Bosnie-Herzegovine : le nouveau gouvernement au pied du mur



 

 

La fumée blanche est donc apparue le 28 décembre 2011 à Sarajevo : un accord était enfin trouvé entre les deux entités et surtout les principaux partis bosniens  en vue de la constitution d’un gouvernement central. Quatorze mois pour en arriver là ! La classe politique de Bosnie-Herzégovine (BH) a quand même réussi à éviter de battre le triste « record » de la Belgique !

 

Il a toutefois fallu  attendre encore près d’un mois et demi pour que la composition du gouvernement soit arrêtée ! Cette lenteur n’est que le reflet des atermoiements permanents et désespérants d’un milieu où se mêlent préservation des intérêts personnels d’une « certaine élite » issue de la crise des années 1991-95, persistance d’un nationalisme latent qui, la plupart du temps (sauf en RS) ne dit pas son nom et goût prononcé pour l’assistanat, par la Communauté internationale, qui frise parfois l’acharnement thérapeutique. Il faut dire que cette assistance convient parfaitement aux politiciens et « hommes d’affaires » locaux – ce sont souvent les mêmes.

 

Qu’il semble loin, ce « printemps balkanique » que certains jeunes observateurs pensaient voir succéder aux divers mouvements revendicatifs que 2011 a connus[1], sans s’apercevoir que les Balkans ne sont pas le Maghreb…. Le printemps arrive, certes, mais au rythme bosnien habituel : celui des modifications homéopathiques qui, surtout, ne doivent pas léser les intérêts des personnalités en place et répondre à une répartition sur des quotas ethniques (pardon, il est incorrect de prononcer ce mot ; bien lire : « des  quotas respectant les critères identitaires issus des accords de Dayton/Paris »).

 

On peut donc raisonnablement s’interroger sur la portée de ce « résultat majeur ». Présenté comme une avancée, l’arrivée d’un nouveau gouvernement central sera-t-il le sésame pour un rapprochement conséquent avec l’UE ? Entraînera-t-il un essor économique pour la Bosnie-Herzégovine, au moment où l’Europe vit une crise grave dans ce secteur ? Fera-t-il disparaître la corruption, le clientélisme, le travail au noir, le chômage que personne n’a combattu réellement depuis seize ans ? Il faudrait être naïf pour le croire. Comme il faut bien se raccrocher à quelque chose, ce sont toutefois des hypothèses que certains avancent. Mais cela tient plus de la méthode Coué que d’une vision claire des faits : rien, ou presque, n’a changé depuis les accords qui ont mis fin au récent conflit (de moins en moins récent d’ailleurs).  

A la mi-novembre 2011, le Haut Représentant et Représentant spécial de l’UE (HR-RSUE), Valentin Inzko, qui venait d’être prolongé à son poste, présentait un rapport sévère (un de plus), stigmatisant l’attitude de l’ensemble de la classe politique bosnienne, entièrement responsable, selon lui, du blocage des institutions. La Republika Srpska (RS), comme d’habitude, était citée comme étant l’un des acteurs majeurs de ce blocage[2], mais les autorités fédérales étaient tout autant visées pour leur obstruction. Le rapport du HR-RSUE plaçait surtout au même niveau de responsabilité les six principaux partis politiques. Si la présence des formations « nationalistes » (SDS et SNSD serbes, HDZ BiH et HDZ 1990 croates[3] et SDA bosniaque) dans ce réquisitoire n’était pas une surprise, y voir le SDP, réputé « multi-ethnique » était plus étonnant. Mais en y regardant de plus près et avec quelques années de pratique du dit parti, on peut affirmer que ce n’était que justice car, si le bien-fondé d’un tel parti est incontestable et louable en BH, on est en droit de s’interroger, depuis 1996, sur son utilité réelle, si ce n’est au profit de l’ambition de certains hommes politiques. 

 

Quelques jours plus tard, une nouvelle réunion des six grands partis donnait raison à Monsieur Inzko et aucun accord n’en résultait, les deux formations croates, soutenus …par les représentants serbes, restant arcboutés sur la candidature de Mme Bojana Krišto pour le poste de Premier Ministre. La répartition des postes par parti  politique posait encore des problèmes insolubles. Signe que rien n’avait changé sur le fond, Sulejman Tihic (SDA) s’était trouvé réduit à proposer, pour sortir de l’impasse, un compromis avec comme base de calcul…le recensement de 1991, provoquant aussitôt l’ire de Milorad Dodik, propulsé défenseur des Accords de paix ! Ainsi, on en arrivait à évoquer la perspective de nouvelles élections en octobre 2012 ! Dans le même temps, l’exaspération de la population se faisait clairement jour. Car dans toute cette longue parenthèse politique[4], la population, blasée ou fataliste dans sa très grande majorité, suivait ces négociations d’un autre temps mi- amusée, mi- irritée. Cette irritation se traduisait par certaines affiches placardées à Sarajevo, qui faisaient directement allusion à une certaine forme de collusion ou de connivence entre les partis, dans le cadre du partage des pouvoirs, donc des ressources financières[5].

 

Quand, le 4 janvier 2012, Vjekoslav Bevanda, un économiste confirmé de Mostar appartenant au HDZ-BiH sera désigné, ce sera sans grand retentissement local. Homme d’expérience[6], il est considéré comme très compétent et a recueilli assez facilement l’adhésion des partis serbes, même si et ce n’est pas bien original, certains évoquent, à son sujet, des « affaires ». Momir Dejanović, directeur du Centre des Sciences Politiques de Doboj, affirme ainsi qu’il aurait permis plus de deux milliards de KM (environ un milliard d’euros) d’évasion fiscale quand il était Ministre des Finances de la Fédération.

Enfin, le 10 février, le parlement bosnien a voté sa confiance au gouvernement désigné. Seize mois pour parvenir à ce résultat ! Et pour quelle perspective ? Ainsi que le précisait un représentant de l’International Crisis Group (ICG), « beaucoup » reste à faire[7]. Aucune manifestation de satisfaction n’a été toutefois notée au sein de la population, qui regardait cette farce avec apathie et résignation car rien, ou presque, n’a changé pour elle et ce n’est pas le retard pris qui va  améliorer son ordinaire. L’opinion couramment répandue dans la capitale est que cette perte de temps n’avait pour objectif que de satisfaire des ambitions personnelles (M.Lagumdžija est particulièrement visé) ou celles des partis nationalistes (croates en particulier). Elle a également servi les visées du SNSD serbe qui, de ce fait, a un peu plus fait constater, sans pour autant le dire, que l’état central était une illusion. Les chantiers ouverts, pour certains, depuis 1996, sont effectivement très nombreux et, pour certains, au point mort. On peut en dresser  un inventaire à la Prévert, sans les ratons laveurs du poète, toutefois !

L’État unifié

Quel état unifié ? La baguette magique de Dayton est en panne et seule la communauté internationale cherche à se persuader que la solution inventée à l’issue du conflit intérieur est une réussite. La meilleure preuve vient d’en être fournie pendant cette longue période d’incertitude politique. Il est clairement apparu que la question de la répartition des rôles était la plus importante (surtout pour les grands acteurs et formations politiques, qui cherchaient essentiellement à asseoir leur prééminence) et que le vide politique central ne gênait finalement personne, ni en Fédération croato-bosniaque[8], ni en RS.

Il est patent que l’intérêt des deux entités est de conserver le réel pouvoir à leur niveau. Mais, parce que la communauté internationale l’a décidé (et qu’il est important de lui donner des gages de bonne volonté), il est de bon ton de faire fonctionner une structure centrale dont, au fond, personne ne veut, en limitant au maximum ses prérogatives. Rien n’a donc changé sur le fond et, comme en 1996, on continue de parler de « ministres » dans les deux entités, voire dans les cantons de la Fédération. Or, la seule persistance de l’appellation est significative d’une volonté de maintenir en l’état les structures, d’autant que le titre est évidemment assorti des émoluments et avantages liés à la fonction. Une rétrogradation au rang de « Directeur » ou « Chef de département », termes qui conviendraient mieux au niveau des structures locales, se traduirait par une diminution du train de vie et du prestige des actuels titulaires.

Au fait : quelle est l’appellation officielle associée à «Bosnie-Herzégovine » : République fédérative, République fédérale, Confédération ? Pour l’heure, on parle de « l’État » de BH ou, plus souvent, de « République de Bosnie-Herzégovine ». Ce terme est éminemment trompeur, car il implique une unité nationale et il n’y a qu’au niveau international qu’il représente une certaine communauté d’intérêts. Encore faut-il parfois que les instances internationales tapent du poing sur la table pour le faire respecter, même dans des contextes mineurs pour des observateurs extérieurs, mais caractéristiques des particularismes locaux[9].

Et, alors que tant de choses restent encore à faire pour tenter de renforcer l’état de droit, une question cruciale pourrait à nouveau mettre le feu aux poudres : la problématique posée par le district de Brčko. Dans un article en date du 15 décembre 2011, le Courrier des Balkans attirait fort justement l’attention sur ce point très important des Accords de Dayton, pour lequel le PIC (Peace Implementation Council) venait de proposer la fin de la tutelle internationale. Longtemps pomme de discorde entre les deux entités durant le conflit, Brčko, verrou du corridor de Posavina, véritable cordon ombilical de la RS vers la Serbie pourrait bien voir la plupart des instances internationales quitter son territoire. Sous l’autorité d’un superviseur et d’un Tribunal d’arbitrage particulier, le district jouit, en fait, d’une complète autonomie administrative qui lui a permis, au fil des ans, de bâtir une économie solide et de nouer d’assez bonnes relations entre les différentes communautés. Mais, comme souvent, cette prospérité a attisé les convoitises et les hommes politiques locaux sont à présent taxés de corruption et de malversations. L’ICG, devant cet état de fait, a constaté l’impossibilité pour la communauté internationale d’améliorer la situation et a donc suggéré l’éventualité d’arrêter la supervision de Brčko, tout en maintenant le Tribunal d’arbitrage et en garantissant l’autonomie du district. Une décision devrait intervenir lors de la prochaine réunion du PIC, en avril. Inutile de préciser que cette annonce a provoqué une levée de boucliers quasi-unanime, ce qui démontre que cette problématique est toujours aussi sensible. Bonnes relations ou pas, Brčko reste un casus belli. Rien de nouveau là non plus, ce qui laisse penser que les avancées constatées étaient artificielles et fondées sur les intérêts personnels locaux.

