Brésil : la défense, une affaire… d’Etat



 

 

Initié en 1999 par la création du ministère de la Défense durant la présidence de M. Fernando Enrique Cardoso, prédécesseur de M. Luis Inacio Lula da Silva, le processus d’aggiornamento de l’organisation de la Défense du Brésil a connu une importante relance à partir de 2007, suite à la prise en compte de ce portefeuille régalien par M. Nelson Jobim[1].

 

Néanmoins, parmi les points d’interrogation qui accompagnent la prochaine prise en main des destinées du Brésil par Mme Rousseff, se distinguent ceux relatifs à ce domaine. Dilma Rousseff entretiendra-t-elle durant sa présidence la dynamique impulsée par Lula da Silva durant son deuxième mandat ? Ou bien, choisira-t-elle de marquer une pause dans cette démarche de son prédécesseur et de donner la priorité absolue aux volets internes des questions économiques et sociales ?

 

Pour les observateurs intéressés par les perspectives d’avenir en matière de Défense au Brésil et en dépit de l’effort voulu par le Président sortant, à ce jour, le doute est permis.

 

Lors d’une interview donnée au mois d’avril dernier, M. Nelson Jobim, interrogé sur les possibles changements de cap sous l’autorité de l’un des deux présidentiables – Mme Rousseff et M. Serra – avait eu cette réponse somme toute aussi prudente que sibylline : « Je ne m’y attends pas… J’insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas d’un programme de gouvernement. C’est un programme d’Etat ».

 

Et M. Jobim d’insister sur le fait qu’il avait pris soin de rencontrer les principaux partis de tout bord et notamment ses anciens collègues de la présidence Cardoso avant de « réaliser un changement de conception afin de donner plus de musculature au ministère de la Défense ».

 

De fait, entre le mois de décembre 2008 et le mois d’août 2010, le Président a signé deux textes complémentaires élaborés par le ministère de la Défense, qui, pour le premier, est venu définir la Stratégie de Défense Nationale et pour le second, fixer légalement les bases de la refondation de l’outil de Défense.

 

Pour un pays à propos duquel on se rappelle les longues années de régime militaire, qui n’a jamais pris la peine d’élaborer un Livre Blanc de la Défense et qui disposait encore voici quelques années de plusieurs ministères militaires (Terre, Air, Marine) sans réelle subordination au pouvoir civil, le pas politique accompli est énorme.

 

 

La Stratégie Nationale de Défense

 

Le décret 6.703/08 portant sur la Stratégie Nationale de Défense (Estrategia Nacional de Defesa – END) a été signé par le Président le 18 décembre 2008.

 

Avant la présidence de M. Lula da Silva, le texte n’avait pas eu de précédents véritablement équivalents.

Cependant, il n’est venu qu’incomplètement et tardivement répondre aux orientations données par le Président dès son premier mandat (2003 – 2006) à partir d’une première initiative de son prédécesseur :

 

  • En 1996, sous la présidence Cardoso, avait paru le Document sur la Politique de Défense Nationale (DPDN); celui-ci maintenait la possibilité pour les Armées d’intervenir dans les affaires de sécurité intérieure.
  • En 2003, lors de son adresse au Congrès, M. Lula da Silva déclarait qu’au cours de cette même année, devraient être actualisé le DPDN, relancé le débat sur les questions stratégiques avec le secteur civil et élaboré un Livre Blanc de la Défense sous la conduite du ministère de la Défense (créé en 1999 par la Loi Complémentaire n°97).
  • En 2005, parut la nouvelle version du DPDN qui définissait une posture défensive dissuasive et prônait la recherche pacifique des différents mais n’éliminait pas explicitement la possibilité d’une intervention des forces armées face à une menace intérieure.
  • En 2007, le Président invita publiquement le ministre de la Défense à produire pour l’année suivante, soit un nouvelle formulation de la politique de Défense, soit un Livre Blanc.
  • Fin 2008, donc au milieu du deuxième mandat Lula (2007- 2010), le document END s’est substitué au DPDN en amplifiant sa portée (et sans y faire référence non plus au Livre Blanc envisagé dès 2003).

 

Les modalités d’élaboration de la END ont fait l’objet de quelques critiques de la part de représentants de la « société civile » (membres de think-tanks, chercheurs et universitaires) qui auraient souhaité une réflexion plus ouverte.

Néanmoins, sur décision présidentielle, le ministère des Affaires stratégiques a été associé aux réflexions.

