Le Hamas, bras armé de l'Iran



 

 

En remportant les élections législatives de janvier 2006 puis en s’emparant de la bande de Gaza lors du putsch sanglant de juin 2007, le Hamas est devenu la force incontournable de la scène politique palestinienne. Depuis, le mouvement de la résistance islamique n’a cessé d’être une organisation terroriste[1], responsable de la mort de centaines de civils israéliens – et désormais de civils palestiniens – dont tant la charte fondatrice que la perpétuelle propagande appellent à la violence et à la destruction de l’Etat hébreu. 

 

A l’heure où l’avenir du Proche-Orient se joue toujours à Gaza – malgré le cessez-le-feu unilatéral décrété par le cabinet de sécurité israélien, suivi ensuite par le Hamas – éclairages sur la genèse du mouvement islamiste jusqu’à aujourd’hui, sa doctrine, ses objectifs, ses moyens et les soutiens dont il dispose.

 

 

  1. I.                  Hamas - Frères musulmans : même combat ?

 

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le fondateur des Frères musulmans, Saïd Ramadan, crée la première branche de la Confrérie à Jérusalem. Durant la guerre d’indépendance (1948), ce sont des centaines de Frères musulmans qui participent aux combats aux côtés des autres nations arabes. La victoire de l’Etat hébreu affaiblit sensiblement l’organisation puisque cette dernière ne recouvre une certaine influence qu’en 1956, lors de la crise de Suez, en se battant à nouveau contre l’armée israélienne.

 

La guerre des Six jours (1967) marque un nouveau tournant pour la Confrérie, à l’heure où le monde arabe connaît une expansion de l’islamisme. Autour des mosquées[2], les Frères musulmans bâtissent petit à petit un vaste réseau d’institutions sociales pour asseoir leur influence. Au lendemain de la guerre du Kippour (1973), le Centre islamique de Gaza – dirigé par Cheikh Ahmed Yassine et financé, en grande partie, par l’Arabie saoudite – vient conforter un peu plus cette influence.

 

En 1987, le déclenchement de la première Intifada voit, à l’initiative des Frères musulmans[3], la création d’un mouvement de résistance islamique, le Hamas. La confrérie égyptienne – qui s’est longtemps focalisée sur la réforme de la société et sur ses activités caritatives – est persuadée que la position attentiste qu’elle a jusqu’alors observée n’est plus tenable et que l’Intifada exige dorénavant un véritable djihad contre l’occupant.

 

Le 9 décembre 1987, les Frères musulmans, rassemblés autour de Cheikh Ahmed Yassine, d’Abed al-Aziz Rantissi et du Docteur Mahmoud Zahar, diffusent le premier tract[4] du mouvement de la résistance islamique appelant à l’intensification du soulèvement. Mais les Frères – soucieux de préserver leur organisation face aux Israéliens et préoccupés par leur volonté de fidéliser la jeune population palestinienne – ne reconnaissent la paternité du MRI[5] qu’en février 1988. Comme l’explique Gilles Kepel, les incertitudes de la confrérie : « reflétaient aussi le malaise d’un mouvement dirigé par des clercs religieux, des médecins, pharmaciens (…) soit des intellectuels issus des classes moyennes pieuses devant une initiative spontanée et violente de la jeunesse pauvre »[6].

 

En août 1988, la charte[7] du Hamas – d’une virulence sans pareil à l’égard des Juifs – est dévoilée. Nous ne reproduisons ci-dessous que quelques articles parmi les plus explicites de cette charte et dont nous pensons qu’ils se passent de commentaires :

 

Israël existe et continuera d’exister jusqu’à ce que l’Islam l’anéantisse comme il en a anéanti d’autres auparavant. (Le Martyr, Imam Hassan al Banna, de mémoire sacrée).

 

Le Prophète, qu'Allah le bénisse, a dit : "Le Jour du Jugement dernier ne viendra pas avant que les Musulmans ne combattent les Juifs, quand les Juifs se cacheront derrière les rochers et les arbres. Les rochers et les arbres diront, O Musulmans, O Abdallah, il y a un Juif derrière moi, viens le tuer. (Article 7)

 

Les initiatives et les soi-disant solutions de paix et conférences internationales sont en contradiction avec les principes de la Résistance Islamique. Violer n'importe quelle partie de la Palestine est une atteinte à la religion. Le nationalisme du Mouvement de la Résistance Islamique fait partie de la religion. (…) le Mouvement de la Résistance Islamique estime que ces conférences sont incapables d'exaucer les demandes, à savoir la restauration des droits, et la justice aux opprimés. Ces conférences visent uniquement à installer des mécréants comme arbitres en terre musulmane. Depuis quand les mécréants rendent-ils justice aux croyants ? (Article 13)

 

Le jour où les ennemis usurpent une terre d'islam, le jihad devient le devoir individuel de chaque musulman. Face à l'usurpation, par les juifs, de la terre de Palestine, il devient obligatoire que l'étendard du jihad soit hissé. (Article 15)

 

 

 

 

  1. II.               De la première à la deuxième Intifada

 

Tout au long de la première Intifada, le Hamas et sa branche militaire, les Brigades Ezzedine al-Kassam, se positionnent comme de sérieux concurrents au Fatah et l’OLP[8]. Condamnant successivement la Conférence de Madrid puis les Accords d’Oslo, le Hamas se retrouve confronté début des années 90 à un dilemme : poursuivre la lutte armée pour la libération totale de la Palestine et préserver son réseau associatif. A cette fin, un timide dialogue se noue avec l’Autorité palestinienne (AP) et le mouvement faillit même participer aux élections législatives de janvier 1996.

 

Suite à la campagne d’attentats suicide de 1996 qui frappe durement la population civile israélienne, l’Etat hébreu impose à l’Autorité palestinienne la mise au pas du Hamas. Le démantèlement de l’organisation et l’arrestation de nombreux cadres auront vite raison du fragile dialogue que le Hamas avait instauré avec l’AP. Nonobstant les efforts de Mohammed Dahlan, le Hamas reste de facto en place. En 1997, le leader historique du Hamas, Cheikh Ahmed Yassine, est relâché par les Israéliens. Cette libération initie un nouveau modus vivendi entre le mouvement islamique et Yasser Arafat. Dans les grandes lignes, le Hamas est toléré tant qu’il ne s’oppose pas à l’AP.