Les particularismes croates et serbes

Une des principales caractéristiques directement issues du conflit n’a toujours pas disparu : Serbes comme Croates de BH bénéficient toujours de relations privilégiées avec l’entité ethnique d’appartenance. Ces liens dépassent largement la notion d’appartenance à un état bosnien et, en dépit de quelques signes positifs, sont toujours bien réels.

En RS, en dépit de minorités allogènes, dont la réimplantation après les déplacements du conflit n’est pas vraiment simple, être serbe est toujours gage d’appartenance à la Nation serbe, c'est-à-dire que les relations avec la Serbie voisine demeurent essentielles. Le président Tadić, en dépit de ses efforts pour gagner la confiance de la Communauté internationale et pour promouvoir l’image de la nouvelle Serbie, sait très bien qu’il ne lui serait pas pardonné de « lâcher » les Serbes de Bosnie. La perte des Krajinas en 1995 et l’exode de centaines de milliers de personnes devant l’avance croate de l’offensive « Oluja » avait pu être minimisée par M. Milosević, qui avait même exploité cette arrivée de réfugiés pour tenter de les implanter au Kosovo, afin de contrer l’omniprésence kosovare. Il serait en revanche inconcevable, à Belgrade, que les Serbes de Banja Luka deviennent des citoyens bosniens sans autre perspective que de devenir minoritaires dans un état unique. Il est donc nécessaire pour Belgrade, nolens volens, de soutenir M. Dodik et son gouvernement.

La présence du Président serbe[10] a ainsi encore été remarquée lors des célébrations du vingtième anniversaire de l’État serbe de Bosnie, le 9 janvier 2012. Et même s’il a tenu, dans un véritable numéro d’équilibrisme,  à rappeler qu’il apportait un soutien indéfectible à la RS…tout en se défendant de vouloir attenter à l’intégrité de la BH, sa présence a revêtu une importance majeure pour M. Dodik. Il est évident que le président serbe, en parlant de respect de l’intégrité de l’État bosnien, prêchait également pour lui-même à propos du Kosovo[11]. Fort de cet appui, mais aussi du soutien appuyé de la Russie (M. Dodik a été décoré par l’ambassadeur russe au nom du Président Medvedev), mais aussi… du HDZ de BH, qui avait envoyé une délégation remarquée, le Président de RS a pu ainsi faire une déclaration solennelle[12] qui, raisonnablement, aurait dû mettre en émoi la communauté internationale. Mais, à part quelques commentaires de principe et quelques invectives médiatiques bosniaques, rien n’est venu. 

Ce soutien apporté par les Croates de BH à M. Dodik, constaté depuis quelque temps déjà et réitéré à diverses reprises (le leader serbe a su, depuis, « renvoyer l’ascenseur en soutenant les prétentions croates dans le cadre de la formation du gouvernement central) n’est certes, pas désintéressé. Le spectre de la troisième entité plane toujours, près de vingt ans après la création de l’éphémère « Herzeg Bosna », entité autoproclamée des Croates de BH. Forts d’un appui jusqu’ici sans faille de Zagreb, les Croates de BH, en particulier les deux HDZ nationalistes, tout en jouant en apparence le jeu voulu par les Accords de Dayton (« Fédération » et Pouvoir central[13]) n’ont pas renoncé à une éventuelle reconnaissance d’une entité propre. Toutefois, ces prétentions ont, semble-t-il, de moins en moins de chances de se voir réalisées avec le temps.

D’une part, le poids démographique des Croates a considérablement diminué depuis 1996[14]. Il apparaît illusoire que ce facteur suffise à influencer la communauté internationale, même si Mgr Puljić dénonce régulièrement les brimades et vexations subies par ses ouailles (Croates, évidemment, pour la presque totalité), essentiellement au sein de la Fédération. Force est de reconnaître qu’il n’a pas complètement tort. Le cas de Sarajevo est édifiant et il est quasiment impossible, par exemple, d’y scolariser un jeune Croate hors l’école confessionnelle franciscaine[15].

D’autre part, il n’est pas exclu que la Croatie, face à une perspective d’adhésion à l’UE qui se précise, mais aussi avec la victoire de la coalition de centre-gauche « Kukuriku » de Zoran Milanović, soit tentée de mettre un frein à son assistance à la communauté croate de BH. Les partis nationalistes HDZ BH et HDZ 1990 risquent, en particulier, de payer le prix fort de la «realpolitik » de Zagreb. Toutefois, il est peu probable que les aides diverses cessent et que les avantages consentis par la Croatie aux Croates de BH soient supprimés. Pour la même raison que Belgrade ne peut cesser brutalement son aide à la RS, les dirigeants croates ne courront pas le risque de se voir disqualifiés, y compris par leur propre électorat, qu’il soit en Croatie ou en BH[16]. Les Croates, tout comme leurs homologues serbes sont conscients de la nécessité d’évoluer, pour sortir leurs pays respectifs de l’isolement dans lequel ils se trouvent, mais pas à n’importe quel prix et surtout pas en heurtant la conscience supranationale des deux ethnies. Car cette notion a encore de beaux jours devant elle, d’autant qu’elle s’identifie toujours, également, avec la religion et le clergé, omniprésent. De fait, ils ne peuvent pas aller plus loin, actuellement, que de signifier à leurs « ressortissants » de Bosnie-Herzégovine que leur avenir est entre leurs mains et qu’il se trouve à Sarajevo. Mais si une évolution est possible, il y a fort à parier que cela nécessitera au moins une génération. Les Balkans sont en Europe, mais les états balkaniques ont une logique et une sensibilité qui défieront encore longtemps les conceptions occidentales modernes.

Face à ces rhétoriques nationalistes, en légère perte de vitesse, certes, mais récurrentes, les Bosniaques n’ont pas le choix. Ils ne peuvent, depuis 1992 se définir qu’en se rapportant à des épisodes historiques plus ou moins fondés et, depuis les années 60-70, sur une communauté de religion[17] (et de langue –réinventée tout comme les autres langues « libérées » du serbo-croate vernaculaire). La Fédération est une structure qui, tout comme pour les Croates, leur a été imposée à Dayton. Il n’est pas sûr qu’ils y attachent une importance vitale. Pour eux, comme pour les Croates, le vrai pouvoir se trouve actuellement dans les cantons de la Fédération. Les structures fédérales sont, au mieux, un mal nécessaire et ce sont certainement les Bosniaques qui sont les plus intéressés par la structure unique de l’État de BH (un éventuel recensement devrait confirmer leur prééminence numérique). Alors, pour maintenir une certaine unité de pensée au sein de la population bosniaque (qui, dans sa majorité rejette cette rhétorique), des représentants éminents de la communauté agitent régulièrement la menace islamiste, sachant parfaitement que les Croates, comme les Serbes, ne resteront pas insensibles et inactifs. Le reis-ul-ulema Mustafa Cerić, fort de l’appui et du soutien d’une certaine partie de la Communauté internationale (pas forcément musulmane), prononce parfois des harangues et est un habitué de ce jeu dangereux, qui ne peut qu’attiser les tensions. Si l’Eglise orthodoxe reste assez discrète dans le registre, l’Eglise catholique n’est pas en reste et Mgr Puljić n’a rien à envier au Reis pour ce qui est de la virulence. Ce mélange des genres (politique-religion-ethnicité) est très pénalisant, mais bien réel et n’a guère évolué depuis 1996.   

Le problème posé par les « mudjahidines »

L’État de BH et plus particulièrement le Président Izetbegović n’ont rien fait, à l’époque du conflit, pour empêcher l’arrivée de combattants volontaires pour le djihad, bien au contraire. Plusieurs centaines d’entre eux sont ainsi venus prendre part à la lutte contre les Serbes. Si la plupart d’entre eux ont quitté le sol bosnien, un certain nombre, en particulier des communautés wahhabites, s’est implanté plus durablement dans diverses régions de la Fédération ou du district de Brčko, souvent par mariage (blanc, pour certains). Ainsi, d’anciens combattants du djihad sont toujours présents et n’hésitent pas à faire du prosélytisme. Ils rejoignent dans ce cadre un certain nombre d’anciens « stagiaires » au Pakistan ou dans d’autres pays professant un Islam rigoriste et qui sont revenus à la fin du conflit.

Ces communautés islamistes n’ont jamais vraiment été inquiétées, même si, épisodiquement, des contrôles étaient effectués. Et c’est ainsi qu’elle se sont « intégrées au paysage », au point de faire croire que tout risque de débordement était écarté. Et le 28 octobre 2011, lorsque le dénommé Mevlid Jašarević, citoyen serbe musulman du Sandžak, dans la tenue typique des wahhabites et porteur d’un fusil d’assaut s’est dirigé vers l’entrée de l’ambassade américaine, puis a ouvert le feu, personne n’a réagi, dans un premier temps, tant un tel  geste à l’encontre du principal soutien de la BH  paraissait improbable. Et pourtant !

Bien sûr, ce réveil d’un cauchemar dont la population bosnienne avait effacé le souvenir a provoqué des réactions, certaines outrancières (insécurité généralisée dénoncée, diabolisation des musulmans par les non-bosniaques, etc.…), mais aussi quelques arrestations, dont on n’a plus entendu parler depuis, d’ailleurs. Dès le lendemain, la police serbe démantelait un réseau fondamentaliste à Novi Pazar et, dans l’opération, arrêtait seize citoyens serbes et un ressortissant bosnien. Une opération menée à Gornja Maoca, en Bosnie-Herzégovine, dans un « fief » bien connu du wahhabisme, n’a, pour sa part, eu qu’un résultat limité (deux interpellations). 