On peut penser que l’élongation des délais fixés initialement par le Président n’est pas étrangère aux difficultés qu’aura rencontrées un ministre civil pour démarrer et conduire un travail novateur avec des interlocuteurs militaires peu habitués à ce qui a pu leur apparaître comme une ingérence dans leur pré-carré.

 

Selon toute vraisemblance, il aura fallu toute la volonté politique de M. Lula da Silva, sous-tendue par le souci de soutenir les intérêts du pays au plan international, pour que paraisse ce document.

 

Parmi les avantages attendus à l’international de la publication du document END, on peut sans doute retenir ceux liés :

  • à l’affichage « classique » de l’équivalent d’un Livre Blanc national venant compléter le choix de ne disposer que d’un seul ministère de la Défense ;
  • à l’énoncé clair des orientations concernant l’emploi des forces projetables alors que le Brésil souhaite moderniser son outil de défense.

Cette mise en harmonie « discursive » vient crédibiliser la politique étrangère brésilienne qui affiche comme objectif principal celui de l’intégration internationale du pays, en toute priorité dans son environnement régional.

A ce propos, on se rappellera le rôle de leader que M. Lula da Silva a assumé dans la création et l’activation de l’Union des Nations Sud-américaines (UNASUL)[2] puis dans la mise sur pied de son Conseil Sud-américain de Défense (CESAD)[3].

 

Le décret sur la Stratégie Nationale de Défense (END) est d’une « autre dimension » que les DPDN en cela qu’il intègre des aspects dépassant le strict domaine de responsabilité du ministère de la Défense : science et technologie, économie, éducation, mobilisation…

 

C’est un document clair articulé en deux parties dont la première est consacrée à la « formulation systématique » des composantes de la stratégie de Défense et la seconde à la présentation de leurs « mesures d’application ».

 

Il insiste dès ses premiers paragraphes sur le fait que « la stratégie nationale de défense est inséparable de la stratégie nationale de développement ».

Celle-ci motive celle-là et la première protège la seconde.

Bien défendu, le Brésil pourra dire « non » quand il souhaitera le faire et pourra bâtir son propre modèle de développement.

 

Il déclare prendre en compte les initiatives stratégiques à conduire sur les moyen et long termes et sur 3 « axes fondamentaux » :

  • la réorganisation des forces armées ;
  • la restructuration de l’industrie de défense ;
  • la réalisation des effectifs.

 

La réorganisation des Armées en un état-major interarmées (« conjoint ») et trois commandements (Terre, Air, Mer) doit se fonder sur les dispositions constitutionnelles : le ministre de la Défense exerce sur les Forces les pouvoirs que la Constitution et les lois ne réservent pas expressément au Président, les forces sont subordonnées au pouvoir politique constitutionnel.

Pays pacifique qui veut « grandir sans dominer », le Brésil doit disposer de forces capables de protéger son territoire et ses espaces aérien et maritime et disposer d’une capacité suffisante de dissuasion face à une éventuelle « concentration de forces hostiles » sur ses frontières.

La réalisation de cette posture de dissuasion passe par le développement des capacités de contrôle des espaces, de mobilité stratégique et de présence sur les zones les plus sensibles : aujourd’hui le nord et l’ouest (tous espaces confondus – priorité sur l’Amazonie) ainsi que l’Atlantique Sud.

Le texte enregistre bien entendu la capacité de participer à des opérations de paix et humanitaires conduites par des organismes internationaux.

 

La restructuration de l’industrie de défense doit principalement viser  la « conquête » de son autonomie en matière de technologies de défense en s’appuyant d’abord sur les capacités des entreprises du secteur privé, les entreprises d’Etat se chargeant d’acquérir les technologies délaissées par ce dernier pour des raisons de non rentabilité.

 

La réalisation des effectifs continue de s’appuyer sur le service militaire obligatoire, garant du maintien d’une capacité de mobilisation et de l’affirmation « de l’unité de la nation qui s’impose sur les divisions des classes sociales »; un service civil s’adressant aux individus dispensés du service militaire sera créé « dans l’avenir » pour répondre à ces mêmes objectifs.

 

Il convient de noter ici que le décret END n’élimine pas la possibilité pour les Armées de se voir assignées des missions de police bien que « le pays veille à éviter » que ce type de mission ne leur échoie.

Néanmoins, ces misions doivent être ordonnées selon les dispositions constitutionnelles et menées à bien conformément à une législation à paraître.

 

Dans sa 2e partie, le décret fixe aux 3 Forces un cadre très clair de mise en œuvre de la stratégie de défense sous l’autorité du ministère.

