiques nous nous sommes efforcés de détecter un cas intéressant en Belgique, démocratie incontestable et pays dans lequel nous sommes nous-mêmes basés.

 

L’idéal étant donc de choisir une ONG belge, active en Belgique comme à l’international et idéalement membre d’un réseau ou d’une ONG internationale. De plus, nous avons voulu éviter l’écueil épistémologique posé par une ONG trop connue et donc trop susceptible d’altérer notre objectivité en raison de nos préjugés favorables ou défavorables.

 

En définitive, notre choix s’est fixé sur FIAN Belgium. Cette ONG est un important opérateur d’éducation permanente actif en Belgique et elle développe d’importants programmes d’action à l’internationale. L’ONG est également membre de FIAN International active aux quatre coins du monde. Une particularité qui nous a permis d’envisager le volet international des opérations de FIAN Belgium avec l’éclairage que lui donne sa « maison mère ».

 

De plus FIAN Belgium fait preuve d’une transparence absolue, une qualité rare dans le secteur des ONG comme d’ailleurs dans celui du monde de l’entreprise. L’ONG diffuse à l’intention du grand public une information de grande qualité et lui donne accès à ses rapports d’activité comme, depuis quelques années, à ses bilans financiers et à ses comptes de résultat. Cette volonté de travailler à « livres ouverts » est peu courante et doit être salué. En termes de transparence et donc de respect de la société civile, FIAN Belgium est certainement un exemple à suivre.

 

Enfin, FIAN Belgium, à l’instar de FIAN International, est engagée dans la lutte contre la faim. C’est donc une ONG active au carrefour des programmes de développement et de défense des Droits de l’Homme.

 

Ces différentes qualités et l’accessibilité ainsi que le volume raisonnable du matériau disponible qui devait être soumis à l’analyse nous a donc incité à tenter d’ouvrir de nouvelles pistes de réflexion concernant la politique institutionnelle des ONG qui opèrent dans le secteur du développement en étudiant le cas de FIAN Belgium.

 

 4. FIAN Belgium- présentation

 

Créée en 1986, l’ONG FIAN Belgium est, comme le précise ses statuts, la section belge de « Foodfirst information and Action Network » (FIAN) mais se réserve néanmoins le droit de de développer des programmes d’action en toute indépendance par rapport à sa « maison mère » et à ses antennes nationales.

 

L’objet social de FIAN Belgium, défini par l’article 3 de ses statuts est ambitieux et généreux. L’ONG entend « contribuer au respect de la Charte internationale des Droits de l’Homme concernant le droit fondamental à la terre, à l’alimentation et le droit des personnes à se nourrir elles-mêmes et de promouvoir des mesures allant dans ce sens et indépendamment de tout parti politique, idéologie ou religion ».

 

Pour poursuivre ses objectifs FIAN Belgium mène des actions de « veille » qui doive lui permettre d’identifier les atteintes aux droits fondamentaux qu’elle souhaite défendre, elle informe le public sur ces atteintes et elle développe des programmes d’action destinés à remédier à ces atteintes.

 

Comme on le verra dans les pages suivantes, les actions développées par FIAN Belgium prétendent être conformes à l’objet social de l’organisation. Un objet social ambitieux et généreux qui, à priori, ne pourrait pas être remis en question.

 

Le droit à l’alimentation et à l’autonomie en la matière est à l’évidence un droit fondamental rappelé notamment par le slogan cher à l’ONG : « Pas de terre sans paysans et pas de paysans sans terre ».

 

Quel citoyen soucieux des Droits de l’Homme pourrait dénier à une famille africaine, asiatique ou sud-américaine le droit de cultiver sa terre, de nourrir ses enfants et d’assurer leur avenir par son travail ?

 

Posée ainsi, la réponse à la question paraît évidente ce qui ne nous empêchera pas de la considérer sous un angle d’approche différent au chapitre suivant pour la mettre en perspective avec les réalités d’un monde en constante évolution qui voit l’avenir des sociétés en développement se dessiner sur fond d’urbanisation accélérée et de transformation parfois très rapide de systèmes économiques basés jusque récemment sur le secteur primaire vers les secteurs secondaires et tertiaires.

 

Comme nous l’avons souligné et salué précédemment, FIAN Belgium accorde la plus haute importance à travailler en toute transparence et à donner libre accès grâce à son site internet à ses documents internes, rapports d’activités, bilans financiers et comptes de résultats ([8]).

 

En 2003, FIAN Belgium a mis en ligne successivement (janvier, mars et avril) ses rapports d’activités des années 2000, 2001 et 2002.

 

En dépit de difficultés financières qui ont contraint l’ONG de se séparer de sa coordinatrice en mars 2002, FIAN Belgium a déployé une intense activité au cours de ces 3 années. Des missions assurées par des bénévoles regroupés au sein de sections locales et qui ont permis à l’organisation de mener de très nombreuses actions d’interpellation et d’information du public concernant des atteintes aux droits de communautés rurales menacées par des activités minières, des politiques locales d’aménagement etc.

 

On remarque également que l’ONG mène une politique d’action sur le long terme et qu’elle assure le suivi des dossiers qu’elle a ouvert. Il est évident que les bénévoles, le terme de « militants » restitue sans doute mieux la réalité, ont fait preuve d’un engagement de très haut niveau significatif de l’importance qu’ils accordaient à la défense du droit à l’accès à l’alimentation.

 

En 2003, FIAN Belgium déploie toujours une intense activité parfaitement conforme à ses objectifs. Mais cette année annonce déjà un tournant dans la vie de la jeune ONG qui dispose désormais des moyens financiers nécessaires pour renforcer son équipe de permanents. Comme le souligne Marie Teller-Péron (voir infra), la présidente de l’époque de FIAN Belgium. Pour la première fois, un rapport d’activités accessible au public insiste sur l’importance de la professionnalisation progressive de l’ONG, tout en reconnaissant celle des militants. C’est aussi dans ce rapport que FIAN Belgium attire l’attention du lecteur sur l’importance de son travail en réseau avec sa « maison mère » FIAN International :

 

« L’année 2003 aura été marquée pour FIAN-Belgium par l’embauche en février d’une permanente à temps plein: une première dans l’histoire de FIAN en Belgique.

 

Cette année a aussi vu une plus grande ouverture vers la Flandres grâce à l’emploi d’un coordinateur néerlandophone. Nous souhaitons pouvoir rester une organisation unitaire et avons désormais des documents disponibles dans les trois langues nationales.

 

Grâce au travail remarquable des permanents et aux milliers d’heures consacrées à FIAN par des volontaires francophones, germanophones et néerlandophones, FIAN est mieux connu en Belgique. Le site internet remarquablement documenté et régulièrement mis à jour présente les différents aspects du travail au niveau national et international et permet au public de comprendre ce que sous-entend l’expression ‘’droit à se nourrir’’.

 

Notre travail s’inscrit dans le contexte d’une organisation internationale, d’où l’importance de rencontres et d’échanges avec d’autres sections. Nos permanents se sont réunis deux fois cette année avec des représentants des autres sections européennes. Au niveau international, la Conférence Biennale de Manille a aussi permis de partager expériences et inquiétudes et de créer ou renforcer les liens avec les sections des autres continents » ([9]).

 

C’est également à partir de 2003 que FIAN Belgium met en ligne le rapport annuel de FIAN International.

 

En 2004 et en 2005, FIAN Belgium fait l’impasse sur la diffusion vers le grand public de son rapport d’activité mais tout en poursuivant celle du rapport de FIAN International.

 

En 2007, l’organisation remet en ligne son propre rapport d’activité en présentant ses campagnes 2006 sous le label « rapport 2007 ». Si FIAN Belgium est toujours aussi active, il semble qu’elle soit traversée par des tensions nées du manque de moyens financiers nécessaires pour engager l’organisation sur la voie de la professionnalisation annoncée en 2003 :

 

« Pour parvenir à faire entendre l’urgence pressante de garantir le droit à l’alimentation, FIAN doit prendre plus d’ampleur, être plus présent sur la scène publique.

 

Il faut pour cela avoir plus de membres. Mais cela ne suffit pas. Il faut pouvoir embaucher plus de personnes compétentes et motivées. Cela ne sera possible qu’avec des moyens financiers autrement plus conséquents. Un énorme défi pour le futur proche » ([10]).

 

On restera attentif à la terminologie utilisée par la présidente de l’organisation, Marie Telle-Péron, qui pour la première fois met en avant les compétences et la motivation des professionnels et le besoin de moyens financiers importants. Il s’agit peut-être là d’un aveu d’échec et/ou de tensions internes d’un conseil d’administration qui n’aura pas été en mesure de répondre à ce défi et qui laissera d’ailleurs sa place à un nouveau Conseil désigné lors de l’Assemblée générale tenue le 23 avril 2007. Il convient de préciser que seules 3 administrateurs donnèrent leur démission et que Marie Teller-Péron conserva la présidence de l’organisation

 

C’est également un premier signe du désengagement progressif des membres bénévoles, nous reviendrons ultérieurement sur cette question, qui se fera parallèlement au renforcement des moyens financiers de l’organisation et de sa professionnalisation.

 

Le rapport 2008, qui concerne l’exercice 2007 est peu disert quant ’à la question de l’arrivée de financements publics si ce n’est qu’il y est fait mention d’un subside accordé par la région flamande pour soutenir une campagne de conscientisation de l’opinion publique flamande qui concernait les dangers pour les petits agriculteurs de l’implantation de vastes cultures de fleurs (entre autres pays concernés l’Equateur, la Colombie et le Kenya) destinées au marché international.

 

Par contre, et c’est là un point de la plus haute importance, Marie Teller-Péron dénonça dans le rapport 2008 le secteur appelé à devenir une cible centrale des actions de l’ONG à savoir les grandes entreprises agro-industrielles :

 

« En 1974, la Conférence mondiale de l'alimentation adoptait la Déclaration universelle sur l'éradication de la faim et de la malnutrition qui proclamait le « droit inaliénable d'être libéré de la faim et de la malnutrition ».

 

On estimait alors qu’en 10 ans on pourrait en finir avec la faim et l’insécurité alimentaire. Pourtant, 35 ans plus tard, la faim chronique n’a pas diminué. Elle touche aujourd’hui près d’un milliard de personnes. Il est à craindre que ce nombre n’augmente si les petits paysans continuent d’être considérés comme des gêneurs et éjectés des terres qu’ils cultivent pour laisser le champ libre à l’agrobusiness destructeur de biodiversité et d’espoir ou à des mines à ciel ouvert qui ne créent pas de richesses dans les campagnes.

 

En effet, en éliminant les paysans, on extermine des gens capables de générer leur propre emploi et de préserver et renforcer la biodiversité, on extermine des savoirs et des savoir-faire et ni l’économie ni le climat ne s’en portent mieux, bien au contraire.

 

La crise alimentaire a mis en évidence l’urgence de réorienter les politiques agricoles et de favoriser l’agriculture paysanne durable. Les changements climatiques qui s’accentuent soulèvent d’énormes préoccupations pour les droits humains des plus vulnérables et particulièrement pour leur droit à l’alimentation.

