Etats-Unis : évolution du rôle de la CIA et du pentagone dans la lutte contre le terrorisme



 

 

Le 30 juin dernier, Leon Panetta quittait la direction de la Central Intelligence Agency (CIA) pour devenir secrétaire à la Défense. Quelques semaines plus tard, il était officiellement remplacé par le général David Petraeus, ancien commandant des forces armées américaines en Afghanistan. Si l’arrivée d’un militaire à la tête de l’Agence ou d’un ancien du renseignement au Pentagone n’est pas un fait inédit dans l’histoire américaine, ces changements ont une forte valeur symbolique. En effet, dix ans après les attentats du 11 septembre 2011, ce jeu de chaises musicales illustre parfaitement l’évolution du rôle d’acteurs centraux du gouvernement américain comme le Pentagone et la CIA dans la lutte contre le terrorisme.

 

En se penchant sur l’histoire des relations entre l’Agence et le département de la Défense, tous deux créés au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, on est frappé par le conservatisme de ces deux institutions et les efforts qu’elles ont été prêtes à consentir pour protéger leurs prérogatives. Ainsi, lors du débat sur la centralisation des activités de renseignement du gouvernement américain en 1945, les militaires américains ne se sont pas ménagés pour que la future CIA soit la plus faible possible. Cette méfiance s’est perpétuée tout au long de la Guerre froide, chacun restant dans son coin à l’exception de quelques collaborations ponctuelles. Cet état de fait n’a pas aidé le gouvernement américain à anticiper l’émergence de la menace du terrorisme islamiste. Il illustre les « faiblesses systémiques[1] » mises en évidence par une commission d’enquête parlementaire et la nécessité d’une plus grande coopération entre les composantes de la communauté du renseignement dont la CIA et les agences dépendant du Pentagone.

 

Pourtant, près de dix ans après les attentats de New York et Washington, le succès du raid contre la résidence d’Oussama Ben Laden et ayant abouti à la mort du chef d’al-Qaïda, a démontré les progrès effectués dans le domaine de la coopération. Lors de sa visite au siège de la CIA quelques semaines plus tard, le président Barack Obama a insisté sur la dimension collective de cette opération qu’il a décrite comme « un des plus grands succès du renseignement de l’histoire américaine[2] ».

 

Alors que les Etats-Unis commémorent les dix ans des attaques du 11 septembre 2001, il est donc intéressant de se pencher sur les mécanismes ayant abouti au rapprochement entre le Pentagone et la CIA afin de mieux jauger la réalité de cette coopération.

 

 

  1. Développement des capacités de renseignement du Pentagone

 

Si le rapport de la commission d’enquête parlementaire, paru en décembre 2002, insiste sur la nécessité d’une collaboration renforcée entre les agences composant la communauté du renseignement, toutes n’ont pas suivi ces recommandations. L’habile bureaucrate qu’est Donald Rumsfeld a en effet su tirer profit de la disgrâce de la CIA et du rôle central joué par les forces armées dans la lutte contre le terrorisme pour augmenter l’indépendance de son département dans le domaine du renseignement et des opérations clandestines.

 

            w Initiatives prises par Donald Rumsfeld au lendemain du 11-Septembre

 

Fort d’une première expérience de secrétaire à la Défense dans l’administration Ford, Donald Rumsfeld est retourné au Pentagone en janvier 2001 avec un certain scepticisme concernant le fonctionnement et l’efficacité de la communauté du renseignement, notamment de la CIA[3]. Entre temps, il avait présidé en 1998 une commission chargée d’évaluer les menaces balistiques pesant contre les Etats-Unis. Dans ses conclusions, la commission Rumsfeld avait insisté sur l’incapacité de la communauté du renseignement à suivre l’évolution de ces menaces[4]. On note par ailleurs que les mémoires de Donald Rumsfeld et du sous-secrétaire à la Défense en charge des politiques (Under Secretary of Defense for Policy) Douglas Feith mettent clairement en évidence la méfiance du Pentagone à l’égard des analyses, jugées partisanes, de la CIA, et la nécessité pour le département de bénéficier d’une certaine indépendance dans le domaine du renseignement[5]. Les dysfonctionnements mis en exergue par les attentats du World Trade Center et du Pentagone ont conforté M. Rumsfeld dans ses convictions et lui ont donné l’opportunité d’agir.