Alors, les (ex ?) mudjahidins demeurent-ils un risque pour la sécurité en BH ? Sans doute ! Mais pas forcément sous la même forme que dans les années 90 et certainement avec moins de menaces physiques[18]. Moins visibles, peu nombreux, ce ne sont pas vraiment eux, la plupart très surveillés, qui posent problème. Exploitant comme partout dans le monde les situations de faiblesse et de précarité, certains prédicateurs qui bénéficient du soutien tacite ou déclaré d’un certain nombre d’autorités, sont, en revanche, plus dangereux et insidieux. La présence de « bases arrières » au profit de certains sympathisants du Djihad, voire d’Al-Qaïda, reste, par ailleurs, une forte probabilité. Le problème « mudjahidin » n’est donc pas totalement résolu, mais il a changé de forme. Il est vrai que l’adoption de procédures judiciaires visant les groupes extrémistes est toujours en souffrance, chaque camp rejetant depuis des années la faute sur l’autre. Le ministre de la sécurité intérieure (SDA) a, en particulier, clairement accusé les Serbes d’obstruction afin de protéger les groupes extrémistes « fascistes et radicaux en tous genre ».

Une situation économique en constante dégradation cause de nombreux maux ?

Comme dans toutes les sociétés, les questions d’argent divisent. Il est vrai que, dans le cas de la Bosnie-Herzégovine régler des différends d’ordre économique ou financier est, comme pour tout, encore plus compliqué que partout ailleurs ! La complexité politique rend toute négociation inextricable et les retards s’accumulent depuis 1996, que ce soit dans la mise au point du budget central annuel que dans le règlement de la succession de la République Socialiste Fédérative de Yougoslavie de Tito (RSFY). Rien, ou presque, n’a progressé (dans le deuxième cas, il est vrai que la faute n’en revient pas qu’à la Bosnie-Herzégovine)[19]. Le partage des cent vingt-trois représentations diplomatiques et consulaires de l’ex-Yougoslavie, acté comme le reste des opérations de partage par l’accord du 29 juin 2001 n’est, ainsi, toujours pas réalisé. Selon Dnevnik (ARYM), des négociations discrètes étaient en cours. Depuis, pas de nouvelles…

Un exemple caractérise la faiblesse et la fragilité de l’État bosnien : l’adoption du budget central 2011, le 13 février…2012 [20]! La lourdeur des procédures et l’obstruction systématique de certains qui, curieusement, « découvrent » des anomalies de dernière minute[21], font que régulièrement, chaque année, retards et hésitations se succèdent, provoquant des situations de pénurie qui rappellent 1996 et les lendemains de la crise[22]. Dans ce contexte, des procédures d’urgence sont régulièrement mises en place, comme au bon vieux temps.

Le nouveau Premier ministre a souligné, comme d’autres avant lui, d’ailleurs, que le redressement économique du pays était la principale priorité de son gouvernement. L’International Cris Group a récemment estimé que la longue crise politique que vient de vivre la BH, au-delà des critiques ironiques ou désabusées des observateurs, nationaux ou extérieurs, a « conduit la BH au bord de l’abîme économique et social ». Tout s’est passé comme si la crise qui frappe l’ensemble des acteurs internationaux, en particulier, avec le cas grec, ne pouvait pas atteindre Sarajevo, Banja Luka ou Mostar. Cette insouciance frisant l’irresponsabilité démontre à quel point les intérêts personnels ou partisans des dirigeants bosniens dans leur quasi-totalité priment, au détriment de l’intérêt des populations. La classe politique bosnienne poursuit une lutte du XIXème siècle sans s’apercevoir que le pays est entré dans le XXIème.

Cependant, la réalité est bien là : depuis 1996, les avancées dans le domaine économique restent extrêmement limitées. La Bosnie-Herzégovine reste l’un des pays les plus pauvres d’Europe. Les prévisions de croissance sont réduites de moitié. Le FMI estimait en novembre que le PIB devait croître de 1,7% en 2011 et de 0,7 % en 2012, mais c’était avant la crise. Un rapport récent[23] donnait des indicateurs macro-économiques contrastés  et, si certains points forts étaient soulignés (transferts privés importants grâce à la diaspora, réforme bancaire réalisée, effets positifs de l’annulation en 2000 de 67% de la dette auprès du Club de Paris et assistance financière du FMI, conclusion de l’Accord de Stabilisation et d’Association avec l’UE en 2008), de nombreux points noirs sont apparus. La faiblesse des exportations, peu diversifiées et dépendantes de l’évolution des cours mondiaux a été mise en évidence. Ceci vise plus particulièrement l’évolution des cours de l’aluminium et des autres matières premières issues de l’industrie minière ou énergétique, qui restent les principaux moteurs de l’économie, avec, ponctuellement pour 2011, une petite embellie de la production manufacturière. Mais, comme beaucoup d’autres observateurs, les auteurs du rapport pointent en tant que risques majeurs des facteurs qui seraient censés avoir disparu, seize ans après les accords de paix : la fragmentation institutionnelle et ethnique, le taux de chômage très élevé (43 % de la population, hors économie grise selon des estimations récentes, en réalité, plus de 20% « seulement »), les carences en matière d’infrastructures et d’environnement des affaires.  

Pourtant, les investissements internationaux devraient encore être relativement importants en 2012[24], selon ce même rapport. Cette situation pourrait permettre un certain optimisme. Mais la situation financière du gouvernement ne s’annonce pas pour autant simple pour l’année en cours, quand bien même une certaine réduction du déficit public et la poursuite du processus de privatisation pourraient contribuer à créer un climat positif. Cependant, le dégel des prêts accordés par le FMI dans le cadre du crédit octroyé en juillet 2009 reste soumis à la réalisation de certains préalables structurels qui n’ont toujours pas été atteints. En outre, la dette publique, dont le stock est majoritairement en devises, présente une certaine vulnérabilité. Enfin, la part de l’emploi informel (plus trivialement  le travail « au noir ») est en constante augmentation dans certains secteurs comme le BTP, la restauration et le commerce de détail, ce qui fait autant de rentrées fiscales qui échappent à l’administration. Toutefois, la fraude fiscale aurait plutôt tendance à diminuer car la TVA s’applique avec plus de rigueur et toutes les entreprises, même familiales, y sont à présent assujetties (c’est effectivement un grand progrès). De même, des revenus substantiels supplémentaires pourraient être retirés par l’état de la production électrique des centrales hydro-électriques et thermiques dont la construction vient d’être annoncée.

En ce qui concerne la micro-économie, il apparaît qu’on pourrait toucher aux limites de faisabilité. La population, dans sa majorité, éprouve de plus en plus de difficultés à joindre les deux bouts, pour employer une expression populaire. Le chômage touche réellement plus de 20% de la population et concerne sans doute près d’un actif sur deux. Toutefois, le travail « au noir » ou l’économie grise restent des palliatifs non négligeables. Le deuxième emploi, connu de tous temps et pratiqué jusqu’au niveau de la classe moyenne, parfois même dans les couches supérieures, devient de plus en plus nécessaire. Les prix « dérapent » très facilement[25] et aucune amélioration n’est constatée dans la vie courante, y compris dans la capitale (voirie en constante dégradation,  travaux d’assainissement « dans l’urgence », réparations après catastrophes naturelles du type glissements de terrain, inondations ou accumulation de neige réalisés selon les – faibles - moyens financiers, c'est-à-dire en général laissés à l’initiative des pouvoirs locaux, etc.…).

Le gouvernement central, mais aussi les gouvernements des entités, ont bien entamé quelques réformes, mais leur effet reste limité et les premières restrictions commencent à apparaître, avec les premières diminutions de salaire, en RS comme en Fédération. Cette mesure est bien entendu impopulaire, mais personne ne proteste car avoir un travail fixe est déjà un grand sujet de satisfaction, presque un privilège. En revanche, la gabegie reste de mise dans les administrations. Il n’est pourtant pas question de réduire le nombre, bien trop important de fonctionnaires, car cela permet de réduire artificiellement le chômage. Quant à l’absentéisme, aucune donnée chiffrée n’est disponible, mais il suffit de se rendre dans une administration quelconque pour en comprendre l’ampleur. Cette situation ne saurait  perdurer dans le contexte financier actuel et il faudra bien un jour trancher dans le vif.

La population, dont on ne peut que s’étonner de la capacité de résistance, reste apathique, en grande majorité. Seuls ceux qui n’ont plus rien à perdre (retraités, chômeurs de longue durée, spoliés des comptes bancaires) osent quelques mouvements de protestation limités. La population aurait d’ailleurs bien du mal, même si elle le voulait, à exprimer de manière coordonnée ses revendications. En effet, comment se faire entendre en l’absence de leaders d’opinion crédibles et reconnus, ou avec des organisations syndicales totalement absentes de la scène sociale, qui se font souvent remarquer par leurs compromissions avec les pouvoirs politiques et les directions des entreprises. Il arrive parfois que des militants tentent de casser ce consensus, mais ils sont alors victimes de sanctions, le plus souvent illégales[26]. Le « grand soir » n’est pas de mise en BH, tout au moins, pas encore ! Il l’est d’autant moins que le népotisme sévit à tous les niveaux et que le « système » case les siens à tous les postes de responsabilité (gratifiants bien entendu), sans souci de leur compétence et qu’une fois en place, il est quasiment impossible d’en envisager le départ car les bénéficiaires de ces prébendes font bloc...

