La Syrie est-elle en train de changer ?



 

 

Ces dernières années, et plus encore ces derniers mois, le régime syrien s’est engagé dans une vaste opération de séduction vis-à-vis de l’Occident. Tant l’ampleur des moyens mis en œuvre que la diversité des actions menées ont indubitablement permis à Damas de se repositionner sur la scène diplomatique  et d’améliorer sensiblement son image.

 

Pourtant, la politique étrangère de la Syrie est remplie de contradictions : sa volonté de paix avec Israël mais des alliances avec l’Iran, le Hamas et le Hezbollah qui prônent la destruction de l’Etat hébreu ; une revendication d’Etat laïc qui n’empêche pourtant pas le régime de soutenir les groupements islamistes terroristes tant en Irak, au Liban et à Gaza. Par ailleurs, au plan intérieur – et notamment en ce qui concerne les droits de l’homme -, le bilan syrien reste largement négatif. 

 

La bonne volonté affichée par le régime semble avant tout avoir été dictée par des objectifs à court terme : mettre fin à l’isolation, amorcer une détente dans les relations interarabes, maintenir une certain équilibre au Liban et, par l’intermédiaire de la Turquie, relancer le processus de négociations de paix avec Israël. Ces changements seront-ils concrétisés et renforcés dans les mois et les années à venir ? La Syrie a-t-elle réellement amorcé un tournant majeur dont l’objectif est un nouveau positionnement sur la scène régionale ? Est-elle prête à de douloureux compromis ? C’est à ces difficiles questions que la présente note tentera de répondre.

 

Bref rappel historique

 

Bien que majoritairement sunnite, la Syrie jouit d’une grande diversité ethnique ; 80% de la population est d’obédience sunnite avec des minorités druzes et alaouites à leurs côtés. L’islam syrien demeure relativement tolérant puisque les chrétiens ne voient pas la pratique de leur culte entravée. Durant les années 50 et 60, la Syrie a connu un mouvement de laïcisation des milieux citadins et éduqués du pays.

 

Longtemps sous influence française[1], Damas a dû attendre 1946 pour déclarer son indépendance. Les premières élections parlementaires qui ont eu lieu en 1932 n’ont pas véritablement émancipé la Syrie puisque les candidats furent choisis, au préalable, par Paris. Les lendemains de l’indépendance furent marqués par une instabilité politique constante qui ne prit fin qu’avec l’accession au pouvoir de feu Hafez El-Assad lors d’un coup d’Etat en 1970. Devenu chef de l’Etat, Hafez El-Assad décide de placer les bases pour une stabilité institutionnelle et ce, par le biais d’une constitution, d’une assemblée du peuple mais aussi et surtout par l’établissement d’un régime que l’on pourrait qualifier de « dictatorial ».

 

La politique étrangère syrienne s’est majoritairement focalisée sur ses voisins de la région. Ses relations avec Téhéran n’ont réellement pris forme que lors de tensions au milieu des années 70 entre le président syrien et le raïs de Bagdad, Saddam Hussein. L’arrivée de la Syrie sur la scène libanaise en 1975 met fin à deux ans de guerre civile mais les relations passionnées entre la Syrie et le Liban – que cette première considère comme sa ’’province’’ – privera jusqu’il y a peu le Pays du Cèdre d’une pleine et entière souveraineté notamment l’occupant avec une armée forte de plus de 30 000 hommes durant 30 ans.

 

Au cœur des relations entre la Syrie et l’Iran

  1. Le Hezbollah

En l’espace de quelques années seulement, la relation d’abord stratégique entre Damas et Téhéran s’est rapidement transformée en une relation de seigneur à vassal. Certes, le régime syrien est en partie dépendant économiquement de son grand frère iranien mais cette dépendance a très vite ouvert la porte à une domination idéologique omniprésente dans toute la Syrie, principalement par l’intermédiaire d’instituts culturels et religieux iraniens. Les Pasdaran[2] ont également infiltré l’armée syrienne, et l’Iran fournit du matériel militaire à la Syrie. Pour autant, l’Iran n’a pas suppléé à Moscou qui, jusqu’à la fin des années 80, couvrait quasiment l’ensemble des dépenses de l’armée syrienne (armes, entraînements et fonds).

 

Si l’Iran joue un grand rôle de soutien envers le Hezbollah, la Syrie n’est pas en reste non plus. Tant son appui politique que militaire sont devenus une nécessité au fil des ans pour les activités du Hezbollah au Sud Liban.

 

Le Hezbollah, dans ses relations avec la Syrie, bénéficie de trois atouts :

 

  • Son intégration dans la communauté
         chiite et sa capacité de mobilisation, grâce à sa discipline et ses      méthodes d’implantation clandestine.
  • L’interdiction par Israël de la      présence de l’armée syrienne au sud du Litani.
  • Le soutien d’une partie importante des      milieux dirigeants iraniens, auxquels la Syrie ne souhaite pas s’affronter[3].

 

En outre, le Hezbollah dépend de la Syrie de différentes façons. En effet, la principale voie d’accès qui permet l’acheminement des armes à l’organisation terroriste passe par ce pays. D’autre part, le Hezbollah doit une grande partie de sa légitimité au Liban à la Syrie. Cette dernière dissuade le gouvernement libanais d’enrayer la prédominance politique du Hezbollah. Enfin, il bénéficie de l’accompagnement et du soutien politique des autorités de Damas. Si la Syrie soutient le « parti de Dieu » depuis les Accords de Taëf[4], ils n’ont pas pour autant constamment partagé les mêmes positions. Ainsi, durant la guerre des camps (1984-1987), le Hezbollah ira jusqu’à l’affrontement avec l’armée syrienne soutenant le mouvement Amal. Quoiqu’il en soit, cette dépendance permet à la Syrie d’instrumentaliser le Hezbollah pour servir ses propres intérêts, même si de nombreuses divergences idéologiques peuvent mener ces deux acteurs à un désaccord sur les buts, la stratégie et la tactique.