 

Durant la seconde Intifada, le Hamas accroît tant son influence politique que militaire, joignant ses forces à celles des Brigades al-Aqsa dans des actions armées et de nombreux attentats suicides qui font des centaines de morts[9]. Le mouvement amplifie encore sa popularité lorsque les forces israéliennes assassinent respectivement Cheikh Ahmed Yassine, le 22 mars 2004, et Abdel Aziz Rantissi – choisi pour succéder au premier – le 17 avril 2004.

 

En septembre 2005, Israël évacue complètement la bande de Gaza, laissant le contrôle absolu de l’étroite bande de terre à l’Autorité palestinienne. Quelques semaines plus tard, les autorités israéliennes annoncent l’arrestation de Yakub Mohammed Etzev, un arabe israélien, activiste du Hamas qui jouait un rôle central dans la collecte de fonds et contribuait au transfert de centaines de milliers de dollars du QG du Hamas en Arabie saoudite vers le réseau caritatif du mouvement de résistance islamique en Cisjordanie. Etzev a également participé à la création de comités locaux du Hamas dans plusieurs villes et villages du royaume saoudien[10]. Quoiqu’il en soit, l’aide substantielle dont le Hamas bénéficiait de l’Arabie saoudite s’est considérablement réduite grâce, notamment, aux différentes pressions internationales.

 

 

  1. III.           De la déliquescence du Fatah à la victoire du Hamas aux élections législatives

 

En décembre 2005, le Hamas bat le Fatah dans les principales villes de Cisjordanie. Cette percée n’est bien entendu pas un hasard. A l’instar des Frères musulmans en Egypte, les membres et sympathisants du Hamas – présents en masse – se sont organisés autour des centres de scrutin, distribuant prospectus et accompagnant les électeurs jusqu’à la porte.

 

L’effondrement du Fatah aux élections municipales puis législatives est autant dû à sa réputation de parti corrompu qu’à son incurie face au désordre entretenu, entre autres, par ses propres miliciens. Depuis son accession au pouvoir, Mahmoud Abbas s’est, quant à lui, montré incapable de transformer le parti mais – pire encore – ce dernier s’est scindé en ’’deux groupes’’ : les hiérarques de Tunis et de Beyrouth, et la jeune génération.

 

Alors que le Hamas se positionne comme un parti aux méthodes ’’propres’’ et axe sa campagne contre la corruption, le Fatah se déchire autour de deux listes électorales distinctes. L’une, désignée par Mahmoud Abbas, est constituée de vieux cadres tandis que l’autre représente la ’’jeune garde’’, avec notamment Mohammed Dahlan. Les listes électorales du Fatah ne seront finalement unifiées que le 26 décembre 2005, peu avant la date limite de dépôt. Pour autant, le chaos au sein du parti n’est pas terminé.

Précisons d’emblée que le Djihad islamique et plusieurs factions liées au Fatah déclarent le 31 décembre 2005 la fin de la trêve avec Israël, négociée quelques mois auparavant par l’Egypte. Le Hamas – qui a fait du combat contre l’Etat hébreu son principal slogan de campagne – emboîte le pas quelques jours plus tard et déclare lui aussi la fin de la trêve avec Israël.

 

Appelés à renouveler le Conseil législatif palestinien pour la première fois depuis 1996 (boycotté à l’époque par le Hamas), les électeurs palestiniens de la Cisjordanie, de Gaza et de Jérusalem-Est se rendent aux urnes ; le taux de participation est exceptionnel (78% des 1,35 million d’inscrits). Et, si l’on s’attendait à une percée des islamistes, c’est un raz-de-marée vert qui déferle sur les Territoires palestiniens : avec près 74 sièges sur 132[11], le Hamas dispose désormais d’une majorité absolue au Parlement palestinien. Le 21 février 2006, Ismaël Haniyeh est nommé Premier ministre par le président Abbas

 

Le Quartet – après avoir suspendu son aide directe à l’AP depuis l’élection du Hamas – charge l’Union européenne, le 9 mai 2006, de créer un mécanisme ’’temporaire’’ pour acheminer l’aide sans passer par le gouvernement Hamas.

 

Mais à l’heure où l’Europe finalise son mécanisme d’aide, le président Abbas gèle les comptes du Hamas, suite aux affrontements répétés entre ce dernier et les forces du Fatah. Quant au ministre palestinien des Affaires étrangères, Mahmoud Zahar (Hamas), après une longue tournée pour lever des fonds, principalement dans les capitales arabes (Le Caire, Damas) mais aussi Téhéran, il ramène près de 20 millions de dollars dans ses valises et passe la frontière à Rafah après que le bureau du président de l’AP ait autorisé le transfert de l’argent vers le ministère des Finances ! Les protestations des observateurs européens présents au terminal n’y changeront rien. Et pour preuve, le lendemain de l’arrivée de Mahmoud Zahar, c’est au tour de son collègue de l’Information, Youssef Rizqa, de faire passer par le même terminal plus de 2 millions de dollars.

 

 

  1. IV.            De la radicalisation du Hamas à la formation d’un gouvernement d’union nationale

 

Depuis son accession au pouvoir, le Hamas n’a pas changé. Il fait la sourde oreille aux trois critères[12] établis par l’Union européenne pour reprendre ses aides directes à l’Autorité palestinienne. Les tirs incessants de roquettes Qassam sur le territoire israélien poussent l’Etat hébreu à intervenir le 1er novembre 2006 à Beit Hanoun. Tsahal lance la plus vaste offensive depuis le retrait de la bande de Gaza et réoccupe la ville de 30.000 habitants située au nord de la bande de Gaza.