 

C’est ainsi qu’il décida de créer la fonction de sous-secrétaire à la Défense pour le renseignement (Under Secretary of Defense for Intelligence). Stephen Cambone, qui avait travaillé aux côtés de M. Rumsfeld au sein de la commission sur les menaces balistiques, fut nommé à ce poste en mars 2003 pour superviser l’ensemble des activités de renseignement du Pentagone et veiller à leur développement[6]. La création de ce poste était en fait la réponse de M. Rumsfeld aux dysfonctionnements, notamment dans le domaine de la coordination, mis en lumière lors des attentats du 11 septembre 2001. Toutefois, alors que ces problèmes concernaient l’ensemble de la communauté du renseignement et nécessitaient un effort collectif, le secrétaire à la Défense, qui grâce aux agences du Pentagone contrôle près de 80 % du budget du renseignement, préféra agir seul. Cette initiative fut mal perçue par le directeur de la CIA George Tenet, également responsable de superviser l’ensemble des activités de la communauté du renseignement, qui y vit une tentative du Pentagone de lui prendre sa place. Il s’y rallia toutefois, préférant éviter de défier le redoutable Rumsfeld[7].  Signe de l’importance accordée au renseignement par M. Rumsfeld, l’ordre de succession du secrétaire à la Défense fut modifié en 2005 pour placer le sous-secrétaire pour le renseignement en deuxième position, derrière le secrétaire à la Défense adjoint mais devant le sous-secrétaire en charge des politiques[8].

 

Dans le même temps, M. Rumsfeld ordonna la mise en place d’une unité spécialisée dans le renseignement humain afin de mettre un terme à la « dépendance quasi-totale (de son département) vis-à-vis de la CIA[9] ». Le secrétaire à la Défense avait en effet été irrité par le fait que la CIA soit opérationnelle en Afghanistan avant les forces armées, jugées trop lentes. MM. Rumsfeld et Cambone souhaitaient renforcer la présence des forces spéciales du très secret Joint Special Operations Command (JSOC) aux côtés des personnels de la CIA, estimant qu’à terme le département devrait être en mesure de mener des opérations clandestines seul[10]. C’est pour répondre à ce besoin d’indépendance que la Strategic Support Branch (SSB), dont l’existence ne fut révélée qu’en 2005, vu le jour en 2003. L’objectif de cette unité, créée au sein de la Defense Intelligence Agency (DIA) et placée sous le contrôle direct du secrétaire à la Défense, était de donner à M. Rumsfeld des outils indépendants couvrant l’ensemble des activités liées au renseignement humain[11]. Le Pentagone justifiait cette incursion dans le domaine réservé de la CIA en invoquant la nécessité de fournir « des capacités de renseignement aux unités opérationnelles sur le terrain[12] ». En réalité, elle permettait au Pentagone de mener ses propres opérations clandestines en échappant à la réglementation régissant les activités de la CIA qui exige une autorisation présidentielle et d’adresser une notification au Congrès[13].

 

            w Opposition farouche à la réforme de 2004

 

Intervenant après l’étude de la Commission parlementaire de 2002, la publication du rapport de la Commission du 11-Septembre en juillet 2004 a renforcé la nécessité de réformer le fonctionnement de la communauté du renseignement. Ces différents travaux ont permis de mettre en évidence un certain nombre de dysfonctionnements comme le manque de coordination des activités de la communauté du renseignement, un fonctionnement opaque, l’absence de coopération entre les agences ou encore les capacités limitées concernant la collecte et la diffusion du renseignement. Si la large unanimité qui entoura les conclusions de ces commissions ne laissa guère le choix à la Maison-Blanche et au Congrès, la communauté du renseignement accueillit cette perspective avec peu d’enthousiasme.

 

Donald Rumsfeld se plaça en première ligne des opposants aux projets de réforme qui se multiplièrent durant l’été 2004. Alors qu’un consensus bipartisan avait émergé sur la nécessité de renforcer la coopération entre les agences et la coordination des activités de la communauté, le Pentagone avait une position différente. M. Rumsfeld estimait que son département et la CIA s’étaient déjà considérablement rapprochés depuis 2001 et que la mise en place d’une nouvelle bureaucratie pour superviser le renseignement créerait des « barrières » supplémentaires entre les agences[14]. On notera que sur ce point, M. Rumsfeld reçut le soutien de la CIA, dont le directeur par intérim John McLaughlin affirma que la relation avec le Pentagone s’était renforcée et que l’ajout d’un niveau bureaucratique supplémentaire ne serait pas bénéfique[15]. De plus, M. Rumsfeld avait déjà partiellement appliqué les recommandations des commissions en renforçant la coordination des activités du Pentagone avec la création du poste de sous-secrétaire pour le renseignement.

 

Malgré cette opposition, le Congrès vota l’Intelligence Reform and Terrorism Prevention Act (IRTPA) qui fut promulgué par le président Bush le 17 décembre 2004. Cette loi créait notamment la fonction de Directeur du renseignement national (Director of National Intelligence, DNI) dotée de pouvoirs de gestion renforcés par rapport au patron de la CIA (Director of Central Intelligence, DCI) qui était jusqu’alors censé diriger la communauté du renseignement. Si le texte adopté par les deux chambres, résultat d’un compromis, a été largement édulcoré, il demeurait toutefois contraire aux intérêts départementaux du Pentagone. Il avait en effet créé une fonction dont l’autorité était supérieure à celle du DCI et qui avait théoriquement les moyens de s’opposer au secrétaire à la Défense.

