Les enseignements du départ de l'amiral Fallon du commandement central



 

Mardi 11 mars, l’amiral William « Fox » Fallon démissionnait de ses fonctions de chef du Commandement central (U.S. Central Command, CENTCOM), responsable de superviser l’ensemble des opérations militaires des Etats-Unis au Moyen-Orient[1].

 

L’action de l’amiral Fallon à la tête du CENTCOM a été saluée par le président Bush et le secrétaire à la Défense Robert Gates. Ce dernier a rendu hommage au talent, à l’expérience et à la « vision stratégique rare[2] » de l’amiral quatre étoiles. De son côté, le président américain s’est montré plus mesuré mais a néanmoins félicité le patron du Commandement central pour « les progrès constatés en Afghanistan et en Irak[3] ».

 

Cette retraite anticipée de l’amiral Fallon a été rendue publique par un communiqué dans lequel il évoque des « récents articles de presse suggérant l’existence de divergences entre ma position et les objectifs du président sont devenus une distraction (…) nuisant aux efforts du CENTCOM dans la région[4] ». Cette déclaration fait référence à un article du mensuel Esquire dans lequel l’amiral Fallon est présenté comme étant la seule personne capable d’empêcher l’administration américaine d’attaquer l’Iran. D’après l’auteur, Thomas P.M. Barnett, expert militaire et ancien professeur au Naval War College, un départ anticipé de l’amiral Fallon du CENTCOM pourrait signifier que « le président et le vice-président envisagent une action militaire contre l’Iran avant la fin de l’année[5] ».

 

Si l’affirmation de M. Barnett peut sembler exagérée étant donné le contexte intérieur américain (récent rapport du renseignement sur l’Iran, campagne présidentielle, Congrès à majorité démocrate…), le départ de l’amiral Fallon pose cependant un certain nombre de questions sur le processus d’élaboration et sur l’évolution de la politique des Etats-Unis au Moyen-Orient ainsi que sur les relations entre civils et militaires au sein de l’administration américaine.

 

 

  1. « L’homme      entre la guerre et la paix »

 

C’est en ces termes qu’est décrit l’ancien patron du CENTCOM dans l’article très flatteur qui lui est consacré dans Esquire. Si l’expérience de l’amiral a été, à juste titre, saluée par Robert Gates, le bilan de ses douze mois à la tête des forces américaines au Moyen-Orient est plus mitigé.

 

            w Un officier et un diplomate

 

William J. Fallon a commencé sa longue carrière militaire dans l’aéronavale pendant la Guerre du Vietnam. C’est à cette occasion qu’on l’affubla du surnom de « Fox ». Ce diplômé du Naval War College et du National War College a, par la suite, participé à l’opération Desert Storm en 1991 ainsi qu’à l’opération Deliberate Force en Bosnie. Entre 1997 et 2000, l’amiral Fallon commanda la Seconde Flotte des Etats-Unis dont la zone de responsabilité couvre l’Océan atlantique, du pole nord jusqu’au pole sud[6].

 

En octobre 2000, Fox Fallon devint Vice Chief of Naval Operations, c’est-à-dire vice-chef d’état-major de la Marine. A cette occasion, il se porta volontaire pour se rendre au Japon en tant qu’envoyé présidentiel[7] afin de présenter les excuses des Etats-Unis à la suite de l’accrochage d’un sous-marin américain avec un bateau japonais qui avait causé la mort de dix pêcheurs nippons[8]. Cette visite, très appréciée par les autorités japonaises, est à l’origine de la réputation de diplomate de l’amiral. En 2003 il fut nommé à la tête de l’U.S. Fleet Forces Command et de l’U.S. Atlantic Fleet.

 

En 2005, l’amiral Fallon accéda à un des postes les plus prestigieux des forces armées américaines, celui de commandant du PACOM (U.S. Pacific Command). A la tête du Commandement pacifique, dont la zone de responsabilité couvre près de la moitié de la planète, l’amiral a une nouvelle fois démontré ses qualités de diplomate en favorisant un dialogue militaire avec la Chine. Bien qu’elle ait été approuvée par le secrétaire à la Défense de l’époque, Donald Rumsfeld, cette initiative a valu à Fallon les foudres de nombreux conservateurs. Il lui a été reproché de vouloir limiter les activités de renseignement américaines contre la Chine par peur que leurs révélations ne viennent ternir les relations entre Washington et Pékin[9].