Mais la population connaît également d’autres problèmes, dont celui du logement. En ce qui concerne la capitale, le prix du m² met les logements, neufs en particulier, hors de portée des bourses de la plupart des Bosniens. Et pourtant, de très nombreux projets de construction de grands ensembles, offrant souvent des prestations luxueuses, ont été réalisés. Mais les logements restent désespérément vides. Il est vrai que, lorsqu’ils ont été lancés, ces programmes étaient destinés, par leurs promoteurs, à une importante communauté internationale. Celle-ci étant en  constante diminution, la demande a considérablement chuté. Par ailleurs, dans une recherche de profit immédiat bien connue (la même chose a été constatée au Monténégro et en Croatie), les propriétaires ou spéculateurs ont fait « flamber » le marché de l’immobilier. Et même si une légère baisse a été constatée très récemment, la valeur des produits immobiliers proposés à l’achat est bien trop élevée, peu en rapport avec les prestations offertes. Ceci a eu pour conséquence, dans de nombreux endroits, de rendre impossible le relogement des réfugiés et déplacés. Dans ce contexte, les programmes d’habitations à loyer modéré du type de celui de Sarajevo-est (RS) sont rares. Dans ce cas précis, même si les raisons en sont sans doute autant politiques et électoralistes que sociales, ils ont pourtant permis le relogement d’une forte communauté de déplacés.

Dans la plupart des projets immobiliers ou commerciaux, on peut également penser que les buts sont encore d’une autre nature. On a, en particulier, souvent parlé de blanchiment de fonds douteux en ce qui concerne la véritable « floraison » de grandes surfaces (Hyper ou supermarchés), en particulier à Sarajevo où, en quelques années, plus de dix centres commerciaux se sont ouverts, mais ne vivant que grâce à une clientèle aisée, mais peu nombreuse. Et que dire de la zone commerciale de Vitez, qui prétend, à juste titre, être la plus vaste des Balkans, où les grandes surfaces installées côte à côte constituent une véritable ville en pleine expansion.

Enfin, la population souffre de la stagnation des investissements et réalisations « utiles » dans le secteur des infrastructures. Dans ce domaine également, les progrès accomplis seize ans après les Accords de Dayton, pour spectaculaires qu’ils soient, sont minimes au final. Emprunter les routes de BH relève encore bien souvent de l’aventure, dès que l’on s’éloigne des « magistralis » (routes nationales). Et même sur celles-ci, les travaux sont souvent aléatoires. La construction de l’autoroute nord Sarajevo-Zenica progresse très lentement, à peine plus vite que celle de la rocade autour de la capitale, qui serait pourtant particulièrement importante. C’est, malheureusement, un sujet de plaisanteries amères et désabusées permanent. L’achèvement de l’autoroute vers la grande ville industrielle du centre de la Bosnie est toujours prévu pour 2017, mais cette date limite devient de plus en plus improbable, car si techniquement et financièrement, le projet est réalisable, les divergences politiques et des intérêts privés le pénalisent très fortement. Et les Bosniens devront, par ailleurs, patienter encore un temps certain avant de pouvoir rejoindre la côte croate en moins de trois heures. Un début de tronçon autoroutier a bien été réalisé à Ploče, en Croatie; mais du côté bosnien de la frontière, rien n’a été entrepris. Un autre petit tronçon devait être lancé, partant de Sarajevo en direction de Mostar. Au train actuel, ce sont dix ans qui seront nécessaires pour réaliser l’intégralité d’un projet qui représente, il est vrai, un investissement important compte tenu du relief et des ouvrages à réaliser.

Par ailleurs, des avancées très mineures ont été notées depuis plus de seize ans de remise en marche des liaisons ferroviaires. La connexion au réseau européen est une réalité et on peut, avec une bonne dose de patience, gagner Sarajevo à partir de n’importe quel pays d’Europe (le voyage dure vingt-sept heures entre Paris et Sarajevo…). Mais pour le voyageur bosnien, les possibilités sont très limitées et il faut tenir compte de l’existence de deux compagnies distinctes en Fédération et en RS, ce qui nécessite, sur l’ex-IEBL (Inter Entity Boundary Line) un changement de motrice et de conducteur… Cette aberration et l’existence de deux compagnies n’inquiète pas outre mesure la communauté internationale, qui a pourtant menacé de mesures drastiques afin de régler le problème (bien moins important pourtant) des fédérations de football…

La diaspora, source essentielle de revenus pour la population bosnienne

Comme au temps du Maréchal Tito, la diaspora reste un élément essentiel de l’économie locale. L’ex leader suprême en avait parfaitement compris l’utilité, en autorisant (sous certaines conditions toutefois) l’immigration saisonnière ou temporaire des travailleurs vers l’Europe de l’ouest ou du nord. Ces travailleurs rapportaient gros (en devises), à leurs familles, mais aussi à l’État yougoslave ainsi qu’aux finances des républiques constitutives de la RSFY. De nos jours, là encore, la situation n’a pas changé et les Gastarbeiter  bosniens envoient chaque année près de deux milliards d’euros au pays (14% du PIB en 2011). En outre, lorsque cette diaspora revient en vacances, les dépenses générées localement sont autant de bouffées d’oxygène pour les commerçants (les rentrées occasionnées équivaudraient au budget total de la Fédération…). 

Mais cette situation, qui assure une certaine paix sociale, ne sera  sans doute pas éternelle, car la situation des travailleurs émigrés reste, par définition, précaire. Si la crise économique venait à s’intensifier, on peut penser que des réactions à caractère protectionniste pourraient se produire et limiter les possibilités des émigrés. L’espoir actuel, en BH, réside donc dans les perspectives d’adhésion à l’Union Européenne  et la menace d’une crise est délibérément ignorée au sein de la plus grande partie de la population au profit des nouvelles perspectives favorables qui sont perçues. En effet,  de nombreux Bosniens démunis paraissent attendre ce moment pour pouvoir aller travailler à l’étranger, avec l’aide de la diaspora établie. Une activité saisonnière rémunérée en Europe (périodes de trois à six mois) permettrait à ceux qui en auraient la possibilité de vivre correctement toute l’année en BH.

La corruption, l’un des principaux fléaux de la société bosnienne

Radio Free Europe posait une très bonne question le 27 janvier 2012 : « Qui osera  dénoncer la corruption » ? Le fait de poser cette interrogation est déjà révélateur : il n’est pas question de savoir s’il y a de la corruption en Bosnie-Herzégovine, mais de savoir si, un jour, quelqu’un appartenant au système osera briser l’omerta. Car il faut une bonne dose de courage (ou de désespoir) pour en prendre le risque actuellement et accepter d’être, au mieux, harcelé en tant que délateur sur son lieu de travail, au pire licencié sans motif autre que celui, inavoué, d’avoir tenté de perturber un « ordre établi », dans lequel corrupteurs et corrompus se partagent promotions et augmentations et sans même avoir l’espoir que la justice enquête sur des cas souvent flagrants….Et pourtant, tout le monde ou presque la pratique…ou la subit.

La BH  a fait des progrès dans le classement de Transparency International, qui établit annuellement un classement des pays en matière de corruption. Mais tout est relatif. En effet, elle est passée du 99ème rang en 2010…au 91ème en 2011. En 2010, le Courrier des Balkans publiait la retranscription d’une émission de Radio Sarajevo, qui dénonçait vigoureusement la pratique de la corruption dans l’ensemble des Balkans et en particulier en BH, pratique qui, selon les auteurs, était en augmentation constante et concernait de plus en plus de personnes. A l’époque, pas si lointaine, le directeur de Transparency International pour la BH, Srdjan Blagovčanin écrivait : « Les élites politiques sont le moteur de la corruption en Bosnie-Herzégovine. La ’petite’ corruption, qui touche des secteurs tels que la santé, l’éducation, l’administration et la police trouve son origine dans de plus grandes escroqueries ». Y a-t-il vraiment quelque chose de changé depuis ? Pas franchement et cette « constante » ne date pas d’hier, bien sûr. Pourtant, la lutte contre la corruption était l’une des conditions essentielles de la feuille de route fixée à la BH dans sa recherche de respectabilité….et de crédibilité face aux instances internationales. Mais que disent ces dernières alors qu’il faut, au citoyen bosnien, donner un dessous de table (ou plus)  au personnel hospitalier pour qu’un de ses proches soit à peu près bien traité lors d’une hospitalisation, donner une enveloppe au chirurgien pour qu’un parent soit opéré en priorité, faire la même chose avec le fossoyeur, si cela s’est mal passé, pour avoir des obsèques de qualité. Car, tout au long de sa vie, il aura fallu à ce citoyen « contribuer » aux besoins des professeurs d’université, des médecins, des fonctionnaires, des prestataires de services et d’autres ? Le silence est assourdissant !

Alors la grande majorité de la population, celle qui a assisté, impuissante, en spectateur, à la récente farce politique de seize mois, celle qui réfléchit et espère une amélioration, celle qui n’a pas pu (voulu ou osé) émigrer et qui attendait des changements après les dernières élections, se sent de plus en plus frustrée. Elle ne croyait pas vraiment à une amélioration de sa situation matérielle, mais surtout à l’élimination progressive de la corruption, espérant que les grosses affaires en suspend seraient enfin jugées. Mais les familles et groupes qui se sont indûment enrichis détiennent toujours les leviers du pouvoir ou sont protégées par celui-ci. L’élimination des « profiteurs » était l’un des enjeux de la formation du gouvernement et au contraire, la population voit ceux qu’elle espérait être écartés devenir des notables. Le fossé risque de se creuser encore entre la population et ses dirigeants.

Mais alors, personne ne serait au courant ? En BH, la question serait plutôt : quelqu’un n’est-il pas au courant ? On pourrait en effet penser que les médias pourraient essayer d’informer sur cet état de fait et dénoncer les irrégularités (au moins les plus flagrantes !). Mais encore faudrait-il qu’ils soient libres et indépendants, ce qui est loin d’être le cas, à lire l’éditorial de Radio Free Europe du vingt-six  janvier dernier, publié par le Courrier des Balkans le 12 février.