 

En effet, les plates-formes idéologiques sont presque antagonistes. La doctrine du Hezbollah est basée sur un fondamentalisme religieux extrême tandis que l’establishment syrien est laïc, socialiste et nationaliste. La Syrie préfère atteindre un but plus pragmatique (le retrait d’Israël du plateau du Golan) par la négociation en reconnaissant le danger d’une escalade du conflit au niveau régional. Ce sont ces différences qui expliquent les risques encourus par le Hezbollah dans sa dépendance vis-à-vis de la Syrie.

 

D’autre part, des oppositions sont également apparues entre les deux protecteurs du mouvement chiite. En 1999, le gouvernement de Damas, qui souhaitait une trêve pour permettre au gouvernement d’Ehoud Barak de relancer le processus de paix, réagit de façon musclée à l’égard de Téhéran qui venait d’inciter le Hezbollah à l’escalade. Cette dernière entraîna d’ailleurs de violentes représailles israéliennes sur des objectifs libanais. Pour autant, la guerre entre le Hezbollah et Israël à l’été 2007, nous démontrera que – malgré les divergences idéologiques – Damas demeure un soutien important au Hezbollah. Au lendemain de la guerre, comme l’explique Nassir Al-Assaad : « Alors que les difficiles négociations pour obtenir un cessez-le-feu avec Israël étaient encore en cours, on commençait déjà à se rendre compte qu’un danger nous menaçait à l’intérieur du Liban »[5].

 

La ’’victoire’’ est l’objet de toutes les convoitiseset, plus particulièrement, de la part du mouvement prosyrien qui compte bienl’instrumentaliser pour reprendre l’initiative.Hassan Nasrallah, en menant ’’seul’’ le Hezbollah dans son combat contre Israël, asuscité une mobilisation sans précédent du monde arabe pour la cause chiite.Transcendant le clivage sunnite-chiite, il a réussi à créer une véritable mobilisation enfédérant les masses autour de l’aspect islamique de son organisation et du rejet del’Etat libanais : « [un] Etat qu’on exècre et que l’on agonit des pires injures, [un] Etat qui apparaît comme traître et impuissant, [un] Etat qui flanche devant Israël et l’Amérique»[6].Une ’’aura’’ que les partisans de Damas au Liban n’ont cessé d’utiliser pourfaire pression sur le gouvernement libanais de Rafic Hariri et tenter de renforcer la représentation du Hezbollah.

 

  1. Le rapprochement      inter-islamique


Le partenariat Damas-Téhéran s’est avéré être problématique à plusieurs reprises ; l’annonce d’une « alliance officielle » en 2006 entre les deux Etats représente un « coût » important pour Damas car cette alliance se fait au détriment de ses relations avec les pays arabes de la région. Comme l’explique un récent rapport de l’ICG : « Renforcer les liens avec l’Iran affecte les relations avec les pays arabes et sape un intérêt stratégique fondamental de l’Etat. En effet, souligner le caractère arabe est d’une importance toute particulière pour un régime dont les fondations sont le baasisme - une idéologie panarabe -, dont le rôle régional de champion des causes arabes demeure une source cruciale de légitimité, qui a besoin d’un minimum de coordination arabe sur le processus de paix, qui craint l’émergence et la diffusion du sectarisme et qui est avide de davantage d’investissements économiques en provenance du Golfe (…) »[7]

 

Malgré les différences entre le sunnisme et le chiisme, les autorités religieuses de Téhéran ont redoublé d’efforts afin de développer le rapprochement inter-islamique. De l’autorisation donnée aux fidèles chiites de prier derrières des imams sunnites, en passant par la crise des caricatures de Mahomet ou le soutien à la cause palestinienne, les dirigeants iraniens favorisent cette convergence inter-islamique au travers de thèmes fédérateurs tels que l’anti-impérialisme ou l’antisionisme. Et force est de constater que dans de nombreux dossiers, cette ’’diplomatie panislamique’’ – pour reprendre l’expression de Pierre Pahlavi[8] – a fort bien fonctionné au sein du monde sunnite. C’est notamment ce qui pousse les pays arabes modérés à la plus grande prudence car la vocation originelle de l’islam révolutionnaire est d’entraîner dans son sillage les différentes communautés chiites dans « une révolution dont la perspective serait l’islamisation générale du monde et le triomphe de la vérité chiite »[9]. Cette volonté d’exportation, bien qu’utopiste, en définitive, malgré quelques succès, est toujours considérée comme une menace.

 

Les deux nations ont opté pour un « dialogue critique » ; Syriens et Iraniens ont tablé sur la victoire de Barack Obama car le candidat démocrate permettait une ouverture après une période de diabolisation engendrée par les Républicains. Téhéran, pourtant, demeure très critique quant à l’ouverture diplomatique faite par les Américains envers Damas car les Iraniens perdraient un de leurs plus précieux alliés dans la région.

 

Les déclarations, l’année dernière, du vice-président iranien Parviz Davoudi, qui a appelé la Syrie à davantage de prudence vis-à-vis des ennemis, ne sont pas anodines et arrivent à un moment où la politique étrangère syrienne connaît une sorte de frémissement, comme nous le verrons dans les prochains chapitres : prise de contact avec l’Arabie saoudite, rabibochage au moins relatif avec l’Egypte et souhait des Américains de tester la bonne volonté des Syriens[10]. On le constate clairement, l’Iran ne désire pas que les «ouvertures internationales » envers la Syrie ne viennent l’esseuler davantage et il est fort à parier que Damas ne contrariera pas son principal allié de sitôt.