 

Dès l’entrée en fonction du premier DNI, John Negroponte, le Pentagone lança une contre-offensive destinée à limiter l’autorité de ce dernier sur les agences dépendant du département. M. Rumsfeld envoya un message clair à M. Negroponte en faisant de Stephen Cambone, sous-secrétaire à la Défense pour le renseignement, son interlocuteur principal alors que dans l’esprit de la loi, le secrétaire à la Défense lui-même devait être l’interlocuteur du DNI. Par ailleurs, M. Cambone fut chargé de gérer le plan d’application de la réforme au sein du département. Pour cela M. Rumsfeld lui octroya des pouvoirs pourtant réservés au DNI, ce qui fut perçu comme une remise en cause de l’autorité de M. Negroponte telle qu’elle avait été définie dans l’IRTPA[16]. Le secrétaire enfonça le clou quelques semaines plus tard en rédigeant une directive prévoyant que le transfert de personnels dépendant du département de la Défense ne puisse s’effectuer dans l’accord de M. Cambone. Datée du 23 novembre 2005, cette directive confiait également « le contrôle et la direction des agences de renseignement du Pentagone » à M. Cambone, « en consultation avec le DNI[17] ». Ces différentes décisions compliquèrent le travail de M. Negroponte qui reconnut que sa relation avec le secrétaire à la Défense n’avait pas été facile.

 

Lorsqu’il quitta sa fonction en décembre 2006, Donald Rumsfeld avait considérablement augmenté le poids et l’influence du Pentagone dans la communauté du renseignement et, plus généralement, dans le processus d’élaboration de la politique de sécurité nationale du gouvernement américain. Celui qu’Henry Kissinger décrivait comme un adversaire bureaucratique redoutable[18], était en effet parvenu à s’imposer face au directeur de la CIA George Tenet, au conseiller à la sécurité nationale Condoleezza Rice.

 

 

 

  1. Une période difficile pour la CIA

 

Alors que l’après-11-Septembre a permis au Pentagone de voir sa place dans les activités de renseignement croître, cette période a été beaucoup plus difficile pour la CIA.

 

w Des défaillances mises en évidence par le 11-Septembre et l’évaluation de la menace irakienne

 

En tant qu’agence chargée du renseignement extranational, la CIA a dû assumer sa part de responsabilité pour l’incapacité du gouvernement américain à prévenir les attentats du 11 septembre 2001. L’Agence n’est en effet pas parvenue à s’adapter au contexte de l’après-guerre froide et à prendre la mesure de la menace représentée par le terrorisme islamiste. En effet, une baisse des moyens et une réduction des effectifs consécutives à la chute de l’Union soviétique ont entamé les capacités analytiques de la centrale américaine. Le rapport de la Commission du 11-Septembre a ainsi constaté que « l’université » qu’était la CIA pendant la Guerre froide s’était transformée en une « rédaction » en délaissant sa vision stratégique au profit d’une approche « au jour le jour[19] ». Alors que la CIA disposait depuis 1996 d’une cellule chargée de traquer Oussama Ben Laden, la compréhension globale de cette menace a été délaissée au profit d’une analyse tactique destinée au soutien opérationnel. Les principaux dirigeants de l’Agence, dont son directeur George Tenet, ont ainsi été clairement mis en cause dans un rapport interne pour ne pas avoir développé de stratégie globale de lutte contre al-Qaïda[20]. Le département de la CIA en charge du terrorisme, le Counterterrorism Center (CTC), a également été épinglé pour ne pas avoir joué son rôle en négligeant la fonction analytique et en manquant d’imagination. L’hypothèse d’attentats perpétrés au moyen d’avions de ligne n’avait en effet pas été envisagée[21].

 

Comme on peut l’imaginer, l’échec du 11-Septembre et sa mise en cause publique ont considérablement ébranlé l’agence créée en 1947. C’est dans ce contexte très particulier qu’elle a dû se pencher sur le dossier irakien et évaluer les capacités du régime de Saddam Hussein dans le domaine des armes de destruction massive (ADM). Les différences constatées entre la description de la menace représentée par les ADM irakiennes et les observations réalisées après l’intervention militaire de 2003 ont une nouvelle fois posé la question de la fiabilité du renseignement produit par la CIA. Deux ans après le 11-Septembre, ses capacités de collecte et d’analyse continuaient d’alimenter les doutes. Selon un rapport de la Commission du Sénat sur le renseignement, l’Agence manquait cruellement de sources humaines en Irak et n’a pas pris suffisamment de risques pour recruter des agents irakiens[22]. La CIA a donc dû s’en remettre à des services étrangers et à leurs sources recrutées parmi des dissidents dont l’envie de faire chuter le régime de Bagdad était vraisemblable.