 

            w L’arrivée de Fallon au CENTCOM

 

L’expérience et les capacités de diplomate de l’amiral lui ont permis de devenir, en mars 2007, le premier officier de la Marine américaine à être nommé à la tête du CENTCOM. Ce poste était traditionnellement réservé à des généraux de l’Armée de terre ou du Corps des Marines. Cette nomination est intervenue dans le cadre de la révision de la stratégie américaine en Irak, consécutive à la défaite républicaine aux élections législatives de novembre 2006 et à la démission de Donald Rumsfeld[10]. Ce changement de cap a été accompagné par un remaniement civil et militaire qui a vu l’arrivée de Robert Gates au Pentagone et la nomination du général David Petraeus pour commander les forces armées américaines en Irak. Le nom de l’amiral Fallon a d’ailleurs été recommandé au président Bush par M. Gates puis appuyé par le général Petraeus.

 

Le départ de Donald Rumsfeld et ces différentes nominations ont été perçus comme le signal d’un retour du réalisme au sein de l’administration américaine. Rappelons que cette évolution avait été précédée par la présentation des conclusions de la Commission Baker-Hamilton sur l’Irak. Le rapport présentait la diplomatie comme la principale solution aux difficultés américaines en Irak mais laissait la porte ouverte à une légère augmentation des troupes si le commandement militaire le jugeait nécessaire[11].

 

Bien que la Maison-Blanche ait largement rejeté la dimension diplomatique du rapport, la réputation de diplomate de l’amiral Fallon et l’expérience du général Petraeus dans le domaine de la contre-insurection[12] semblaient inscrire ces nominations dans le cadre d’une évolution de l’approche américaine en Irak largement inspirée par les recommandations de la Commission Baker-Hamilton.

 

C’est selon ces spécificités qu’allait s’articuler l’action des deux nouveaux officiers en charge du Moyen-Orient et de l’Irak. L’amiral Fallon allait se concentrer sur la dimension diplomatique alors que le général Petraeus prendrait en charge la gestion de la situation sur le terrain en Irak. Selon le contre-amiral Stephen Pietropaoli, il ne fallait pas s’attendre à ce que Fallon « donne des conseils à Dave Petraeus sur la façon de nettoyer Fallujah. Il se concentrera sur l’établissement de relations dans la région comme il l’a fait dans le Pacifique[13] ». L’ex-membre de l’aéronavale allait prendre de la hauteur.

 

 

  1. Dissensions      entre la       Maison-Blanche et le Pentagone

 

Comme le rappelle le portrait d’Esquire, le patron du CENTCOM n’a pas dérogé à sa réputation de diplomate. Il a en effet multiplié les déplacements, rencontrant les plus hauts responsables régionaux comme le président du Pakistan Pervez Musharraf ou le chef d’Etat égyptien Hosni Moubarak[14]. Toutefois, ses douze mois d’action à la tête du Commandement central et son départ ont permis de mettre en lumière des dissensions entre la Maison-Blanche et les autorités civiles et militaires du Pentagone.

 

            wLa forme : l’Iran

 

Il est intéressant de relever que l’annonce du départ de l’amiral Fallon du Commandement central est intervenue la semaine précédant la visite du vice-président Dick Cheney au Moyen-Orient. Ce dernier est en effet présenté comme un des plus ardents partisans d’une opération militaire américaine contre l’Iran. Il est, à ce jour, le responsable américain ayant tenu les propos les plus durs à l’égard du régime de Téhéran. En octobre dernier, M. Cheney déclarait que les Etats-Unis ne tolèreraient pas un Iran nucléaire et promettait des « conséquences sérieuses » si les dirigeants iraniens ne renonçaient pas à leurs activités d’enrichissement de l’uranium[15].

