Plus d’une semaine après le début de l’opération ’’Plomb durci’’, une confrontation sans précédent entre le Hamas et l’Etat d’Israël, qui a déjà entraîné la mort de plus de 450 Gazaouis – en grande majorité des membres du mouvement islamiste et des militaires –, des milliers de blessés et 5 morts du côté israélien – dont un soldat –, retour sur une crise inéluctable, à l’heure où les forces israéliennes ont lancé dimanche 4 janvier leur offensive terrestre à Gaza.
Préalablement, le gouvernement israélien a approuvé le rappel de plusieurs dizaines de milliers de réservistes en vue d’une crise qui s’annonce désormais durable. En effet, le renforcement des effectifs militaires ne vise pas seulement à appuyer l’opération terrestre en cours à Gaza mais a pour but également de renforcer les unités régulières de Tsahal en faction à la frontière avec le Liban, en prévision de l’ouverture par le Hezbollah d’un second front.
Une crise qui a d’ores et déjà dépassé les frontières du Proche-Orient et dont les conséquences restent difficilement prévisibles.
Bref rappel historique
Depuis 2001 et, a fortiori, depuis le retrait d’Israël de la bande de Gaza (septembre 2005) puis le putsch du Hamas (juin 2007), les tirs de roquettes, d’obus de mortiers et désormais de missiles n’ont jamais véritablement cessé sur les localités israéliennes (Sdérot, Ashquelon, Netivot, Ashdod, etc.). Selon des sources israéliennes, c’est près de 4000 roquettes et autant d’obus de mortiers qui se sont abattus ces 7 dernières années.
En juin 2008, la trêve de 6 mois négociée par l’Egypte était censée ramener le calme tant pour les habitants du Néguev que pour la population gazaouie. Cette trêve, on le sait, ne sera pas respectée puisque plusieurs centaines de tirs de roquettes et missiles en provenance de Gaza continueront de toucher Israël. La trêve aura par ailleurs permis au Hamas de se réapprovisionner en munitions et en armements par le biais de tunnels creusés entre la bande de Gaza et l’Egypte. Ce sont ces mêmes tunnels qu’Israël avait tenté de détruire au début du mois de novembre, tuant 20 membres du Hamas.
Le dilemme de l’opération ’’plomb durci’’
Pour le Premier ministre israélien, l’option militaire n’était pas le premier choix : « (…) le calme que nous avons offert [ndlr : au Hamas] n’a eu pour réponse que des bombardements (…) Ces derniers jours, il est devenu désormais clair que le Hamas se tourne vers le conflit. Quiconque a écouté les déclarations du Hamas aura compris que le Hamas avait décidé d’augmenter ses attaques sur la population israélienne en lançant aveuglément roquettes et obus de mortier. Face à une telle situation, nous n’avons pas d’autre choix que de répondre (…) »[1].
S’il est incontestable que le Hamas a délibérément mis fin à la trêve, il n’en demeure pas moins qu’Israël a su saisir l’étroite fenêtre d’opportunité pour mener une opération qui, à ses yeux, ne pouvait désormais plus être reportée. En effet, Israël est déjà en pleine campagne électorale en vue des élections législatives prévues le 10 février 2009, lesquelles vont ’’paralyser’’ un peu plus les pouvoirs législatif et exécutif dans les prochaines semaines. C’est cette relative instabilité et faiblesse du gouvernement israélien qui a amené le Hamas à penser qu’Israël n’oserait pas riposter, du moins avec une telle ampleur.
Au lendemain de sa décision de rompre la trêve, le Hamas distribuait un tract dans lequel il se moquait de l’incapacité d’Israël à riposter à ses attaques et expliquait que l’Etat hébreu était paralysé par sa politique intérieure : « L’ennemi est dans un tel état de confusion qu’il ne sait quoi faire (…) leur fragile cabinet s’est réuni dans le cadre d’une tentative désespérée de trouver une réponse aux roquettes alors que des milliers de colons on trouvé refuge dans les abris qui, avec la volonté de Dieu, deviendront leur tombes »[2].
Le Hamas a interprété la volonté d’Israël de reconduire la trêve comme un aveu de faiblesse lui permettant non seulement de continuer à lancer impunément ses projectiles mais à se réarmer – notamment en acquérant des roquettes de plus longues portées (+/- 40 km pour le modèle Grad)[3].