 

Les graves problèmes qui se dessinent si la volonté politique de mener des changements en profondeur ne se manifeste pas concrètement très vite vont mériter un engagement encore plus fort de la part de FIAN et de ses membres » ([11]).

 

On doit accorder une attention particulière à cet extrait de la déclaration de politique institutionnelle de Marie Teller-Péron. Il illustre parfaitement les choix de l’organisation qui parie sur la production assurée par de petits agriculteurs familiaux, qui rappelons-le vivent dans des pays qui connaissent une urbanisation rapide et donc un déplacement des populations rurales vers les métropoles et les mégalopoles sud-américaines, africaines et asiatiques.

 

Il est manifeste que cette réalité socio-économique et incontournable n’est absolument pas prise en compte par « FIAN Belgium » comme d’ailleurs par « FIAN International » à l’instar d’une cécité politique commune à la plupart des ONG engagées dans des programmes de développement.

 

La défense « romantique » de petits paysans fait l’impasse sur les besoins alimentaires d’une population locale qui connaît une croissance rapide et qui plus est dans des pays où cette spirale malthusienne se concentre en agglomérations et donc loin des lieux de production.

 

En privilégiant une vision du développement totalement construite autour de petits producteurs familiaux, les ONG et dans le cas qui nous intéresse particulièrement FIAN Belgium, choisissent délibérément un modèle de développement qui oblige les gouvernements à importer des denrées alimentaires de première nécessité pour répondre aux besoins de leurs population urbaine en pleine croissance.

 

L’exemple de l’huile de palme en Afrique de l’ouest est emblématique de ce paradoxe. Des ONG font profession d’y perturber les activités de grands planteurs qui réservent pourtant leur production au marché local sous le prétexte d’y défendre les droits de petits paysans.

 

Le résultat est catastrophique. Le prix de la denrée qui doit être importée sur un marché des devises peu favorable augmente et ce sont les familles africaines urbanisées et indispensables à l’éclosion des secteurs secondaires et tertiaires qui sont les premières victimes d’ONG coupées volontairement ou pas de la réalité.

 

Autrement dit, sous couvert de militer pour le développement et les Droits de l’Homme, les professionnels du développement et des Droits de l’Homme contribuent à fixer des Etats qui doivent impérativement restructurer leur économie dans des situations préjudiciables à la majorité de leurs citoyens.

 

Cette contradiction idéologique entre la réalité de terrain et les choix politiques des ONG est très probablement à l’origine d’une dérive qui comme nous tenterons de la définir conduit des organisations censées interpeller à dénoncer sans accepter la contradiction, même si celle-ci vient des autorités et des populations locales.

 

On peut aussi poser l’hypothèse que la professionnalisation des ONG, au détriment du bénévolat et de l’engagement citoyen, contraint des organisations qui se déclarent si soucieuses de leur indépendance, à se trouver sans cesse de nouveaux combats qui justifient leurs appels aux financements publics.

 

Le rapport d’activités 2009, relatif à l’exercice 2008, introduit une nouveauté importante puisqu’il est le premier à comporter un volet financier accessible au grand public. Une initiative qui comme nous l’avons précisée précédemment mérite d’être saluée parce qu’elle indique la volonté de l’organisation de travailler en toute transparence ([12]).

 

Les pages consacrées au rapport financier de l’organisation sont instructives. Elles permettent de constater que FIAN Belgium dispose désormais de subsides conséquents, en l’occurrence quelques 36.000€ accordés par l’Union Européenne, soit près de 60% des recettes de l’organisation (66.000€).

Autres sources non négligeables de recettes, les dons (9.000€), les bénéfices engrangés lors d’évènements organisés par FIAN Belgium ainsi que les cotisations (3.750€).

 

Le rapport financier démontre également que l’ONG gère en « bon père de famille » ses ressources. Les charges liées directement (traitements et cotisations sociales) et indirectement (secrétariat social et assurances) au personnel sont parfaitement maîtrisées puisqu’elles se limitent à un peu plus de 26.000€, signe évident que l’engagement sur le terrain des bénévoles reste important.

 

On doit également rester attentif aux frais de déplacement qui s’élèvent à 3.500€ pour les déplacements locaux et à 2.500€ pour les déplacements internationaux ([13]). Eu égard au faible investissement consenti par l’ONG pour couvrir les frais de déplacements internationaux des membres du personnel, voire des administrateurs, il paraît évident que FIAN Belgium qui mène campagne dans des dossiers sud-américains, africains et asiatiques n’a pas collecté elle-même l’information sur le terrain en 2008.

 

Le rapport d’activités 2010, publié en mai de la même année et donc de fait consacré à l’exercice 2009, met en exergue les difficultés financières rencontrées cette année par FIAN Belgium qui ne dispose plus de son subside européen et dont les recettes s’effondrent. En dépit de ressources financières de l’ordre de 22.500€, soit une perte de 65% par rapport à l’exercice précédent, l’ONG aura réussi à conserver un volume d’activités remarquable grâce à l’investissement de ses militants.

 

Mais comme l’indique en préambule du rapport d’activité la présidente de l’époque, Diane Mertens, FIAN Belgium n’aura pas renoncé à parier sur la professionnalisation rapide de l’organisation. Une réalité qui se vérifie dans le rapport d’activité 2011. ([14])

 

En mai 2012, FIAN Belgium met en ligne ses rapports moraux et financiers qui indiquent clairement que l’ONG a atteint son objectif, à savoir donner la priorité aux professionnels. Si les cotisations baissent de 50% et que l’organisation ne compte plus que 182 membres ([15]), ses ressources financières ont explosées et l’organisation disposent dès lors d’un produit supérieur à 119.000€ essentiellement fourni par la Commission européenne (près de 44.000€) et les services de la coopération au développement du ministère belge des Affaires étrangères (près de 50.000€). Ce sont donc désormais près de 80% des ressources financières de FIAN Belgium qui sont garantis par 2 pouvoirs publics, l’Europe et la Belgique. ([16])

 

On remarquera aussi que si FIAN Belgium dispose à partir de 2011, pour la première fois de son histoire, de trois permanents, l’ONG ne consent toujours pas à investir dans les frais de déplacement à l’étranger. Ceux-ci per diem compris se sont élevés en 2011 à moins de 1.500€ alors que les charges inhérentes aux déplacements en Belgique et dans les Etats membres de l’Union Européenne ont presque atteint les 7.000€. ([17])

 

A l’évidence, FIAN Belgium a poursuivi en 2011 sa politique institutionnelle concernant la récolte des informations qui lui permet de développer ses campagnes de défense des droits de communautés paysannes en Amérique du Sud, en Afrique et en Asie : déléguer cette mission stratégique à ses partenaires, à commencer par les antennes locales de FIAN International.

 

Si on comprend cette économie d’échelle, charger une antenne locale d’alimenter les sections internationales, dont celle de la Belgique, en informations de terrain, cette méthode de travail n’en reste pas moins discutable.

 

En effet, si cette pratique est habituelle dans le cadre d’études universitaires, dans le cas de programmes de mobilisation citoyenne et d’un lobbying politique revendiqué par FIAN Belgium dans tous ses rapports d’activité, on doit s’attendre à ce que les informations transmises par les antennes locales du réseau FIAN soient biaisées. Une poignée de contestataires honduriens, camerounais ou philippins, pour ne citer que quelques exemples, sont susceptibles de présenter une vision tronquée de la réalité pour assurer la défense de leurs intérêts particuliers.

 

On comprendra aisément, pour citer un exemple, que quelques dizaines de familles d’agriculteurs s’élèvent contre un projet agroindustriel validé par le gouvernement de leur pays parce qu’il met fin à leur pratique ancestrale d’une agriculture de subsistance et cela même si leur terre leur a été acheté à un prix conforme à la réalité du marché local.

 

On comprendra également que cette poignée de paysans tentent de médiatiser leur situation sans tenir compte de l’intérêt collectif (création d’emplois, de voiries, d’infrastructures sanitaires et scolaires, etc.) parce qu’à leurs yeux ces avantages sont secondaires face à la perte réelle et symbolique qu’ils doivent subir.

 

On ne s’étonnera dons pas que ces familles d’agriculteurs fassent l’impasse sur une réalité complexe qui dépasse largement leur propre situation.

 

Mais ce qui est beaucoup moins compréhensible et surtout acceptable serait que des ONG financés par des pouvoirs publics émanant d’Etats démocratiques se contentent d’informations dont on peut raisonnablement remettre en question la fiabilité pour déclencher des campagnes d’interpellation dont les premières victimes pourraient être la majorité des habitants des pays concernés.

 

Le lecteur aura compris que le choix de Fian Belgium d’éviter au maximum les missions internationales de ses permanents et donc de vérifier in situ la qualité et la fiabilité des informations qu’elle utilise pour faire campagne nous interpelle.

 

A ce moment de notre réflexion se pose la question de savoir si l’ONG instruit à charge et à décharge ses dossiers ou si elle se contente de réunir un matériau de qualité suspecte dans le seul objectif de développer des actions plus dictées par des préoccupations idéologiques que par le souci respectable de défendre le droit humain inaliénable d’accès à la nourriture. ([18])

 

L’année 2012 confirma le succès de la démarche de FIAN Belgium en matière de recours aux financements publics. L’Europe intervint pour 34.000€ et les Affaires étrangères belges pour 80.000€ soit au total 114.000€ sur des recettes totales de l’ordre de 160.000€. D’autres aides de l’Etat belge d’environ 16.000€, font qu’en 2012 comme en 2011, les financements publics représentèrent environ 80% des ressources de l’ONG. ([19])

 

L’augmentation de ses revenus aura permis à FIAN Belgium d’augmenter le temps de travail de ses 3 permanents mais force est de constater que les charges inhérentes à leurs missions internationales sont restées congrues avec moins de 5.500€. ([20])

 

A ce sujet, FIAN Belgium met en exergue dans son rapport d’activité la mission qu’elle a organisée en Sierra Leone.

 

La présentation qu’en fait l’ONG mérite d’être reprise in extenso parce qu’elle ouvre une nouvelle piste de recherche qui sera plus amplement développée dans un chapitre ultérieur :

 

« Dans le cadre d’un groupe de travail visant à analyser l’implication des acteurs belges dans l’accaparement des terres, FIAN a été alerté par un cas en Sierra Leone impliquant une entreprise belge. L'entreprise SOCFIN a passé un accord avec le gouvernement en 2011 pour l'acquisition de 6,500 ha de terres pour une plantation d'huile de palme sans que les populations locales aient pu donner leur consentement éclairé.