RFE affirme ce que tout le monde peut constater depuis des années et encore actuellement, à savoir que chaque publication, chaque télévision se définit en fonction de critères identitaires et politiques. Le constat peut apparaître sévère, mais il est bien réel : la plupart des journalistes bosniens sont trop liés à la politique et au monde des affaires pour produire un travail objectif. Et ce qui est valable pour la « vérité » politique ou économique l’est pour ce qui est de dénoncer la corruption. Il est évident que les intéressés démentent ces affirmations, qui sont claires pour tout observateur averti. Certains (rares) journalistes reconnaissent, au mieux, que beaucoup d’entre eux sont trop conformistes et, par ambition et pour ne pas s’aliéner un éventuel appui futur, ne prennent pas de risques. Ceci explique la piètre qualité globale des médias bosniens. Đjuro Sušić, philosophe et éminent spécialiste des médias, disait : « La vérité crée les héros, l’intérêt crée des esclaves ». Cette phrase, de l’avis de certains journalistes bosniens, s’applique parfaitement à leur corporation, dont la plupart des membres sont essentiellement guidés par des intérêts privés et financiers.

Culture et système éducatif

Parmi les nombreuses bonnes intentions ayant émergé lors du règlement du conflit, l’une d’elle était louable : préparer l’avenir en formant la jeunesse à plus de tolérance et de respect de l’autre. Plusieurs programmes ont donc été lancés, visant à réaliser, par exemple, l’ambitieuse idée de « deux écoles sous un même toit ». Sur le principe, cette idée était estimable mais, dans la pratique, on constate à peu près partout que s’il y a deux écoles sous un même toit, c’est très rarement en même temps ! A de très rares exceptions[27], il n’a pas été possible de faire cohabiter pacifiquement les jeunes qui, contrairement aux espérances de la Communauté internationale, sont toujours imprégnés de la culture de leur milieu et de leur  ethnie d’appartenance. Ce programme, pour l’essentiel tenté en Fédération est, qu’on le veuille ou non, un échec. Il a, initialement, fonctionné tant bien que mal pour tenter d’associer jeunes Croates et Bosniaques, mais les élèves serbes, pour leur très grande majorité, ne se sont pas associés et ceux résidant en Fédération effectuent pour la plupart leur scolarité en RS ou au Monténégro. En 2010, seulement trente-quatre des cinquante-quatre écoles qui fonctionnaient sur le modèle « deux écoles sous un même toit » poursuivaient l’expérience. Et encore, comme le soulignait la CERI (Commission Européenne contre le Racisme et l’Intolérance) dans son rapport du 7 décembre 2010, les élèves scolarisés dans ces écoles subissaient quotidiennement des brimades relatives à leur ethnicité et l’entrée par des portes séparées (souvent à des horaires différents) était fréquente.

Même en ce qui concerne l’uniformisation des programmes, on ne peut pas parler de progrès, à l’exception peut-être de Brčko, où des expériences encourageantes ont été menées. Et lorsqu’il y a application du programme unique, c’est lors de cours à des groupes ethniques homogènes. La non-homogénéité est en particulier criante dans l’enseignement de l’histoire, les programmes proposés par les uns ou les autres n’incitant pas vraiment   à la réconciliation interethnique. Une lecture dépassionnée du passé d’un peuple lui permet en général de dépasser les clivages et les haines et de progresser. En Bosnie-Herzégovine, ce stade est bien loin d’être atteint. Comme pour beaucoup d’autres domaines, on ne peut qu’espérer que le temps apporte le changement. Le problème est qu’il faudrait aussi qu’il fasse oublier certains faits tous plus cruels et sanglants les uns que les autres qui ont jalonné l’histoire de cette région, peut-être plus que d’autres en Europe[28]. On dit souvent que les « pilotes » du véhicule gouvernemental bosnien conduisent en regardant uniquement dans le rétroviseur, ce qui n’est sans doute pas la meilleure manière d’éviter les obstacles sur la route ! C’est sans doute vrai, mais c’est aussi une constante dans toute la région, où l’on ne se souvient pas seulement de l’Histoire, on la vit au quotidien. Et le modèle souvent proposé de la réconciliation franco-allemande semble difficilement applicable. Il est vrai que des guerres ont souvent opposé les deux nations ouest-européennes, alors qu’en ce qui concerne les Balkans et la Bosnie-Herzégovine en général, ce sont des peuples souvent issus du même moule initial, mais ayant eu une destinée parfois diamétralement opposée qui se sont récemment entre-déchirés.

Dans un autre volet, l’intégration des Roms, pourtant une des conditions exigées par l’Union Européenne pour les attributions d’aides, la lutte contre la marginalisation de cette population, traditionnellement vouée au rôle de paria des sociétés balkaniques, vient à peine de commencer. Avec l’aide de diverses associations caritatives, la lutte contre l’analphabétisme et l’exclusion de cette communauté a été initiée. Estimée à plusieurs dizaines de milliers de personnes, la population rom était, jusqu’ici, très peu  intégrée au système éducatif[29]. Pauvreté, alcoolisme et illettrisme des familles compliquaient encore la tâche. La BH s’est donc investie dans un programme décennal (2005-2015) d’intégration des Roms, dont le volet « éducation » est l’un des piliers. Mais les Roms bosniens n’ont aucun référentiel, contrairement à leurs homologues de Bulgarie ou de Roumanie et aucun Rom n’a atteint une position sociale qui pourrait inciter les jeunes à suivre l’exemple. 

Autre volet de la sphère culturelle qui est en faillite complète : les musées et autres lieux de mémoire. Pour pasticher les propos attribués au général Millán Astray,  pendant la guerre civile en Espagne, on pourrait dire « Quand j’entends le mot ‘ culture ‘, je sors mon trousseau de clés ! ». Faute de crédits, la plupart des musées, en particulier à Sarajevo, sont menacés de fermeture. Après la Galerie d’Art nationale et le Musée d’Histoire de la Seconde Guerre mondiale[30], c’est le Musée national qui est sous la menace d’une fermeture pour cause économique. Fondé par l’Empire austro-hongrois en 1888 et ouvert au public en 1913, il abrite des collections inestimables qui ont survécu aux différents conflits, y compris aux bombardements subis par la capitale au début des années 90[31]. Il abrite également un jardin botanique qui est souvent le cadre de diverses manifestations officielles. Longtemps fermé à la fin du récent conflit, sa réhabilitation et son fonctionnement ont été rendus possibles grâce à un certain nombre de donations et une aide substantielle de l’UNESCO. Mais depuis plusieurs années, les financements sont absents et le vieux bâtiment austro-hongrois pourrait à nouveau se dégrader en silence.

Le même sort pourrait frapper la Vjećnica, l’imposante bibliothèque au style mauresque si caractéristique, qui commence enfin à être débarrassée des gravats provoqués par les bombardements et dont les travaux de réhabilitation ne sont toujours pas achevés. Mais cette menace est sans doute infondée, car des fonds colossaux ont déjà été alloués pour la réfection de ce bâtiment, l’un des témoins les plus importants de l’histoire moderne de Sarajevo et il serait étonnant que sa réhabilitation s’arrête là. Mais comment ne pas envisager le pire ! Au total, ce sont sept centres de la culture qui pourraient être contraints de fermer leurs portes, faute de financement (national, fédéral ou municipal).

Les Forces armées et le partage des biens militaires

Comme d’habitude, en ce qui concerne les armées, c’est sur le terrain qu’il faut chercher des signes encourageants ou, tout au moins, significatifs. Une initiative de plusieurs associations d’anciens militaires de la Fédération a quelque peu surpris, à la mi-janvier 2012. Face à la situation désastreuse de plusieurs centaines de leurs homologues de RS, démobilisés comme eux, mais sans aucune indemnité, ils ont organisé une collecte pour leur venir en aide. En effet, alors que les militaires démobilisés avaient perçu, en Fédération, une aide dérisoire d’environ 150 euros, ceux de RS n’avaient rien touché et se retrouvaient complètement démunis! Devant cet état de fait, plusieurs dizaines d’anciens militaires de la Fédération ont pris l’initiative de donner cinq euros chacun pour venir en aide à leurs collègues de RS. La création de l’armée de Bosnie-Herzégovine, jugée initialement comme devant être difficilement réalisable, est sans doute une des rares réussites des Accords de Dayton. Le fait divers mentionné reflète en tous cas l’ambiance régnant au sein des forces, même si le multi-ethnisme n’est réellement constaté qu’au sein des détachements opérationnels (Irak par exemple) et des institutions centrales.

En ce qui concerne la mise en commun des biens immobiliers militaires, la situation est quasiment bloquée depuis un certain temps déjà. Alors que la Présidence bosnienne s’est clairement prononcée pour une admission au MAP (Main Action Plan), le stade précédant l’intégration, l’OTAN a tout aussi clairement répété que tous les biens immobiliers militaires devaient être enregistrés comme biens de l’État de Bosnie-Herzégovine. Mais les deux entités, depuis seize ans, rechignent à céder leurs droits de propriété (autoproclamés). La situation semble bloquée et on ne sent pas frémir une quelconque volonté politique décidée à aplanir ce différend, d’un côté comme de l’autre. L’intégration de la Bosnie-Herzégovine à l’OTAN ne semble pas être pour demain.

L’UE est-elle une perspective crédible ?

Alors, si l’OTAN reste un rêve, l’UE est-elle autre chose pour les autorités de Sarajevo ? Non, si l’on en croit les premières déclarations de M. Bevanda qui affirme que 2012 sera l’année de l’UE pour la BH ! Le Premier ministre a, en tous cas, clairement défini le rapprochement de l’UE comme la priorité des priorités pour son gouvernement. Les problèmes rencontrés par l’Europe et le cas grec ne sont même pas évoqués. Cet autisme politique a une explication assez simple, mais que personne n’avouera : l’Europe est vue essentiellement comme un bailleur de fonds qui pourrait pallier le départ plus ou moins annoncé de certaines institutions et organisations internationales de Sarajevo. Pour beaucoup, y compris au plan politique, UE rime avec subventions. Il était en conséquence nécessaire d’être bien positionné pour en récupérer le maximum, ce qui serait une des explications aux retards dans la constitution du gouvernement. Bizarrement, les devoirs inhérents à un rapprochement, a fortiori à une intégration à l’Union, ne sont que rarement évoqués ou rappelés au grand public.