C’est désormais plusieurs centaines de milliers de civils israéliens qui sont à portée de tir du Hamas, et si Israël a pu s’accommoder tant bien que mal de roquettes de courte portée, la constante augmentation du rayon d’action de ces dernières ne laissait finalement d’autre choix au gouvernement israélien – sous la pression de plus de plus forte de l’opinion publique – que d’intervenir.
En effet, toujours échaudé par l’échec de la confrontation avec le Hezbollah durant l’été 2006, Israël se devait pourtant de reconquérir une force de dissuasion suffisante face au Hamas qui, encouragé par la Syrie et l’Iran à rompre ses liens avec le camp arabe modéré – représenté par l’Egypte et l’Arabie saoudite –, profitait de la ’’trêve’’ relative pour renforcer ses capacités de négociation en vue d’hypothétiques pourparlers avec l’Etat hébreu.
Un autre facteur qui a probablement convaincu les autorités israéliennes à agir sans trop tarder est l’ ’’inconnue’’ de la nouvelle administration américaine qui prendra ses fonctions le 20 janvier 2009 et qui semble d’ores et déjà vouloir prendre quelques distances par rapport au soutien quasi inconditionnel de l’administration Bush à Israël. On se souviendra de l’émoi suscité en Israël par les déclarations durant la campagne présidentielle du candidat Barack Obama sur le dossier iranien, expliquant vouloir associer la République islamique au dialogue diplomatique. En mars dernier, le futur Président américain déclarait : « qu’aucun peuple ne souffre plus que le peuple palestinien »[4]. Pour autant, il ne faut s’attendre à de changements majeurs de la politique étrangère américaine au Proche-Orient, a fortiori lorsque l’on sait qu’Hillary Clinton assurera la fonction de Secrétaire d’Etat.
Modus operandi de l’opération
Cette opération a, en tout état de cause, été longuement préparée. Les cibles du Hamas ont minutieusement été identifiées et ’’marquées’’ par les services de renseignement israéliens afin de pouvoir mener une opération aussi ciblée et précise que possible. L’opération ’’Plomb durci’’ préparait autant que faire se peut le terrain pour les troupes au sol car, après une semaine d’attaques, les frappes aériennes n’ont pas suffi à mettre au pas le Hamas, qui n’a cessé de lancer ses roquettes depuis le début de l’opération.
Evoquée pour la première fois par un porte-parole de l’armée, le mardi 30 décembre, l’option d’une opération terrestre est, à bien des égards, périlleuse, non seulement pour l’armée israélienne mais également pour l’establishment politique. La veille, de nouveaux renforts ont été déployés à la lisière de la bande de Gaza après que le secteur frontalier ait été décrété zone militaire fermée. De l’aveu même du Premier ministre israélien, l’opération en cours est « la première phase parmi plusieurs autres déjà approuvées par le cabinet de sécurité »[5]. Pour le ministre de Défense, Ehud Barak : « Si les tirs criminels contre Israël et ses citoyens ne cessent pas totalement, Israël aura recours à tous les moyens et tous les types d’actions légaux dont il dispose pour faire en sorte que l’ennemi mette un terme à ses agressions illégales »[6].
Selon des sources palestiniennes, près de 15.000 hommes armés seraient prêts au combat de guérilla dans la bande de Gaza. Bien que surpris par l’ampleur de l’attaque israélienne, les militants du Hamas ont eu vite fait de s’abriter pour se protéger. « L’armée israélienne a anéanti la totalité des édifices du Hamas, mais elle n’a pas véritablement entamé ses forces vives »[7], explique Bilal Jadallah, un journaliste palestinien.
Par ailleurs, quelques jours avant le début de l’opération, les différentes factions palestiniennes ont pris position près de la frontière en vue d’empêcher les forces spéciales israéliennes de pénétrer la bande de Gaza. Des mines ont été placées le long des routes où les tanks et autres véhicules militaires israéliens sont censés passer ; les camps d’entraînements ont été évacués et des instructions ont été données aux militants afin qu’ils réduisent au maximum leur déplacement en voiture.