 

Les communautés locales ont exprimé leur mécontentement par rapport au projet et plusieurs rapports d’ONG nationales et internationales ont dénoncé les incidents violents qui sont survenus entre les forces de sécurité, l’entreprise et les communautés. Afin d’approfondir l’analyse de cette situation, FIAN Belgium a réalisé une mission auprès des communautés affectées en octobre 2012 au nom du groupe de travail sur l’accaparement des terres. Cette mission a confirmé la dégradation des conditions de vie des communautés et le risque d’escalade de la violence dans la zone. Des actions de soutien à la lutte des communautés sont prévues en 2013 ».([21])

 

On trouve dans ce passage quelques exemples tout à fait représentatif du discours classique utilisé par nombre d’ONG engagé dans le secteur du développement : l’épouvantail de l’accaparement de terres alors que celles-ci ont été payées à leurs propriétaires, l’utilisation globalisante de « communautés locales » qui laissent à penser que les dites « communautés » expriment le mécontentement d’une majorité de la population, la justification de la campagne non pas parce qu’elle s’appuie sur des faits avérés mais parce qu’elle émane d’un réseau d’ONG partageant une idéologie commune et le spectre d’une violence annoncée. Précisons d’emblée, avant d’entrer dans le vif du sujet dans un chapitre ultérieur, que dans le cas présent ce fût Socfin qui fût victime de cette violence.

 

Le nombre de membres est resté stable en passant de 182 à 193.[22]

 

En 2013, FIAN Belgium poursuit sur sa lancée et voit ses résultats financiers continuer à progresser. Ses recettes s’élèvent à plus de 181.000€ dont 40.000€ accordés par l’Europe, 84.000€ octroyés par les Affaires étrangères belges, 17.500€ par le Fonds Maribel ([23]) et 11.000€ en provenance de la Loterie Nationale (Belgique). Les financements publics atteignent désormais près de 85% des recettes totales de l’ONG. ([24])

 

Il faut remarquer qu’en dépit de cette hausse remarquable de ses ressources financières, FIAN Belgium ne consacre plus en 2013 que 1.500€ ([25]) à ses missions internationales. Ce qui ne l’empêche pas de poursuivre ses campagnes dont celle qu’elle a initié en octobre 2012 contre Socfin. On le voit le souci de vérifier les informations de terrain n’est manifestement pas une priorité pour FIAN Belgium.

 

On doit également noter le brusque effondrement du nombre des membres qui passe de 193 en 2012 à 128 en 2013. ([26])

 

Le rapport d’activité se borne à constater cette brusque désaffection des bénévoles alors qu’elle est peut-être un signe de rejet d’une nouvelle politique institutionnelle essentiellement axée sur la « course » au financement public et cela au détriment d’une pratique citoyenne qui parie sur l’engagement personnel et le travail de proximité.

 

2014 fût une année de transition pour l’ONG en l’absence de subsides européens mais qui fût partiellement compensée par une hausse significative du soutien financier accordé par différentes services publics (Affaires étrangères et Communauté française) et privé (Fonds Maribel) belges.

 

Ces aides financières ont représenté près de 150.000€ sur les 169.000€ de recettes pour l’exercice 2014.

 

On note également une remontée significative du nombre des membres, 208, un signe encourageant pour l’organisation après la désaffection enregistrée en 2013.

 

Autre élément intéressant, la visibilité du site internet de l’organisation s’améliore et il en est de même pour sa présence sur les réseaux sociaux même si les résultats enregistrés restent modestes avec 649 « amis » sur Facebook, 301 abonnés au compte Twitter et une moyenne mensuelle de 1837 consultations du site internet. ([27])

 

Il est intéressant de constater que FIAN Belgium dispose de moins d’amis et d’abonnés sur les grands réseaux sociaux qu’un adolescent européen ordinaire. Plusieurs explications peuvent être proposées pour expliquer cette étonnante discrétion. Il est possible que l’organisation ne dispose pas des ressources humaines (nombre des permanents et/ou compétences en la matière) pour s’imposer sur les réseaux sociaux. Mais on ne peut pas écarter une explication plus préoccupante pour l’ONG, à savoir que ses campagnes n’intéressent pas le grand public, peu sensible à la problématique du développement et/ou en opposition avec une politique institutionnelle systématiquement défavorable aux grandes opérations agroindustrielles. De plus il est très vraisemblable que les choix politiques de FIAN Belgium paraissent, aux yeux d’une grande majorité de citoyens, totalement déconnectés de la réalité.

 

A cet égard, nous mettrons en exergue une action présentée par FIAN Belgium comme une réussite particulièrement importante de sa saison 2014. ([28])

 

« Au niveau des activités, un des principaux moments forts de 2014 restera sans aucun doute la forte mobilisation autour des journées des luttes paysannes du 17 avril à Haren. Suite à un appel du Réseau de soutien à l’agriculture paysanne (RéSAP), plus de 400 militants se sont rassemblés pour planter des patates sur des terres agricoles, à Haren, sacrifiées pour la construction d’un projet de méga-prison. Une telle mobilisation en soutien des petits producteurs et de l’accès à la terre démontre la détermination citoyenne qui ne cesse de croître ».

 

Pour saisir l’enjeu réel de l’action menée le 17 avril 2014 par FIAN Belgium, il faut comprendre qu’elle s’inscrivait sur fond des premières réflexions qui allaient conduire à l’adoption par la Région de Bruxelles-Capitale, en décembre 2015, de la stratégie « Good Food » qui prône notamment que Bruxelles et sa proche banlieue produisent 30% de ses biens alimentaires à l’horizon 2035. ([29])

 

Pour atteindre cet objectif, la Région de Bruxelles-Capitale prône notamment la multiplication des jardins maraîchers urbains et la protection des terres agricoles régionales. Mais il est évident que « Good Food » n’entend pas contrevenir au développement de l’économie régionale (création de zonings ou de centres commerciaux) pas plus que cette stratégie ne doit pas nuire aux Droits de l’Homme. Le projet de la prison de Haren étant justement une réponse de proximité à l’insalubrité des centres de détention bruxellois dont les conditions de surpopulation et de délabrement contreviennent justement aux droits élémentaires des personnes détenues. De plus, la nouvelle prison doit impérativement être construite à proximité immédiate de la capitale sous peine de priver les détenus d’un contact régulier avec leurs proches.

 

Des droits de l’Homme qui n’intéressent manifestement pas FIAN Belgium soucieux de faire pousser des pommes de terre à Haren, ou comme le proclament régulièrement des activistes peux soucieux de la réalité « Des patates partout, des prisons nulle part ».

 

Mais au-delà de ces remarques, force est de constater que la « mobilisation citoyenne » revendiquée par FIAN Belgium est avant tout préoccupée par les embarras de circulation annoncés par le projet de prison mais qu’elle ne soucie nullement de développer à Haren une zone de production de tubercules. ([30])

 

Comme nous l’avons remarqué précédemment, on ne peut que constater le peu d’intérêt manifesté par FIAN Belgium pour la défense des droits des personnes détenues dans les prisons bruxelloises de Forest et de Saint-Gilles et cela d’autant plus qu’à l’évidence le droit à l’accès à la nourriture des habitants de la capitale de la Belgique n’est à l’évidence évidemment pas menacé.

 

Après le cas de la campagne « Sierra Léone » déjà brièvement présenté (voir supra), celui de la prison de Haren vient confirmer que les campagnes de FIAN Belgium méritent d’être analysées en profondeur tant elles semblent parfois très éloignées des principes et des objectifs revendiqués par l’ONG.

 

On doit s’interroger sur le rapport qu’entretient FIAN Belgium avec l’intérêt collectif mais aussi dans le cas du projet de prison à Haren avec celui d’un public, les personnes détenues et leurs familles, déjà très sérieusement précarisé.

 

Nous conclurons cette présentation historique de l’ONG en indiquant que 2015 fût l’année du retour des subsides européens (80.000€) et de la stabilisation des aides financières octroyés par la Belgique. Avec 247.000€ de recettes dont 230.000€ de subsides publics, FIAN Belgium dispose désormais d’une manne financière importante et largement suffisante pour poursuivre son programme d’action. Celui-ci sera analysé ultérieurement en étudiant des campagnes pérennes qui mobilisent l’organisation depuis plusieurs années.

 

 5. Aide au développement ou néocolonialisme de « gauche » ?

 

On doit s’interroger sur la pertinence des programmes de développement menés par des ONG qui, rappelons-le, ne sont contrôlées par personne tout en bénéficiant très largement de financements publics.

 

Dans le cas de FIAN Belgium dont les activités et l’existence même dépendent totalement des subsides accordés par la Belgique et par l’Europe, il convient de s’intéresser à la pertinence de campagnes de mobilisation de l’opinion publique et de lobbying qui s’inscrivent peut-être en opposition avec les politiques de coopération européenne et belge et plus préoccupant encore qui sont peut-être contradictoire avec l’intérêt collectif des populations de certains pays dans lesquels intervient l’organisation.

 

Depuis une bonne trentaine d’années, depuis qu’on a renoncé à parler de pays du « tiers-monde » en y substituant les concepts de pays en voie de développement et de pays émergent, les institutions financières internationales (Banque Mondiale et FMI), les centres de recherches et les grands acteurs financiers (banques et fonds d’investissement) ont revu « leur copie » et ils ont développé une approche plus respectueuse de ces pays. Plus respectueuse parce dégagée des séquelles d’une ère postcoloniale pendant laquelle les Etats en voie de développement et les décisions adoptées par leurs gouvernement respectifs n’étaient pas suffisamment pris en compte.

 

Cela dit sans faire preuve de naïveté et en sachant que les grands acteurs financiers privés cherchent avant tout à augmenter les profits de leurs opérations dans les pays en voie de développement.

 

Mais cet objectif de lucre, du moins si on veut bien l’analyser avec l’objectivité et la rationalité nécessaires, est la plupart du temps tout à fait compatible avec les intérêts des pays en voie de développement.

 

En effet, ces Etats et parmi eux ceux qu’on qualifie de pays émergents cherchent à attirer les investisseurs étrangers, à commencer par les grandes compagnies industrielles internationales, des partenaires incontournables pour contribuer à la hausse des recettes, à l’amélioration du marché de l’emploi et à la transformation progressive de la structure économique en favorisant l’apparition d’un secteur industriel et à terme d’un secteur tertiaire urbain.

 

Cette transformation des structures économiques est d’ailleurs jugée indispensable par la Banque Mondiale qui n’a de cesse de l’encourager et son développement permettra également de répondre aux mutations sociétales qui à l’instar de ce qu’ont connu les pays développés il y a un siècle se caractérisent notamment par un rapide déplacement des populations rurales vers les grands centres urbains.

 

Les premiers pays en développement à profiter de l’arrivée de capitaux étrangers sont les désormais fameux « pays émergent ». Il faut souligner que la définition du concept d’émergence reste relativement mal définie et que les listes des pays dits émergents est variable selon la nature de l’auteur de la liste. Celle qui est diffusée par le FMI pouvant par exemple présenter des différences non négligeables avec celle qui sera composée par une banque d’affaire, exception faite des incontournables comme le Brésil, l’Inde, la Russie, etc.