 

La dureté de ces déclarations tranche avec les positions formulées par l’amiral Fallon durant ses douze mois à la tête des forces armées américaines au Moyen-Orient. Avant même son entrée en fonction, il s’était opposé à l’envoi d’un troisième porte-avion américain dans le Golfe persique[16]. Publiquement, l’amiral a ensuite, à plusieurs reprises, fait part de sa volonté de favoriser le dialogue afin d’éviter un conflit armé avec l’Iran. L’automne dernier, il avait déclaré à la chaîne Al-Jazeera ne pas s’attendre à ce qu’une guerre éclate avec l’Iran, ajoutant « c’est ce à quoi nous travaillons[17] ». En privé, le patron du CENTCOM se montrait moins diplomate mais tout aussi décidé, affirmant qu’il « ne cautionnerait pas » une attaque contre l’Iran[18].

 

Cependant, il serait erroné d’en déduire que ces divergences sur l’Iran sont à l’origine du départ de l’amiral du Commandement central. Si le fait que ces dissensions aient été étalées au grand jour a indéniablement placé l’amiral en porte-à-faux vis-à-vis de la Maison-Blanche, il convient de rappeler qu’il n’est pas le seul à avoir exprimé des doutes sur le bien-fondé d’une intervention militaire contre l’Iran. Le président du Comité des chefs d’état-major, l’amiral Michael Mullen, s’est montré très prudent en affirmant qu’il fallait « attentivement réfléchir aux conséquences d’un conflit avec un troisième pays dans cette région[19] ». Robert Gates, à l’origine de la nomination des deux amiraux, a lui aussi émis, à plusieurs reprises, des réserves sur la perspective d’un conflit armé avec l’Iran. Par ailleurs, il est intéressant de souligner que, dans le portrait d’Esquire, l’amiral Fallon n’apparaît pas comme un ardent soutien de Téhéran. A propos du régime iranien, il déclarait que « ces types sont des fourmis. Quand le moment viendra, nous les écraserons[20] ».

 

On peut donc penser que, contrairement à ce qui a été véhiculé par certains médias[21], l’Iran n’est pas à l’origine du départ de l’amiral du CENTCOM. L’Irak, et notamment des divergences entre Fallon, soutenu par le Pentagone, et son subordonné, le général Petraeus, soutenu par la Maison-Blanche, semblent en effet avoir joué un rôle bien plus important dans la démission du commandant des forces armées américaine au Moyen-Orient.

 

            wLe fond : l’Irak

 

Même si leurs rôles avaient été bien définis, des tensions sont apparues entre l’amiral Fallon et son subordonné, le général Petraeus, sur la question de la réduction des effectifs américains en Irak. En septembre dernier, l’évaluation de la situation sur le terrain présentée par le général Petraeus et l’ambassadeur des Etats-Unis en Irak, Ryan Crocker, avait permis au président Bush d’annoncer une réduction, de 30 000 hommes, de la présence américaine en Irak à l’été 2008[22]. Dans quelques jours, le général et l’ambassadeur doivent présenter de nouvelles recommandations concernant l’éventuelle poursuite de ce processus.

 

Cette question du rythme de la réduction des troupes américaines en Irak a suscité un intense débat à Washington et notamment au Pentagone. Elle est à l’origine des divergences entre l’amiral Fallon et le général Petraeus. Ce dernier estime qu’une diminution trop importante de la présence américaine en Irak pourrait engendrer une augmentation de la violence. Ce point de vue est partagé par les commandants sur le terrain. Les partisans du général Petraeus souhaiteraient qu’environ 140 000 militaires, dont quinze brigades de combat, demeurent en Irak d’ici à janvier 2009[23]. Cette hypothèse nécessiterait une pause dans la diminution des effectifs en Irak. La Maison-Blanche, très satisfaite de l’action du commandant des forces américaines en Irak, favorise cette option.