 

  • Chaque Armée devra présenter ses plans consolidés de montée en puissance, organisation et déploiement pour le court terme (2014), le moyen terme (2015/2022) et le long terme (2027/2030).
  • Ces plans devront intégrer l’acquisition – avec compensation commerciale, industrielle et technologique - de matériels et équipements majeurs de nature bien définie pour chaque Armée[4].
  • Dans le cadre de ces plans, chaque Armée devra prendre en compte un certain nombre de priorités pour organiser le déploiement de ses moyens sur le territoire[5].

 

Le texte établit un lien entre la première assertion sur le lien défense/ développement et les « axes fondamentaux » de l’END en inscrivant parmi ses « lignes directrices » le renforcement de 3 secteurs – l’espace, la cybernétique et l’énergie nucléaire – qui, « de par leur nature, transcendent la distinction entre développement et défense, entre domaine civil et domaine militaire ».

 

A propos du nucléaire, le décret rappelle les engagements du Brésil découlant de la signature du Traité de Non Prolifération des Armes Nucléaires mais affirme « la nécessité stratégique de développer et de maîtriser la technologie nucléaire » afin de garantir l’équilibre et la souplesse de son panel d’options énergétiques, sans oublier la possibilité de mener à terme le projet de disposer d’un sous-marin à propulsion nucléaire.

 

Enfin, la promotion de relations internationales privilégiant la coopération et le maintien de la paix s’inscrit parmi les lignes directrices de la Stratégie Nationale de Défense.

 

Ainsi, l’intégration de l’Amérique du Sud contribuera-t-elle à la défense du Brésil, notamment par le biais de la coopération militaire et l’intégration des industries de défense.

Le CESAD se voit assigné un rôle prépondérant dans le développement de ces 2 aspects et dans la prévention des conflits régionaux.

 

En matière de relations internationales, on peut bien entendu estimer que la conquête d’un fauteuil permanent au Conseil de Sécurité de l’ONU est à ranger parmi les objectifs non déclarés de cet effort de présentation d’une stratégie de défense très élaborée et se projetant sur un demi-continent.

 

 

La Loi Complémentaire n°136 du 25 août 2010

 

D’emblée, on relève que presque deux ans se sont écoulés entre la signature du décret relatif à la Stratégie Nationale de Défense et celle de ce document qui traduit en texte de loi certaines des principales orientations données par ce décret.

 

Cette Loi Complémentaire modifie largement la LC n°97 de 1999 déjà évoquée et qui fixait « les dispositions générales régissant l’organisation, la préparation et l’emploi des Forces Armées », créait l’Etat-major Conjoint des Forces Armées et précisait les attributions du ministre de la Défense dans le contexte de l’époque.

 

La loi confirme très précisément l’autorité du ministre de la Défense sur la haute hiérarchie militaire et l’insère dans la chaîne de commandement. Il se trouve désormais en position intermédiaire entre le sommet du pouvoir politique (le Président) qui décide des actions à mener et les Armées qui les exécutent.

 

La haute hiérarchie militaire – qui inclut les trois commandants des Forces et le chef de l’Etat-major Conjoint des Forces Armées (EMCFA) – forme le Conseil Militaire de Défense, chargé de conseiller le ministre.

Ce dernier prend la tête de la chaîne de commandement opérationnel et dispose de l’EMCFA pour préparer l’engagement des forces et le conseiller dans la conduite d’exercices interarmées et d’opérations de paix. Il présente à la décision du Président les noms des officiers généraux qu’il propose comme commandants des Forces et de l’EMCFA[6]. Dès que nommés, ces généraux passent à la réserve s’il s’agit d’officiers d’active.

Par ailleurs, les commandants des Forces soumettent au ministre les propositions de promotion des officiers généraux ; celui-ci choisit ses secrétaires d’Etat qui ne sont plus nécessairement militaires.

Les trois commandants des Forces ont désormais un rôle essentiellement organique et conservent la responsabilité de la préparation opérationnelle des formations placées sous leur autorité.

 

Le ministre de la Défense est responsable de l’élaboration du Livre Blanc de la Défense Nationale qui devra traiter des sujets fixés par la loi[7].

 

La parution du Livre Blanc sera la dernière étape d’un processus qui débutera en 2012 et qui verra la parution successive de trois documents actualisés sur un rythme quadri-annuel : Politique de Défense, Stratégie Nationale, Livre Blanc.

 

La nécessité de contrôler les zones sensibles des espaces nationaux, exposée dans le document END, se traduit dans la loi par l’attribution aux forces armées de pouvoirs de police.