La principale difficulté à laquelle l’armée israélienne a dû faire face au premier jour de l’invasion a été de contourner les zones minées et piégées par le Hamas le long de la barrière de sécurité sur plusieurs centaines de mètres. C’est la raison pour laquelle l’invasion – appuyée par des hélicoptères de combat – a été précédée par de lourds tirs d’artillerie qui visaient à neutraliser les mines et autres pièges posés par le Hamas. Plus tôt dans la journée de samedi, l’aviation continuait d’éliminer les cibles du Hamas.
C’est une guérilla, qui fera vraisemblablement de nombreuses victimes de part et d’autre dans les prochains jours, à laquelle on doit s’attendre. Les forces de Tsahal connaissent les risques d’enlisement dans les ruelles des camps de réfugiés gazaouis alors quele Hamas a largement mis à profit ces derniers mois pour s’équiper d’abris souterrains, de bunkers et pour renforcer son arsenal militaire. Par ailleurs, si Israël dispose d’un contrôle total de l’espace aérien pour appuyer ses troupes au sol, la configuration de la zone et la nature même des combats posent des problèmes de sécurité tant pour l’IAF[8] que pour l’infanterie israélienne.
Au soir du premier jour de l’invasion, le ministre de Défense s’est adressé à la nation lors d’une conférence de presse télévisée : « La campagne ne sera pas facile et ne sera pas courte »[9]. Ehud Barak a également a insisté sur le fait qu’une telle opération présentait des risques évidents pour les vies israéliennes : « Je connais très bien les dangers inhérents à une offensive et le prix élevé à payer »[10]. A l’heure où nous écrivons ces lignes, trois divisions de l’armée israélienne, soit environ 26.000 hommes participent à l’opération.
Al-Aqsa, la télévision du Hamas, récupérée par Israël ce dimanche, diffuse désormais des messages expliquant aux civils comment se protéger lors des combats et les dissuadant d’aider les miliciens du Hamas. D’autres messages diffusés par la télévision invitent également la population gazaouie à dénoncer les emplacements de stocks d’armes et de lanceurs de roquettes en appelant un numéro de téléphone spécialement mis en place.
A l’heure où nous écrivons cette note, les forces israéliennes ont isolé la frontière sud de la bande Gaza, bouclant de facto l’accès aux tunnels vers l’Egypte. Selon des sources israéliennes, Tsahal a également ’’coupé la bande de Gaza’’ sur toute sa largeur à hauteur de la route de Salah Eddine alors que Gaza-city est désormais encerlée. Plusieurs dizaines de militants du Hamas ont également été tués lors d’échanges avec les troupes israéliennes.
Quoiqu’il en soit, Israël ne peut en tout état de cause se permettre de réoccuper Gaza, ni à long ni à moyen terme ! Et, si de l’aveu du ministre de la Défense, la population et l’armée israélienne doivent s’attendre à une opération de ’’longue durée’’, il reste néanmoins à espérer qu’elle soit suffisamment forte et efficace pour qu’elle soit de courte durée.
Proportionnalité de l’opération
Si la plupart des capitales européennes ne contestent pas le droit d’Israël à se défendre contre les attaques du Hamas, c’est le caractère ’’disproportionné’’ de la réponse qui est généralement condamné. Pourtant, force est de constater que les actions menées par les forces israéliennes à Gaza, n’en déplaise à certains, sont justifiées par le droit international ; l’article 51 de la Charte des Nations unies réserve le droit à chaque nation de se défendre contre des actions armées. La seule restriction est que ces actions doivent satisfaire au principe de proportionnalité.
S’il est incontestable que l’opération ’’Plomb durci’’ a tué plus de militants du Hamas et, il est vrai, de civils palestiniens que ne l’ont fait les roquettes du groupe islamiste jusqu’à présent, le droit ne reconnaît pas d’ ’’équivalence’’ entre des victimes civiles innocentes et l’élimination de combattants armés. Comme l’explique Alan Dershowitz : « Selon les lois de la guerre, un nombre indéterminé de combattants peut être éliminé pour sauver ne fut-ce qu’un seul civil »[11]. Le professeur de l’Université d’Harvard nous explique également que la proportionnalité ne se mesure pas au nombre de civils tués mais bien par rapport au risque imposé.