 

La Syrie et le Liban : trois décennies de relations conflictuelles et un retour au statu quo ante !

 

Nostalgique d’une Grande Syrie, Damas n’a jamais vraiment accepté un Liban indépendant. Sous le mandat français, l’autonomie du Liban vis-à-vis de Damas s’affirma toujours davantage, pour aboutir à une indépendance effective en 1945.

 

Trente ans, c’est la période durant laquelle les forces syriennes ont occupé le Liban. Si les troupes de Damas ont bel et bien quitté le Pays du Cèdre il y a quatre ans, force est de constater que l’influence syrienne n’a pas pour autant disparu, que du contraire. Ces dernières années, la Syrie a rappelé à quel point son emprise était toujours de mise : rôle dans la coordination des attaques anti-occidentales à Beyrouth suite à la publication des caricatures de Mahomet par un journal danois (incendie de l’ambassade du Danemark, etc.), rôle présumé dans de nombreux assassinats politiques par l’intermédiaire de ses services de sécurité – toujours actifs au Liban. Les stigmates de cette occupation sont aujourd’hui toujours bel et bien visibles.

Pourtant, la rencontre de décembre 2009 entre le Premier ministre libanais Saad Hariri et le président syrien Bachar El-Assad à Damas marque un tournant dans la politique libanaise de ces dernières années, aux dires mêmes des intéressés. L’agence de presse syrienne SANA rapportant que les leaders virent « cette visite comme un point de départ pour restaurer la coopération entre les gouvernements de Syrie et du Liban »[11].

Leader de l’Alliance du 14 Mars et élu en juin 2009 sur un programme anti-syrien, Saad Hariri s’est efforcé de taire les critiques, mais une grande partie de la presse libanaise a souligné la profonde concession que constitue cette visite à Damas, compte tenu du rôle pour le moins trouble de la Syrie dans l’assassinat du père du Premier ministre actuel, Rafic Hariri, en février 2005.

 

Les Syriens, se considérant étrangers à l’assassinat de Rafic Hariri, analysent cette entrevue comme quelque chose de naturel, sachant que tous les Premiers ministres libanais font le voyage de Damas depuis les années 1940[12]

 

Saad Hariri a bien compris que s’il veut pouvoir continuer à gouverner le Liban, il ne peut se passer de bonnes relations avec Damas, qui contrôle un certain nombre d’acteurs politiques libanais. En effet, sans l’adoubement de Damas, sa position sera fragilisée vis-à-vis de ses interlocuteurs prosyriens que ce soit le Hezbollah ou le Courant Patriotique Libre du Général Michel Aoun, leader de la communauté chrétienne maronite. Pour gouverner un pays multicommunautaire où les institutions reflètent de savants équilibres religieux, Saad Hariri ne peut se permettre d'être en porte-à-faux avec les chiites et les chrétiens maronites.

 

Saad Hariri a bien tenté, avec ses partisans de l’Alliance du 14 mars, de briser par la force les combattants du Hezbollah dans les rues de Beyrouth en mai 2008. Ses miliciens furent balayés en quelques heures, prouvant la puissance de la Syrie et de ses alliés sur le terrain. Ces heurts avaient débuté suite à la tentative du gouvernement du Premier ministre Fouad Siniora de démanteler le réseau de télécommunications géré par le Hezbollah à l’aéroport international de Beyrouth[13].

 

Après avoir tenté sans succès de se débarrasser du Hezbollah, Saad Hariri a décidé de le courtiser, ainsi que son mentor syrien, ce qui explique sa visite en grande pompe à Damas.

Après sa victoire aux élections parlementaires de juin 2009, Saad Hariri a directement organisé une réunion de réconciliation avec Hassan Nasrallah, leader du Hezbollah, et cédé aux demandes du Parti de Dieu, acceptant notamment la liste de ministrables présentée par le Général chrétien prosyrien Michel Aoun et offrant onze ministères à la sphère proche du Hezbollah et de la Syrie, en ce compris les portefeuilles stratégiques des télécommunications et des Affaires étrangères. De plus, un véritable droit de veto fut offert au Hezbollah sur toute la législation. Toutes ces concessions de Saad Hariri à l’ennemi d’hier entraînèrent de fortes tensions avec ses partenaires de l’Alliance du 14 Mars, notamment les leaders chrétiens Samir Geagea et Amine Gemayel.

Globalement, on peut considérer que la Syrie et ses alliés ont réussi à rétablir le statu quo qui prévalait dans les années 1990[14] et à marginaliser l’opposition anti-syrienne au Liban, malgré sa victoire aux élections de juin 2009. Il est remarquable que des personnalités telles que Saad Hariri, leader de l’Alliance du 14 Mars, le Général Michel Aoun, qui a combattu les Syriens vingt ans plus tôt, ou le leader druze Whalid Joumblatt semblent tous prêts à accepter le rétablissement de la suzeraineté syrienne sur le Liban. On peut considérer que la Syrie a réussi son retour par la grande porte dans la politique libanaise et que ce petit pays est plus que jamais sous influence. Comme l’a déclaré le vice-président syrien Farouk Al Shara, l’empreinte de la Syrie sur le Liban est aujourd’hui plus forte que quand elle y avait ses troupes déployées[15] !

La Syrie et le Hamas

 

Le 24 janvier 2009, le président syrien congratulait Khaled Mechaal – le chef de la branche politique du Hamas, réfugié à Damas – pour la « victoire légendaire »[16] du mouvement islamiste suite à l’opération Cast Lead menée par Israël à Gaza durant le mois de janvier 2009. « Le président syrien a souligné qu'il était du devoir de son pays de soutenir la résistance et que la Syrie continuera de le faire jusqu'à la réalisation des objectifs nationaux des Palestiniens : mettre fin à l’occupation et créer un État palestinien indépendant avec Jérusalem comme capitale »[17].