 

En revanche, les principaux responsables civils militaires du Pentagone favorisent une poursuite, voire une accélération, du processus de réduction de la présence des Etats-Unis en Mésopotamie[24]. Pessimiste sur la marge de progression des autorités irakiennes vers la réconciliation nationale, l’amiral Fallon voulait donner la priorité à l’Afghanistan et au Pakistan. L’état-major souhaite également que la diminution de la présence américaine en Irak se poursuive. L’amiral Mullen estime, quant à lui, que la menace d’une augmentation de la violence en Irak doit être rapportée au risque que fait peser le maintien d’une présence prolongée sur l’état des forces armées et notamment de l’Armée de terre et du Corps des Marines[25]. En conséquence, l’état-major favorise une poursuite de la réduction de la présence américaine en Irak pour atteindre le chiffre de 120 000 hommes à la fin du mandat du président Bush.

 

Ces différences d’appréciation, qui s’expliquent logiquement par la fonction de chacun des protagonistes, sont à l’origine d’une certaine animosité entre l’amiral et le général. Le portrait d’Esquire fait d’ailleurs état des rencontres très tendues entre les deux hommes. Malgré les démentis de l’amiral, ces rapports difficiles ont été largement confirmés par différents observateurs[26]. Il semble que la position de Fox Fallon vis-à-vis de son subordonné était devenue plus que délicate. Le soutien du président Bush au général Petraeus, dont la popularité à la Maison-Blanche lui a valu le surnom de « King David », a considérablement réduit la marge de manœuvre du patron du CENTCOM. Le commandant des troupes américaines en Irak était d’ailleurs en relation directe avec le président. Cette distorsion de la chaîne de commandement, dont la conséquence a été la marginalisation de l’amiral Fallon, ne lui permettait pas de remplir convenablement sa mission de commandant des forces armées américaines au Moyen-Orient

 

 

 

 

 

 

  1. Les      relations entre civils et militaires au sein de l’administration      américaine

 

Après quarante-deux ans de carrière dans la Navy, cette retraite anticipée du patron du Commandement central est la dernière illustration des clivages existant entre le pouvoir civil et le commandement militaire au sein de l’administration Bush.

 

wL’héritage de l’administration Bush

 

On ne peut en effet évoquer les rapports entre civils et militaires au sein de l’administration Bush sans se référer à Donald Rumsfeld. Son second mandat à la tête du Département de la Défense[27] aura largement contribué à la dégradation de ces relations. L’Irak a évidemment joué un rôle majeur dans ce processus. M. Rumsfeld et son équipe n’ont ainsi pas hésité à rejeter les différentes recommandations de l’état-major à propos du nombre de troupes nécessaire pour l’intervention américaine en Irak. Bien que, constitutionnellement, le commandement militaire doive répondre au pouvoir civil, l’action de Donald Rumsfeld au Pentagone a contribué à créer un déséquilibre marquant la suprématie des civils sur les militaires. Cet excès a engendré une réaction tout aussi disproportionnée lorsqu’un certain nombre de généraux retraités ont publiquement appelé à la démission du secrétaire à la Défense[28].

 

On aurait pourtant pu penser qu’une administration comprenant deux anciens secrétaires à la Défense (Dick Cheney et Donald Rumsfeld) et un ancien président du Comité des chefs d’état-major (Colin Powell) serait en mesure de créer des rapports de confiance entre le pouvoir exécutif et le leadership militaire. Or, le président Bush est arrivé à la Maison-Blanche avec la ferme intention d’imposer « un nouveau mode de pensée et des choix difficiles[29] » aux forces armées. Dès son arrivée au Pentagone, M. Rumsfeld s’attela à la « transformation » de l’armée américaine qui allait donner une place plus importante aux technologies de pointe. Anticipant ce qu’il percevait comme des réticences héritées de l’archaïsme du mode de pensée des militaires, le secrétaire à la Défense chercha, autant que possible, à les écarter de ce processus de mutation. Il estimait que seule une impulsion civile forte pourrait permettre la réussite de ce projet[30].