 

Rapidement défini, un pays émergent connaît une forte croissance, est faiblement endetté, dispose d’une administration efficace et offre des atouts intéressants (bas salaire, stabilité politique, volonté d’ouverture sur les marchés internationaux, etc.) aux investisseurs et aux industriels étrangers.

 

Cela dit, des pays en développement, qui ne sont pas (encore) considéré comme des pays émergent peuvent présenter les mêmes qualités. On peut illustrer cette situation en prenant les cas du Ghana. Cet Etat d’Afrique occidentale a remarquablement bien traversé la crise de 2008 et des années suivantes et sa stabilité politique reste un modèle pour les pays de la région. De plus, le Ghana entend améliorer son intégration au marché mondial.

 

Comme on peut le constater, même si la nuance entre développement et émergence est parfois délicate à caractériser, certaines qualités restent indispensables pour envisager le développement à court ou moyen terme d’un état : la stabilité de sa croissance économique ou au moins la possession de ressources naturelles et/ou humaines lui permettant de rattraper un ralentissement conjoncturel de cette croissance, la stabilité politique et la volonté politique d’ouverture sur l’international.

 

Certes, le statut de pays émergent et les efforts entrepris par certains pays pour y accéder ne suffisent pas pour garantir leur développement. Pour atteindre cet objectif ambitieux et indispensable au bien-être des populations concernés, il convient également que la partage de la richesse s’améliore, que les salaires augmentent que les prestations sociales progressent. Autrement dit, il est nécessaire que des efforts soient réalisés par les pays concernés pour favoriser l’émergence progressive mais réelle d’une classe moyenne, une condition souvent indispensable à la consolidation de la démocratie et à la stabilité politique.

 

Mais même si, comme nous venons de le préciser, les efforts réalisés par les pays en développement pour favoriser l’arrivée d’investisseurs et d’acteurs industriels internationaux ne sont pas suffisants pour garantir le développement du pays, son décollage économique et son accession à un régime démocratique stabilisé, il n’en reste pas moins que ces efforts sont une condition indispensable même si insuffisante pour y arriver.

 

De plus, et c’est là une question loin d’être négligeable dans une économie mondialisée, eu égard au poids économique acquis par les pays en développement, il n’est plus possible pour les pays riches et leurs grands acteurs financiers et industriels de renoncer à y investir sous peine de compromettre l’avenir des économies des pays les plus favorisés.

 

En effet, les pays en développement, toutes catégories confondues, représentent aujourd’hui 50% du PIB en parité de pouvoir d’achat, 45% du commerce mondial et 40% du PIB mondial en valeur. ([31])

 

Si le monde de la finance et les grandes compagnies industrielles se sont manifestement rapidement adaptés aux changements rapides intervenus depuis une trentaine d’années dans les pays en développement, on peut s’interroger sur la réalité des changements d’attitudes de certaines ONG. Nombre d’entre elles paraissant figées sur une position politique qui, certes, convenait au lendemain de la seconde Guerre mondiale et dans les 2 décennies qui suivirent alors que la décolonisation était loin d’être accomplie mais qui aujourd’hui peut s’avérer préjudiciable aux populations des pays dans lesquelles elles opèrent.

 

En privilégiant systématiquement, du moins pour certaines d’entre elles, les intérêts particuliers de micro communautés, les ONG s’opposent de fait aux efforts consentis par nombre de gouvernements de pays en développement ou déjà émergent pour favoriser les investissements étrangers et répondre aux besoins de leurs populations.

 

Quand une ONG fait campagne contre un barrage hydroélectrique en Amazonie brésilienne sous prétexte de protéger les terres ancestrales d’une tribu indigène forte de quelques centaines ou milliers d’amérindiens, elle s’oppose au développement d’un pays de 200 millions d’individus, elle contribue à le maintenir dans un état de dépendance à l’égard de ses importations en énergies fossiles et elle refuse d’admettre le choix d’un gouvernement pourtant issu d’élections parfaitement démocratiques.

 

Lorsque des ONG qui opèrent en réseau en Afrique centrale ou occidentale s’opposent à une compagnie agroindustrielle engagées dans la culture à grande échelle du palmier à huile, elles contreviennent au développement local du marché de l’emploi, à la création de voiries utilisables y compris lors de la saison des pluies tropicales, à l’installation d’infrastructures scolaires et sanitaires et elles maintiennent les pays concernés dans une situation de dépendance en les contraignant d’importer cette denrée alimentaire de première nécessité. Des importations réalisées en devises étrangères et donc nuisibles à la balance commerciale du pays acheteur.

 

De même, en luttant contre l’exploitation industrielle d’une mine d’or au Burkina Faso, les organisations non gouvernementales s’opposent directement à l’exploitation rationnelle de la seule richesse naturelle du pays. Peut-on imaginer que des ONG se soient opposées dans les années 50 et 60 du siècle précédent à l’exploitation du charbon par la Belgique. A l’évidence, non ! Personne n’aurait admis, en dépit du défi sanitaire posé par les charbonnages, que des organisations financées par l’Etat tentent de bloquer un secteur économique indispensable au décollage de l’économie belge très durement impactée par l’occupation nazie.

 

On doit dès lors se poser la question du bien-fondé des opérations de certaines ONG qui contreviennent parfois, comme nous le démontrerons dans le cas de FIAN Belgium aux intérêts de pays en développement.

Autre question, et peut-être plus importante encore, du moins si on accorde à l’éthique politique l’importance qui lui revient surtout quand on agit en étant financé par de l’ « argent démocratique » (Union Européenne et Belgique), qu’est ce qui conduit une organisation qui fait profession de défendre le développement et les Droits de l’Homme, le droit à l’alimentation dans le cas qui nous intéresse, à faire campagne au mépris de l’intérêt collectif, des aspirations au développement des pays les moins favorisés économiquement et du droit à l’alimentation des populations urbaines en croissance continue ?

 

Car ne l’oublions pas, en s’opposant par exemple aux grandes plantations d’huile de palme, c’est le droit du plus grand nombre à accéder à une ressource alimentaire vitale qui est remis en question.

Comme nous le verrons dans les pages suivantes, force est de constater que tout indique que certaines campagnes organisées par FIAN Belgium seule ou en réseau avec d’autres ONG paraissent avant tout être motivées par une « haine idéologique » dirigée contre de grands acteurs internationaux et cela sans le moindre souci pour l’intérêt collectif des populations des pays ciblés.

 

De plus, ces programmes d’action dénient, de fait, le droit pourtant inaliénable des peuples à décider de leur destin. Quand le gouvernement d’un Etat indépendant, car n’en déplaise aux ONG l’époque du colonialisme et des grands empires est heureusement achevée, parie sur le développement de son secteur minier,  sur les énergies renouvelables ou sur la rationalisation de son économie agraire, on ne voit pas pour quelles raisons des permanents belges, qui plus est totalement dépendants de subsides publics, s’opposent à la politique de développement voulue par des Etats qui contrairement aux ONG concernées souhaitent s’émanciper des aides publics internationales. Une volonté qui ne sera réalisée que grâce au décollage des économies des pays en développement et donc en favorisant les investissements privés étrangers.

 

Dans les cas que nous exposerons ultérieurement, qui ont été choisis parce présenté par FIAN Belgium comme exemplatifs de ses projets internationaux, tout se déroule comme si le temps s’était arrêté à l’ère coloniale.

 

L’ONG n’accorde aucune importance aux décisions prises par les autorités des pays concernés, ignorant de la sorte leur légitimité.

 

Elle ne tient pas plus compte de l’intérêt collectif préférant de toute évidence engager ses ressources dans la défense de micro collectivités.

 

De même, FIAN Belgium analyse les situations et prend parti sans juger nécessaire de s’intéresser aux positions adoptées par les grands acteurs industriels qu’elle combat, dans une tactique du « tout à charge et rien à décharge ».

 

Enfin, l’organisation adopte systématiquement une position opposée à tout effort de développement des économies locales en privilégiant la défense de petits agriculteurs familiaux et en combattant toutes les initiatives industrielles qui sont pourtant susceptibles de contribuer à l’essor des économies nationales des pays concernés.

 

On ne peut s’empêcher de s’interroger sur la nature profonde de cette défense radicale « de la houe et de la charrette à bras » et sur cette opposition tout aussi radicale à la rationalisation de la production et à l’irruption des nouvelles techniques et technologies avec, en définitive, comme objectif principal, même si celui-ci n’est pas consciemment pensé, d’assurer l’avenir financier d’une ONG totalement dépendante des financements publics. Et cela même si c’est au prix de l’avenir de populations objectivement victimes de ces campagnes d’interpellation.

 

Assistons-nous depuis le début des années 80 à l’émergence d’un phénomène politique tout aussi paradoxal que préjudiciable à l’avenir des sociétés en développement ?

 

Alors que les grands groupes industriels internationaux ont adopté un modèle de gouvernance qui tient les autorités des pays dans lesquels ils opèrent comme des interlocuteurs incontournables, certaines ONG pourraient privilégier une attitude de négation systématique des politiques adoptées par ces autorités publiques et cela même dans le cas où les Etats concernés ont incontestablement opté pour la démocratie parlementaire (Brésil, Ghana, Inde, etc.). ([32])

 

Dans ce cas, on assisterait, comme si la marche de l’histoire s’était arrêtée et que ces ONG avaient raté la période de la décolonisation à l’émergence d’un néo colonialisme de « gauche » qui comme le colonialisme classique ferait fi de l’indépendance des pays dans lequel il est actif. Une cécité politique dangereuse s’il elle devait contrevenir sérieusement aux efforts de développement de ces pays. Une cécité inacceptable, qui plus est, parce que souvent financé par les deniers publics de pays riches ayant définitivement tourné cette page honteuse de leur histoire.

 

 6. Etude de cas

Pour examiner la validité de l’analyse que nous avons présentée au chapitre suivant, il est utile d’étudier quelques cas de campagnes de mobilisation organisées par FIAN Belgium.

 

Ces campagnes ont été choisies en fonction de plusieurs critères destinées à restituer le mieux possible les choix politiques et institutionnels de l’ONG.

 

Nous avons donc étudié des campagnes menées par l’organisation dans des pays différents afin de tenir compte des disparités politiques existant dans les régions où intervient FIAN Belgium.

 

Nous avons également tenu compte d’un critère de durée, autrement dit nous avons sélectionné des actions suffisamment pérennes pour être significatives des engagements de FIAN Belgium.

 

Enfin, nous avons choisi de nous intéresser à des campagnes de mobilisation situées au carrefour de la défense du droit à l’alimentation, l’objectif central de l’ONG, et des Droits de l’Homme compris dans une acceptation plus large du terme. Ce choix a été dicté pour éviter de minorer l’importance des programmes d’action de FIAN Belgium et partant, pour en proposer l’éclairage le plus objectif possible.

 

6.1. Les communautés Guarani – Kaiowas (GK) du Brésil

 

Les communautés amérindiennes GK représentent aujourd’hui entre 45 et 50 mille individus, selon les sources. FIAN Belgium estimait leur population à 46 mille personnes en 2015.