Il est évident que l’adhésion prochaine de la Croatie a fait des envieux. Mais en ce qui concerne la BH, il paraît aberrant de lire des déclarations aussi optimistes, à moins que leurs auteurs veuillent jouer sur cette attirance pour l’Union et ce que celle-ci représente pour gagner la sympathie, voire provoquer l’enthousiasme de la population. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres et ce qu’a oublié de dire M. Bevanda, c’est que le chemin sera semé de préalables dont quasiment aucun n’est actuellement satisfait. Il sera en premier lieu ponctué d’une déclaration de candidature officielle, ce que font les états désireux de rejoindre l’UE et estimant être en mesure de le faire, ce qui est loin d’être le cas encore pour la  Bosnie-Herzégovine. Le Premier ministre oublie également de préciser que la décision d’admettre un candidat aux différents stades n’est ni un droit, ni automatique et qu’il a bien été précisé, lors de la conférence de Zagreb, en 2000, que les états des Balkans seraient intégrés chacun à leur rythme et selon leur mérite propre. Pour ce qui est de la Bosnie-Herzégovine, le dernier rapport européen décrit d’ailleurs très concrètement la progression des réformes comme « très limitée ». Quelques modestes résultats y ont été notés, comme l’assouplissement du régime des visas et de rares progrès ont été relevés, concernant l’état de droit et la coopération avec le TPIY. En dépit des efforts dans sa direction en réponse aux exigences européennes, la communauté rom reste, par ailleurs, toujours l’objet de discriminations.

En outre, pour qu’un signal fort soit perçu par la population bosnienne, il conviendrait qu’une preuve de confiance majeure soit donnée aux autorités locales. Or, il n’y a pas beaucoup de possibilités en la matière et s’il est exclu de voir d’autres subventions arriver, dans l’état actuel, seul un retrait de la mission de police de l’UE (MPUE) et/ou de la force européenne regroupée au sein de la mission « Althéa » aurait un impact réel. Or l’une comme l’autre ont vu leur mandat prolongé, de six mois pour la première, d’un an pour la seconde. Le maintien de ces forces[32] est la preuve essentielle de l’opinion défavorable de la communauté internationale et, en l’occurrence de l’UE quant aux perspectives politiques, économiques, sociales et sécuritaires propres de la BH. Tant que ces forces seront maintenues, le dépôt d’une candidature n’est pas envisageable pour Sarajevo. C’est bien là où se pose le problème et il ne serait pas complètement illogique de voir les autorités bosniennes demander, dans un délai relativement court et selon les procédures autorisées, le départ de ces composantes qui, au demeurant, ne gênent pas la population du fait de leur modestie, mais pourraient être présentées comme des freins à l’intégration, objectif dans lequel beaucoup mettent leurs derniers espoirs. Alors, vu de Bruxelles, conserver Althéa parce que c’est la seule force permettant à l’UE de veiller à l’application des réformes et aux respects des engagements ou parce qu’elle permet à certains états européens de « montrer leurs muscles » ? La question se reposera d’une manière sans doute plus précise en 2012, d’autant que de nombreux pays européens ne contribuent plus que symboliquement, voire plus du tout (c’est le cas des Pays-Bas depuis novembre 2011), essentiellement pour des raisons économiques, puisque les contributions sont volontaires et à charge des contributeurs. La force serait actuellement très nettement en-dessous des deux mille deux cents hommes requis (on parlait encore récemment de mille trois cents, dont moins de mille issus des pays européens).

Bilan global et perspectives. Que peut amener ce nouveau gouvernement ?

Dès l’annonce de la constitution du nouveau gouvernement, la communauté internationale au grand complet, Valentin Inzko en tête, n’a pas caché sa grande satisfaction. Le HR-RSUE a toutefois appelé la nouvelle équipe à « récupérer le temps perdu » et à adopter « des mesures urgentes pour stimuler la croissance économique et l’emploi ». Cette exhortation sera-t-elle entendue ou retombera-t-on dans les travers des petits jeux politiciens ?

Un premier élément de réponse, plutôt favorable, a été donné par le Parlement au lendemain de la constitution de l’équipe gouvernementale, avec l’adoption de la loi sur le recensement de la population et de la loi sur les aides publiques. Pour ce qui est de la première, elle devrait permettre de régler un problème posé depuis quinze ans (davantage d’ailleurs, puisqu’aucune donnée démographique n’existe depuis 1991) et dont la résolution avait toujours été repoussée. Ce recensement est craint par certains, compte tenu du nombre important de personnes déplacées et surtout de l’émigration. Les Croates, en particulier, pourraient voir leur influence diminuée, car leur poids relatif devrait sans doute décroître,  mais tous les dirigeants craignent la réalité des chiffres. Pourtant, cette opération est indispensable car tous les calculs actuels, ceux de la Communauté internationale comme ceux des autorités bosniennes sont issus d’estimations ou d’extrapolation de données vieilles de plus de vingt ans. Il sera très important de garder un œil sur les questions posées lors des opérations de collecte des informations. Plus concrètement, il sera essentiel d’examiner comment seront traitées les questions d’appartenance ethnique et surtout si la même possibilité sera laissée aux citoyens qui veulent dépasser ces clivages ethniques, de se déclarer « Bosniens », comme à l’époque du Maréchal Tito, il était possible de se déclarer de nationalité « yougoslave ».

Une des premières actions du gouvernement Bevanda devra être de définir un cadre fiscal pour les années 2012-2014. Cette nécessité est d’ailleurs une exigence du FMI comme de la Commission européenne, pour lesquels ce cadre est la condition essentielle pour l’obtention des aides attendues par Sarajevo. Mais il faudra au Premier ministre faire preuve de fermeté et convaincre l’ensemble des partenaires (mais ce terme est-il bien choisi ?) que la BH arrive à la limite de ce que les organismes internationaux peuvent tolérer et que l’économie mondiale (mais surtout européenne) ne pourra plus longtemps maintenir le pays sous perfusion, sans de réelles preuves de sérieux et une véritable intention de progresser. Dans le même ordre d’idée, il sera nécessaire de faire subir une sérieuse « cure d’amaigrissement » à la fonction publique et d’y mener une chasse aux emplois fictifs et aux fonctionnaires « fantômes », très nombreux et qui grèvent d’autant le budget. Sans doute sera-t-il aussi nécessaire de réduire un certain nombre de dépenses de fonctionnement, en particulier le train de vie et les avantages des dirigeants. Ceci est valable au niveau central, mais surtout à l’échelon régional ou cantonal où le moindre « ministre » d’un canton, par exemple, est doté d’avantages frisant l’indécence…

Jusqu’ici, le risque de « contamination sociale » n’a pas été bien important. Atavisme ou fatalisme, lassitude ou individualisme, la société bosnienne dans son ensemble n’a pas, pour l’instant dépassé le stade des critiques voilées ou des discussions en milieu restreint. Pourtant, la faillite de la politique sociale menée par la classe dirigeante dans son ensemble depuis la fin du conflit, fondée sur le clientélisme et la corruption est de notoriété publique. Mais de là à voir une révolte populaire ou des manifestations de l’ampleur de celles d’Athènes ou de Thessalonique, il y a un grand pas, que personne n’ose franchir en dépit des difficultés croissantes. Faute de leader crédible et charismatique, faute d’organisations syndicales ou catégorielles pouvant suffisamment peser sur le gouvernement, une explosion sociale n’est pas vraiment à attendre, sauf si des « ingrédients » ethniques sont introduits par les uns ou les autres, d’autant que les ressources des individus sont sans limites. « Ima veze ! »[33] entend-on souvent. En effet, il y a toujours moyen et le « système D » bosnien est une réalité quotidienne, fondée essentiellement, mais pas seulement, sur le travail au noir et l’économie grise. Bien entendu, il a été demandé aux autorités de lutter contre le travail frauduleux et d’assurer de réelles rentrées financières (TVA et impôts). Toutefois, il faut bien être conscient que, dans l’immédiat et sans doute pour encore longtemps, il n’est pas possible de scier la branche sur laquelle on est assis… Il est vrai que cela fait seize ans que des résultats se font attendre !

Mais c’est dans les mentalités que réside le problème majeur et là, le changement sera sans doute difficile à obtenir. Un des effets pervers de l’implication internationale massive, depuis le conflit, est que s’est créée une véritable « culture de l’assistanat ». La Communauté internationale y a sa part de responsabilité car les bonnes intentions et la volonté, certes louable, d’aider le pays à se structurer et à fonctionner a conduit les gouvernants, consciemment ou non, à se reposer sur l’aide extérieure, mais aussi à ne plus entreprendre quoi que ce soit qui puisse être susceptible de provoquer l’ire du HR-RSUE. Pour parler clairement, certaines mesures ou réformes envisagées, fondées sur une réalité, des coutumes et une pratique « balkaniques », choquent systématiquement et, dans certains cas, ont conduit à leur annulation ou leur interdiction. Dans ce cas-là, pour les dirigeants bosniens, encore peu enclins à mettre en place l’état de droit, il est plus simple et moins fatigant de laisser les choses en l’état, d’attendre que les représentants de la Communauté internationale décident pour eux au niveau central et de se consacrer à leur intérêts personnels au sein des deux entités !

Des solutions à cette situation ?

Compte tenu du nombre impressionnant d’états, de sommités, de spécialistes (parfois autoproclamés) et d’organisations qui tentent, depuis seize ans, de trouver une issue au problème bosnien, il n’est pas dans les propos du rédacteur de proposer de solution miracle. En revanche, une analyse froide des tenants et des aboutissants peut être considérée comme une base de réflexion, mais qui ne tient évidemment pas compte des intérêts non avoués des uns et des autres.