 

  1. L’utilisation      des boucliers humains

 

Le 2 novembre 2006, un groupe de combattants du Hamas trouve refuge dans la Mosquée Nasser. L’immeuble est rapidement encerclé par les forces israéliennes. Mobilisées comme boucliers humains par les radios intégristes palestiniennes, plusieurs femmes entreprennent de s’opposer à l’armée israélienne afin de faciliter la fuite des membres du Hamas. S’en suivent des échanges de tirs entre les forces israéliennes et, parmi elles, des militants de sexe masculin du Hamas, déguisés en femme ! Bilan, deux activistes et deux femmes palestiniennes tués. Le Premier ministre saluera : « les femmes de Palestine qui ont mené la protestation pour mettre fin au siège de Beit Hanoun ». La plupart des médias couvrant la scène relateront la mort des deux femmes plutôt que leur utilisation cynique par le Hamas. La semaine suivante, une femme kamikaze, Merfat Masoud, 18 ans, se fait exploser à Beit Hanoun.

 

En novembre 2006, des centaines de manifestants rejoints par le Premier ministre du Hamas ont formé un bouclier humain autour et sur le toit de la maison de Mohamed Baroud, membre des Comités de la résistance populaire. Quelques heures auparavant, l’armée israélienne avait sommé la famille de ce dernier de quitter les lieux en prévision d’un raid. Soucieuse de ne pas réitérer la même bavure et de ne pas blesser des civils, l’armée israélienne a finalement suspendu l’opération tout en dénonçant : « l'exploitation cynique de civils innocents par les terroristes qui en font des boucliers humains »[13]. Une scène similaire se reproduira quelques heures plus tard au domicile d’un dirigeant du Hamas, Mohammed Nawajeh.

 

Un constat fait non seulement par les forces israéliennes mais également par les habitants de Gaza et certains partisans de la cause palestinienne. Ainsi, Luisa Morgantini, Députée européenne et fer de lance de la cause palestinienne au Parlement européen, de retour d’une mission d’observation dans la bande de Gaza, explique : « Nous savons et les médecins palestiniens nous l’ont confirmé que les terroristes prennent des enfants dans leurs bras pour ne pas être tués »[14].

 

En agissant de la sorte, le Hamas enfreint non seulement le premier protocole de la convention de Genève (article 51 qui stipule que les parties doivent s’abstenir d’utiliser la population civile pour protéger des objectifs militaires contre des attaques ou s’en servir comme écran pour des opérations militaires) mais il fait – une fois encore – la démonstration que la vie (qu’elle soit celle d’un civil ou d’un candidat kamikaze) n’a à ses yeux que très peu d’importance. Des méthodes qui seront largement appliquées de nouveau durant l’opération ’’Plomb durci’’ et qui ont sensiblement contribué à augmenter le nombre de victimes civiles comme nous le verrons plus loin.

 

  1. La tragédie      de Beit Hanoun et la formation d’un gouvernement d’union nationale

 

Alors que les négociations entre Ismaël Haniyeh et Mahmoud Abbas pour la formation d’un gouvernement d’unité nationale et la nomination d’un nouveau Premier ministre sont quasiment au point mort depuis plusieurs mois, la tragédie de Beit Hanoun vient complètement changer la donne. Au matin du 8 novembre 2006, une malencontreuse erreur de tir par les forces de défense israéliennes – due à une défaillance technique[15] – provoque la mort d’une vingtaine de civils palestiniens.

 

Dès le lendemain, les plus hautes autorités israéliennes reconnaissent la bavure et offrent aide humanitaire et médicale. Mais la ministre israélienne des Affaires étrangères, Tzipi Livni, rappelle dans un communiqué de presse les circonstances de l’intervention israélienne : « Israël a quitté Gaza afin de donner aux Palestiniens l’opportunité de contrôler le terrorisme et de se prendre en charge. Malheureusement, cela n’est pas arrivé. Israël doit faire face à de constantes attaques des groupes terroristes palestiniens au travers des tirs incessants de roquettes Qassam contre des zones israéliennes civiles. Israël ne souhaite pas blesser des innocents mais seulement protéger ses citoyens. Malheureusement, au cours de la bataille des incidents regrettables tels celui de ce matin peuvent arriver »[16].

 

Dans le même temps, Mahmoud Abbas et le PM palestinien multiplient les rencontres et affichent une unité de façade sans précédent. Le président palestinien ne s’arrête pas en si bon chemin puisqu’il organise une réunion téléphonique avec Khaled Mechaal – avec qui il n’était plus en contact depuis plusieurs mois – en présence du Premier ministre et d’autres hauts responsables du Hamas ainsi que du Fatah. Le même jour, un haut responsable palestinien déclarait au Jerusalem Post : « La tuerie de Beith Hanoun a été une bonne chose pour l’unité palestinienne » ; « de façon ironique et triste, quelque chose de bien sort de tout cela. Je pense que nous sommes maintenant à quelques jours de la signature d’un accord final sur un gouvernement d’union (…) »[17].

 

Ce n’est finalement que le 8 février 2007, sous l’égide du Roi Abdallah d’Arabie saoudite, que les protagonistes parviennent à un accord sur un gouvernement d’union nationale. Un mois plus tard, le 15 mars, c’est l’investiture du gouvernement d’Ismaël Haniyeh.

 

  1. Le putsch      de juin 2007 

 

Malgré cet accord fragile, la cohabitation est laborieuse et la situation continue de se détériorer dans la bande de Gaza où le Fatah tente de maintenir son contrôle sur les forces de sécurité. Le 15 juin, c’est l’affrontement. Le Hamas, dans un coup d’Etat sanglant, s’oppose aux forces armées du Fatah. Pillages, destructions des infrastructures et des bâtiments officiels – dont bon nombre ont été érigés grâce à l’argent du contribuable européen –, exécutions sommaires, immobilisations d’ambulances, incursions dans les hôpitaux, enlèvements et meurtres de civils, fatwa sur les responsables politiques et sécuritaires du Fatah et assassinats de fonctionnaires onusiens. Ce sont véritablement des crimes de guerre qui se sont enchaînés tout au long d’une semaine marquée par une violence inouïe.