 

En fait, il s’agit d’une extension à la Marine et à l’armée de l’Air d’une compétence déjà détenue par l’armée de Terre.

 

Cette compétence s’exerce :

  • dans les zones frontalières terrestres, en mer et dans les eaux intérieures ;
  • afin de prévenir ou de réprimer des délits transfrontaliers ou portant atteinte à   l’environnement ;
  • en mettant en œuvre des actions de patrouille, de fouille des personnes et des

        véhicules, d’arrestation in fraganti.

 

En complément à cette Loi Complémentaire et toujours dans le sillage du texte END, ont été décidées :

 

  • la création de 2 nouveaux secrétariats au sein du ministère de la Défense :

-         le secrétariat « Produits de Défense »

-         le secrétariat « Personnel, Enseignement, Santé et Sport »

  • l’augmentation de 40% des effectifs du ministère où désormais les civils sont plus nombreux que les militaires.

 

 

Au delà des textes

 

Si, à travers les textes et en dépit de certains « temps morts », le processus de réforme de la Défense nationale est aujourd’hui  bien engagé, le traitement des questions concrètes – au premier chef desquelles les acquisitions de matériels – a connu un démarrage tardif.

 

Malgré les espoirs nés des promesses du candidat Lula et la volonté politique de réformer les errements anciens en portant l’effort sur la planification des acquisitions et le pilotage de celles-ci par un ministère civil investi de toute l’autorité nécessaire, il a fallu attendre les deux dernières années du mandat actuel du Président pour enregistrer les premières concrétisations.

 

Le budget de la Défense (1,7% du PIB, 3,2 % du budget de l’Etat en 2009) est le plus important de sa catégorie en Amérique du Sud mais il est consommé à presque 80% par les dépenses de personnel. Les Armées ont d’ailleurs enregistré une amélioration appréciée dans ce domaine puisque les soldes ont été revalorisées durant le dernier mandat Lula.

 

Conformément aux orientations du décret END, les réalisations de matériels sont pour la plupart accompagnées de transfert de technologie et les plus importants se trouvent encadrés par de récents partenariats.

 

A titre d’exemples :

  • Le partenariat stratégique avec l’Italie (avril 2010) identifie divers programmes intéressant les 3 Forces et le domaine spatial.
  • L’accord de coopération de défense avec la Grande-Bretagne (septembre 2010) porte notamment sur des projets intéressant la Marine.
  • Le plan d’action bilatéral (décembre 2008) qui a suivi le partenariat stratégique lancé en 2006 avec la France comporte divers programmes de coopération en matière de Défense (au premier rang desquels la construction de sous-marins) et dans le domaine spatial.

 

Les programmes d’équipement en cours actuellement présentent les caractéristiques suivantes :

  • pour leur majorité, ils commencent en 2009 ;
  • les plus longs prévoient de s’étaler jusqu’en 2021 (sous-marins à propulsion classique) et 2025 (sous-marin à propulsion nucléaire), la plupart (dont le programme FX 2 de renouvellement de la flotte d’avions de combat de l’armée de l’Air) s’inscrivant dans le court terme (2014) fixé par le décret END ;
  • les plus « lourds » au plan technologique (sous-marin à propulsion nucléaire, frégates, avions de combat, satellites) sont à l’étude ou en attente de décision.

 

 

Les silences de Dilma

 

Contrairement au candidat Lula qui, en 2002, avait ouvert un dialogue sur les questions de défense, la candidate Dilma n’a pas abordé le thème au cours de sa campagne électorale.

 

Il convient de reconnaître qu’aucun des principaux candidats – même lors des débats publics fortement médiatisés – n’a abordé avec profondeur le thème du rôle croissant du Brésil sur la scène internationale et de son nécessaire accompagnement par un effort de défense.

Par ailleurs, des media spécialisés dans les questions de défense ont déploré que leurs demandes d’interviews avec ces mêmes candidats, avant comme après le second tour, soient restées sans réponse.

 

Contrastant avec l’épaisseur de ce silence, on se souviendra de l’énergie déployée par M. Lula da Silva lors de sa première campagne en 2002 pour ouvrir un dialogue avec les Armées en s’appuyant sur des propositions « fortes » dans le contexte de l’époque :

 

  • participation du Congrès à des débats sur la défense ;
  • mise en place de budgets adaptés aux besoins (de 1 à 2% du PIB) ;
  • renforcement de la sécurité des zones frontalières ;
  • renforcement des moyens d’acquisition du renseignement ;
  • acquisition d’avions de combat ;
  • développement de la coopération militaire au plan régional ;
  • augmentation des salaires ;
  • extinction progressive du service militaire obligatoire.