 

Le régime de Damas et le Hamas entretiennent une relation ambiguë. Bien qu’opposé à l’extrémisme islamique – rappelons que la Syrie est laïque –, elle instrumentalise son soutien au Hamas contre Israël et les Etats-Unis. Non contente d’offrir l’asile à Khaled Mechaal – l’homme coordonne la politique générale du mouvement terroriste au départ de la Syrie –, la Syrie a fourni des entraînements aux miliciens des Brigades Issedine al-Qassam (fabrications d’armes, d’engins explosifs, de roquettes, etc.)[18] A ce propos, il est intéressant de noter comment le Hamas – sur base du modus operandi du Hezbollah – a, ces dernières années, considérablement augmenté non seulement la létalité mais aussi la portée de ses roquettes.

 

Par ailleurs, les responsables du Hamas se sont tournés à plusieurs reprises vers Damas pour la formation de base de ses hommes. On estime que des milliers de combattants ont vraisemblablement été formés en Syrie par des instructeurs qui ont eux-mêmes acquis leurs techniques en Iran.

 

La Syrie et l’Irak

 

  1. Le soutien financier et logistique au Djihad

Si financer quelques attaques ne requiert pas de grandes sommes d’argent, il n’en est pas de même concernant le maintien d’une cellule capable de recruter et d’organiser des attaques terroristes. En effet, une telle infrastructure et tout ce qu’elle englobe nécessitent des fonds très importants. Il ne fait aujourd’hui plus aucun doute que la Syrie a financé – et continue probablement à le faire au coup par coup – des opérations terroristes en Irak.

 

En octobre 2007, des troupes américaines mettent la main à Sinjar (une ville irakienne près de la frontière syrienne) sur des documents qui permettront in fine d’identifier une cellule terroriste soutenant al-Qaïda. Le réseau « Abu Ghadiyah », du nom de son leader, contrôlait toute la chaîne d’envoi de terroristes en Irak : le flux des fonds, les armes et les explosifs, les passeports, les planques etc.

 

Si la Syrie a – selon certaines sources[19] – collaboré au raid américain qui a éliminé Abu Ghadiyah en octobre 2008, la lutte contre le terrorisme n’est pas, a priori, la principale raison qui pousse Damas à agir de la sorte. En effet, il semblerait que les autorités syriennes aient été convaincues qu’Abu Ghadiyah aurait pu se retourner contre elles, dès lors que ce dernier était hostile au régime laïc de Damas. Par ailleurs, les causes principales du soutien syrien au terrorisme sont à chercher autre part.

 

-         Il y a tout d’abord la volonté de la Syrie de miner les efforts de la coalition en Irak, un objectif qu’elle partage tant avec les insurgés islamistes extrémistes qu’avec les anciens du régime. Une volonté à peine masquée puisque bon nombre de passeports saisis par les forces de la coalition en Irak sur des ’’candidats terroristes’’ en provenance de Syrie étaient marqués d’un visa portant la mention « volontaire pour le Djihad » ou « va rejoindre les volontaires arabes »[20].

-         L’important trafic de contrebande à la frontière de l’Irak bénéficie largement au régime syrien puisque les ’’emplois’’ grâce à ce trafic génèrent suffisamment de revenus pour « exonérer le gouvernement central de tout investissement dans des zones isolées par temps de crise économique »[21]. Au lendemain de l’intervention de la coalition, une partie de la colossale fortune de Saddam Hussein s’est retrouvée gérée par le demi-frère du Rais irakien, Sabawi Ibrahim al-Hassan al-Tikriti, ancien chef des services de renseignement, lequel a été considéré par les Américains comme le cerveau financier et le facilitateur de l’insurrection en Syrie. 

-         Malgré une réduction sensible du flux d’insurgés, grâce notamment aux efforts des autorités syriennes, Damas n’a pas bénéficié d’une levée – même partielle – des sanctions imposées depuis que le pays a été inscrit par les Etats-Unis sur la liste des Etats terroristes. Dès lors, on comprend que les autorités syriennes hésitent à s’engager plus avant dans la lutte contre le terrorisme qui s’exporte à partir de son sol.

La Syrie et l’Arabie saoudite

 

Après l’ouverture d’une ambassade saoudienne dans la capitale syrienne, la visite du Roi Abdallah à Damas, en octobre 2009, puis celle de Bachar El-Assad en Arabie saoudite, début 2010, peuvent être considérées comme des victoires diplomatiques pour le président syrien, devenu persona non grata au sein de la communauté internationale suite à l’implication présumée de son pays dans l’assassinat de Rafic Hariri en 2005.

 

En effet, au-delà de la mise au ban de la Syrie par l’Occident, les pays de la région, dont l’Arabie saoudite, avaient également « ostracisé » Damas. Cette période de tension culmina en 2006 lors de l’offensive israélienne au Liban lorsque Bachar El-Assad traita les régimes arabes de « demi hommes » face à leur tiédeur à soutenir le Hezbollah, bras armé de l’Iran au Mashrek.

 

Le Liban fut le champ de bataille de cette guerre larvée, notamment lorsque les combats éclatèrent dans le camp palestinien de Nahr El Bared près de Tripoli, en mai-juin 2007, opposant les forces gouvernementales libanaises aux extrémistes sunnites du Fatah Al Islam, que la Syrie accusait d’être soutenus par l’Arabie saoudite.

En mars 2008, les relations entre Damas et Riyad s’étaient tellement détériorées que les autorités saoudiennes rappelèrent leur ambassadeur dans la capitale syrienne et boycottèrent le sommet de la Ligue arabe à Damas, un affront personnel à Bachar El-Assad[22].