Il faut, dans un premier temps, se poser une question fondamentale : qu’est-ce qui nécessite donc,  actuellement, une assistance aussi étroite et un encadrement aussi strict ? Les menaces qui pèsent sur la BH sont-elles encore les mêmes qu’en 1996 ? Certaines existent encore et ne seront pas réduites à néant sans difficulté, car elles touchent aux fondements des sociétés composant la Bosnie-Herzégovine. Au premier rang d’entre elles figurent l’hostilité interethnique et son corollaire, le manque de discernement dans les relations interconfessionnelles[34], dont l’éradication nécessitera, dans le meilleur des cas, une génération.

Une deuxième menace, qui ne disait pas forcément son nom, a disparu sous la forme violente qui inquiétait les Occidentaux, mais reste bien vivante : la montée en puissance de l’islamisme radical et la présence d’éléments extérieurs à la BH. Alors que beaucoup croyaient que le phénomène se limitait aux quelques implantations wahhabites connues et bien encadrées, l’attentat, assez incompréhensible dans sa réalisation, du 28 octobre 2011, est venu rappeler qu’il ne fallait pas raisonner en terme de pays sur ce sujet, mais élargir à l’échelle régionale. La multiplication des mosquées (certaines sont d’anciennes mosquées reconstruites, mais beaucoup sont nouvelles[35]) et madrasas, dénoncée par certains, ne serait, en fait, pas inquiétante et ne pourrait être vue que comme l’expression d’un prosélytisme actif si elle trouvait sa contrepartie dans le respect des autres confessions. Or, en particulier dans la capitale, ce n’est pas toujours le cas. La réciprocité, venant de la part des deux autres confessions existe d’ailleurs. Religion et ethnicité vont (et iront) toujours de pair. Un risque de radicalisation existe donc, évidemment, mais peut-être pas davantage que dans nos cités d’Europe de l’ouest.  Et une plus grande ouverture de la population au monde extérieur peut casser les murs du microcosme bosnien et ramener une certaine tolérance. Encore faudra-t-il qu’il n’y ait, d’un côté comme de l’autre, aucune ingérence extérieure.

La menace d’un embrasement armé était la troisième menace majeure. Là encore, les conditions ont quelque peu changé. Il faut rappeler qu’au début de 1992, la présence des forces de l’ex-Armée yougoslave et surtout des stocks conséquents que Tito avait dispersés sur l’ensemble du territoire yougoslave dans le cadre de son concept de Défense Populaire Généralisée avaient permis aux belligérants de s’équiper massivement et à peu de frais ! Or, il se trouve que la création de l’armée unifiée de BH est sans doute l’une des réalisations les plus réussies du processus de Dayton. Tout n’est pas parfait, loin de là[36], mais l’insistance de la communauté et des organisations internationales a permis une réduction des effectifs progressive et conséquente, un contrôle strict des matériels en dotation, la mise sur pied d’une force (à laquelle il manque encore toutefois le caractère multiethnique voulu)  et  le lancement d’un programme de réduction des excédents en armement.

Bien sûr et en dépit des nombreuses opérations « Harvest » de récupération des armements, de très nombreuses armes individuelles (ou collectives, d’ailleurs, même si elles sont moins nombreuses), sont encore détenues par des particuliers. Dans la plupart des cas, il s’agit de « mesures de précautions », le récent conflit ayant rappelé la prudence à tous et, parfois, l’utilité de pouvoir se défendre…Mais dans d’autres cas, ce sont des  organisations criminelles (de toutes tailles) qui en font commerce et détiennent de véritables petits arsenaux, permettant d’approvisionner le Milieu et les gangs d’Europe de l’ouest[37].  Dans ce cas précis, le danger reste bien réel même si, comme le disait l’un des trafiquants interrogés dans le reportage cité, les prix ont augmenté car les stocks diminuent (en fait ce sont les stocks locaux, car d’autres filières d’approvisionnement existent). Ces trafics, comme tous les autres réseaux criminels « spécialisés » (êtres humains, drogue, etc..) sont identifiés comme trouvant en BH un terrain encore favorable. C’est là une réelle menace, qu’il est nécessaire de prendre en considération chaque jour un peu plus.

Et en ce qui concerne l’embrasement potentiel de l’ensemble de la région, on peut, sans trop s’avancer, affirmer qu’il est réduit à sa plus faible expression, même si le Kosovo reste un foyer de crise latent. Peut-être un jour faudra-t-il lui adjoindre la région du Sandžak, au sud de la Serbie et proche de la BH, dont on parle que très épisodiquement et qui présente pourtant un certain nombre de facteurs de crise potentielle. Les voisins de la BH ont actuellement d’autres préoccupations que d’attiser une querelle quelconque avec elle et des intérêts clairement affichés, en particulier l’intégration à l’Union Européenne (la Croatie y est presque, le Monténégro semble en bonne voie et il ne manque plus à la Serbie que –si l’on peut dire- la reconnaissance de l’indépendance du Kosovo pour prendre le bon wagon[38]). Cette  reconnaissance en respectabilité leur fait rechercher la qualité dans leurs relations avec leurs voisins. Mais si la Croatie semble, de ce fait, tentée par une certaine prise de distances avec les Croates de BH, Belgrade aura sans doute plus de difficultés pour limiter son soutien à la Republika Srpska.

Alors certaines menaces étant identifiées et récurrentes, certaines autres ayant revêtu une importance accrue, quelles sont les éventualités envisageables pour l’avenir, sachant qu’il n’est pas question de jouer à l’apprenti sorcier et que certaines d’entre elles ont déjà été tentées – et ont montré leurs limites? Certaines seront sans doute jugées iconoclastes, mais les envisager ne relève que d’un pragmatisme  inévitable après tant d’années passées à pallier les défaillances d’un système mis en place par la Communauté internationale et dont les limites sont connues depuis longtemps.

Une première éventualité, la plus simple et moralement satisfaisante, serait d’attendre que la génération des dirigeants issus du conflit 1992-95 ait passé la main. Outre que cela ne ferait que pérenniser une situation désastreuse pour les populations et l’habitude de l’assistanat, il est très peu probable que la génération suivante fasse mieux que ses prédécesseurs et ne soit pas tentée d’emprunter les mêmes chemins tortueux. La Communauté internationale pourrait partir à la poursuite d’un autre record, celui de Chypre, dont la partition résultant de l’invasion turque n’a toujours pas été entérinée, ni réglée, après trente-sept années d’effort. En outre, comme dans l’île divisée, une force coûteuse serait nécessaire, financée dans ce cas – et cela change tout - par les contributeurs (sans doute de moins en moins nombreux) et des bureaux de représentation des instances internationales devraient être laissées en place en BH.

Deuxième solution : attendre, non pas le Messie, mais l’émergence d’un nouveau Tito (ou la provoquer). L’histoire des Balkans et du territoire de l’ancienne Yougoslavie en particulier l’a démontré : une certaine unité et des périodes de calme plus ou moins longues n’ont pu être obtenues à toutes les époques que parce qu’une institution forte et un leader, ferme et charismatique à la fois, fédéraient (au besoin par la force) les diverses composantes de l’état. Or, aucune personnalité ne semble en mesure de jouer ce rôle en Bosnie-Herzégovine actuellement, tous les dirigeants, à de très rares exceptions, étant empêtrés dans les mailles du filet de leur ethnie et n’ayant qu’une faible marge de manœuvre. Cette solution est donc illusoire.

Troisième possibilité : devant l’échec patent d’un programme de stabilisation issu des Accords de Dayton, que la grande majorité, reconnaît  inadapté à la réalité du moment et inefficace (hormis quelques rares avancées), la Communauté internationale pourrait provoquer un « Dayton 2 », afin de responsabiliser davantage les autorités bosniennes[39], quitte, au besoin, à leur forcer la main. Il n’est pas certain que quelqu’un se lance dans l’aventure en proposant cette solution. Sans compter que de telles négociations finiraient bien par accoucher d’un autre monstre, sous la pression de certains états très engagés aux côtés des entités.

Quatrième idée : une campagne médiatique intelligente pourrait annoncer un désengagement  total des forces, de la mission de police européenne et des bureaux des institutions internationales, ainsi que le blocage de toutes les aides, tant que des mesures réellement efficaces ne seront pas prises. Cette annonce pourrait provoquer un électrochoc salutaire car les décideurs bosniens se sentiraient rapidement touchés là où cela fait mal : le portefeuille. Mais il faudrait alors accepter que des solutions « balkaniques » soient apportées, ce qui n’est plus toléré depuis longtemps. Cette mesure extrême n’est bien sûr pas souhaitable, mais mérite d’être envisagée, surtout dans le contexte actuel.

Enfin, une solution intermédiaire, reprenant quelques idées précédemment émises pourrait consister, à la fois, à intensifier et durcir les pressions internationales en les rendant contraignantes sous peine, non pas de suspension, mais de suppression des aides, assortie d’un retrait de la mission « Althéa » et de la MPUE, cette dernière remplacée par une coopération accrue et directe avec les structures nationales et supranationales de police et surtout, accepter l’idée que, bien que visant l’intégration à l’UE, la BH n’est pas et ne sera jamais un état européen comme les autres. Il conviendra dans ce cadre d’accepter aussi que, de ce fait, elle puisse avoir des procédures propres et adaptées aux conditions locales, décidées par ses dirigeants, en accord avec les désirs et besoins de sa population, auxquels un cadre d’action aurait été fixé, mais sans l’épée de Damoclès des Pouvoirs de Bonn. Car à force de vouloir faire de la BH un parangon de démocratie et d’exiger la perfection à tous moments, la Communauté internationale pourrait finir par décourager les quelques bonnes volontés locales. 