 

Il est vrai que la crise économique a limité la réalisation des ambitions annoncées et que le Congrès ne se montre guère plus intéressé que par le passé par des débats sur les questions de défense.

Néanmoins, celles-ci ont à nouveau réapparu lors de la campagne suivante du candidat Lula.

La candidate Dilma a déçu les militaires au cours de sa campagne. Ainsi, contrairement à M. Serra, elle ne s’est pas présentée pour donner une conférence prévue au Cercle Militaire. Et elle n’a pas fait allusion au rôle joué par l’armée de Terre dans les travaux du programme d’Accélération de la Croissance (PAC).

A quelques jours du 2e tour des élections présidentielles, Mme Rousseff s’est contentée d’un court « message » de moins d’une page aux « femmes et aux hommes des Forces Armées ». Dans une sorte de copié-collé très condensé du décret sur la Stratégie Nationale de Défense – qu’elle accompagne d’un rappel sur les bienfaits de la revalorisation des soldes par le gouvernement auquel elle a appartenu – Dilma Rousseff déclare qu’elle continuera sur la voie ouverte par M. Lula da Silva.

 

Cette quasi absence des questions de défense dans la campagne de la candidate Dilma Rousseff se vérifie dans le texte de son programme.

 

Mme Rousseff a traversé quasiment toute la période de campagne présidentielle accrochée au bras de M. Lula da Silva et avec le seul credo « continuer comme Lula » lui servant de programme de gouvernement.

 

Néanmoins, les prémices de la campagne ont été marquées par un rapprochement de Mme Rousseff de la tendance radicale du Parti des Travailleurs (PT), ce qui a amené la presse à titrer sur un programme de Dilma « à gauche de Lula ».

Début juillet, a dû être retiré du Tribunal Suprême Electoral (TSE) un programme de gouvernement qui y aurait été abusivement déposé par le PT (mais dont Mme Rousseff avait paraphé les pages).

Ce n’est qu’à la veille du second tour qu’est apparu un document intitulé « Les 13 engagements de programme de Dilma Rousseff proposés à la société brésilienne ».

Ce texte, qui rappelle de très près la contexture[8] des deux programmes de campagne de M. Lula da Silva qui donnaient la priorité aux domaines économiques et sociaux, s’en distingue nettement par la part minimale faite aux questions de défense.

Les programmes 2002 et 2006 de l’actuel Président prenaient, en effet, le soin pour le premier, de détailler les différents objectifs et actions envisagés et, pour le second, d’énoncer les initiatives à mener à bien dans la continuité des réalisations du premier mandat.

En revanche, il faut atteindre la toute dernière phrase du texte de Mme Rousseff pour en recueillir l’écho : « La consolidation et la mise en œuvre de la nouvelle politique de défense, dans les termes de la Stratégie Nationale, approuvée en 2009 (sic), s’accompagnera du rééquipement des Forces Armées et de la complète installation du ministère de la Défense initiée par le gouvernement Lula ».

 

A la veille de la prise de fonctions de Mme Rousseff, les observateurs ont donc quelques motifs d’interrogation à propos de l’importance relative qui sera réservée par la présidence aux questions de défense pendant les quatre prochaines années.

 

Il est vrai que la nouvelle Présidente peut trouver quelques raisons pour ne pas s’engager démesurément dans ce domaine :

  • Tout d’abord, l’élan a été donné par M. Lula da Silva et il appartient aux Armées et au ministre de la Défense d’entretenir la dynamique en fonction des choix politiques.
  • Par ailleurs, les attentes des militaires en matière de rémunérations et de couverture sociale ont été satisfaites.
  • Enfin, comme il a été relevé précédemment, une grande partie des programmes et notamment ceux bien engagés, s’inscrivent dans le court terme, c’est à dire à échéance de la fin du mandat de Mme Rousseff (2014).

 

Compte tenu des engagements du passé de Mme Rousseff, de sa sensibilité politique plus radicale que celle de M. Lula da Silva, l’influence du PT en matière de priorités se fera sans doute d’avantage sentir que durant les huit années qui viennent de s’écouler.

 

Les priorités iront à la croissance économique afin de permettre l’amélioration du niveau de vie des Brésiliens et, tout particulièrement, celui des plus déshérités. Le discours de Mme Rousseff au lendemain de la proclamation des résultats du 2e tour est très clair : « l’éradication de la misère » (expression répétée trois fois) est « son engagement fondamental ». En contre-point, juste deux courtes phrases pour évoquer « l’amélioration de la sécurité publique » et « la lutte contre les drogues qui affligent les familles » ; pas un mot sur la défense.