 

Cependant, certains facteurs rapprochent désormais les deux pays. Bien que la Syrie ait résisté aux tentatives de l’administration Bush et de l’Arabie saoudite de l’isoler politiquement, elle est confrontée à d’énormes défis économiques. La Syrie souhaite passer d’un système économique de type soviétique à une économie de marché, avec l’objectif de se profiler comme un pôle industriel et logistique régional. Pour ce faire, elle a besoin du capital des Saoudiens et du savoir-faire des Occidentaux, avec, comme corollaire, de meilleures relations diplomatiques avec les uns et les autres.

 

Ainsi, la Syrie s’est lancée dans une campagne de séduction vis-à-vis des Saoudiens et des Occidentaux, lâchant du lest sur une série de points, en ouvrant une ambassade à Beyrouth – reconnaissant ainsi, au moins symboliquement, la souveraineté libanaise –, en acceptant la défaite électorale de ses alliés au Liban et en freinant, nous l’avons mentionné, le flot de combattants étrangers qui passent en Irak via son territoire.

 

De son côté, Riyad était ces dernières années de plus en plus inquiète de l’emprise iranienne sur la région. Cette volonté de domination perse et chiite est à la fois un défi religieux et ethnique à une Arabie saoudite, arabe par définition, mais aussi fer de lance d’un islam sunnite rigide et doctrinaire qui considère les chiites comme des hérétiques. A cela, rappelons que les dirigeants syriens, bien que laïques, sont issus de la secte des alaouites, une branche du chiisme. Les Saoudiens sont donc très sensibles à un plan concerté de la Syrie et de l’Iran pour étendre l’influence chiite sur la région.

 

L’Iran a, en effet, habilement exploité les divisions habituelles du monde arabe, s’alliant avec les mouvements anti-israéliens radicaux (le Hamas et le Hezbollah), de concert avec la Syrie. D’autre part, le développement d’un programme nucléaire militaire par les Iraniens accroissant encore l’inquiétude de ses voisins arabes, l’Arabie saoudite a finalement décidé qu’elle ne pouvait plus se permettre le luxe d’une confrontation avec la Syrie[23].

 

Pour Peter Harling, analyste à l’International Crisis Group, ce que l’Arabie saoudite recherche via son rapprochement avec Damas, c’est le rétablissement de son image de leader régional alors que le Royaume des Saoud s’était quelque peu discrédité aux yeux du monde arabe par sa proximité avec l’administration Bush et ses ouvertures à Israël. Du côté syrien, alors que les relations avec les Etats-Unis et l’Union européenne s’améliorent, il manquait une caution arabe à cette politique de détente, et c’est précisément ce que le rapprochement avec Riyad peut lui offrir, en plus de l’apport de capitaux frais pour son économie[24].

 

Cependant, il n’est pas sûr que ces approches saoudiennes débouchent sur quelque chose de concret, Damas étant plus que jamais dans le double jeu : plutôt que de se distancier de Téhéran, les Syriens ont, fin de l’année passée, donné le feu vert à l’Iran pour agrandir son ambassade à Damas, qui est déjà la plus vaste de la République islamique dans la région.

 

On peut donc considérer que la visite du Roi Abdallah à Damas ne constitue au mieux qu’un indice que les tensions s’atténuent temporairement, un simple « mouvement dans un grand jeu », comme le déclarait récemment Peter Harling. Un grand jeu qui reste plus que jamais marqué par la duplicité de Damas.

 

 

La communauté internationale face à la Syrie

 

  1. La France

Les relations de la France avec la Syrie sont enracinées dans un passé multiséculaire. Après une période de rupture et de confrontation particulièrement vives entre Paris et Damas, après l’assassinat du Premier ministre libanais Rafic Hariri[25], les retrouvailles sont encore incertaines et difficiles, malgré l’avènement d’un président français disposé au dialogue, soucieux de se démarquer de l’héritage de son prédécesseur et pragmatique.

 

A la différence des Etats-Unis, qui considèrent que l’on peut introduire la démocratie dans un pays arabe par la voie militaire, en renversant les potentats locaux, la France préfère généralement coopérer avec eux, espérant qu’ils deviennent plus bienveillants vis-à-vis de l’Occident et récolter au passage les fruits de cette entente pour les entreprises françaises[26].

 

L’expérience française se caractérise non pas par un plan préétabli mais bien au contraire par le pragmatisme et la flexibilité, mais aussi par des périodes de forte proximité ainsi que de ruptures radicales. Face à la domination des Etats-Unis sur la scène internationale, cette politique pragmatique permet aussi à la France d’adopter sa posture gaulliste habituelle, se démarquant sensiblement de la stratégie américaine dans le monde arabe[27].

 

Le président Sarkozy avait déjà annoncé sa volonté de se rapprocher de certains Etats arabes parias en renouant avec le Libyen Mouammar Kadhafi, invité à Paris en décembre 2007 et avec lequel des milliards d’euros de contrats furent signés en faveur des entreprises françaises.

 

Sur la Syrie, Paris considère que l'attitude de boycott n'a en rien été fructueuse. Selon elle, elle a au contraire provoqué une radicalisation supplémentaire du régime syrien et un refus de sa part de composer avec plusieurs des requêtes occidentales ou des Nations unies qui lui étaient opposées. Le tout, dans un contexte où le chaos irakien a suffi à rappeler les précautions qu’il fallait prendre avec toute tentative de changement de régime imposé par la force dans un pays arabe[28].