 

Ces différents épisodes ont créé une certaine attente lorsque la démission de Donald Rumsfeld a été annoncée en novembre 2006. La nomination de Robert Gates pour lui succéder a été interprétée par les responsables militaires comme le signe d’un renouveau dans les relations au sein du Pentagone. A certains égards, M. Gates n’a pas déçu ces espoirs en redonnant de l’influence aux responsables militaires sur les principaux dossiers dont est en charge le Département de la Défense. Par ailleurs, sa décision d’appuyer la demande d’augmentation des effectifs de l’Armée de terre a été saluée par l’état-major[31]. Elle tranche avec l’attitude de M. Rumsfeld qui, pour des raisons de coûts, s’était opposé à cette initiative. Cette différence entre les deux secrétaires à la Défense s’est également manifestée à l’occasion du scandale révélant des cas de négligences à l’hôpital militaire Walter Reed. Robert Gates a alors obtenu la démission du directeur de l’hôpital, de secrétaire à l’Armée de terre et du responsable des services médicaux de l’Armée de terre. Le contraste entre la gestion de ce scandale et de celui de la prison irakienne Abou Ghraib a contribué à façonner l’image positive dont jouit, au Pentagone, le successeur de Donald Rumsfeld. Toutefois, il convient de noter que l’influence de M. Gates sur la Maison-Blanche demeure largement inférieure à celle de son prédécesseur. Le départ de l’amiral Fallon du Commandement central en est la plus récente illustration.

 

wPerspectives pour le prochain président

 

Si le départ de Donald Rumsfeld a permis une amélioration des relations entre civils et militaires, les deux mandats du président Bush resteront marqués par la marginalisation des responsables militaires dans la gestion des affaires relevant du Pentagone. Conscients de cette réalité, les trois principaux candidats à l’élection présidentielle américaine souhaitent se montrer attentifs aux besoins des militaires.

 

Le républicain John McCain, dont la stature de « Commander in Chief » constitue le principal atout, apparaît comme le candidat susceptible d’entretenir les meilleures relations avec le pouvoir militaire. Le passé de héros de la Guerre du Vietnam de M. McCain et le prestige militaire dont est auréolée sa famille jouent en sa faveur. De plus, son soutien à l’envoi de renforts en Irak et son opposition à M. Rumsfeld, qu’il a classé parmi les « pires secrétaires à la Défense[32] » de l’histoire, lui ont donné l’image d’un pragmatique. Cela laisse penser qu’il pourrait poursuivre le processus d’apaisement initié par Robert Gates. La centaine de généraux et d’amiraux qui soutient le candidat McCain témoigne de sa popularité au sein des forces armées américaines.

 

En revanche, si un démocrate est élu en novembre prochain, la question des tensions entre le pouvoir civil et les responsables militaires pourrait redevenir d’actualité. Les positions démocrates, et particulièrement celles défendues par Barack Obama sur le dossier irakien, semblent difficilement compatibles avec celles de l’état-major. Sur l’Irak, alors que M. Obama préconise un retrait des troupes américaines, l’amiral Mullen s’est récemment exprimé pour dénoncer les conséquences d’un « retrait précipité[33] ». Le potentiel de conflit apparaît moins important avec le camp d’Hillary Clinton dont les positions sur ces dossiers sont plus consensuelles. De plus, elle jouit, à la différence de son adversaire démocrate, du soutien d’importants responsables militaires parmi lesquels deux anciens présidents du Comité des chefs d’état-major, les généraux Shelton et Shalikashvili, et un ancien commandant en chef des forces de l’OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord), le général Wesley Clark.

 

 

  1. Conclusion

 

Au terme de cette analyse, il paraît difficile d’accréditer la thèse hasardeuse de M. Barnett selon laquelle un départ anticipé de l’amiral Fallon du CENTCOM serait le signe annonciateur d’une prochaine intervention militaire américaine en Iran. Comme nous l’avons vu, l’opposition de l’amiral aux positions du général Petraeus sur l’évolution de la stratégie américaine en Irak l’a placé dans une situation extrêmement inconfortable qui l’a, dans les faits, privé de tout pouvoir. Dès lors, on ne voit pas comment cet officier aguerri aurait pu se maintenir à la tête des forces armées des Etats-Unis au Moyen-Orient.