Israël circonscrit autant que faire se peut les frappes sur les cibles du Hamas mais pratique également la mise en garde : les bombardements sont précédés par le largage de milliers de tracts, les habitants sont prévenus par téléphone lorsque des immeubles civils utilisés pour cacher des armes vont être bombardés et sont ’’priés’’ d’évacuer les lieux. L’immeuble n’est frappé qu’après évacuation. Mais le Hamas a tenté à plusieurs reprises de placer des civils sur les toits desdits immeubles pour éviter le bombardement.
Que ce soit par des coups de semonce, des tracts ou ces coups de téléphone, les forces israéliennes semblent bel et bien vouloir minimiser les pertes parmi la population gazouie. Du reste, sans faire de comptabilité morbide, les pertes civiles – environ 15% du total des pertes palestiniennes – restent dans les limites de l’acceptable lorsque les cibles frappées se trouvent en zone urbaine. A titre de comparaison, en 1999, 78 jours de bombardements alliés sur la Serbie ont causé plus de 1500 morts, dont une majorité de civils…
Eviter de frapper les civils est une tâche compliquée, il est vrai, par la politique jusqu’au-boutiste du Hamas qui ne fait que peu de cas des citoyens de Gaza. Avant le lancement de l’opération en cours, le Hamas tirait le 24 décembre des obus de mortiers sur les points de passage de Kerem Shalom et d’Erez qui permettent l’entrée des biens de premières nécessités d’Israël vers Gaza. Ainsi, les attaques répétées du Hamas sur les points de passages rendent un peu plus difficile encore l’acheminement de l’aide humanitaire et l’entrée en Israël ou en Egypte des Gazaouis blessés. Le ministre égyptien des Affaires étrangères a laissé entendre le 28 décembre que le Hamas empêchait l’entrée des blessés palestiniens vers l’Egypte.
Le Hamas a depuis longtemps bien compris l’utilité des civils qui peuvent servir soit vivants de boucliers humains, soit morts d’outils de propagande pour justifier ’’la cruauté aveugle de l’Etat d’Israël à l’égard de la population palestinienne’’.
Les conséquences de l’opération pour les principaux acteurs en présence
Jusqu'à présent, il ne fait aucun doute que les infrastructures militaires et civiles du Hamas – et des autres factions terroristes – ont subi de lourds dégâts. Selon le commandement militaire israélien avant l’offensive terrestre, près d’un tiers de l’arsenal dont disposait le Hamas a été détruit ainsi que des tranchées qui abritaient les lanceurs de roquettes, mais il est difficile d’évaluer avec précision l’ampleur des pertes infligées au Hamas. La mort de plusieurs leaders – politiques et militaires – du Hamas dont notamment le Dr. Nizar al-Rayyan (l’initiateur des boucliers humains et de nombreuses attaques suicides en Israël) n’affecte que faiblement la motivation des groupes islamistes. Au contraire, elle l’exacerbe car le martyr reste pour les factions palestiniennes un leitmotiv.
Les capacités militaires du mouvement islamiste pour mener une guérilla urbaine demeurent quant à elles largement suffisantes pour infliger une humiliation sévère à l’Etat hébreu. Une humiliation suffisante pour que le Hamas s’octroie la victoire !
Le Hamas est d’ailleurs relativement confiant dans ses capacités à provoquer de lourdes pertes parmi les forces israéliennes. Les hommes du Hamas, entraînés et équipés tant par le Hezbollah que par l’Iran, se sont préparés à ce scénario depuis longue date en construisant notamment de multiples fortifications et abris où ils se sont actuellement réfugiés.
Le 2 janvier, Khaled Mechal, le leader politique du Hamas exilé à Damas, déclarait lors d’une discours télévisé : « Nous sommes prêts pour le défi [ndlr: de l’invasion terrestre], cette bataille nous a été imposée mais nous sommes confiants quant à notre victoire car nous nous sommes préparés »[12]. Il a par ailleurs menacé de kidnapper d’autres soldats israéliens si les forces de Tsahal envahissaient Gaza.
Après le début de l’invasion terrestre, le porte-parole du Hamas a déclaré, lors d’une intervention sur la chaîne de télévision Al-Aqsa, que Gaza : « deviendrait le cimetière »[13] des soldats israéliens. Dans un autre message, les Brigades Izz al-Din al-Qassam ont déclaré : « notre peuple se battra jusqu’à sa dernière goutte de sang et ne se rendra pas. Nous avons préparé des centaines de kamikazes qui tueront et captureront des dizaines de soldats israéliens qui prennent part à l’offensive terrestre”. Des menaces qu’Israël doit prendre au sérieux car le Hamas, tout comme le Hezbollah, connaît la valeur d’échange qu’ont les soldats israéliens.