 

Après une première visite du président syrien en France en juillet 2008 et deux déplacements du président de la République française en Syrie (septembre 2008 et janvier 2009), Bachar El-Assad a effectué une nouvelle visite en France du 12 au 14 novembre 2009. Cette visite intervient après celle du ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner à Damas les 11 et 12 juillet et celle de son homologue syrien à Paris du 29 septembre au 1er octobre. Christine Lagarde, ministre de l’Economie, s’est quant à elle rendue en Syrie le 17 décembre 2009. Ces nombreuses visites mutuelles illustrent au besoin la volonté de la France de renouer le contact avec Damas.

 

Pour l’instant, l’offensive diplomatique française sur la Syrie n’a pas débouché sur de véritables résultats politiques pour Paris, ceux-ci étant essentiellement économiques, via l’aide à la restructuration de l’économie syrienne où via la signature de contrats (notamment dans le domaine de l’énergie, des transports ou de la construction[29]). En effet, l’économie du pays, bâtie sur le modèle soviétique, est frappée de sénescence et ne peut absorber l’arrivée massive de nouvelles générations sur le marché de l’emploi.

 

Du côté syrien, en jouant la carte du rapprochement avec la France, Damas a montré son souhait d’élargir son éventail d’alliances stratégiques. Le président El-Assad veut également, via sa relation avec la France, renforcer un partenariat institutionnalisé avec l’Union européenne, un accord d’association UE-Syrie ayant ainsi été signé en octobre 2009. Bachar El-Assad ne rate jamais une occasion d’appeler les Européens à plus « d’indépendance politique ». Pour le président syrien « les Européens se sont complètement alignés sur les Etats-Unis, au détriment de la Syrie. Un partenaire doit être un ami et nous n’avons pas remarqué un tel comportement de la part de l’Europe ces dernières années »[30].

 

Pour la France, au delà du commerce, le pari est le suivant : une relation plus étroite avec Damas doit lui permettre de reprendre de l’influence au Levant et de tenter de s’imposer comme un acteur majeur dans les questions régionales, que ce soit la stabilité du Liban, le conflit israélo-palestinien ou le problème iranien.

 

Cependant, elle devra se souvenir que la Syrie, depuis l’arrivée au pouvoir de Hafez El-Assad dans les années 1970, est un élément incontrôlable de la politique au Moyen-Orient. Damas a perfectionné l’art de renverser ses alliances et de fomenter des troubles dans les pays voisins. Depuis sa mort en 2000, Hafez El-Assad a été remplacé par son fils Bachar, un ophtalmologiste éduqué au Royaume-Uni, que l’on croyait peu au fait des subtilités politiques régionales. Mais celui qu’on croyait incapable de l’habileté et du machiavélisme de son père prouve qu’il est un diplomate rusé[31].

 

  1. Les Etats-Unis d’Amérique

En juin 2009, les Etats-Unis ont réalisé un ’’upgrade’’ notable de leurs relations diplomatiques avec la Syrie, le président Obama ayant annoncé l’envoi d’un ambassadeur à Damas, après que celui-ci ait été rappelé à la suite de l’assassinat du Premier ministre libanais Hariri[32].

 

Cette décision a suivi la mission exploratoire fructueuse du Sénateur John Kerry, mais aussi de George Mitchell, envoyé spécial du président américain pour le Moyen-Orient, ainsi que celle de Jeffrey Feltman, haut fonctionnaire du Département d’Etat en charge du Moyen-Orient, accompagné du membre du Conseil National de Sécurité Daniel Shapiro. Pour l’ambassadeur syrien aux Nations Unies, « ces discussions, leur qualité et le niveau d’engagement sont sans précédent depuis les huit dernières années »[33]. Dans la foulée de ces visites, les autorités syriennes ont posé des gestes de bonne volonté, notamment en prenant des mesures visant à tarir le flot de combattants islamistes se rendant en Irak via la Syrie.

 

Plutôt que d’offrir un grand marchandage régional, l’approche de Jeffrey Feltman s’est appuyée sur une série de points précis : le soutien syrien aux insurgés irakiens, au Hamas et au Hezbollah, les tentatives de déstabilisation du Liban et le possible programme syrien de développement d’armes de destruction massive. Des progrès sur ces questions étant le préalable à toute reprise de relations diplomatiques complètes entre les Etats-Unis et la Syrie, d’abrogation des sanctions et de soutien américains à des pourparlers directs avec Israël sur le Golan. Jusqu’ici, l’attitude de Damas est décevante : si on a sensiblement progressé sur le contrôle de la frontière syro-irakienne, force est de constater que les trpois autres thèmes sont au point mort.

 

Il est cependant trop tôt pour annoncer l’échec ou le succès du réchauffement américano-syrien. En effet, primo, le rapport au temps n’est pas le même à Damas et à Washington : Bachar est président à vie, alors qu’un président américain ne l’est que pour un mandat limité. Secundo, il ne fait aucun doute que Damas fera traîner les choses en longueur afin d’éviter d’avoir à choisir entre son alliance avec l’Iran et des relations cordiales avec les Américains, même si ces derniers parient – un peu naïvement – sur une détérioration de cette relation face à la politique d’ouverture à l’Ouest de la Syrie[34].

 

Globalement, on peut considérer que l’approche actuelle de l’administration américaine vis-à-vis de la Syrie est caractéristique d’une phase d’inventaire et de réexamen de sa politique étrangère dans la région : navettes de « missi dominici » modernes, envoyés spéciaux et hauts fonctionnaires qui vont à Damas, parlent, écoutent et rapportent à Washington, où une nouvelle politique ne semble pas encore définie par le Département d’Etat ni par le Conseil National de Sécurité. L’avenir nous dira si la volonté américaine est purement tactique, tentant d’obtenir des concessions sur une série limitée de points, ou si une nouvelle donne stratégique se dessine. Washington doit cependant réaliser qu’il sera très difficile de désolidariser la Syrie de son mentor iranien[35].