 

Deux jours plus tard, le 17 juin, Mahmoud Abbas limoge le Premier ministre du Hamas et nomme à la place le ministre des Finances, Salam Fayyad (dont le parti n’a obtenu que 2% des voix aux élections). On notera que le geste fort du président palestinien est contraire à la loi fondamentale palestinienne qui impose que le Premier ministre soit un membre de la majorité parlementaire (soit du Hamas). Il procède également à officialiser la scission entre Gaza et la Cisjordanie, deux territoires désormais gérés par deux gouvernements distincts.

 

 

  1. V.                La période de contrôle absolu du Hamas sur Gaza

 

  1. Musellement de l’opposition, arrestations arbitraires

 

L’affrontement direct et ouvert entre les deux groupes durant la prise du pouvoir a fait place à une lutte larvée, à un combat plus violent et plus profond. Selon les rapports du porte-parole du Fatah à la mi-août 2007, le Hamas s’est rendu coupable des exactions suivantes : « fusillades, assassinats d’activistes du Fatah à Khan Younes et Rafah, fusillade lors d’un mariage d’un membre du Fatah etc. ».

Pour le Hamas, ces échanges de feu et autres incidents s’inscrivent dans la lutte pour ramener l’ordre et la sécurité à Gaza. Et force est de constater que cela a réussi puisqu’un calme relatif est revenu à Gaza, et que la pléiade de groupes armés ne se sont plus affrontés dans un climat d’anarchie.

 

Outre les exécutions sommaires et arrestations de partisans du Fatah, le Hamas a notamment destitué et arrêté le Dr. Saka, directeur emblématique de l’hôpital Shifa à Gaza. En conséquence, comme le soulignait Sami El Soudi de la MENA, il est devenu désormais difficile d’obtenir des bilans précis des affrontements[18] entre les différentes factions. Sami El Soudi nous rappelait également dans son article que le Dr. Saka avait refusé, en dépit de fortes pressions, d’avaliser la version selon laquelle Mohammed Al-Dura aurait été tué par les forces israéliennes le 30 septembre 2000.

 

Depuis la prise du pouvoir, la police politique a réprimé plusieurs manifestations. Fin août 2007, les forces du Hamas ont tiré plusieurs rafales pour disperser une foule de plusieurs dizaines de personnes manifestant contre les mesures répressives par les califes de Gaza. D’autres incidents majeurs ont également éclaté tout au long de l’année 2008.

 

  1. Une propagande tous azimuts

 

Après le dessin animé Farfour, copie conforme du personnage Mickey, qui insuffle aux enfants des incitations à la haine et qui a finalement été interdit, c’est Nahoul l’abeille qui prend le relais. Lors du premier épisode, le nouveau personnage du Hamas déclare vouloir : « prendre le chemin de Farfour, le chemin de l’Islam, de l’héroïsme, du martyr et des Mujahideen (…) prendre la revanche sur les ennemis d’Allah, les assassins des prophètes et des enfants innocents jusqu’à la libération d’Al-Aqsa de son impureté »[19].

 

La chaîne de télévision du Hamas, al-Aqsa TV, décide ensuite de diffuser un dessin animé à destination d’un public plus large pour dénoncer le Fatah. Les partisans du Fatah y sont représentés sous forme de rats qui infestent la Cisjordanie et Gaza tandis que le Hamas est symbolisé par un puissant lion au cœur pur. Les discours politiques durant lesquels les responsables du Hamas dénoncent le Fatah sont relayés par le dessin animé qui, comme l’explique Bissan Al-Cheik, vise : « ceux qui ne partagent pas le point de vue du Hamas sur la Palestine, et auxquels le Hamas veut faire comprendre qu’il brisera leur destin s’ils s’opposent à lui »[20].

 

  1. « Prosélytisme religieux »,      contrôle des appareils éducatif et judiciaire

 

Durant cette période, l’islamisation s’est accentuée. Dans sa partie la plus visible, ce processus se caractérise par l’obligation – ou à tout le moins par l’incitation – pour les habitants de Gaza de se conformer aux préceptes radicaux, aux codes sociaux islamiques. L’alcool est prohibé, plusieurs boutiques de location de vidéos et des cafés Internet (vitrine de la dépravation occidentale) sont détruits par les islamistes. Les femmes sont vivement encouragées à porter le voile et à respecter les ’’bonnes mœurs’’, tandis que les hommes sont incités à porter la barbe. Quant aux tribunaux islamiques, ils tournent désormais à plein régime.

 

Une division chargée de l’éducation religieuse des détenus est créée alors que la prison Al-Saraya de Gaza décide de réduire les peines de tous les prisonniers qui apprennent par cœur cinq sections du Coran. Fin juillet 2007, un Comité légal islamique dirigé par Marwan Abus Ras, député du Hamas, est mis sur pied, destiné à remplacer le bureau du procureur général.

 

Le Hamas n’a cessé de solliciter les autorités religieuses sur des questions relatives à la gestion de l’ ’’Etat’’, soit pour justifier d’un point de vue religieux des mesures à la légalité douteuse (autoriser des écoutes téléphoniques ou autoriser des fouilles arbitraires aux domiciles d’opposants), soit pour légitimer l’action de la Force exécutive comme police ’’de la moralité’’. Cette dernière, à l’instar des Pasdarans en Iran ou encore de la police politique en Arabie saoudite, vérifie que la population respecte les codes de l’islam dans la vie quotidienne.  Son action se décline sous la forme de différentes intrusions dans la vie privée de la population pour contrôler les bonnes mœurs. Durant le mois d’août 2007, la Force exécutive est intervenue tantôt pour saisir des boissons alcoolisées, tantôt pour disperser des mariages où des : « chansons sont chantées avec une ’’passion enflammée’’»[21] ou pour réprimer la minorité chrétienne à Gaza.