 

En ce qui concerne l’évolution de la politique des Etats-Unis en Irak, ce départ nous indique que l’administration Bush envisage de donner raison au général Petraeus en imposant une pause dans le processus de diminution de la présence américaine annoncé en septembre dernier. Cette impression est renforcée par le récent revirement de Robert Gates qui s’est déclaré en faveur d’une halte dans la réduction des effectifs américains en Irak[34]. Par ailleurs, il est intéressant de souligner que, paradoxalement, la victoire de Petraeus sur Fallon à propos du maintien d’une présence américaine importante en Irak réduit un peu plus la perspective d’une intervention militaire de Washington contre Téhéran. Cette décision concernant l’Irak aura également des conséquences sur la participation des Etats-Unis à l’action de l’OTAN en Afghanistan. Les responsables américains n’ont en effet pas caché qu’ils souhaitaient que leurs alliés au sein de l’Alliance atlantique augmentent leur effort militaire.

 

De toute évidence, la décision qui sera prochainement annoncée par le président Bush concernant la « pause » dans la réduction des effectifs américains en Irak viendra clore les débats au sein de l’administration Bush sur ce dossier. Cela signifie que la question de l’évolution de la présence américaine en Irak sera transmise au prochain locataire de la Maison-Blanche. Dès lors, on peut penser que cette question occupera une place centrale dans la campagne présidentielle américaine.

 

 

Copyright © ESISC 2008

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[1] La zone de responsabilité du CENTCOM inclut l’Afghanistan, Bahreïn, Djibouti, l’Egypte, l’Ethiopie, l’Erythrée, l’Iran, l’Iran, la Jordanie, le Kazakhstan, le Kenya, le Koweït, le Kirghizistan, le Liban, Oman, le Pakistan, le Qatar, l’Arabie saoudite, les Seychelles, la Somalie, le Soudan, la Syrie, le Tadjikistan, le Turkménistan, les Emirats arabes unis, l’Ouzbékistan et le Yémen.

[2] DoD News Briefing with Secretary Robert Gates from the Pentagon, U.S. Department of Defense, 11 mars 2008. http://www.defenselink.mil/transcripts/transcript.aspx?transcriptid=4172

[3] Statement by the President on Admiral Fallon, Office of the Press Secretary, 11 mars 2008. http://www.whitehouse.gov/news/releases/2008/03/20080311-5.html

[4] « Fallon statement released by U.S. Central Command », Navy Times, 11 mars 2008. http://www.navytimes.com/news/2008/03/military_fallonstatement_031108w/ 

[5] Thomas P.M. Barnet, « The Man Between War and Peace », Esquire, avril 2008. http://www.esquire.com/features/fox-fallon

[6] D’après la biographie de l’amiral Fallon présentée sur le site Internet du Département de la Défense. http://www.defenselink.mil/bios/biographydetail.aspx?biographyid=49

[7] Thom Shanker, « Adm. William J. Fallon: An Experienced Naval Officer, and a Diplomat », The New York Times, 8 janvier 2007. http://www.nytimes.com/2007/01/08/world/middleeast/08fallon.html?_r=1&oref=slogin

[8] Fred Knapp, « Admiral goes to fishing village in Japan to apologize for sub crash », Stars and Stripes, 2 mars 2001. http://www.stripes.com/01/mar01/ed030201g.html

[9] Frank J. Gaffney, « Vice President Fallon? », The National Review, 12 mars 2008. http://article.nationalreview.com/?q=NGU2YmQzZTJjYWMyN2NkZmIwOGNiODkzZGU4YTkxODU=

[10] Voir Raphaël Ramos, Irak : les dessous de la nouvelle stratégie américaine, ESISC, 23 janvier 2007. http://www.esisc.org/documents/pdf/fr/strategie-americaine.pdf

[11] James A. Baker III and Lee H. Hamilton, Co-Chairs, The Iraq Study Group Report, New York, Vintage Books, 2006, pp. 70-71.  http://www.c-span.org/pdf/iraq_study_group_report.pdf

[12] Le général Petraeus a co-rédigé, en décembre 2006, le manuel de l’Armée de terre américaine sur le thème de la contre-insurrection.