 

La situation des droits de l’homme en Syrie

 

Déjà bien fragile, la situation des droits de l’homme en Syrie s’est encore détériorée en 2009. L’Etat d’urgence, imposé depuis 1963 est toujours d’actualité et permet aux nombreuses agences de renseignement d’arrêter et de détenir des individus sans mandat. L’année 2009 est également celle de la reprise des procès de la Cour suprême de sûreté de l’Etat, après une suspension de 8 mois. Amnesty International et Human Right Watch, pour ne citer que les plus importantes organisations internationales de défense des droits de l’homme, dénoncent d’une seule voie une situation déplorable en Syrie à l’heure où le pays entame pourtant des ’’réformes’’.

 

En marge de la reprise du procès de cinq membres de la minorité kurde, en décembre dernier, Malcom Smart, directeur du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International, déclarait à propos de la Cour suprême de sûreté de l’Etat : « [Celle-ci] n'a montré aucun empressement à faire respecter les droits des accusés d'être défendus et de bénéficier d'un procès équitable. Elle n'a pas ordonné l'ouverture d'enquêtes sur les allégations de torture et n'a pas fait face aux responsables des forces de sécurité. Elle a perdu toute crédibilité. Elle doit être abolie et les personnes inculpées de délits notamment politiques doivent bénéficier de procès équitables et être protégés contre tout acte de torture et autre mauvais traitement. »[36]

 

Les arrestations arbitraires et les procès iniques d’opposants politiques ou d’activistes de la société civile ne sont malheureusement pas les seules violations des droits de l’homme en Syrie. En effet :

 

-         La Syrie ne connaît pas de presse indépendante, les sites politiques sensibles sont frappés par la censure, de même que des restrictions sont imposées sur les réseaux sociaux tels que Youtube, Facebook, Twitter ou Blogger.

-         La torture reste une pratique courante utilisée par les services de renseignement et de sécurité.

-         Les minorités – essentiellement les Kurdes – font constamment l’objet de discrimination et de répression. En novembre dernier, Human Right Watch a consacré un long rapport documenté sur la situation des Kurdes en Syrie[37]. Ce dernier explique notamment que la répression ne se focalise pas uniquement sur les activistes politiques mais s’étend bien au-delà. Cinq ans après l’ « intifada » kurde[38] qui a opposé les forces de sécurité aux manifestants kurdes dans plusieurs villes et villages au nord de la Syrie, le rapport détaille comment la répression à l’égard de la minorité s’est renforcée dans de nombreux domaines : répression des manifestations, répression des célébrations culturelles, répressions lors d’événements de soutien ou de solidarité envers les Kurdes en Irak et en Turquie, répressions des commémorations kurdes, etc.

-         On reste sans nouvelle, depuis des années, de plusieurs dizaines d’opposants libanais à la présence syrienne dans leur pays, « disparus » dans les geôles de Damas. 

 

En guise de conclusion

 

Désireuse de se faire bien voir de la communauté internationale mais cultivant son amitié avec l’Iran, la Syrie a jusqu’ici joué profil bas et manœuvré en coulisses. Damas considère – jusqu’ici avec raison – qu’en restant suffisamment discret, qu’en ne franchissant pas les lignes rouges, elle pourra sortir de son isolement, conforter son emprise régionale et accéder aux moyens qui lui permettront un développement économique que son expérience « socialiste » a durablement compromis. Dans le même temps, nous l’avons vu, le régime syrien sème le trouble en Irak, soutient les miliciens palestiniens opposés à la paix avec Israël, domine plus que jamais son petit voisin libanais et continue de bafouer les droits de l’homme – notamment en réprimant la minorité kurde. Les manœuvres de Damas ont jusqu’ici porté leur fruits : pour un pays qui n’a pas de ressources énergétiques dans une région qui en regorge et qui a peu de dynamisme économique, la République arabe de Syrie a réussi à valoriser sa position stratégique au cœur du Moyen-Orient.

 

Cependant, n’oublions pas que, comme l’Irak de Saddam Hussein jadis, la Syrie tente de développer des armes de destruction massive, soutient le terrorisme, a une fâcheuse tendance à intervenir chez ses voisins et est opprimée par un dictateur bassiste illégitime usant de la violence pour se maintenir au pouvoir[39].

 

Un cocktail explosif qui devrait faire réfléchir ceux qui, aujourd’hui, sont convaincus qu’il faut négocier à tout prix avec la Syrie. Cette dernière est certes un acteur incontournable de la région mais tant qu’elle n’infléchit pas ses positions, il semble utopique – voire irresponsable – d’avancer avec elle « comme si de rien était ».

 

 

 

 

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[1] Le mandat français en Syrie a été institué par la Société des Nations après la Première Guerre mondiale, le 25 avril 1920. Elle devait permettre officiellement aux États du monde arabe d'accéder à l'indépendance et à la souveraineté, sitôt après avoir atteint un niveau suffisant de maturité politique et de développement économique. Quatre mandats ont été créés, le gouvernement de la Palestine et l'Irak revenant aux Britanniques, les Français se voyant attribuer celui sur le Liban et la Syrie. La France et la Syrie ont signé, en 1936, un traité franco-syrien d’indépendance mais, dans les faits, le mandat a continué d'exister car la France n'a pas ratifié le document. La Syrie a déclaré son indépendance de la France de Vichy en 1944.

[2] Les Pasdaran sont communément appelés les Gardiens de la Révolution. Il s’agit d’une armée parallèle à l’armée régulière iranienne qui dépend directement du Guide de la Révolution.

[3] E. Kheir, « La longue marche du Hezbollah : du refus global à l’intégration » in Le Débat Stratégique, mars 2000, n°49, CIRPES, Paris, p. 2.