 

Le Hamas, en phase avec les autorités religieuses, accorde également une importance tout particulière au statut de la femme puisque le mouvement  décide, au mois d’août de la même année, de créer une police de femmes. Cette force, tout comme la Force exécutive, est chargée de veiller au respect du comportement préconisé pour les femmes par la loi islamique. Selon un rapport du HRW[22], le statut de la femme n’a jamais été aussi alarmant que depuis l’arrivée du Hamas au pouvoir. L’organisation dénonce que des femmes violées se voient contraintes de se marier avec leur tortionnaire ou encore que des peines de prison légères sont appliquées pour les hommes ayant assassiné des femmes soupçonnées d’adultère. Les femmes palestiniennes, loin de participer activement au combat pour la libération nationale, sont tout simplement instrumentalisées par le Hamas et les autres groupes terroristes.

 

Enfin, et c’est certainement le plus important, le Hamas a très vite pris le contrôle tant de l’ensemble du système éducatif traditionnel (écoles primaires, secondaires et universités) que du système informel (mouvements de jeunesse, activités parascolaires, etc…). La collusion entre l’enseignement, la religion et la propagande extrémiste y est prégnante. Certaines mosquées à Gaza abritent quant à elles des réunions de la Force exécutive et contribuent de la sorte à entretenir la connivence entre l’autorité religieuse et la force répressive du Hamas.

 

 

  1. VI.            Un mouvement capable de se transformer ?

 

  1. Le Hamas et le processus de paix

 

Au lendemain du putsch, Ismaël Haniyeh tente inlassablement de convaincre de sa volonté de poursuivre sur la voie du dialogue : « Nous nous engageons à respecter les accords passés, signés par l’Autorité palestinienne. Nous souhaitons la mise en oeuvre réciproque, globale et simultanée avec Israël »[23]. Un discours qui s’inscrit en faux par rapport à toutes les interventions de la direction politique du Hamas lorsqu’elle s’exprime en arabe. Un exemple parmi tant d’autres illustrant la position du mouvement islamiste : « Pour autant que nous soyons concernés, la reconnaissance d’Israël a été réglée une fois pour toutes. Elle a été réglée par notre littérature, par notre pensée islamiste, par notre culture djihadiste sur lesquelles nous basons nos actions. La reconnaissance d’Israël est hors de question»[24].

Conscient de l’impact d’un éventuel accord de paix, et alors qu’il est dans l’incapacité d’empêcher Mahmoud Abbas de participer à la conférence d’Annapolis, le Hamas tente de dénier la légitimité du président pour négocier au nom des Palestiniens. Le mouvement islamiste martèle – par l’intermédiaire de condamnations publiques – que les éventuels accords conclus aux Etats-Unis sont illégaux. Le 7 novembre 2007, le Hamas parvient à réunir le quorum nécessaire au sein du Conseil législatif palestinien et à faire déclarer à ce dernier que les décrets pris par le président depuis juin 2007 sont illégaux, en ce compris la nomination de Salem Fayyad à la tête de l’Autorité palestinienne. Le Conseil législatif menace également de démettre le PM de Cisjordanie et précise qu’il n’a jamais donné le mandat à Mahmoud Abbas pour négocier avec Israël.

 

A la même période, le Hamas menace de prendre le pouvoir par la force en Cisjordanie et de faire capoter le sommet en lançant des attaques contre Israël. Certes, une menace pas très sérieuse eu égard aux capacités militaires quasi inexistantes du Hamas et à la présence des forces israéliennes dans les Territoires. Le mouvement a néanmoins continué de mener des opérations ciblées contre les intérêts israéliens et contre des officiels du Fatah.

 

  1. Les capacités militaires et      propagande

 

Rappelons tout d’abord que depuis sa création, le Hamas n’a cessé d’augmenter ses capacités militaires. De nombreux rapports ont fait état de planification et de préparation d’attentats incorporant des produits chimiques. En 2000, Mohammed Abu Tir, chef de la branche militaire du Hamas en Cisjordanie révélait qu’une attaque visant la contamination des ressources aquifères israéliennes avait été préparée. En février 2000, George Tenet, alors Directeur de la CIA, témoignait devant la Commission de renseignement du Sénat américain : « Le Hamas continue à renforcer sa capacité à mener des actions terroristes incluant des produits chimiques toxiques »[25]. En juin 2002, un communiqué du Hamas expliquait : « Quand nous atteindrons le stade d’utilisation d’armes chimiques, les portes pour perpétrer des attaques suicides avec l’aide d’Allah seront ouvertes »[26].

 

Plus significativement, c’est dès le retrait d’Israël de la bande de Gaza (septembre 2005) et plus encore durant toute l’année 2008 que le Hamas a considérablement renforcé ses capacités militaires grâce à la contrebande d’armes venant de l’Egypte par l’intermédiaire de dizaines – sinon de centaines – de tunnels creusés au sud de la bande de Gaza. L’objectif principal était bien entendu de poursuivre la ’’résistance’’ en continuant d’utiliser obus de mortier, roquettes et missiles de plus en plus performants (jusqu’à 60km avec le modèle iranien Grad). L’autre objectif étant de se doter des moyens de répondre avec mines, roquettes anti-char, etc. dans l’éventualité d’une invasion israélienne à Gaza.

 

Les vidéos de propagande du Hamas, quant à elles, ont toujours rappelé que le mouvement ne cesserait son combat tant qu’Israël ne serait pas détruit. Ainsi, le groupe a continué de propager son idéologie destructrice par tous les moyens.

 

Un rapport de l’Institut du Renseignement Centre d’Etudes du Terrorisme[27] a mis en exergue les ramifications, notamment européennes, dont dispose le Hamas pour relayer sa propagande sur Internet. Ce document explique comment le mouvement choisit ses fournisseurs d’accès dans des pays : « considérés comme résistants face à des pressions externes qui pourraient être exercées en vue de l’arrêt des services assurés par les fournisseurs et de la fermeture des sites, afin d’empêcher la prolifération de la propagande terroriste et de haine du Hamas »[28].

 

Une propagande qui, on l’a vu ces dernières semaines, lors des manifestations pro-palestiniennes en Europe, s’est exportée et qui a réussi à séduire non seulement l’opinion publique arabe dans son ensemble mais également un large public au sein des populations musulmanes immigrées en Europe.