 

Le territoire ancestral des GK est situé dans le sud de l’Etat brésilien du Mato Grosso do Sul, à proximité de la frontière du Paraguay.

 

Comme FIAN Belgium l’indique très justement dans son rapport d’activité 2014, les communautés GK ont été victimes dès le début du 20ème siècle d’une politique de démembrement et de spoliation de leurs terres menée par le gouvernement brésilien au profit des grands éleveurs et planteurs. ([33])

 

Selon l’ONG, les communautés GK auraient perdu 90% de leurs territoires tribaux depuis 1920. FIAN Belgium ne donne pas ses sources concernant cette affirmation mais elle nous paraît néanmoins crédible eu égard au développement des cultures extensives dans la région. ([34])

 

Aujourd’hui, le Mato Grosso do Sul (plus particulièrement le sud de l’Etat) est la zone la plus productive du Brésil et il est très largement exploité par de grandes compagnies brésiliennes et étrangères actives dans le secteur des agro-industries. Les terres ancestrales des GK sont essentiellement utilisées pour produire de la canne à sucre utilisée pour la production d’agro carburant.

 

Les heurts se multiplient ces dernières années entre les communautés GK et les exploitants de plantation et les amérindiens sont régulièrement victimes de violences perpétrées par des hommes de main recrutés par certains planteurs. Ces violences pouvant aller jusqu’à l’assassinat d’activistes GK.

 

Fin 2007, FIAN Belgium s’empare du dossier qu’elle gardera actif jusqu’aujourd’hui.

 

Une première déclaration publiée dans le rapport d’activité 2008 lance une campagne de longue haleine :

 

« L’un des axes de la campagne Face it-Act now touche aux violations des droits humains engendrées par les monocultures d’agrocarburants et à la lutte menée par les indiens Guarani-Kaiowá du Brésil pour garder leur territoire et maintenir leur droit à se nourrir.

 

En effet, l’extension des plantations de canne à sucre destinées à la production d’agrocarburants menace de balayer ces indiens qui ont déjà perdu 90% de leur territoire depuis 1920.Pourtant, la Constitution brésilienne de 1988 reconnaît le droit des communautés indiennes de récupérer leurs terres ancestrales. L’article 213 est clair: Sont « reconnus aux Indiens (…) leurs droits originels sur les terres qu'ils occupent traditionnellement, et il appartient à l'Union de délimiter les terres indiennes, de protéger et de faire respecter tous leurs biens. »

 

Suite à un envoi massif de lettres au gouvernement brésilien demandant que soit garanti le droit à l'alimentation de la communauté Guarani-Kaiowá fin 2007, une lueur d’espoir pour que les Guaranis Kaiowa puissent un jour retourner sur leurs terres s’est concrétisée en 2008: le Ministère Public a exigé une Trajectoire d'ajustement de conduite (TAC) afin que la FUNAI (agence en charge des indiens) délimite 36 territoires ancestraux endéans l'année. Ce travail technique de démarcation est un premier pas fondamental pour entamer une discussion politique sur la manière de garantir aux indiens leur droit et leur accès à la terre.

 

Début avril, FIAN Belgium a participé à une mission dans le sud du Mato Grosso do Sul avec une journaliste belge et un cameraman afin de pouvoir donner plus de visibilité à ce cas. La mission a rencontré plusieurs experts brésiliens et s’est rendue dans trois communautés indiennes. A leur retour, plusieurs articles sont parus dans des magazines et un documentaire filmé par la journaliste An Baccaert a été présenté lors de nombreux débats, conférences et animations ».([35])

 

En 2015, la campagne en faveur des communautés GK était toujours en cours et selon FIAN Belgium les revendications des amérindiens commençaient à se faire entendre sur la scène internationale même si les avancées de ce dossier restent très modestes :

 

« La résistance du peuple Guarani Kaiowá commence à se faire entendre dans les instances internationales. Fin septembre 2015, Eliseu Lopes, leader guarani kaiowá, et Flávio Machado du CIMI ont participé à Genève à la session sur les Droits des peuples indigènes et rendu visite aux ambassades européennes pour les informer de la situation des Guarani Kaiowá et de la décision de leur grande assemblée Aty Guasu de récupérer systématiquement des terres.

 

La Rapporteure spéciale sur les Droits des peuples indigènes, Victoria Tauli-Corpuz, a exhorté le gouvernement du Brésil “à garantir que les DH des Guarani et Kaiowá soient pleinement respectés en stricte conformité avec les normes internationales qui protègent les Droits des peuples indigènes.”

 

Puis à Bruxelles, Eliseu et Flávio ont rencontré l’ambassadrice du Brésil ainsi que des parlementaires européens à qui ils ont demandé de présenter une résolution sur les Droits des Guarani Kaiowá. Le 20 octobre, Eliseu Lopes s’est exprimé à l’OEA (Organisation des Etats Américains) à Washington pour dénoncer les violences contre son peuple et la non démarcation de leurs terres et demander à l’OEA d’intervenir auprès du gouvernement brésilien : « Nous ne demandons pas d’argent, nous voulons notre terre car pour nous c’est la vie ». ([36])

 

Nous invitons le lecteur à se référer aux rapports d’activité 2008, 2009, 2010, 2011, 2012, 2013, 2014, 2015, tous en ligne sur le site internet de l’organisation pour suivre le déroulement de la campagne. Celle-ci est restée depuis son démarrage fin 2007 parfaitement conforme aux objectifs et aux méthodes d’intervention décrite dans le texte d’introduction publié dans le rapport d’activité 2008 (voir supra).

 

En dépit du gain de visibilité que semble avoir acquis les communautés GK sur la scène internationale, elles n’ont toujours pas récupéré leurs droits sur leurs terres ancestrales et il est d’ailleurs peu probable qu’elles y arrivent.

 

A cet égard, on doit se demander quel est le sens de la campagne de soutien organisée par FIAN Belgium.

 

Si on comprend le désarroi des communautés GK, on doit également tenir compte de la réalité du Brésil en ce début de 21ème siècle sous peine d’entretenir une espérance chimérique pour les communautés amérindiennes et de les priver de la sorte de tout objectif concret et réalisable.

 

Le Brésil contemporain, en dépit du ralentissement notable ces dernières années de sa croissance économique et des disparités sociales toujours importantes, est un modèle d’économie émergente.

 

Depuis la chute de la dictature militaire et la restauration de la démocratie parlementaire au milieu des années 80, le Brésil a fait preuve d’un dynamisme économique remarquable qui en a fait la seconde puissance des Amériques et a stabilisé ses institutions démocratiques et l’Etat de droit.

 

Qui plus est, le pays est devenu un acteur essentiel des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) qui sont aujourd’hui des acteurs centraux de l’économie mondiale.

 

Le Brésil d’aujourd’hui n’a que peu à voir avec celui du début du 20ème siècle et à l’évidence Brasilia ne renoncera pas aux grands secteurs d’activité industriels qui contribuent à la fois à assurer sa place sur les marchés internationaux et à garantir son indépendance énergétique. Une politique qui contrarierait ces objectifs économiques vitaux menacerait l’essor du pays, sa capacité à répondre aux besoins d’une population qui connaît un fort taux de croissance et à terme la survie même de la jeune démocratie.

 

Pour bien comprendre l’enjeu pour le Brésil de l’extension de ses cultures de cannes à sucre, il convient de se référer à des études scientifiques et pas à des campagnes de mobilisation qui choisissent la subjectivité idéologique au mépris de l’objectivité de la recherche académique.

 

Dans le souci de respecter le calendrier de FIAN Belgium qui rappelons-le déclenchât sa campagne en 2007, nous avons documenté la question en nous basant sur un article consacré à ce sujet et publié en 2009 par la géographe Martine Drouers, directrice de recherche au CNRS. ([37])

 

Martine Drouers s’est attachée à analyser les enjeux de la filière brésilienne des agro carburants  (canne à sucre et soja) en précisant d’emblée que celle-ci : « représente un double défi agricole et industriel de transformer la biomasse en énergie et, pour le Brésil si on se limite plus spécifiquement aux agro-carburants, de transformer la canne à sucre en éthanol et le soja en biodiesel. Malgré le consensus qui se dégage dans les médias et la communauté scientifique pour souligner combien les biocarburants qui diminuent les gaz à effet de serre, sont une solution pour un mode de transport écologiquement correct, une forte pression internationale s’élève contre les agro-carburants au motif qu’ils mobiliseraient trop de terres agricoles et provoqueraient un choc alimentaire. Le Brésil avec son immense disponibilité de terres échappe à cette critique… » ([38]).

 

De plus, la filière des agro-carburants et plus particulièrement celle du bioéthanol produit à partir de la canne à sucre offre également, toujours selon la géographe du CNRS, une opportunité très intéressante pour le marché de l’emploi du Brésil et pour l’économie du pays : « La filière sucre-alcool fait de plus en plus souvent la une des journaux, son extraordinaire expansion qui concerne, en 2006, 72000 producteurs de canne à sucre, offre 700 000 emplois directs et plus de 3 millions d’emplois indirects. Les enjeux sociaux, en terme d’emplois sont donc très importants, les enjeux économiques ne le sont pas moins avec un chiffre d’affaires qui s’élève à 41 milliards de reais et représente 3,6 % du PIB brésilien (à peine inférieur à celui du café) et des ventes extérieures qui s’élèvent à 5,6 milliards de dollars pour l’État de São Paulo » ([39]).

 

Autres avantages offerts par la filière brésilienne des agro-carburants, elle contribue au renforcement du secteur industriel du pays grâce à l’implantation d’usine de transformation de la ressource ainsi qu’à la présence du Brésil sur les marchés internationaux : « L’adoption de techniques plus performantes, de nouveaux procédés moins gaspilleurs, de regroupements changent la donne alors même que coexistent le moderne et l’archaïque. Des fusions-acquisitions d’usines-distilleries s’opèrent et des alliances stratégiques se nouent pour garantir l’accès au marché mondial ». ([40])

 

Sans nier que le Brésil est toujours affecté par des relations de travail parfois archaïques, Martine Drouers remarque que les améliorations constantes des conditions de travail, dues notamment à la vigilance des autorités brésiliennes, permet d’envisager l’apparition progressive d’une « écologie sociale » qui ferait de la filière de la canne à sucre un secteur agricole et industriel profitable à toutes les parties : « À la flexibilité industrielle s’ajoute celle du travail dans les plantations de canne. Activité saisonnière, la coupe, travail éprouvant, fait largement appel à des travailleurs journaliers qui se déplacent d’une zone de production à l’autre. Le nombre des coupeurs de canne qui migrent vers l’État de São Paulo à l’époque de la récolte est estimé à 100 000, ces fameux « boias frias » (gamelles froides) qui mangent dans les champs et travaillent 10 à 12h par jour. La plupart d’entre eux vient du Nordeste. Malgré d’incontestables progrès des conditions de travail dans la canne à sucre, avec la quasi disparition du travail infantile, la baisse du travail non déclaré, de réels augmentations de salaires, des possibilités de meilleure scolarité pour les enfants des journaliers, les atteintes au droit du travail sont encore très nombreuses, les tribunaux régionaux du travail relèvent des milliers d’infractions et infligent des amendes. Mais pour les travailleurs qui viennent des zones périphériques, l’aubaine d’un emploi trois fois mieux rémunéré que dans leur région d’origine, reste attractive, malgré le caractère saisonnier de l’activité. La presse locale et militante continue à dénoncer les conditions peu claires de recrutement, la précarité des transports, l’insalubrité des logements collectifs et la pression pour obtenir toujours plus de rendements. Un travailleur considéré comme efficient coupe 12 tonnes par jour, c’est déjà deux tonnes de plus qu’il y a 20 ans et reçoit 2,5 reais par tonne, ce qui fait un revenu à peine supérieur au SMIC. La mécanisation devrait à terme éliminer ces conditions de travail difficiles, en attendant, elle laisse encore la possibilité à quelques dizaines de milliers de jeunes, sans qualification, d’avoir un petit salaire ». ([41])

 

De l’aveu même de FIAN Belgium, les communautés amérindiennes GK ont été dépossédées de l’essentiel de leurs terres ancestrales depuis près d’un siècle. On n’imagine mal qu’aujourd’hui le gouvernement brésilien accepte de porter atteinte à une filière agroindustrielle de première importance parce qu’elle contribue directement à créer des centaines de milliers d’emplois peu qualifiés et indispensables notamment pour les populations précarisées du nord-est du pays, parce qu’elle contribue à l’indépendance énergétique et parce qu’elle soutient la place du Brésil sur les marchés internationaux.