 

[4] L’accord de Taëf, signé le 22 octobre 1989, abolit le pacte national de 1943 en amenuisant les pouvoirs du chef de l’Etat, du Premier ministre et du président de l’Assemblée. Ce traité fixe l’abandon du communautarisme politique comme objectif national essentiel. Par ailleurs, il implique le désarmement des milices et le regroupement des troupes syriennes dans la plaine de la Bekaa.

[5] « Faut-il craindre un coup d’Etat à Beyrouth ?» par Nassir Al-Assaad in Al Mustaqbal cité par le Courrier International, n°825 –24 août 2006.

[6] « Nasrallah Super-Héros : Analyse - Comment expliquer un tel succès ? » par Dala Al-Bizri in Courrier International –n°825 –24 août 2006.

 

[7] International Crisis Group, « Reshuffling the cards? (I): Syria’s Evolving Strategy», Middle East Report N°92 – 14 December 2009.

[8] Pierre Pahlavi, « La place du Chiisme dans la grande stratégie iranienne », Géopolitique de la mer

Noire : enjeux et perspectives, Défense nationale et sécurité collective, août –septembre 2008.

[9] Thierry Dufour, « L’influence de l’Iran au travers du chiisme – Mode opératoire, succès et limites

de la politique pro-chiite iranienne », http://www.diploweb.com, octobre 2006.

[10] Tariq Al-Homayed, « Rififi entre Damas et Téhéran », Courrier International, Jeudi 12 mars 2009,

p.25.

[11] CNN, «Lebanon and Syria move to thaw relations», Beirut, December 20, 2009.

[12] Asia Times, «Hariri’s Syria visit sets Lebanon on track», Sami Moubayed, December 23, 2009.

[13] Ibidem. 

[14] Lorsque Rafic Hariri était Premier ministre, un accord tacite existait entre la Syrie et le Liban par lequel Rafic Hariri dirigerait le Liban avec le soutien du Hezbollah, qui, en contrepartie, obtenait droit au chapitre au sein des institutions libanaises, d’une part, et le droit de conserver ses armes, officiellement pour « combattre les Israéliens », d’autre part.

[15] CBS News, « Syria See Regaining Its Influence In Lebanon », Beirut, October 2, 2009.

[16] CBS News, « Syria Congratulates Hamas on Gaza ’’Victory’’ », January 24, 2009.

[17] Ibidem.

[18] The Sunday Times, « Hamas wages Iran’s proxy war on Israel» , Marie Colvin, March 9, 2008.

[19] The Sunday Times, November 2, 2008.

[20] Témoignage de Paul Wolfowitz, Secrétaire d’Etat adjoint à la Défense américaine, devant la Commission des services armés du Sénat, « Helping Win the War on Terror », le 9 septembre 2003, Washington D.C.

[21] Matt Levitt, « Syria’s Financial Support for Jihad », The Middle East Quartely, le 21 janvier 2010.

[22] The National, « New chapter for Syria-Saudi relations », Phil Sands, July 10, 2009.

[23] The Time, « A Rapprochement Between Syria and Saudi Arabia ? », Andrew Lee Butters, October 8, 2009.

[24] CBS News, « Better Syria-Saudi Ties Could Ease Mideast Tension », October 9, 2009.

[25] Rafic Hariri était un ami intime de Jacques Chirac et son assassinat est généralement imputé à la Syrie. La presse israélienne évoque même le fait que Monsieur Chirac ait demandé à Tsahal de pousser son offensive jusqu’à Damas lors de la dernière offensive au Liban, en 2006, en échange d’un soutien appuyé à Israël dans le cadre du contentieux israélo-palestinien.

 Voir : http://www.israelnationalnews.com/News/News.aspx/121878

[26] International Crisis Group, « Dialoguer avec Damas ? Les leçons de l’expérience française », Briefing Moyen-Orient N°27, le 15 janvier 2009.

[27] BBC News, « France and Syria: A tangled history », September 7, 2004.

[28] Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), « France-Syrie : un jeu à somme nulle », Barah Mikaïl, décembre 2008.

[29] La Méditerranée, « La visite de Sarkozy à Damas, diplomatique mais aussi économique », le 9 septembre 2008.

[30] AlJazeera.net, « France meets Syria over peace plan», November 13, 2009.  

[31] The Nation, « Syria’s Dangerous Gambits », November 12, 2007.

[32] Les Etats-Unis n’y étaient plus représentés que par un chargé d’Affaires.

[33] CNN Politics.com, « U.S. to send ambassador back to Syria », Elise Labott, June 23, 2009.

[34] The Time, «Despite U.S. Outreach, Syria Affirms Iran Ties», May 07, 2009.

[35] Brookings, «On a New Footing: U.S.-Syria Relations», Bilal Y. Saab, March 19, 2009.

[36] Amnesty International, « Syrie : le procès de cinq Kurdes risque d'être « une parodie de justice », le 15 décembre 2009.

[37]Human Right Watch, « Group Denial : Repression of Kurdish Political and Cultural Rights in Syria », November 2009.

[38] En mars 2004, plusieurs villes et villages kurdes ont organisé des manifestations (dont certaines violentes) pour protester contre le traitement dont la minorité kurde fait l’objet. Bien que ces manifestations soient intervenues directement après des affrontements entre les forces de sécurité et des supporters de football, elles étaient le fruit des griefs accumulés au fil des ans par la communauté kurde à propos de ses droits culturels et de la discrimination dont elle est victime. Le pouvoir central a pris peur face à l’ampleur de la mobilisation kurde et a répondu par la force. Selon Human Right Watch, les affrontements ont fait 36 tués – la plupart kurdes – et plus de 160 blessés, tandis que 2000 ont été arrêtés et ont eu à subir des actes de torture.

[39] The Middle-East Quarterly, « When Rogues Defy Reason : Bashar’s Syria », Max Abrahms, Fall 2003.


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