«Errare humanum est, perseverare diabolicum ».

 

COMPOSITION DU GOUVERNEMENT (* : membres du précédent gouvernement).

Premier Ministre : Vjekoslav BEVANDA (HDZ)

Ministre des Affaires étrangères et Vice-président du Conseil des ministres : Zlatko LAGUMDŽIJA (SDP)

Vice-ministre : Ana TRIŠIC-BABIĆ (SNSD)*

Ministre des Finances et du Budget et Vice-président du Conseil des ministres : Nikola ŠPIRIĆ (SNSD)

Vice-ministre :  Fuad KASUMOVIĆ (SDA)*

Ministre des Affaires intérieures : Sredoje NOVIĆ (SNSD)*

Vice-ministre : Denisa SARAJLIĆ-MAGLIĆ (SDP)

Ministre du Commerce extérieur et des Relations économiques : Mirko ŠAROVIĆ (SDS)

Vice-ministre : Ermina SALKIČEVIĆ-DIZDAREVIĆ (SDP)

Ministre de la Justice : Bariśa ČOLAK (HDZ BiH)*

Vice-ministre : Srđan RADULJ (DNZ)

Ministre de la Sécurité : Sadik AHMETOVIĆ (SDA)*

Vice-ministre : Mladen ČAVAR (SDP)

Ministre des Droits de l’Homme et des réfugiés : Damir LJUBIĆ (HDZ 1990)

Vice-ministre : Radmila MITROVIĆ (SDS)

Ministre de la Défense : Muhamed IBRAHIMOVIĆ (SDA)

Vice-ministres : Marina PENDEŠ (HDZ BiH)* et Mirko OKOLIĆ (SDS)

Ministre des Transports et des Communications : Damir HADŽIĆ (SDP)

Vice-ministre : Rudo VIDOVIĆ (HDZ 1990)*

 

 

© ESISC 2012



[1] Igor Štiks, sociologue bosnien dans Danas du 22.10.11, cité par le Courrier des Balkans.

[2] Il faut dire que la menace brandie par M.Dodik d’organiser un référendum à Banja Luka, finalement non mise à exécution, avait fait monter la pression en avril (l’idée en avait été abandonnée en mai sous la pression de l’UE et, plus précisément, de Catherine Ashton).

[3] Ces deux partis réclamant, comme aux plus beaux jours de l’Herzeg Bosna, entité croate autoproclamée en 1992, la création d’une troisième entité sur la base ethnique, démontrant une nouvelle fois, s’il en était besoin, leur hostilité à la Fédération imposée par les Accords de Dayton/Paris.

[4] Sans vacuum, car le gouvernement précédent administrait les affaires courantes.

[5] Texte visant l’ensemble des  autorités, relevé sur ces affiches, cité par  le Courrier des Balkans  le 18.11.11 : «Vous êtes unis dans la paresse et dans le crime ». 

[6] Il a été, entre autres, ministre des Finances de la Fédération  de 2007 à sa désignation.

[7] "La formation du nouveau gouvernement est une étape positive mais cela n'est pas suffisant. Ce gouvernement va avoir la difficile tâche de s'attaquer à une long série d'obligations qui ont longtemps été retardées".

[8] Le terme de Fédération est abusif, car cette entité artificielle n’est pas reconnue comme telle en termes de droit international.

[9] Il aura ainsi fallu une menace claire d’exclusion des instances de la Fédération Internationale de football pour que les fédérations des deux entités, qui n’avaient aucune représentativité sur un plan international soient dissoutes en 2011 (au passage, on peut remarquer qu’il aura fallu 16 ans à la FIFA pour se rendre compte de l’anomalie…).

[10] Mais aussi celle du patriarche de Belgrade, Irenej, du Premier ministre Cvetković et du vice-premier ministre Dacić.

[11] En dépit de quelques promesses de négociations, Belgrade n’a toujours pas reconnu Priština et ce n’est sans doute pas le récent référendum organisé à Mitrovica, repoussant à la quasi-unanimité l’autorité de la capitale kosovare sur la région à majorité serbe qui va faire avancer le processus.

[12] « La Republika Srpska est libre et continuera d’exister comme c’était le vœu des soldats qui lui ont sacrifié leur vie » (Rapporté par  le Courrier des Balkans  du 10.01.2012).

[13] M.Bevanda, Premier ministre récemment désigné, appartient au HDZ BiH.

[14] Faute de recensement depuis 1991, on en reste à des estimations et aux déclarations quelque peu partisanes du Cardinal de Sarajevo, Mgr Puljić et il semble que la population croate soit d’environ 450 000 personnes actuellement. 

[15] Une anecdote rapportée il y a quelques mois à l’auteur est symptomatique de la quasi-impossibilité pour les Croates de scolariser leurs enfants  dans l’enseignement public dans la capitale : revenant d’une des premières journées de classe, un jeune Croate répondit à son père, qui l’interrogeait sur ce qu’il avait fait en classe : « la maîtresse nous a appris qu’il fallait être poli le matin et saluer le professeur et ses camarades ». « Parfait », lui répondit son père, content d’une telle entame de l’année scolaire. Encouragé par cette approbation, le petit garçon crut bon de rajouter : « Oui, il faut dire ‘Salam Alleykum !’ » et se trouva interloqué de recevoir une gifle en écho.

[16] Il faut rappeler que la diaspora croate, dont celle de BH, a droit de vote aux élections nationales de Croatie. Elle boude toutefois de plus en plus les urnes de Zagreb (6,23% de votants seulement le 4 décembre 2011). Le président Tudjman courtisait les électeurs croates de BH, qui trouvaient dans le HDZ de Zagreb et son leader une filiation naturelle et votaient massivement pour eux.

[17] Tito avait bien cerné le risque de dérive, en créant de toute pièce une nationalité « musulmane», espérant, par ce moyen, éviter toute récupération.

[18] Un seul attentat pouvant être catalogué comme terroriste à Bugojno, environ un an auparavant.

[19] Dnevnik(ARYM) du 26 avril 2011 relatait le nouveau report de la réunion du comité chargé de procéder au partage du patrimoine de l’ex-Yougoslavie à l’étranger.

[20] Dnevni Avaz du 13.02.2012.

[21] Le SDA, par la voie de Bakir Izetbegović  a, en particulier, émis des réserves et ce serait le comble de l’ironie de voir la RS et M.Dodik être les plus proactifs dans l’adoption du budget central.

[22] Certains bâtiments ministériels n’étaient plus chauffés début février, faute d’avoir payé les notes précédentes et plusieurs milliers de fonctionnaires n’ont pas été payés en janvier. Les administrations vivent à crédit pour le téléphone, le carburant, le chauffage…

[23] Rapport COFACE du 12.02.2012.

[24] Construction de centrales électriques, poursuite de la construction d’autoroutes et projet de gazoduc vers l’Autriche en particulier.

[25] Lors des récents épisodes neigeux du début 2012, certaines denrées ont subi brusquement des hausses très importantes dans certaines régions (aux environs de Mostar, un œuf coûtait par exemple 1 KM).

[26] Radio Free Europe 21.10.11.

[27] A Mostar, par exemple, et encore faut-il relativiser le succès local. Le Collège international (Collège du monde uni) était d’ailleurs présenté il y a peu de temps comme « une expérience unique.  D’autres réalisations ponctuelles existent, mais ne se sont pas développées.

[28] Le dernier en date (Srebrenica) n’est pas prêt d’être pardonné par les Bosniaques et il n’y a qu’à voir l’ampleur que revêtent les cérémonies commémoratives annuelles du 11 juillet pour se rendre compte que celles-ci dépassent la simple célébration de la mémoire des victimes, avec les inhumations massives des victimes identifiées de l’année (613 en 2011). Comme il reste probablement encore plusieurs centaines de dépouilles de victimes à retrouver, identifier et inhumer, on peut penser que la perpétuation de la mémoire du massacre ne servira pas la cause de la réconciliation. Et le site-mémorial de Potočari, avec ses milliers de tombes, sera pour toujours un rappel de la folie d’une des composantes ethniques. 

[29] Estimations les plus proches de la réalité de Caritas : 70% totalement ou partiellement analphabètes, 18% des enfants ayant terminé une scolarité primaire et 7% un cursus secondaire.

[30] Dont une partie de la collection, stockée sans aucune précaution en plein air, à l’arrière du bâtiment, s’est progressivement dégradée (un hélicoptère a été victime d’un incendie criminel en 2007).

[31] Dont la célèbre et inestimable Haggadah, un manuscrit du XIVème siècle, écrit en hébreu, apporté par les Juifs sépharades qui fuyaient l’Inquisition espagnole.

[32] Soutenu, en particulier par l’Autriche, la Slovaquie, la Hongrie et la Turquie, principaux contributeurs, mais aussi par la Grande-Bretagne.

[33] Dans le langage courant littéralement « Y’a moyen », plus correctement : « C’est possible ».

[34] Les prélats des trois grandes religions sont, dans ce contexte, aussi responsables les uns que les autres, par les propos souvent excessifs qui émaillent leurs prêches ou déclarations, alors qu’officiellement, ils combattent à fleurets mouchetés lors des réunions interconfessionnelles officielles et y font même plutôt preuve d’ouverture. 

[35]  Dès avant la fin du conflit, la construction de nombreuses mosquées avait été notée, y compris dans des zones, en particulier du côté serbe de l’IEBL où, historiquement, il n’y en avait jamais eu…

[36] La question de la mise en commun des biens immobiliers tarde à être réglée, car les entités défendent leurs intérêts propres.

[37] Voir l’excellent reportage sur le sujet diffusé sur la chaîne française M6 le 12 février 2012.

[38] L’accord intervenu le 24 février va dans ce sens, mais Belgrade n’est pas allée jusqu’à la reconnaissance de l’État kosovar.

[39] Mais trop de voix s’élèvent dès qu’on parle de supprimer les pouvoirs de Bonn.


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