 

Si on comprend que les amérindiens n’ont pas réussi à faire le deuil de leurs terres ancestrales perdues, on reste interpellé par la position de FIAN Belgium qui entretien les espoirs chimériques de ces communautés alors qu’une véritable politique de développement aurait conduit l’ONG à s’engager dans une campagne de mobilisation tenant compte des réalités et des besoins de la jeune démocratie brésilienne tout en défendant les intérêts des GK.

 

Si FIAN Belgium n’avait pas été aveuglé par une idéologie passéiste qui l’amène à dénier les choix économiques du Brésil, à refuser l’exploitation pertinente de ses ressources et à ignorer la réalité d’un pays dont les transformations rapides sont autant de conditions indispensables au bien-être de la population et à la pérennisation de ses institutions démocratiques, elle aurait aidé les communautés GK à formuler des exigences acceptables par leurs interlocuteurs publics et privés.

 

On pense dans ce cas à l’accès privilégié à l’emploi dans le secteur de la canne à sucre, à la création de centres de formation professionnelle permettant d’obtenir progressivement des emplois qualifiés et donc de meilleurs salaires et au développement des voiries, des infrastructures sanitaires et scolaires. Autant de demandes qui auraient facilement été acceptées et qui auraient rapidement permis le développement et l’autonomie des populations amérindiennes.

 

Mais FIAN Belgium a préféré s’engager dans une campagne de mobilisation qui, en définitive, n’a donné aucun résultat concret depuis 2007 et qui contribue à maintenir les communautés GK dans un état de dépendance absolue envers l’aide caritative.

 

Un échec flagrant d’une prétendue campagne d’aide au développement et de lutte contre la faim dont les seules victimes sont les 45 ou 50 mille amérindiens abandonnés à leur sort dans une région en plein développement.

 

6.2. L’industrie minière au Ghana

 

La république du Ghana fait figure d’exception en Afrique occidentale. Premier pays d’Afrique à avoir accédé à l’indépendance en 1957 [42], le Ghana jouit également d’une remarquable stabilité politique et est incontestablement devenu un modèle de démocratie depuis l’élection présidentielle de décembre 2008.

 

Mais la transition démocratique remonte à la restauration en 1992 du multipartisme et à la tenue d’une élection présidentielle régulière qui fût emportée par Jerry Rawlings, l’auteur d’un coup d’Etat en 1981

 

Le pays se démarque également de ses voisins en raison du fort développement de ses secteurs secondaire et tertiaire.

 

Les sociétés de services représentent 50% du PIB et le secteur industriel quelques 25%. Cette exception africaine est en grande partie due au développement des industries extractives qui ont très largement contribué au développement du marché de l’emploi et à la présence du Ghana sur les marchés internationaux. Cette ouverture de l’économie ghanéenne ayant été soutenue par une politique volontariste destinée à faciliter le commerce international et les investissements étrangers.

 

L’agriculture qui pèse également 25% du PIB est essentiellement aux mains de petits exploitants familiaux. Le secteur agricole se partage entre agriculture vivrière et production de fèves de cacao destinées aux marchés internationaux et source non négligeable de devises étrangères.

 

On notera également que de récentes découvertes de gisements pétrolifères annoncent le développement de la filière des hydrocarbures même si son décollage a été ralenti par l’effondrement des cours du pétrole en 2015. La production de pétrole off-shore a débuté en décembre 2010. Une date importante et à retenir pour analyser la campagne « Ghana » menée par FIAN Belgium.

 

En 2007, FIAN Belgium déclenche une action contre le secteur minier ghanéen :

 

« Dans le cadre de la campagne Face-it-Act now, FIAN Belgium a aussi mis en évidence les violations des droits de l'Homme dans les communautés affectées par les activités minières au Ghana.

 

En effet, la majeure partie des agriculteurs vivant dans la région de la concession minière Iduapriem, dans le district de West Wassa, ont perdu leurs terres qui ont été accaparées par la mine. Les activités minières, grandes consommatrices d’eau, ont aussi entraîné la disparition des ruisseaux et la pollution des eaux.

 

Depuis 2003, malgré des promesses inscrites dans plusieurs plans d’action, la compagnie et les autres acteurs impliqués dans le projet– notamment l’Agence de Protection de l’Environnement (EPA) et la Banque Mondiale – n’ont pas protégé le droit à l’alimentation et à l’eau des habitants ». ([43])

 

En 2008, FIAN Belgium persiste et poursuit sa campagne de mobilisation contre l’industrie minière ghanéenne :

 

« A Akyem, le projet d’exploitation de la mine à ciel ouvert entraînera la destruction d’un quart de la forêt qui fait partie de la réserve et le déplacement de plus de 1500 personnes, la plupart de petits cultivateurs. De plus, le stockage des déchets miniers dans la région risque de contaminer les rivières et les cours d’eau qui prennent leur source dans la réserve forestière en raison de la présence de cyanure et de métaux lourds.

 

L’ouverture de la réserve forestière aux compagnies d’exploitation minière menace la sécurité alimentaire et les efforts de conservation de la nature tant au niveau local que national et elle compromet aussi les efforts internationaux pour la réalisation du droit humain à se nourrir, l’éradication de la pauvreté et la protection des habitats naturels.

 

Adisakromest l’une des communautés qui entourent la mine d’or d’Iduapriem gérée par la compagnie sud-africaine Angogold Ashanti dans la municipalité de Tarkwa-Nsuaem (région occidentale du Ghana). C’est dans cette région que l’on trouve l’une des plus fortes concentrations de mines de tout le continent africain. Les communautés souffrent de la pollution de l’eau causée par des substances chimiques utilisées par la mine.

 

L’inaction de l’Etat ghanéen à Adisakrom est en totale contradiction avec la législation nationale. Les autorités publiques responsables ont failli à leur obligation d’enquêter sérieusement sur la problématique de l’eau dans la zone minière. Elles ont aussi failli à leur devoir de protéger les citoyens contre l’impact qu’ont les activités minières sur leur droit à l’eau. » ([44])

 

A partir de 2009, FIAN Belgium semble se désintéresser du cas du Ghana et met fin sans aucun préavis à sa campagne, laissant le lecteur de ses rapports d’activité dans l’expectative la plus totale concernant les éventuels résultats de son action et les raisons qui ont incité l’ONG à s’opposer à l’extraction minière au Ghana pendant 2 années.

 

Il faut remarquer qu’en une année, de 2007 à 2008, FIAN Belgium change son angle d’attaque. Il n’est plus question de violations des Droits de l’Homme, pas plus que d’assèchement des cours d’eaux. De plus, dans le cas de la mine d’Akyem, il n’est plus question de pollution mais de risque de pollution.

 

Comme on le voit, avant de s’éteindre en toute discrétion, la campagne « Ghana » de l’ONG perd rapidement en agressivité, signe évident que les fameuses violations des Droits de l’Homme rapportées dans le rapport d’activité 2008 étaient de graves accusations portées sans le moindre souci d’éthique contre la jeune démocratie ghanéenne.

 

De plus, ces accusations scandaleuses parce qu’infondées (preuve s’il en est FIAN Belgium les a rapidement abandonnées), font irruption sur la scène politique internationale alors même que le Ghana prépare l’élection présidentielle de 2008 dont les qualités démocratiques seront unanimement saluées par la communauté internationale.

 

Il faut également constater que FIAN Belgium s’attaque au secteur minier qui est, comme nous l’avons déjà souligné, au cœur de la transformation de la structure de l’économie ghanéenne, du développement de son marché de l’emploi et de sa présence sur les marchés internationaux.

 

Preuve s’il en est, la Banque Mondiale a injecté 9,37 millions de dollars de 1996 à 2001 pour mener une recherche destinée à l’amélioration de ce secteur d’activité jugé essentiel pour l’avenir de l’économie ghanéenne et donc pour sa stabilité politique. ([45])

Nous précisons que la Banque Mondiale, en butte aux attaques régulières de FIAN Belgium soutient effectivement l’émergence et le développement des secteurs secondaire et tertiaire dans l’objectif de favoriser l’émergence des pays en développement mais pas au prix d’un désastre écologique.

 

Ce souci environnemental est pris en compte dans le dossier « Ghana » de l’instance international, ce que FIAN Belgium feint d’ignorer :

 

« Le personnel des différentes agences sectorielles a reçu une formation et une introduction aux aspects environnementaux de l’exploitation minière.

 

  • Le reboisement a été effectué dans chacune des trois zones pilotes avec la participation et le concours des communautés. Dans un des sites, des cultures vivrières ont été plantées entre les plants d'arbres – une initiative destinée à accroître la viabilité écologique.

 

  • Avec la délimitation des zones appropriées pour l’exploitation minière, le danger de la dégradation accrue des terres due aux défrichages sauvages a été réduit. L'introduction de techniques améliorées de traitement a également contribué à élever la prise de conscience sur la protection de l’environnement et a sensibilisé le secteur sur les traitements écologiquement bénins.

 

  • Un programme Communautés vertes a été lancé par la Commission aux Mines avec l'appui de la Banque et l'Agence de Protection de l’Environnement des Etats-Unis et en partenariat avec la Chambre des Mines. Le programme comportait la fourniture d'eau, de services d'assainissement et la promotion de moyens de subsistance alternatifs destinés à (a) améliorer les conditions socioéconomiques des communautés; (b) réduire la pression sur les concessions minières due à l'empiétement et les activités minières artisanales ». ([46])

 

On rappellera que FIAN Belgium a mené sa campagne anti ghanéenne avant la découverte du gisement pétrolier offshore et donc dans une période pendant laquelle l’industrie minière était indispensable aux ambitions d’émergence du Ghana et à la stabilisation de sa démocratie confirmée par l’élection présidentielle de 2008.