 

S’il est vrai que la CIA n’avait qu’une vision partielle de la situation en Irak, le fiasco des ADM irakiennes est autant lié à un contexte politique particulier. Il faut en effet noter qu’au lendemain du 11-Septembre, l’Irak n’était pas du tout une priorité pour l’Agence qui n’avait pas identifié de lien entre le pays de Saddam Hussein et al-Qaïda[23]. En revanche, une part influente de l’administration américaine considérait le régime irakien comme une menace sérieuse pour les Etats-Unis. C’était notamment le cas du département de la Défense de Donald Rumsfeld. Pour le numéro deux du Pentagone, Paul Wolfowitz, l’approche de la CIA concernant le dossier irakien était « molle » et reflétait la « malhonnêteté intellectuelle » de la communauté du renseignement[24]. Des tensions se sont ainsi installées entre la CIA et le Pentagone sur un certain nombre de points, comme celui d’Ahmed Chalabi, un opposant irakien sur lequel le département de la Défense souhaitait s’appuyer mais dont la fiabilité était contestée par l’Agence[25].

 

Il semble bien que ce contexte a influencé le travail et les conclusions de la CIA concernant la présence d’ADM en Irak. Cette piste est d’ailleurs totalement compatible avec les travaux des commissions ayant enquêté sur l’évaluation de la menace irakienne. La commission nommée par le président Bush a en effet expliqué qu’en l’absence d’informations, les analystes de la CIA se sont appuyés sur le passé irakien pour en déduire que le régime de Saddam Hussein devait dissimuler des activités illégales[26]. La Commission du Sénat a conclu que le manque de rigueur dans la collecte et l’analyse du renseignement avait conduit l’Agence à succomber à un « préjugé collectif[27] ».

 

w Une marginalisation entérinée par la réforme de 2004

 

Intervenant moins de deux ans après l’échec du 11-Septembre, les erreurs concernant l’évaluation de la menace irakienne ont eu des conséquences dévastatrices. Elles ont tout d’abord précipité le départ du DCI George Tenet, qui était pourtant parvenu à gagner la confiance du président Bush[28]. En plus d’avoir affecté le moral et la réputation de la CIA, ces déconvenues l’ont placée au centre du débat lancé par la publication du rapport de la Commission du 11-Septembre. Dans ce contexte, il devenait difficile pour la CIA d’échapper à la réforme qui se profilait. La triple casquette du DCI – directeur de la CIA, patron de la communauté du renseignement et conseiller du président pour le renseignement – avait focalisé l’attention des diverses commissions. Il fut donc décidé que le directeur de la CIA se concentrerait désormais uniquement sur l’Agence. Ses deux autres fonctions reviendraient au Directeur du renseignement national (Director of National Intelligence, DNI). Si ce changement paraît pertinent au vu des recommandations formulées par les commissions, il priva toutefois l’Agence d’un accès privilégié à la Maison-Blanche et de son statut de primus inter pares. La CIA vit également son rôle au sein du dispositif de lutte contre le terrorisme évoluer. L’IRTPA créa en effet le National Counterterrorism Center (NCTC) pour remplacer le Counterterrorism Center (CTC) de l’Agence, devenu en 2003 le TTIC (Terrorism Threat Integration Center). Chargé de fusionner et d’analyser l’ensemble du renseignement dans le domaine du contre-terrorisme, le NCTC a été placé sous la responsabilité conjointe du DNI et du président des Etats-Unis. L’IRTPA invita également de patron de la CIA à reconstituer les capacités analytiques de l’Agence tout en renforçant les moyens du renseignement humain. On notera que si cette réforme fait de la CIA une agence fédérale parmi d’autres, les projets les plus drastiques, dont le démantèlement de la CIA[29], ont été écartés.

En plein débat sur la réforme, George Tenet fut remplacé par Porter Goss, un ancien parlementaire nommé par le président Bush en septembre 2004. Ce changement à la tête de l’Agence fut accompagné d’une « purge » orchestrée par M. Goss. Son arrivée à Langley fut en effet rapidement suivie d’une série de départ de cadres dont l’ancien directeur par intérim de l’Agence John McLaughlin et le numéro deux de la Direction des opérations Stephen Kappes. Ces démissions furent d’autant plus mal acceptées qu’elles précédèrent l’entrée anciens assistants de M. Goss à la Chambre des représentants[30]. En pleine polémique sur les prisons secrètes de la CIA à l’étranger, le moral et la réputation de l’Agence étaient au plus bas.

 

Cependant, l’arrivée de M. Goss fut accompagnée de quelques développements positifs. Contrairement aux recommandations de la Commission sur les ADM irakiennes, la Maison-Blanche décida en juin 2005 de confier la responsabilité de l’ensemble des activités de renseignement humain des Etats-Unis au directeur de la CIA[31]. Dans le même temps, le National Clandestine Service (NCS) fut créé, en remplacement de la Direction des opérations, pour gérer et renforcer les moyens de renseignement humain de l’Agence[32].

 

 

  1. Développement d’un partenariat entre Pentagone et CIA depuis 2007

 

Si comme l’avons vu les mois suivant le 11-Septembre ont modifié les rapports de forces au sein de la communauté du renseignement, le second mandat du président Bush a permis un rééquilibrage, prélude à un rapprochement concrétisé sous la présidence de Barack Obama.