 

Il est vrai qu’en dépit des progrès considérables réalisés grâce aux initiatives de M. Lula da Silva (programme d’accélération de la croissance, bolsa familia, bolsa escola), la tâche reste immense pour parvenir à « éradiquer » la misère (23% de la population vit sous le seuil de pauvreté), réduire les inégalités de revenus (de 1 à 27), lisser les disparités régionales en matière d’équipements sociaux, améliorer l’indice de développement humain du pays (70e rang)….

De plus, le chômage et le travail informel continuent de s’accroître tandis que le narcotrafic, aujourd’hui bien installé, alimente la croissance de la délinquance et de la violence criminelle face auxquelles les forces de sécurité ne parviennent pas à s’imposer.

 

Il est donc possible que l’on observe un ralentissement – au moins en première partie de mandat – dans la dynamique en matière d’équipement des Forces impulsée par M. Lula da Silva ces dernières années.

 

Des reports pourraient notamment concerner des programmes en cours d’étude ou pour la réalisation desquels le partenaire étranger n’a pas encore été choisi, tous programmes « lourds » et dont la réalisation prévue aujourd’hui s’étale sur la fin du moyen terme fixé par le décret de Stratégie Nationale de Défense.

 

Le premier argument – qui ne sera pas forcément développé explicitement par le nouveau gouvernement – est que, dans l’environnement régional, le Brésil ne perçoit pas de menace immédiate et son actuelle puissance militaire – même avec une partie de ses matériels majeurs techniquement « dépassés » ou inopérationnels ou remplacés par des moyens d’occasion – n’a pas d’équivalente.

 

Par ailleurs, la justification de la priorité à donner au social ne provoquerait pas a priori de forts remous au Congrès si l’on se réfère à certains cas de ces dernières décennies ou à des rumeurs ayant circulé durant la campagne et selon lesquelles M. Serra, s’il était élu, envisageait de réviser certains accords… et même de geler le programme FX 2 d’acquisition de nouveaux avions de combat.

Il faut se souvenir que ce même programme phare, pour des raisons politiques et de coût, a été suspendu par le Président da Silva en 2003 puis annulé en 2004 avant d’être réanimé en 2008, c’est à dire en plein effort d’élaboration de la Stratégie Nationale de Défense.

Un autre programme important – celui de la corvette Barroso – a connu des avatars semblables et bien avant que M. da Silva n’accède à la présidence, puisque la construction du navire commencée en 1994 (M. Itamar Franco étant Président) s’est achevée en 2008 après sa relance en 2005.

 

Enfin, dans un Brésil où la démocratie est aujourd’hui solidement ancrée, le gouvernement n’a guère à craindre des Armées dont Mme Rousseff elle-même saluait dans son message aux Forces « l’enracinement dans notre régime démocratique consolidé ».

 

En revanche, il ne semble pas raisonnable d’envisager que le passage de relais entre Lula et Dilma se traduise par des abandons purs et simples de ces plans d’équipement, non seulement parce qu’ils font partie de l’héritage – laborieusement bâti – du maître à la disciple mais encore parce qu’ils contribuent à consolider les ambitions de la politique étrangère du Brésil. Sans oublier celles de M. da Silva qui pourrait être tenté de se représenter aux présidentielles de 2014.

 

La décision tant attendue, et récemment promise pour cette fin d’année, sur la réalisation du programme FX 2 constituera bien entendu un bon indicateur de l’importance qu’attachera le prochain gouvernement au soutien du processus de modernisation du dispositif de défense du Brésil.

                                          

Equipamento / Programa

Força Armada

Especificação

Origem

Quantidade

Período

Status

A - 29 Super Tucano

Força Aérea

Aeronave leve de ataque
e treinamento

Brasil

99

2009 - 2011

Em produção
(75 já entregues)

A-1 AMX

Força Aérea

Caça-bombardeiro leve
(Embraer)

Brasil

43

2010 - 2014

Modernização
em andamento

A-Darter

Força Aérea

Míssil ar-ar de curto alcance
(míssil de 5ª geração)

Brasil /
África Sul

n.d.

2009 - 2015

Em desenvolvimento
com a África do Sul

AF-1 Skyhawk

Marinha

Aeronave leve de ataque
(Embraer)

Brasil

12

2009 - 2012

Modernização
(contrato assinado)

ALAC

Exército

Arma leve anti-tanque

Brasil

n.d.