Mais c’est sur le terrain diplomatique que le Hamas pourrait remporter la victoire. En enrôlant l’opinion publique par l’intermédiaire des médias, en organisant des manifestations et en créant une pression publique internationale suffisante, le Hamas et ses alliés pourraient arracher un cessez-le-feu sans avoir à le demander et, par là, ’’gagner’’ la guerre. Au lendemain de l’invasion terrestre, des manifestations anti-israéliennes de plus en plus violentes se sont multipliées un peu partout dans monde, des messages appelant les musulmans à « viser les intérêts juifs et les Juifs »[14] ont été diffusés sur plusieurs sites islamistes.
Après l’échec de la guerre contre le Hezbollah à l’été 2006, les militaires israéliens s’étaient promis : « plus jamais » ! Le général Gabi Ashkenazi avait déclaré quelques mois après sa nomination comme chef d’Etat-major de Tsahal : « La prochaine fois, à la fin de la guerre, personne n’aura à se poser la question de savoir qui a gagné »[15]. C’est cette question ’’de savoir qui va gagner’’ que des pays arabes modérés ont posé à Israël ces derniers jours. Leur message est clair et bien différent de leurs condamnations officielles à l’égard de l’Etat hébreu : « Allez-y s’il le faut mais ne vous avisez pas d’échouer ».
Nous l’avons évoqué, les chances d’un franc succès, quelle que soit l’ampleur de l’invasion terrestre, demeurent limitées. Pour Israël, il n’est déjà désormais plus question de savoir si son armée peut remporter la victoire sur le Hamas mais plutôt de minimiser les conséquences désastreuses soit d’un cessez-le-feu qui serait imposé par la communauté internationale et, le cas échant soutenu par les Etats-Unis, soit d’une occupation de la bande de Gaza qui devrait s’inscrire dans la durée. Une victoire du Hamas, quelle que soit sa nature, aurait indubitablement des effets dramatiques sur le long terme. Israël par ailleurs ne peut concentrer trop longtemps ses forces – et l’attention de son Etat-major – sur le Hamas et/ou le Hezbollah à l’heure où la menace iranienne reste plus jamais prégnante.
Si l’AP a officiellement affiché sans ambiguïté sa solidarité avec le mouvement islamiste et si Mahmoud Abbas a « entamé des contacts urgents avec plusieurs pays arabes et autres pour faire cesser l’agression lâche et les massacres dans la bande de Gaza »[16], il n’en reste pas moins que le Président palestinien, tout comme bon nombre d’officiels du Fatah et de l’OLP[17], considère le Hamas comme responsable du déclenchement de l’opération israélienne. Un proche conseiller de Mahmoud Abbas, Nimr Hammad, a expliqué au début de l’opération que : « Celui qui est responsable des massacres c’est le Hamas et non l’entité sioniste qui réagit aux lancements de missiles palestiniens. Le Hamas doit cesser de considérer avec légèreté le sang des Palestiniens. Il ne devrait pas donner un prétexte aux Israéliens »[18].
Une victoire du Hamas annihilerait à court et moyen terme toute opportunité de règlement pacifique du conflit, elle affaiblirait par ailleurs pour une longue période ce qu’il reste des Palestiniens modérés dont, bien entendu, Mahmoud Abbas, déjà perçu comme un ‘’traître’’ à la solde des Israéliens. Ce dernier achève son mandat le 9 janvier. Au-delà de cette date, le Hamas a fait savoir qu’il ne reconnaîtrait plus l’autorité du Président palestinien. Entre-temps, le Président doit jouer ’’le grand écart’’ pour contenir le mécontentement de l’opinion publique et juguler les manifestations violentes en Cisjordanie contre l’offensive israélienne, notamment à Hébron où le Hamas compte bon nombre de sympathisants. Dans un tel contexte, il est fort à parier que si des élections législatives et présidentielle devaient avoir lieu dans les territoires palestiniens, le Hamas les remporterait haut la main.