 

w Changement de responsables

 

Le second mandat du président George W. Bush a permis une évolution du processus d’élaboration de la politique de sécurité nationale. L’arrivée au département d’Etat de Condoleezza Rice, une proche du président Bush, a marqué le début du reflux de l’influence du Pentagone et des néoconservateurs au sein de l’administration. Le numéro deux du département de la Défense, Paul Wolfowitz, quitta le Pentagone en juin 2005 pour prendre la tête de la Banque mondiale[33]. Il fut imité quelques semaines plus tard par un autre architecte de l’opération militaire en Irak, Douglas Feith[34]. Ces départs de proches du secrétaire à la Défense annonçaient celui de M. Rumsfeld qui intervint après la défaite électorale du parti républicain aux élections de mi-mandat de novembre 2006[35]. Il fut remplacé par Robert Gates, ancien directeur de la CIA, perçu à Washington comme un réaliste. Cette arrivée était un signal positif pour l’ensemble de la communauté du renseignement américaine. Quelques mois avant sa nomination, M. Gates avait exprimé son « mécontentement concernant la domination du département de la Défense dans le domaine du renseignement[36] ».

 

Quelques mois avant le départ de M. Rumsfeld, la CIA avait accueilli un nouveau directeur – le premier depuis la réforme de 2004 – en la personne du général Michael Hayden. Ce général quatre étoiles de l’U.S. Air Force connaissait parfaitement le monde du renseignement auquel il avait consacré l’ensemble de sa carrière. Il avait notamment dirigé la National Security Agency (NSA) entre 1999 et 2005, ce qui ne l’avait pas empêché de prendre ses distances avec la politique de M. Rumsfeld. En 2004, il avait notamment soutenu la création du poste de DNI et s’était également déclaré favorable à l’idée de voir la NSA quitter le giron du Pentagone pour passer sous le contrôle du DNI[37].

 

La présence de deux professionnels du renseignement à la tête du Pentagone et de la CIA, partageant une vision commune, a permis de jeter les bases d’une véritable coopération entre les deux entités. Pour ce faire, M. Gates a en effet entrepris, par l’intermédiaire du sous-secrétaire pour le renseignement Gordon Clapper, puis Michael Vickers, de reformuler un certain nombre de directives de M. Rumsfeld pour inscrire l’action du Pentagone au cœur de celle de l’ensemble de la communauté du renseignement, obligeant notamment le département à coordonner les opérations menées par le forces spéciales avec la CIA et le département d’Etat[38].

 

Il chargea par ailleurs le général Stanley McChrystal, qui commandait le JSOC, d’institutionnaliser la coopération avec la CIA. Les débuts n’ont pas été simples en raison de ce qui a été décrit comme d’importantes « différences culturelles » entre ces deux entités. Elles se sont toutefois estompées grâce notamment aux nombreux déploiements d’analystes de la CIA en Irak qui ont favorisé l’émergence d’une culture commune. Mais c’est la création par le général McChrystal d’un groupe de travail rassemblant le directeur de la CIA, le commandant du JSOC et celui du Commandement central (U.S. Central Command, CENTCOM) qui a permis à ce partenariat de se développer. Selon plusieurs officiels, ce « conseil d’administration du contre-terrorisme » a permis à la CIA et aux militaires d’optimiser leur collaboration[39].

 

w Nouvelle impulsion sous l’administration Obama

 

Les efforts entrepris sous l’administration Bush ont pris une toute autre dimension avec l’arrivée à la Maison-Blanche de Barack Obama. Afin de garantir une certaine continuité alors que les forces armées américaines restaient engagées en Irak et en Afghanistan, le président américain souhaita maintenir Robert Gates à la tête de département de la Défense. Pour diriger la CIA, M. Obama prit un risque en nommant Leon Panetta, un ancien parlementaire et secrétaire général de la Maison-Blanche de Bill Clinton sans aucune expérience dans le domaine du renseignement. Toutefois, grâce à la relation de confiance établie entre le président et M. Panetta, la CIA retrouva un lien direct avec une Maison-Blanche soucieuse de contourner autant que possible la bureaucratie traditionnelle. L’Agence est ainsi devenue un élément central de la politique de l’administration Obama dans le domaine du contre-terrorisme. Cela a permis une explosion de sa fonction paramilitaire, notamment par l’intermédiaire d’attaques de drones. Le Washington Post révélait en avril dernier que les drones de la CIA avaient mené au moins 192 frappes et tué près de 2000 personnes (terroristes, suspects et civils) depuis l’entrée en fonction de M. Obama en janvier 2009[40]. En juillet 2008, lorsque le programme d’attaques ciblées de la CIA visant des dirigeants d’al-Qaïda, principalement en Afghanistan et au Pakistan, a été accéléré, on comptait environ une frappe par semaine. En 2010, l’administration Obama a élargi la mission, qui ne se limitait plus aux chefs mais à l’ensemble des combattants terroristes. Durant cette année, plus de cent frappes auraient été conduites par l’Agence[41]. Ce développement des activités paramilitaires de l’Agence vient du fait que la loi américaine permet aux autorités de nier l’existence des opérations clandestines menées par l’Agence dans des pays avec lesquels les Etats-Unis ne sont pas en guerre. Les activités des forces spéciales sont quant à elles régies par un cadre législatif plus contraignant[42].