2009

Em produção
(lote inicial)

AS 365K Pantera

Exército

Helicóptero utilitário

França

34

2011 - 2021

Modernização
(contrato assinado)

C - 95 Bandeirante

Força Aérea

Aeronave leve de transporte (Embraer)

Brasil

54

2010 - 2014

Modernização
em andamento

CASA   C - 295

Força Aérea

Avião médio de transporte

Espanha

8

2010 - 2012

Encomendados

COBRA

Exército

Equipamentos e armas para o
Combatente Brasileiro do futuro

Brasil /
França

n.d.

n.d.

Em desenvolvimento

EC 725 Cougar

EB / FAB / Marinha

Helicóptero de transporte/utilitário
(fabricados pela Helibrás)

Brasil

50

2010 - 2017

Encomendados

F- 5EM Tiger II

Força Aérea

Caça de ataque e interceptação
(Embraer)

Brasil

57

2009 - 2012

Modernização
em andamento

Fragatas

Marinha

Navios escolta de 6.000 toneladas

n.d.

4 a 6

2014 -2020

Em estudo de
projetos internacionais

Fuzil de assalto

Exército

Novo armamento individual
calibre 5.56 mm

n.d.

200.000

n.d.

Em análise

Gaucho

Exército

Veículo leve de reconhecimento

Brasil /
Argentina

n.d.

2009

Em produção
(lote inicial)

Grumman S-2T Tracker

Marinha

Avião de transporte / AEW

EUA

8

2011 - 2012

Encomendados

KC-390

Força Aérea

Nova aeronave de transporte (Embraer)

Brasil

28

2012 - 2020

Em desenvolvimento

KC-X

Força Aérea

Aquisição de nova aeronave para REVO e de transporte de pessoal

n.d.

4

2010 - 2012

Em análise

Leopard 1A5

Exército

Tanque de 42 ton. com
canhão de 105 mm

Alemanha

250

2009 - 2012

Encomendados
(estoques da Alemanha)

MAA-1B Piranha

Força Aérea

Míssil ar-ar de curto alcance
(Mectron)

Brasil

n.d.

2009 - 2012

Em desenvolvimento

MAN-1

Marinha

Míssil superfície-superfície (Mectron)

Brasil

n.d.

2009 - 2015

Em desenvolvimento

MAR-1

Força Aérea

Míssil anti-radiação (Mectron)

Brasil

n.d.

2009 - 2011

Em desenvolvimento

Marruá

Exército

Veículo 4x4 leve para patrulha e
reconhecimento (Agrale)

Brasil

120

2009

Encomendados

Mi-35 M Hind

Força Aérea

Helicóptero de ataque

Rússia

12

2009 - 2012

Encomendados
(03 já entregues)

MSS 1.2 AC

Exército

Míssil anti-tanque (Mectron)

Brasil

n.d.

2009

Em produção
(lote inicial)

Napa 500

Marinha

Navios patrulha de 500 toneladas

Brasil

6

2009 - 2012

Encomendados

Napa OPV

Marinha

Navios patrulha de 1.800 ton.

n.d.

5

n.d.

Em estudo de
projetos internacionais

P- 3AM Orion

Força Aérea

Avião de patrulha marítima

EUA

9

2010 - 2012

Em modernização

Piranha IIIC

Fuzileiros Navais

Veículo 8x8 de transporte de tropas

Suíça

30

2009

Encomendados

Projeto FX-2

Força Aérea

Aquisição de novos caças
de superioridade aérea

n.d.

36

2011 - 2014

Em licitação

SABER 60

Exército

Radar anti-aéreo de médio alcance

Brasil

40

2009

Em produção
(lote inicial)

Scorpene

Marinha

Submarino de propulsão
convencional

França

4

2015 - 2021

Encomendados

SGB

EB / FAB / Marinha

Satélite Geoestacionário Brasileiro

n.d.

1

n.d.

Em análise

SH-60B Seahawk

Marinha

Helicóptero de ataque / ASW

EUA

4

2009 - 2011

Encomendados

Submarino nuclear

Marinha

Submarino de propulsão nuclear,
sem armas atômicas

Brasil /
França

1

2015 - 2025

Em desenvolvimento

Super Lynx

Marinha

Helicóptero de ataque / ASW

Inglaterra

12

2009 - 2015

Modernização
em estudo

T- 27 Tucano

Força Aérea

Avião leve de treinamento

Brasil

60

2010 - 2014

Modernização
em estudo

UH-60L Black Hawk

FAB / Exército

Helicóptero utilitário

EUA

15

2009 - 2011

Encomendados

VANT

Força Aérea

Veículos aéreos não tripulados

n.d.

n.d.