Deux jours avant le début de l’opération israélienne, l’armée libanaise a découvert près de Nakoura, dans le sud du pays, 8 roquettes équipées d’un système de mise à feu à retardement mais il n’a pas été possible de déterminer par qui ces roquettes avaient été installées. Si certains rapports ont fait état ces derniers jours de la menace d’ouverture d’un front à la frontière nord d’Israël par le Hezbollah – l’armée libanaise et les forces de la FINUL[19] ont augmenté leur niveau d’alerte – cette éventualité semble pourtant peu probable. Certes, le leader du Hezbollah, Hassan Nasrallah, entretient la propagande et fustige l’Egypte pour avoir organisé : « un partenariat arabe à ce complot »[20]et le mouvement chiite pro-iranien a également organisé des manifestations de masse en soutien à Gaza, mais une nouvelle confrontation ouverte avec Israël au Sud-Liban ne servirait pas a priori ses intérêts. Pourtant, dans la journée de samedi, des députés iraniens ont menacé d’Israël d’ouvrir un second front par l’intermédiaire du Hezbollah. Ces menaces ont ensuite été reprises par Hassan Nasrallah.
En guise de conclusion
La situation demeure plus que jamais explosive, au Proche-Orient mais également un peu partout dans le monde où des manifestations de soutien aux Palestiniens et au Hamas se multiplient. Des incidents plus sérieux, non seulement dans les pays arabes mais aussi en Europe, sont à craindre si l’opération israélienne devait se poursuivre durablement.
L’invasion terrestre dans la bande de Gaza continuera d’occasionner dans les prochains jours de nombreuses pertes dans les rangs de Tsahal, du Hamas et de la population civile gazaouie. Israël, malheureusement, n’a pourtant pas intérêt à relâcher la pression tant que la résistance du Hamas n’aura pas été éradiquée et que l’administration américaine continue de soutenir l’opération terrestre.
Le Président Nicolas Sarkozy se rendra en Egypte, en Cisjordanie et en Israël lundi 5 janvier avant de continuer ses consultations en Syrie et au Liban. Une tournée précédée par celle des ministres des Affaires étrangères de la France, de la République tchèque et de la Suède. Mais, quels que soient les résultats de ces rencontres et des efforts de médiation entrepris par la communauté internationale, Israël ne peut se permettre un retour au statu quo ante ou, pire, une victoire du Hamas ; un scénario catastrophe qui fragiliserait non seulement Israël sur le long terme mais qui plongerait la région toute entière dans une période de chaos sans précédent et qui renforcerait la conviction des extrémistes islamistes – dont bien entendu l’Iran – qu’Israël peut être vaincu.
Israël est bel et bien en train d’écrire une page importante de son histoire, et de celle du Proche-Orient.
Copyright© ESISC 2009
[1] Déclaration d’Ehud Olmert le 27 décembre 2008 http://www.pmo.gov.il/PMOEng/Communication/PMSpeaks/spokegaza271208.htm
[2] “Khaled Abu Toameh, Hamas mocks Israel’s non response to Kassams”, The Jerusalem Post, 25 december 2008.
[3] Deux roquettes de type Grad se sont abattues sur la ville israélienne de Beer Sheva le 31 décembre 2008 sans faire de victimes.
[4] CNN, le 3 janvier 2009
[5] AFP, mardi 30 décembre 2008
[6] Le Monde, 30 décembre 2008
[7] Le Monde, 30 décembre 2008
[8] IAF: Force aérienne israélienne
[9] Haaretz, le 3 janvier 2009
[10] Ibidem.
[11] Alan Dershowitz, ‘Israel’s policy is perfectly ‘proportionate’, The Wall Street Journal, January 2, 2009
[12] Haaretz, le 3 janvier 2009
[13] Ynet, le 3 janvier 2009
[14] Flash ESISC, ‘L'AQMI appelle à « viser les intérêts juifs » et les Juifs’, dimanche 4 janvier 2009, www.esisc.org
[15] Haaretz, le 3 janvier 2009.
[16] Le Figaro, le 31 décembre 2008.
[17] Organisation de Libération de la Palestine
[18] Al-Ahhbar, le 28 décembre 2008.
[19] Force intérimaire des Nations unies au Liban
[20] Al-Manar, le 28 décembre 2008.