 

Nous ne prétendons pas que FIAN Belgium a délibérément mené campagne contre la transition démocratique et l’essor de l’économie ghanéenne mais, et c’est tout aussi préoccupant, qu’à l’instar de ses actions en faveur des communautés GK au Brésil, l’ONG a fait ici aussi la démonstration de sa cécité idéologique.

 

Prisonnière d’une idéologie rétrograde et paranoïaque, FIAN Belgium s’est montré incapable de comprendre que l’avenir du Ghana passe par la transformation inévitable de sa structure économique. L’ONG s’est montrée tout aussi fermée à l’opportunité que représentait le soutien offert par la Banque mondiale, suspectée à priori et sans le moindre élément de preuve de contribution à la destruction de la petite agriculture vivrière ghanéenne.

 

En octobre 2015, les 15 Etats membres de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) se sont réunis à Accra à l’occasion de leur premier forum international consacré à l’exploitation des mines et du pétrole dans la région.

Le Ghana y a été présenté comme : « une étoile montante en Afrique  et un brillant exemple de meilleures pratiques dans l’industrie minière et la gestion du pétrole en Afrique de l’Ouest”. ([47])

 

La qualité de la démocratie ghanéenne y a aussi été saluée, signe évident de la prise de conscience par les Etats de l’Afrique de l’ouest du lien étroit entre le développement économique et la stabilisation des institutions démocratiques.

 

Un enjeu sociétal capital pour l’avenir des 28 millions de ghanéens qui aura totalement échappé à FIAN Belgium.

 

 

6.3. Les communautés de Malen en Sierra Leone

 

Le 18 janvier 2002, la Sierra Leone célébra la fin d’une guerre civile longue de 11 ans et qui fit sans doute 200 mille morts et plus de 2 millions de déplacés sur une population totale d’un peu plus de 6 millions de personnes. Le pays est sorti exsangue de ce conflit dont l’enjeu central fût le contrôle des gisements de diamants. Les groupes qui s’affrontaient pour le contrôle de cette ressource ont massivement recruté des enfants soldats devenus aujourd’hui des adultes fragilisés par la violence de l’expérience.

Les infrastructures publiques ont été complètement détruites et le pays est aujourd’hui engagé dans une difficile reconstruction.

En 2007, Ernest Koroma fût élu pour un premier mandat présidentiel de 5 ans renouvelé en 2012. La tâche qui attend l’équipe gouvernementale dans ce pays d’Afrique occidentale parmi les plus pauvres de la planète est immense.

 

La Sierra Leone manque d’infrastructures sanitaires et scolaires, de nombreuses régions sont privées de voiries dignes de ce nom et les investisseurs étrangers sont peu nombreux à tenter l’aventure dans un pays qui reste particulièrement fragile.

 

C’est dans ce contexte périlleux que le planteur Socfin arrive en Sierra Leone pour y développer un nouveau projet de palmiers à huile. Une denrée alimentaire vitale pour le pays. De plus, Socfin s’engage aussi à aménager dans la province de Malen, où il développe ses nouvelles plantations, des infrastructures sanitaires et des voiries de qualité qui doivent contribuer au développement et au désenclavement de la région.

 

Mais l’arrivée de Socfin déclenche une violente attaque d’un réseau international d’ONG parmi lesquelles le Oakland Institute, Green Scenery , ReAct et FIAN Belgium. Ces ONG dénoncent l’accaparement de terres de petits paysans locaux et le manque de négociation avec les chefferies locales.

 

En 2012, FIAN Belgium passe à l’offensive en publiant dans son rapport d’activité un texte qui annonce sa participation à la campagne lancée contre les activités sierra-léonaises du groupe Socfin :

 

« Dans le cadre d’un groupe de travail visant à analyser l’implication des acteurs belges dans l’accaparement des terres, FIAN a été alerté par un cas en Sierra Leone impliquant une entreprise belge. L'entreprise SOCFIN a passé un accord avec le gouvernement en 2011 pour l'acquisition de 6,500 ha de terres pour une plantation d'huile de palme sans que les populations locales aient pu donner leur consentement éclairé.

 

Les communautés locales ont exprimé leur mécontentement par rapport au projet et

plusieurs rapports d’ONG nationales et internationales ont dénoncé les incidents violents qui sont survenus entre les forces de sécurité, l’entreprise et les communautés.

 

Afin d’approfondir l’analyse de cette situation, FIAN Belgium a réalisé une mission auprès des communautés affectées en octobre 2012 au nom du groupe de travail sur l’accaparement des terres. Cette mission a confirmé la dégradation des conditions de vie des communautés et le risque d’escalade de la violence dans la zone. Des actions de soutien à la lutte des communautés sont prévues en 2013 ». ([48])

 

En 2013, FIAN Belgium a poursuivi sa campagne contre Socfin :

 

« Dans la région de Malen, au Sud de la Sierra Leone, plus de 10.000 paysans sont affectés par un projet agro-industriel de plantation de palmiers à huile. Le projet a été conclu par la société belgo-luxembourgeoise SOCFIN, en partenariat avec le gouvernement Sierra Léonais et les autorités locales.

 

Les communautés locales s’opposent au projet depuis le début des opérations, en mars 2011. Plusieurs manifestations ont été organisées et ont été durement réprimées par les autorités locales. Fin 2013 plusieurs leaders paysans, regroupés au sein de l’association MALOA, ont été emprisonnés, ce qui démontre une criminalisation contre la lutte des communautés ». ([49])

 

En 2015, FIAN Belgium prétextant l’agrandissement de la superficie des plantations de palmiers à huile de Socfin a décidé d’organiser début 2016 une nouvelle mission dans la région de Malen. Nous ne sommes pas encore informés des conclusions auxquelles est arrivée l’ONG au terme de sa nouvelle action sur le terrain.

 

Force est de constater que ce qui est reproché à Socfin c’est de respecter les institutions légales d’un pays qui tente de se reconstruire après avoir été dévasté par une épouvantable guerre civile.

 

Comme le reconnaît explicitement FIAN Belgium, Socfin a négocié son implantation en Sierra Léone avec le gouvernement central ainsi qu’avec les autorités régionales.

 

De plus, contrairement aux accusations portées par FIAN Belgium, le groupe agroindustriel a aussi négocié avec les chefferies locales.

 

A cet égard on citera l’agence de presse sierra léonaise Sierra Express Media qui a mené une série d’entretiens téléphoniques avec des habitants de la chefferie de Sahn-Malen, dans le district de Pujehun. La population décrit Socfin comme un « bienfait de Dieu » et la remercie d’assumer ses responsabilités sociales et financières. Selon ces témoignages, la chefferie avait jusqu’alors été abandonnée par le gouvernement et les ONG. L’agence de presse confirme que les infrastructures médicales, éducatives et routières se sont améliorées grâce à l’exploitation de palmeraies dans la région. ([50])

 

Des propos confirmés par le site Awoko le 20 février 2014.

 

L’article met en lumière la rapidité du développement du projet de Socfin ainsi que sa productivité. La qualité des techniques mises en œuvre ainsi que le respect des normes environnementales sont aussi présentés avec un souci de précision et d’objectivité qu’il faut saluer.

 

L’auteur, Samuel John met aussi en évidence les investissements consentis par SOCFIN au profit des populations locales que ce soit dans l’appui au développement du réseau scolaire, dans l’amélioration du dispositif médical, dans la création de nouvelles voiries qui désenclavent la région ou encore par la création directe de 300 nouveaux emplois.

La déclaration de Shegbeh Robert Moiguah, le porte-parole des habitants de la chefferie est on ne peut plus éloquente : “Mon opinion concernant SOCFIN Agriculture Company est excellente. Depuis la fin de la guerre, il n’y avait eu aucun progrès dans la chefferie mais l’arrivée de la société ouvre de belles perspectives“. ([51])

 

Le dimanche 1er juin 2014, le site internet du Sierra Express Media a mis en ligne un nouvel article qui éclaire le lecteur sur le rôle sociétal joué par Socfin Agricultural Company (SAC) dans la chefferie de Sahn-Mahlen.

 

L’article donne la parole à Victor Brima Kebbie qui y explique ce que le remarquable développement de sa chefferie ces dernières années doit à Socfin : « Nous devons reconnaître que la présence de la SAC est une bénédiction pour la population ».

 

Tout aussi éloquent concernant la réalité de cette chefferie de la province de Pujehun, les déclarations de son porte-parole, RS Moiguah, concernant les ingérences à répétition de l’ONG Green Scenery. Celle-ci est fermement condamnée par les autorités locales pour ses activités de désinformation concernant la SAC ainsi que pour ses opérations nuisibles à la paix sociale dans la région.

 

Comme l’explique RS Moiguah, les campagnes calomnieuses menées par Green Scenery n’avaient d’autres objectifs que d’assurer ses propres financements. La technique de la dénonciation calomnieuse censée favoriser la collecte des dons étant un classique, selon lui, des activistes environnementalistes. ([52])

 

On notera aussi les déclarations de la chambre sierra-léonaise pour le développement de l’agrobusiness qui a mis en valeur l’intérêt pour le pays des opérations des industriels étrangers dont Socfin : “Executive Secretary of SLeCAD, Ahmed Nanoh said the country needs large investment opportunities to boost its economy. He said Socfin and Addax are two companies that are readily driving in that direction should they start full operations.  He said his organization's recent engagements with these companies confirmed that their objectives and missions are to create jobs and wealth for Sierra Leoneans. He said the companies are also gearing towards boosting the country's food security and infrastructural development“. ([53])

Ajoutons que les investissements sierra-léonais de Socfin se poursuivent et qu’en avril 2016, la président Ernest Koroma a inauguré en personne une raffinerie d’huile de palme créée par la compagnie pour un coût de 130 millions de dollars. Un investissement très important qui jouera en faveur de l’indépendance alimentaire du pays et qui contribuera également à l’essor du marché de l’emploi local. ([54])

Il convient aussi de préciser, vérifications faites, que contrairement aux propos des ONG liguées contre Socfin, c’est bien celle-ci qui a régulièrement été victimes d’actes de violence perpétrés par une poignée d’activistes.

 

En décembre 2013, des ONG dénonçaient l’utilisation d’armes à feu par des forces de police qui s’opposaient à une manifestation anti Socfin. Et bien entendu c’est le grand planteur qui était accusé de porter l’entière responsabilité du déclenchement de la violence.

Si on se réfère à l’agence de presse Reuters, considérée internationalement comme un modèle de journalisme objectif, on constate qu’elle donne la priorité à la version du chef de la police qui explique que ses forces ont tenté de faire usage de gaz lacrymogène mais ont été confrontée à des assaillants armés et particulièrement vindicatifs, ce qui les a contraintes à faire usage de ses armes.