 

C’est dans ce contexte que la coopération entre la CIA et le JSOC s’est développée, portée par la proximité entre M. Panetta et le patron des forces spéciales, l’amiral William McRaven. En 2009, les deux hommes ont codifié les règles régissant les missions menées conjointement[43]. C’est selon ces procédures que l’opération visant la résidence d’Oussama Ben Laden à Abbottabad, au Pakistan, a été planifiée. Si le raid a été mené par les Navy Seals, rattachés au JSOC, il a été dirigé par la CIA et son directeur Leon Panetta. Le processus de planification, débuté dès décembre 2010, a été effectué conjointement par la CIA et le JSOC[44].

 

Le succès de cette opération, reflet de la stratégie de contre-terrorisme adoptée par l’administration Obama et basée sur des opérations spéciales ou paramilitaires ciblées, a incité les autorités américaines à accentuer leurs efforts. Si les tensions diplomatiques provoquées par le raid d’Abbottabad ont poussé les Etats-Unis à lever le pied concernant leurs activités au Pakistan, la campagne de frappes de la CIA semble avoir repris. Fin août, le nouveau numéro deux d’al-Qaïda, Atiyah Abd al-Rahman, a été éliminé dans une attaque drone menée par l’Agence au Pakistan[45]. Dans le même temps, la presse américaine révélait que la CIA avait l’intention de profiter du chaos régnant actuellement au Yémen pour intensifier ses frappes contre les membres d’al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA) qui menacent de prendre le contrôle du sud du pays[46]. En Somalie, les activités paramilitaires américaines se sont également accélérées au cours des derniers mois et ont abouti à la mort de plusieurs responsables d’al-Shabaab, le groupe terroriste somalien affilié à al-Qaïda[47].

 

  1. Conclusion

 

En tirant le bilan de ses cinq années passées au département de la Défense, Robert Gates a tenu à insister sur « l’importance cruciale de la coopération et de l’interaction entre les forces armées et la communauté du renseignement » ainsi que sur les progrès significatifs réalisés dans ce domaine en dix ans[48]. Ce rapprochement et cette imbrication entre les opérations spéciales menées par les forces armées et les activités paramilitaires de la CIA caractérisent la politique menée par l’administration Obama dans le domaine du contre-terrorisme. Alors que l’administration Bush s’était concentrée sur le soutien apporté par les Etats aux groupes terroristes, le président Obama et son équipe se sont focalisés sur des opérations ciblées visant les terroristes et leurs chefs. Cette évolution a été confirmée par l’influent conseiller du président Obama pour le contre-terrorisme, John Brennan, qui, à l’occasion de la publication en juin dernier de la stratégie américaine de lutte contre le terrorisme, a indiqué que « notre meilleure attaque n’est pas nécessairement le déploiement de larges armées à l’étranger mais d’apporter une pression ciblée, chirurgicale, sur les groupes qui nous menacent[49] ».

 

Comme nous l’avons vu, cette mutation a été rendue possible par l’impulsion donnée aux opérations spéciales par Donald Rumsfeld après le 11-Septembre. Le controversé secrétaire à la Défense est en effet à l’origine de la transformation du JSOC, à l’origine destiné à mener des missions de libération d’otages, en bras armé de la politique américaine de lutte contre le terrorisme. Dans le même temps, le climat de sérénité rétabli à Langley par le général Hayden a favorisé le rapprochement avec le Pentagone dirigé par un ancien patron de l’Agence, Robert Gates. Mais c’est avec l’entrée en fonction de Barack Obama que cette nouvelle approche du contre-terrorisme prit toute sa dimension. La relation entre MM. Gates, Panetta et l’amiral McRaven a permis de renforcer et de structurer cette coopération, créant les conditions du succès de l’opération contre Oussama Ben Laden à Abbottabad. Le passage de Leon Panetta au département de la Défense et son remplacement à l’Agence par le général Petraeus devraient donc permettre d’étendre cette collaboration. On peut notamment penser que ce type d’opérations est appelé à se développer en Afghanistan en marge de la réduction de la présence militaire américaine dans le pays.

 

On notera toutefois que si le succès de l’opération contre le chef d’al-Qaïda a mis en lumière la dimension positive de cette évolution, elle ne fait pas l’unanimité. Au sein de la CIA, certains voient cette dimension paramilitaire accrue comme une distraction de la mission première de l’Agence : l’analyse stratégique. Cette préoccupation semble partagée par M. Gates qui s’est récemment « inquiété » de « la qualité de notre renseignement aux niveaux politique et stratégique[50] ». Au département d’Etat, cette stratégie alimente également un certain scepticisme, notamment en raison de ses conséquences diplomatiques sur la relation des Etats-Unis avec l’allier indispensable qu’est le Pakistan.