 

  1. Le martyr comme référence

 

En septembre 2005, le Hamas crée des unités de femmes au sein de sa branche armée, les Brigades Ezzedine al-Qassam. Dans une interview accordée à l’hebdomadaire al-Rissala[29], la responsable d’une de ces unités déclare que les femmes aspirent au martyr et que le rôle des Palestiniennes est « (…) d’éduquer les enfants au djihad ». L’exemple d’Um Nidal, choisie comme candidate sur les listes électorales du Hamas est frappant. Cette mère palestinienne a envoyé trois de ses fils dans des opérations suicides en Israël. Dans la vidéo[30] de la cérémonie d’adieu à un de ses fils, elle « [lui] ordonne de ne pas revenir, sauf en shahid (martyr) »[31]. Après avoir appris la mort de son fils, Um Nidal déclare : « Mon fils n’est pas plus ’’sacré’’ que l’Islam. Je l’ai offert comme un cadeau et comme un sacrifice à Allah, puisse-t-il être glorifié (…)»[32].

 

En élevant Um Nidal au rang d’héroïne nationale, le Hamas a tout à fait conscience des répercussions à long terme sur l’inconscient palestinien. Mais quelles transformations peut-on espérer de la part du Hamas dès lors que l’AP – relayant le groupe islamiste – a elle aussi trop souvent souligné l’importance du Shahid ? Comme l’expliquent Itamar Marcus et Barabara Crook : « L’Autorité palestinienne a souligné de différentes façons l’importance du sacrifice ’’joyeux’’ des fils pour Allah, notamment en donnant le nom d’al-Khansa[33] à 5 écoles de filles. Envoyant de la sorte un signal clair à des jeunes filles impressionnables sur leur futur  rôle de mères de Shahids »[34].

 

Ces dernières semaines, durant l’opération ’’Plomb durci’’, le Hamas a mené à quelques reprises des opérations suicides en lançant des kamikazes vers des unités blindées israéliennes. De façon plus générale, c’est l’ensemble de la population de Gaza qui est aux yeux du Hamas martyr. Durant toute l’opération, les responsables du Hamas n’ont cessé de marteler que tant leur milice que la population civile préférera mourir en martyr plutôt que de se rendre. 

 

  1. Le soutien syrien et iranien

 

Soulignons d’emblée que le Hamas, par l’intermédiaire de son chef du bureau politique à Damas, Khaled Mechaal, a toujours applaudi les déclarations antisémites du président iranien Mahmoud Ahmadinejad : « Ce que les officiels iraniens disent ne devraient pas plaire à certaines personnes, mais ce sont juste des déclarations courageuses »[35]. Non content de soutenir ces positions révisionnistes et antisémites, le Hamas a également promis de soutenir l’Iran si Israël attaquait la République islamique : « Tout comme l’Iran islamique défend les droits du peuple palestinien, nous défendons les droits de l’Iran islamique (…) Nous sommes une partie d’un front uni contre les ennemis de l’Islam »[36].

 

Depuis le début de la seconde Intifada, en octobre 2000, l’Iran et la Syrie n’ont cessé de fournir au Hamas et, plus généralement, au terrorisme palestinien un soutien massif. Le Hamas (sunnite) et l’Iran (chiite), malgré leur appartenance à deux familles différentes de l’Islam, partagent la même conviction que la ’’résistance’’ est l’arme principale des Palestiniens pour mener le combat de libération. Ils nient tous les deux le processus de négociations et ont en commun une haine profonde pour les Etats-Unis et l’Occident.

 

Pour l’Iran, le Hamas représente un intérêt stratégique de premier ordre puisqu’au plan idéologique, le mouvement palestinien entend établir un ’’califat’’ dans la bande de Gaza. Au plan stratégique, il offre à Téhéran l’opportunité d’affaiblir Israël grâce aux bombardements quasi quotidiens des villes du Sud. Enfin, le Hezbollah et le Hamas sont deux outils performants pour renforcer la position de puissance régionale de l’axe Syrie-Iran et donc son influence sur le monde arabo-musulman. En Iran, une bonne partie de l’establishment politico-religieux est impliqué dans l’aide au Hamas, du leader Ali Khamenei en passant par le ministère de l’Intelligence et de la Sécurité ou encore le chef de la garde révolutionnaire, Qassem Suleimani et, bien entendu, le président Mahmoud Ahmadinejad.

 

 

  1. VII.         Le comportement du Hamas durant l’opération ’’Plomb durci’’

 

La trêve de 6 mois négociée par l’Egypte en juin 2008 n’a pas été respectée. En effet, les tirs de roquettes et de missiles en provenance de Gaza ont continué de toucher les villes israéliennes. Le Hamas a mis fin à cette trêve quelques jours avant le début de l’opération israélienne ’’Plomb durci’’. Quoiqu’il en soit, la trêve aura permis au Hamas de se réapprovisionner en munitions et en armements par le biais des tunnels creusés entre la bande de Gaza et l’Egypte.

Après plus de trois semaines d’opérations des forces israéliennes, les infrastructures militaires et civiles du Hamas – et des autres factions terroristes – ont subi d’énormes dégâts. Des dégâts suffisants pour pousser le cabinet de sécurité israélien à déclarer un cessez-le-feu unilatéral le samedi 17 janvier. Le Hamas déplore par ailleurs la mort de plusieurs de ses leaders – politiques et militaires – dont, notamment, le Dr. Nizar al-Rayyan (l’initiateur des boucliers humains et de nombreuses attaques suicides en Israël). Les centaines de kamikazes que le Hamas se déclarait prêt à lancer contre l’agresseur[37] ont soit été neutralisés ou ont tout simplement déserté puisque seules quelques tentatives avortées ont été recensées. Mais, durant toute l’opération, le Hamas a démontré, une fois encore, sa brutalité et son manque total de respect pour la vie humaine.