L’article de Reuters met aussi l’incident en perspective en rappelant la tragédie de la guerre civile et l’intérêt pour l’économie sierra léonaise de voir s’installer de grands acteurs économiques internationaux comme, entre autres, ceux de l’huile de palme. ([55])

Notons aussi que sous le titre “SOCFIN boosts President Koroma’s Agenda for Change and Prosperity“, le site électronique “COCORIOKOa mis en ligne une analyse qui conteste totalement les accusations des ONG.

 

L’article met en perspective l’implantation de SOCFIN comme un élément important de la politique de développement mise en place par le gouvernement sierra-léonais. L’accent est mis sur les investissements importants consentis par SOCFIN et sur l’ambition du projet. De plus, l’auteur de l’article, Lans Fofana, met en exergue les qualités sociétales du projet et l’engagement de SOCFIN au profit des habitants : réparation des routes dégradés, riziculture ou encore qualité des relations avec la population.

 

Les incidents de décembre sont présentés comme les conséquences directes des agissements d’activistes mal intentionnés ainsi que de membres de l’opposition

 

Mais le plus important est sans doute, estime l’auteur de l’article, que le projet développé par SOCFIN devrait couvrir les besoins de la Sierra Léone en matière d’huile de palme alors que le pays dépense actuellement 150 millions de dollars par an pour importer une huile indispensable à la population. ([56])

 

Il faut ajouter, selon une information diffusée le 18 décembre à 9h du matin par Radio France International qu’un représentant local de la croix rouge international a confirmé que la police a tiré en l’air et donc pas en direction des manifestants. A priori, les éventuels blessés sont accidentels et relèvent de la confusion générale. ([57])

 

Si on se fie, comme nous le faisons à Reuters, à RFI et à la croix rouge international, il est évident, comme nous l’avons indiqué précédemment que Socfin fût la victime des actes de violence, présentés comme légitimes par des ONG pour le moins irresponsables.

De plus, force est de constater que contrairement à ce que prétend FIAN Belgium, les communautés locales se félicitent de l’arrivée du planteur et des effets positifs immédiats de ses investissements pour la population locale.

Ajoutons que la « criminalisation » supposée des opposants à Socfin relève aussi de la désinformation la plus complète. Les activistes brièvement détenus dont parle FIAN Belgium ne l’ont pas été pour délit d’opinion mais bien pour avoir tenté de détruire des plants de palmiers à huile.

On rappellera que les activistes qui détruisent des cultures transgéniques en Europe, au lieu de s’y opposer par voie de justice, subissent le même sort.

 

En Sierra-Leone, à l’instar des campagnes menées au Brésil et au Ghana, FIAN Belgium s’oppose sans le moins du monde justifier sa position, aux décisions prises en toute légalité par un gouvernement souverain et une administration publique engagée dans un programme de développement.

 

Mais de plus, dans le cas de la Sierra Leone, l’ONG porte atteinte aux droits les plus élémentaires d’une population survivante d’une guerre civile et qui vit dans un des pays les plus pauvres de la planète.

 

Ce qu’apporte Socfin aux populations locales c’est le droit de travailler, de disposer d’écoles pour les enfants, de dispensaires pour se soigner et de routes pour circuler librement. Ce que la compagnie apporte au pays, c’est l’accès à une denrée alimentaire de première nécessité : l’huile de palme. La campagne de FIAN Belgium est en totale contradiction avec ces Droits de l’Homme.

 

FIAN Belgium affirme lutter pour le droit à l’alimentation. Manifestement, en Sierra-Leone, l’ONG s’y oppose.

 

 7. Conclusion

 

Comme nous l’indiquions en introduction, les ONG prétendent surveiller les actions des gouvernements et les pousser à agir selon les Droits de l’Homme.

 

Une magnifique profession de foi, mais qui malheureusement est trop souvent trahie par certaines organisations aveuglées par une idéologie marquée du sceau d’un gauchisme aussi suranné que dangereux.

 

Engagées dans la course aux financements publics et souvent coupées des réalités et des préoccupations d’une très grande majorité des populations des pays dans lesquelles elles interviennent, ces ONG néocolonialistes ont de fait renoncé à leurs idéaux.

 

Les campagnes « Brésil », « Ghana » et « Sierra Leone » de FIAN Belgium sont des modèles de cette dangereuse dérive.

 

FIAN Belgium y dénigre les décisions et les engagements des gouvernements, les intérêts de la très grande majorité de la population sont totalement laissés pour compte et l’ONG se contente d’instruire à charge sans prendre la peine de s’intéresser aux positions de ses adversaires.

 

Pire encore, les premières victimes de ces campagnes sont souvent de petites communautés locales soutenues dans des combats sans espoir mais qui permettent à FIAN Belgium de présenter des rapports d’activités à des bailleurs de fond publics sans doute trop peu soucieux d’en vérifier l’exactitude et surtout d’analyser la pertinence de programmes d’action qu’ils financent généreusement.

 

En abandonnant à des partenaires privés atteint de cécité idéologique de larges parts de leur politique de coopération au développement, nos Etats commettent une lourde erreur préjudiciable à la création d’un avenir meilleur pour les populations des pays en développement.

 

Si les Droits de l’Homme méritent et doivent être défendus sans compromission ni faiblesse alors il est impératif que certaines ONG, et FIAN Belgium est du nombre, repensent leur politique institutionnelle et privilégient des actions compatibles avec les transformations de sociétés pour lesquelles ces changements garantiront leur avenir, voir dans le cas de la Sierra Leone, leur survie.

 

Dans le cas contraire, on peut espérer que les pouvoirs publics qui les soutiennent reverront cette attitude et les renverront à leurs fondamentaux, à commencer par leur « fameuse » indépendance.

 

 

FIN.

 

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[1] http://www.humanrights.com/fr/voices-for-human-rights/human-rights-organizations/non-governmental.html

[2] http://www.acodev.be/les-ong-de-developpement/quest-ce-quune-ong

[3] Nous ne remettons pas en question le courage et l’engagement des militants associatifs qui opèrent dans des pays qui ne garantissent pas la protection des droits les plus élémentaires de leurs citoyens. A cet égard, nous recommandons au lecteur de prendre connaissance de la campagne déclenchée le 12 avril 2016 par Amnesty International qui dénonce la campagne de répression menée par les autorités égyptiennes contre les ONG locales. Voir à ce propos : http://www.amnesty.be/je-veux-agir/agir-en-ligne/signer-en-ligne/article/les-ong-victimes-d-une-repression-sans-precedent

[4] https://www.uclouvain.be/cps/ucl/doc/dvlp/documents/DT_25_Bouchra.pdf

[5] Ibid., voir page 4

[6] Ibid., voir page 12

[7] Ibid., voir page 22

[8] On ne peut que conseiller au lecteur de se rendre sur le site de l’ONG pour accéder à ces précieuses informations : http://www.fian.be/-Rapports-d-activites-?lang=fr&debut_choixarticles=20#pagination_choixarticles

[10] Voir page 1 du rapport 2007 (qui pour rappel concerne les activités menées en 2006) : http://www.fian.be/IMG/pdf/rapport_fian_2007.doc.pdf

[12] Voir pages 27, 28, 29, 30 du rapport d’activité 2009 : http://www.fian.be/IMG/pdf/fian_belgium_rapport_d_activites_2009cllast.pdf

[13] Nous avons volontairement arrondi les montants pour éviter une lecture trop fastidieuse mais les précisions à l’euro cent près sont disponibles dans les pages du rapport financier. Cette remarque vaut pour l’ensemble de notre rapport de recherche

[14] Nous ne disposons pas des rapports (activités et financiers) relatifs à l’exercice 2010. Ils ne sont pas en ligne sur le site de l’ONG, signe probable des difficultés rencontrées pendant ce court intermède.

[17] Ibid

[18] La question « idéologique » sera développée au chapitre suivant

[20] Ibid., voir page  20

[21] Ibid., voir page 9

[22] Ibid., voir page 6

[23] Le Fonds Maribel est un fonds paritaire du secteur non-marchand francophone belge

[24] Voir rapport d’activité 2013, page 21 : http://www.fian.be/IMG/pdf/rapport_fian_2013.pdf

[25] Ibid., voir page22

[26] Ibid., voir page 5

[28] Ibid., voir page 5

[29] Le document complet de ce programme est disponible en ligne à l’adresse électronique suivante :

http://document.environnement.brussels/opac_css/elecfile/Strat_GoodFood_FR

[30] Le projet « Haren » est largement suivi par les médias belges. Le lecteur pourra se faire une idée plus précise des enjeux en se référant notamment au grand quotidien francophone « Le Soir » : http://www.lesoir.be/1227702/article/actualite/regions/bruxelles/2016-06-02/prison-haren-peine-modifiee

[31] Nous conseillons au lecteur intéressé par cette question de ses référer à l’article très complet et accompagne d’une importante bibliographie publié en 2014 par Dalila Nicet-Chenaf : http://www.laviedesidees.fr/Les-pays-emergents-performance-ou.html

[32] Pour rappel et comme nous l’avons précisé précédemment cette remarque ne concerne par les ONG strictement engagées dans la défense des Droits de l’homme et qui à l’Instar d’Amnesty International exercent leur devoir d’interpellation y compris dans les pays les plus riches de la planète.

[34] Rapport d’activité 2008, voir page 3 : http://www.fian.be/IMG/pdf/rapport_2008-final.pdf

[35] Ibid., voir page 3

[36] Rapport d’activité 2015, voir page 7 : http://www.fian.be/IMG/pdf/rapport.pdf

[37] L’article complet, accompagné d’une importante bibliographie est disponible en ligne sur le site internet de référence« CAIRN » : https://www.cairn.info/revue-l-information-geographique-2009-1-page-82.htm

[38] Ibid., voir page 1

[39] Ibid., voir page 8

[40] Ibid., voir page 7

[41] Ibid., voir page 28

[42] Exception faite du Soudan qui proclama son indépendance en 1956 mais qui fût immédiatement confronté à une guerre civile qui opposa le nord au sud pendant près de 20 ans. Dans ces conditions, il est difficile d’envisager la date officielle de l’indépendance soudanaise comme étant réellement celle de la création du Soudan moderne.

[43] Voir rapport d’activité 2008, pages 3 et 4 : http://www.fian.be/IMG/pdf/rapport_2008-final.pdf

[45] Nous invitons le lecteur intéressé à consulter le rapport de mission disponible sur le site internet de la Banque Mondiale : http://www-wds.worldbank.org/external/default/WDSContentServer/WDSP/IB/2015/09/18/090224b0828a7f43/1_0/Rendered/PDF/Ghana000exploi0ere0et0developpement.pdf

[46] Ibid., voir page 2

[47] Le texte complet est disponible en ligne à l’adresse électronique suivante : http://fr.ecomof.com/overview/ghana-mining-petroleum/

[49] Rapport d’activité 2013, voir page 8 : http://www.fian.be/IMG/pdf/rapport_fian_2013.pdf


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