 

Par ailleurs, si cette approche a donné des résultats probants contre le commandement central d’al-Qaïda au Pakistan, on peut s’interroger sur sa pertinence dans des théâtres comme le Yémen ou la Somalie. Dans ces pays où les filiales d’al-Qaïda ont su profiter de la faiblesse – voire de l’absence – des Etats pour considérablement accroître leur influence, les attaques de drones de la CIA ne seront, selon toute vraisemblance, pas suffisantes. La gestion de ces défis, qui représentent l’avenir de la menace terroriste, nous permettra de mieux évaluer la l’efficacité du partenariat entre la CIA et le département de la Défense ainsi que la pertinence des différentes réformes passées depuis dix ans et destinées à renforcer l’intégration de la communauté du renseignement américaine.

 

 

 

 

© ESISC 2011



[1] Joint Inquiry Into Intelligence Community Activities Before And After The Terrorist Attacks of September 11, 2001, U.S. Senate Select Committee on Intelligence, U.S. House Permanent Select Committee on Intelligence, 107th Congress, décembre 2002, p. xv. http://www.gpoaccess.gov/serialset/creports/pdf/fullreport.pdf

[2] Greg Miller, « Obama praises CIA workers’ role in bin Laden killing », The Washington Post, 21 mai 2011. http://www.washingtonpost.com/world/national-security/obama-praises-cia-workers-role-in-bin-laden-killing/2011/05/20/AFd3617G_story.html

[3] Donald Rumsfeld, Known and Unknown: A Memoir, New York, Sentinel, 2011, p. 281.

[4] Report of the Commission to Assess the Ballistic Missile Threat to the United States, 15 juillet 1998. http://www.fas.org/irp/threat/missile/rumsfeld/

[5] Douglas J. Feith, War and Decision : Inside the Pentagon at the Dawn of the War on Terrorism, New York, HarperCollins, pp. 99-100. Rumsfeld, op. cit., p. 392.

[6] Thom Shanker, « For Military Intelligence, A New Favorite Commando », The New York Times, 11 avril 2003. http://www.nytimes.com/2003/04/11/us/a-nation-at-war-intelligence-for-military-intelligence-a-new-favorite-commando.html

[7] James Risen, State of War: The Secret History of the CIA and the Bush Administration, Londres, Simon & Schuster, 2007, p. 68.

[8] Providing an Order of Succession Within the Department of Defense, Executive Order 13394, 27 décembre 2005. http://nodis3.gsfc.nasa.gov/displayEO.cfm?id=EO_13394_

[9] Barton Gellman, « Secret Unit Expands Rumsfeld’s Domain », The Washington Post, 23 janvier 2005. http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/articles/A29414-2005Jan22.html?

[10] James Risen, op. cit., pp. 69-70.

[11] Barton Gellman, op. cit.

[12] Barabara Starr, « Pentagon runs clandestine intelligence-gathering infrastructure », CNN.com, 24 janvier 2005. http://edition.cnn.com/2005/ALLPOLITICS/01/23/pentagon.intel/index.html

[13] James Risen, op. cit., p. 70.

[14] Josh White, Mike Allen, « Rumsfeld: Use Caution in Reform of Intelligence », The Washington Post, 18 août 2004. http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/articles/A7833-2004Aug17.html

[15] Ibid.

[16] Walter Pincus, « Rumsfeld Memo on Intelligence Criticized », The Washington Post, 8 avril 2005. http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/articles/A35490-2005Apr7.html

[17] Department of Defense Directive No. 5143.01, 23 novembre 2005. http://www.fas.org/irp/doddir/dod/d5143_01.pdf

[18] Michael Duffy, James Carney, « Rumsfeld: Older but Wiser? », Time, 27 août 2001. http://www.time.com/time/magazine/article/0,9171,1000618,00.html

[19] The 9/11 Commission Report, National Commission on Terrorist Attacks Upon the United States, Washington D.C., U.S. Government Printing Office, 2004, pp. 90-91. http://www.gpoaccess.gov/911/pdf/fullreport.pdf

[20] Report on the CIA Accountability With Respect to the 9/11 Attacks: Executive Summary, Office of the Inspector General of the Central Intelligence Agency, June 2005, p. viii.  https://www.cia.gov/library/reports/Executive%20Summary_OIG%20Report.pdf

[21] The 9/11 Commission Report, op. cit., p. 346.

[22] Report on the U.S. Intelligence Community’s Prewar Intelligence Assessments on Iraq, Senate Select Committee on Intelligence, 108th Congress, juillet 2004, p. 25. http://www.gpoaccess.gov/serialset/creports/iraq.html

[23] James Risen, op. cit., p. 71.

[24] Ibid., p. 72.

[25] Ibid., pp. 73-75.

[26] Report to the President of the United States, The Commission on the Intelligence Capabilities of the United States Regarding Weapons of Mass Destruction, 31 mars 2005, p. 49. http://www.gpoaccess.gov/wmd/pdf/full_wmd_report.pdf

[27] Report on the U.S. Intelligence Community’s Prewar Intelligence Assessments on Iraq, op. cit., p.18.

[28] James Risen, op. cit., pp. 11-13.