 

  1. Utilisation de la population      civile à des fins de guerre

 

Nous l’avons mentionné précédemment : le Hamas utilise la population civile à des fins militaires. Ces dernières semaines, les exemples ont été légion. En lançant leurs roquettes et missiles au départ des écoles, des habitations ou des mosquées, le Hamas expose indiscutablement la population aux combats, en violation totale du droit international et des lois de la guerre. Des témoignages émanant des Gazaouis rapportent que des militants du Hamas auraient empêché des habitants de fuir les bombardements de leurs maisons, allant jusqu’à les raccompagner sous la menace de leurs armes. D’autres expliquent que des membres du Hamas se déplaçaient en tenant des enfants par les oreilles ou qu’ils détenaient des civils en otages dans les ruelles afin de s’offrir une ’’barricade vivante’’ pour se protéger contre les attaques israéliennes.

 

  1. Exécutions sommaires de membres      du Fatah

 

Au lendemain de l’invasion terrestre israélienne, des rumeurs ont circulé sur la volonté du Fatah de profiter de l’opération pour reprendre le contrôle de la bande de Gaza. Plusieurs dizaines de membres du Fatah ont été placés sous surveillance tandis que – selon des sources proches du Hamas – plus de 35 membres du parti officiel de l’AP, suspectés de collaboration avec Israël, ont été exécutés durant le week-end du 4 et 5 janvier. Depuis le début de l’opération, le Hamas aurait par ailleurs mitraillé au moins 75 membres du Fatah dans les jambes en plus d’avoir cassé les mains de plusieurs autres. Le journal al-Hayat al-Jadida rapporte que, durant les derniers jours de l’opération, le Hamas a encore exécuté plusieurs dizaines de militants du Fatah à Gaza, sous prétexte que ces derniers auraient violé leur assignation à résidence.

 

  1. Détournement      de l’aide humanitaire

 

Le Hamas, qui s’est pourtant fait élire grâce à son image de bienfaiteur social, n’a pas hésité à abandonner la population, non seulement en engageant une guerre à son dépend mais également en la privant de l’aide humanitaire internationale qui était transférée d’Israël vers la bande de Gaza. De nombreux rapports relatent que les hommes du Hamas ont saisi un pourcentage de l’aide alimentaire et des fournitures qui entraient à Gaza. Quant aux fournitures qui étaient destinées à être distribuées sans avoir ’’été prélevées’’ par le Hamas, une partie d’entre elles ont tout simplement été vendues aux habitants. Des camions d’aide humanitaire et des camions citernes remplis de fuel ont été mitraillés puis détournés par des membres du Hamas.

 

 

En guise de conclusion 

 

Le retrait d’Israël du Sud-Liban en mai 2000 a souvent été présenté comme la victoire du Hezbollah dans la lutte armée contre Israël et a servi d’exemple à la cause du Hamas (renforcé par le sentiment de victoire après la guerre de l’été 2006). La stratégie étant de convaincre les Palestiniens que ce que le Hezbollah avait accompli au Sud-Liban pouvait se transposer en poursuivant la lutte armée dans les Territoires palestiniens et, plus particulièrement, à Gaza. Au Liban, le Hezbollah a rejoint la scène politique depuis plusieurs années, mais est-il un exemple probant de transformation d’un groupe terroriste en parti politique respectable ? A-t-il entrepris les démarches nécessaires en vue de mettre fin à la violence et de sa promotion ? La guerre Hezbollah-Israël durant l’été 2006 ainsi que la virulente propagande régulièrement diffusée par le Hezbollah –  notamment par l’intermédiaire de sa chaîne de télévision al-Manar – sans oublier l’impressionnant renforcement de ses capacités militaires depuis octobre 2006, fournissent indubitablement des éléments de preuve pour répondre à ces questions par la négative. 

 

La légitimité du Hezbollah, du Hamas ou encore des Frères musulmans trouve principalement sa source dans le fait qu’ils fournissent à d’importantes franges de la population l’aide et le soutien que les autorités, souvent corrompues, sont incapables de leur prodiguer. Pourtant, force est de constater que le Hamas a été incapable d’améliorer le sort des Gazaouis ; les opérations de représailles israéliennes, le blocus et, aujourd’hui, la guerre n’ont fait qu’aggraver la situation. Et, si le Hamas représentait pour les Palestiniens une alternative face à un régime sclérosé et corrompu, il n’en demeure pas moins que les électeurs palestiniens doivent assumer une lourde responsabilité. En effet, ils ont porté le Hamas au pouvoir alors qu’ils étaient parfaitement conscients que cette organisation rejetait farouchement le concept de reconnaissance du droit d’Israël à exister et qu’elle prônait la guerre totale contre l’Etat hébreu. Dès lors, intégrer ces mouvements dans le processus politique avant qu’ils ne renoncent à leurs objectifs destructeurs se révèle un pari risqué.

 

L’opération ’’Plomb durci’’ a indubitablement infligé un coup dur au mouvement islamiste et à ses capacités militaires mais il est encore trop tôt pour dire s’il se relèvera ou pas. Une idéologie qui dispose de puissants soutiens – aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des Territoires palestiniens – ne se vainc pas uniquement par les armes. Par ailleurs, le dirigeant du Hamas à Gaza, Ismaïl Haniyeh, parle déjà de "victoire populaire" et, en emboîtant le pas de la trêve unilatérale des Israéliens, le Hamas donne une semaine à Israël pour se retirer de l'enclave côtière. D’autres leaders ont expliqué à l’annonce du cessez-le-feu que : « fabriquer des armes saintes est notre mission et nous savons comment acquérir des armes »[38], laissant entendre que le Hamas n’était pas prêt au compromis avec l’Etat hébreu. Le président iranien a, quant à lui, félicité Khaled Mechaal pour sa ’’victoire’’ dans les batailles contre les soldats israéliens dans la bande de Gaza. Quel que soit l’avenir du Hamas à Gaza, il est impératif que de véritables pressions internationales soient exercées pour qu’il renonce à sa charte et à son action militaire s’il devait encore participer au pouvoir.