2009 - 2012

Em testes
operacionais

VBTP-MR

Exército

Veículo 6x6 de transporte de tropas
(várias versões)

Brasil

2.000

2010 - 2020

Em desenvolvimento

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[1] M. Jobim a été ministre fédéral de la Justice durant la présidence de M. Fernando Enrique Cardoso. Bien qu’ayant accepté le portefeuille de la Défense en 2e mandat de M. Lula da Silva, il est resté lié à M. Cardoso et à M. Serra.

 

[2] UNASUL en portugais, UNASUR en espagnol est une organisation économique et politique intégrant les 12 pays d’Amérique du Sud et officiellement créée à Brasilia en mai 2008 mais fondée dès décembre 2004 par la Déclaration de Cuzco. Il s’inspire pour ses objectifs majeurs (monnaie commune, parlement, citoyenneté) de l’Union européenne et vise clairement à offrir aux Sud-américains un forum de concertation indépendant de l’OEA à laquelle appartiennent les Etats-Unis. Son premier président a été M. Kirchner.

[3] L’idée de créer un Conseil Sud-américain de Défense (CESAD) a été présentée par le Brésil dès 2007. La proposition de disposer d’un Conseil régional pour traiter de tensions entre Sud-américains a retenu l’attention des gouvernements en 2008 suite à la crise entre la Colombie et l’Equateur (crise provoquée par un raid des forces colombiennes sur un campement des FARC en territoire équatorien). L’établissement du CESAD de l’UNASUR fut décidé lors du sommet extraordinaire de l’union qui se tint le 16 décembre 2008 à Bahia. La première réunion des ministres de la Défense de l’union et dans le cadre du CESAD eut lieu en mars 2009 et permit l’élaboration d’un plan d’action 2009-2010 portant sur 4 domaines : coordination des politiques de défense, coopération militaire dans les opérations de paix, coopération en matière d’industries et de technologies de Défense, échanges dans les domaines de la formation et du perfectionnement.

 

[4] Pour les 3 Forces : hélicoptères de transport, reconnaissance et attaque. Pour l’armée de Terre : moyens de mobilité tactique et stratégique (unités de réaction rapide et d’Amazonie), blindés à roues, équipements de défense aérienne, équipement du combattant individuel. Pour l’armée de l’Air : avions de combat (remplacement « peu à peu » des existants), armements et détecteurs associés, avions de transport. Pour la Marine : construction de sous-marins conventionnels préalables à la construction de sous-marins à propulsion nucléaire, moyens de surface et aériens

[5] Pour l’armée de Terre : réserves stratégiques au centre, présence renforcée au centre-sud (principale zone économique et démographique). Pour l’armée de l’Air : moyens de projection de forces au centre et centre-sud, le reste en fonction des capacités de réaction offertes par les moyens. Pour la Marine : constitution d’une escadre au nord/nord-est.

 

[6] Le général d’Armée José Carlos De Nardi vient d’être nommé au poste de chef de l’EMCFA ; il était jusqu’ici à la tête du Commandement du Sud.

 

[7] Les sujets que devra développer le futur Livre Blanc sont : l’environnement stratégique du XXIe siècle ; la politique nationale de défense ; la stratégie nationale de défense ; la modernisation des forces armées ; la rationalisation et l’adaptation des structures de la défense ; le soutien économique de la défense nationale ; les forces armées de Terre, de l’Air et de Mer ; les opérations de paix et d’aide humanitaire.

 

[8] Les 13 « engagements » : développer et renforcer la démocratie aux plans politique, économique et social ; croître en développant l’emploi et le revenu ; suivre un projet national de développement qui assure… la transformation productive ; protéger l’environnement et garantir un développement durable ; éradiquer la grande pauvreté… ; le gouvernement Dilma sera celui de tous les Brésiliens… ; garantir une éducation (permettant) l’égalité sociale, la citoyenneté… ; transformer le Brésil en puissance scientifique et technologique ; universaliser la santé… ; doter les villes d’un habitat, de transports et (d’un cadre) de vie digne et sûr… ; valoriser la culture nationale… ; garantir la sécurité dans les villes et combattre le crime organisé ; défendre la souveraineté nationale et (promouvoir) une présence active et fière du Brésil dans le monde.

 

 


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