[13] Ann Scott Tyson, « Admiral’s Diplomatic Skills Could Prove Crucial », The Washington Post, 14 janvier 2007. http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2007/01/13/AR2007011301019.html

[14] Thomas P.M. Barnet, « The Man Between War and Peace », op. cit.

[15] Sheryl Gay Stolberg, « Cheney, Like President, Has a Warning for Iran », The New York Times, 22 octobre 2007. http://www.nytimes.com/2007/10/22/washington/22cheney.html?_r=1&scp=2&sq=cheney+iran&st=nyt&oref=slogin

[16] Gareth Porter, « Fallon falls: Iran should worry », Asia Times, 13 mars 2008. http://www.atimes.com/atimes/Middle_East/JC13Ak01.html

[17] David Ignatius, « A Centcom Chief Who Spoke His Mind », The Washington Post, 13 mars 2008. http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2008/03/12/AR2008031203395.html

[18] Gareth Porter, « Fallon falls: Iran should worry », op. cit.

[19] Thom Shanker, « Joint Chiefs Chairman Looks Beyond Current Wars », The New York Times, 22 octobre 2007. http://www.nytimes.com/2007/10/22/washington/22mullen.html

[20] Thomas P.M. Barnet, « The Man Between War and Peace », op. cit.

[21] Mark Thompson, « Iran Dissent Cost Fallon His Job », Time, 12 mars 2008. http://www.time.com/time/nation/article/0,8599,1721491,00.html

[22] Michael Abramowitz, Jonathan Weisman, « Bush to Endorse Petraeus Plan », The Washington Post, 12 septembre 2007. http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2007/09/11/AR2007091100738.html

[23] Julian E. Barnes, « Pentagon divided on Iraq strategy », The Los Angeles Times, 20 mars 2008. http://www.latimes.com/news/nationworld/world/la-na-milassess20mar20,0,2536700.story

[24] « The Pentagon vs. Petraeus », The Wall Street Journal, 12 mars 2008. http://online.wsj.com/public/article_print/SB120527897136528683.html

[25] Julian E. Barnes, « Pentagon divided on Iraq strategy », op. cit.

[26] Peter Spiegel, Julian E. Barnes, « U.S. commander in Mideast steps down », The Los Angeles Times, 12 mars 2008. http://www.latimes.com/news/nationworld/nation/la-na-fallon12mar12,1,7387456.story

[27] Donald Rumsfeld occupa la fonction de secrétaire à la Défense de 1975 à 1977, au sein de l’administration Ford.

[28] Fred Kaplan, « The revolt against Donald Rumsfeld », Slate, 12 avril 2006. http://www.slate.com/id/2139777/

[29] Michael C. Desch, « Bush and the Generals », Foreign Affairs, mai-juin 2007. http://www.foreignaffairs.org/20070501faessay86309-p10/michael-c-desch/bush-and-the-generals.html

[30] Ibid.

[31] Thom Shanker, Mark Mazzetti, « New Defense Chief Eases Relations Rumsfeld Bruised », The New York Times, 12 mars 2007. http://www.nytimes.com/2007/03/12/washington/12intel.html?_r=1&adxnnl=1&pagewanted=1&adxnnlx=1206381700-seveYci6nNww2KSBv6HbrQ

[32] Bruce Smith, « McCain: Rumsfeld Was One of the Worst », Associated Press, 20 février 2007. http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2007/02/20/AR2007022000365.html

[33] William M. Arkin, « The Military and the Next President », The Washington Post, 6 mars 2008. http://blog.washingtonpost.com/earlywarning/2008/03/the_military_and_the_next_pres_1.html

[34] Amit R. Paley, Ann Scott Tyson, « Defense Secretary Supports A Pause in Iraq Withdrawal », The Washington Post, 12 février 2008. http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/story/2008/02/11/ST2008021100749.html


© 2012 ESISC - European Strategic Intelligence and Security Center Powered by Advensys