Même après l’opération israélienne, il semble périlleux – sinon impossible – de vouloir exclure le Hamas de toute représentation au sein de la scène politique palestinienne. Il faudra néanmoins s’assurer de quelques garanties avant d’envisager des négociations sérieuses avec le mouvement terroriste. La tâche qui attend les Palestiniens modérés pour ’’reconnecter’’ Gaza au futur processus de paix s’annonce ardue. Mais Israël aura, lui aussi, un rôle prépondérant à jouer pour juguler l’influence du Hamas. Une des solutions ? Démontrer à la population palestinienne gazaouie par des signes concrets qu’elle peut rêver d’un avenir meilleur : aider à la reconstruction de la bande de Gaza, soutenir avec force et détermination les modérés palestiniens pour enfin couper durablement l’herbe sous le pied aux islamistes. L’autre condition à la paix étant de s’assurer, grâce au concours de l’Egypte, de l’UE et des Etats-Unis, que le Hamas sera bel et bien dans l’incapacité de se réarmer.

 

 

 

Copyright© ESISC 2009

 

 

 

 

 

 

 



[1]Le Hamas est inscrit sur la liste noire des groupes terroristes des Etats-Unis, du Canada et, depuis 2003, de l’Union européenne.

[2] « Entre 1967 et 1987, le nombre de Mosquées passe de 400 à 750 en Cisjordanie, de 200 à 600 à Gaza », in Alain Gresh et Dominique Vidal, « Les 100 Portes du Proche-Orient », Editions de l’Atelier, Paris, 1996. p 172.

[3] Voir note d’analyse ESISC, 12/09/05 (www.esisc.org).

[4] Voir J-F Legrain, « Les voix du soulèvement palestinien 1987-1988 », Cedej, Le Caire, 1991, p.15. Texte original du communiqué p. II/12, trad. p. I/7.

[5] Mouvement de résistance islamique.

[6] Gilles Kepel, « Jihad », Editions Gallimard, Paris, 2003, p. 247.

[8] Organisation de Libération de la Palestine.

[9] Entre le 29 septembre 2000 et le 1er décembre 2005, la Croix-Rouge israélienne a recensé un total de 7.950 personnes mortes ou blessées et dont le détail est le suivant : 976 tuées ; 621 sérieusement blessées; 907 modérément blessées et 5.086 légèrement blessées, parmi elles 11 personnes du staff médical de la Croix-Rouge israélienne. Les soldats israéliens traités par le personnel médical de l’armée ne sont pas inclus dans ce décompte. Cette liste inclut aussi 18 Israéliens tués à l’étranger dans des attentas qui ont spécifiquement touché des cibles israéliennes ainsi que 3 diplomates américains tués à Gaza. Source : http://www.mfa.gov.il/mfa

[10] Matthew Levitt, « A Hamas Headquarters in Saudi Arabia ? ”, September 28, 2005 inThe Washington Institute for Near East Policy.

[12] « Reconnaître l’existence d’Israël ; renoncer à la violence et s’engager à respecter les accords antérieurs conclu par l’Autorité palestinienne »

 

[14] Audition sur Gaza, Parlement européen, Strasbourg, le 14 Novembre 2006.

[15] L’enquête israélienne menée par le Major Général Meir Kalifi, Commandant adjoint des Forces israéliennes de défense, conclura rapidement à une défaillance technique du système de mise à feu qui a entraîné un tir à plusieurs centaines de mètres de la cible initiale (voir le  site des Forces de Défense israéliennes).

[16] Statement by Israeli Foreign Affairs Minister, Mrs Tsipi Livni, Ministry of Foreign Affairs, 8th November 2006.

[17] Jerusalem Post, November 9, 2006.

[18] « Negociations-Gaza : un entendement accessible mais pas à tous »,  Sami El Soudi, Metula News Agency, le 6 septembre 2007.

[19] Pour voir la vidéo dans son entièreté : http://www.memritv.org/clip/en/1510.htm

[20] « Et le lion du Hamas écrasa les rats du Fatah », op. cit.

[21] Rapport du Centre d’Information sur les Renseignements et le Terrorisme au Centre d’Etudes Spéciales, le 30 août 2007 in

http://www.terrorism-info.org.il/malam_multimedia/fr_n/pdf/islamisation.pdf

[22] Human Right Watch, (pour plus d’informations voir le rapport à l’adresse suivante : http://hrw.org/reports/206/opt1106/

[23] Le Figaro, samedi 16 – dimanche 17 juin 2007

[24] Interview du Premier ministre palestinien, Ismaël Haniyeh par le journal saoudien Al-Jazeera, le 2

avril 2007.

[25] Jamie Chosak and Julie Sawyer, “Hamas’s Tactics: Lessons from recent Attacks”, October 19, 2005 in The Washington Institute for Near East Policy.  

[26] Jamie Chosak and Julie Sawyer op. cit.

[27] Voir « Promotion du terrorisme par Internet : le Hamas continue de recourir à des fournisseurs d’accès à Internet d’Europe de l’Est et d’Asie du Sud-Est pour ses principaux sites » in http://www.intelligence.org.il/fr/fr_n/pdf/internet_mo05fr.pdf

[28] Ibidem, p 6.

[30] Voir la vidéo à l’adresse suivante http://www.pmw.org.il/asw/um_nidal.asx

[31] Itamar Marcus & Barabara Cook, « Mother sent sons on suicide missions, becomes Hamas candidate : Indicates value of terror in Palestinian Society », December 20, 2005, Palestinian Media Watch Bulletin in http://www.pmw.org.il

[32] Ibidem.

[33] al-Khansa est une figure héroïque de l’histoire islamique qui est glorifiée et vénérée pour avoir célébré la mort de ses 4 fils martyrs.

[34] Itamar Marcus et Barbara Cook, op. cit.

[35] CPI (Centre palestinien d’information) le 15 décembre 2005 in

http://www.palestine-info.cc/french/printer_6729.shtml

[36] Ibidem.

[37] Voir notre ESISC du 4 janvier 2009.

[38] Ynet, January 19, 2009


© 2012 ESISC - European Strategic Intelligence and Security Center Powered by Advensys