[29] Raphaël Ramos, Soixante ans après sa création, la CIA doit redonner la priorité au renseignement stratégique, ESISC, 2 octobre 2007. http://www.esisc.net/en/p.asp?TYP=TEWN&LV=187&see=y&t=30&PG=TEWN/EN/detail_os&l=1&AI=1574

[30] Walter Pincus, Dana Priest, « Goss Reportedly Rebuffed Senior Officials at CIA », The Washington Post, 14 novembre 2004. http://www.washingtonpost.com/ac2/wp-dyn/A48254-2004Nov13?language=printer

[31] Douglas Jehl, « White House to Ask C.I.A. to Manage Human Spying », The New York Times, June 28, 2005. http://www.nytimes.com/2005/06/28/politics/28intel.html?ex=1277611200&en=ab16841f792a7084&ei=5090&partner=rssuserland&emc=rss

[32] Establishment of the National Clandestine Service (NCS), ODNI News Release No. 3-05, 13 octobre 2005. http://odni.gov/press_releases/20051013_release.htm

[33] Elizabeth Becker, David E. Sanger, « Wolfowitz Gets Bush Nomination for World Bank », The New York Times, 17 mars 2005. http://www.nytimes.com/2005/03/17/politics/17prexy.html?8bl

[34] DoD Announces Departure of Undersecretary Douglas Feith, U.S. Department of Defense, Office of the Assistant Secretary of Defense (Public Affairs), No. 078-05, 26 janvier 2005. http://www.defense.gov/releases/release.aspx?releaseid=8160

[35] Michael A. Fletcher, Peter Baker, « Bush Ousts Embattled Rumsfeld; Democrats Near Control of Senate », The Washington Post, 9 novembre 2006. http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2006/11/08/AR2006110801180.html

[36] Robert M. Gates, « An Intelligent CIA Pick », The Washington Post, 18 mai 2006. http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2006/05/17/AR2006051701881.html

[37] Nancy Gibbs, « Thinker, Briefer, Soldier, Spy », Time, 15 mai 2006. http://www.time.com/time/printout/0,8816,1194019,00.html

[38] David Ignatius, « Rewriting Rumsfeld’s Rules », The Washington Post, 4 juin 2011. http://www.washingtonpost.com/opinions/rewriting-rumsfelds-rules/2011/06/02/AGHIXPIH_story.html

[39] Julian E. Barnes, Siobhan Gorman, « The Long, Winding Path to Closer CIA and Military Cooperation », The Wall Street Journal, 23 mai 2011. http://online.wsj.com/article/SB10001424052702304520804576340023120275758.html

[40] Greg Miller, Greg Jaffe, « Petraeus would helm an increasingly militarized CIA », The Washington Post, 27 avril 2011. http://www.washingtonpost.com/world/petraeus-would-helm-an-increasingly-militarized-cia/2011/04/27/AFwoDM1E_story.html

[41] Adam Entous, Siobhan Gorman, Matthew Rosenberg, « Drone Attacks Split U.S. Officials », The Wall Street Journal, 4 juin 2011. http://online.wsj.com/article/SB10001424052702304563104576363812217915914.html

[42] David Ignatius, « The Blurring of CIA and Military », The Washington Post, 2 juin 2011. http://www.washingtonpost.com/opinions/the-blurring-of-cia-and-military/2011/05/31/AGsLhkGH_story.html

[43] Siobhan Gorman, Julian E. Barnes, « Spy, Military Ties Aided bin Laden Raid », The Wall Street Journal, 23 mai 2011. http://online.wsj.com/article/SB10001424052748704083904576334160172068344.html

[44] Ibid.

[45] Mark Mazzetti, « C.I.A. Drone Is Said to Kill Al Qaeda’s No. 2 », The New York Times, 27 août 2011. http://www.nytimes.com/2011/08/28/world/asia/28qaeda.html?scp=4&sq=cia&st=cse

[46] Siobhan Gorman, Adam Entous, « CIA Plans Drone Strikes in Yemen », The Wall Street Journal, 14 juin 2011. http://online.wsj.com/article/SB10001424052702303848104576384051572679110.html

[47] Greg Jaffe, Karen DeYoung, « U.S. drones targets two leaders of Somali group allies with al-Qaeda, official says », The Washington Post, 30 juin 2011. http://www.washingtonpost.com/national/national-security/us-drones-target-two-leaders-of-somali-group-allied-with-al-qaeda/2011/06/29/AGJFxZrH_story.html?hpid=z1

[48] Discours du secrétaire à la Défense Robert Gates le 25 mai 2011. http://www.defense.gov/Speeches/Speech.aspx?SpeechID=1573

[49] Ken Dilanian, « U.S. counter-terrorism strategy to rely on surgical strikes, unmanned drones », The Los Angeles Times, 29 juin 2011. http://www.latimes.com/news/politics/la-pn-al-qaeda-strategy-20110629,0,7494157.story

[50] Discours du secrétaire à la Défense Robert Gates le 25 mai 2011, op. cit.


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