Opération "Plomb durci" à Gaza : analyse et perspectives



 

 

 

 

Le début de cette année 2009 a été marqué par une nouvelle secousse tellurique aux relents de soufre dans ce Moyen-Orient dont la violence n’en finit pas d’ébranler notre imaginaire, bercé par l’idéal post-historique de paix perpétuelle. Les spasmes de l’histoire décidément mouvementée de cette région traversent ainsi le temps, imprégnant sa terre de sa lourde empreinte, comme si elle était trop lourde à porter pour ses habitants. Ainsi, pendant près de trois semaines, Israël et le Hamas se sont opposés dans la bande de Gaza, envahissant le champ de bataille médiatique avec ses accusations désormais rituelles de crimes de guerre et son défilé de circonstance d’experts en tout genre. Même le Vieux Continent n’y a pas échappé, enflammé pendant plusieurs semaines par des manifestations parfois violentes, témoin de la fièvre qui l’a malmené, tandis que les combats faisaient rage à l’autre bout de la Méditerranée. Au terme de cette nouvelle guerre, un cessez-le-feu a néanmoins fini par être décrété par les deux belligérants et semble plus ou moins respecté sur le terrain, des tirs sporadiques de roquettes étant encore observés, suivis parfois par des raids de l’armée de l’air israélienne.

 

            Il est temps à présent de se pencher sur ces événements dramatiques et de tirer les leçons du conflit, avec les traditionnelles questions qu’un analyste se pose dans un tel cas. Comment tout cela a-t-il commencé ? Quels ont été les enjeux de cette nouvelle déflagration moyen-orientale ? Y a-t-il eu un vainqueur ? La réaction israélienne a-t-elle été disproportionnée, comme cela a été avancé par certains ? Comment se sont comportés les différents acteurs du conflit ? Peut-on déceler des ruptures ? Comment analyser la couverture médiatique de cette guerre de trois semaines ? Qu’en est-il des accusations relatives au respect du droit international ? Et puis, quelles sont les perspectives esquissées par les résultats de l’opération israélienne concernant l’avenir dans cette région du monde décidément si tourmentée, à l’heure ou une nouvelle administration américaine se met en place et où les Israéliens viennent d’élire leur nouvelle Knesset ?

 

  1. Origines du      conflit et contexte

 

            La décision du gouvernement israélien de déclencher l’opération « Plomb durci »[1] (« Oferet Yetsouka » en hébreu, « Cast Lead » en anglais) fait suite à la décision du Hamas, le 19 décembre dernier, de ne pas reconduire la trêve de six mois. Celle-ci avait été décrétée en juin dernier à la suite de l’opération « hiver chaud », en février-mars 2008. Rappelons néanmoins que cette trêve n’a jamais été totalement respectée et que des dizaines de roquettes et d’obus de mortier ont été tirés durant ces six mois de trêve, même si durant les premiers mois, on a pu effectivement constater une forte diminution de ces tirs[2]. Par conséquent, la pression exercée sur les habitants du sud d’Israël par les divers mouvements terroristes palestiniens de la bande de Gaza est restée constante, entraînant à son tour celle, régulière, de ces mêmes habitants sur le gouvernement israélien.

 

            En réalité, ce n’est pas la première opération israélienne dans la bande de Gaza. Depuis 2004, on peut ainsi recenser : « Arc-en-ciel », qui avait déjà pour but de mettre fin aux tunnels de contrebande d’armes, et « Jours de pénitence » (2004), « Nuages d’été » et « Pluie d’automne » (2006), ou encore « Hiver chaud » (2008). C’est donc à l’issue de cette dernière qu’une trêve avait été conclue, portant sur six mois renouvelables. Cette non reconduction de la trêve par le Hamas intervient dans un contexte politique complexe. On peut d’abord évoquer le triple contexte américain, palestinien et israélien en ce qui concerne le renouvellement de leurs instances dirigeantes. Outre l’entrée de Barack Obama à la Maison-Blanche en tant que 44e président des Etats-Unis ce 20 janvier dernier et les élections législatives israéliennes de ce 10 février, il faut rappeler que le mandat du président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas arrivait à son terme le 9 janvier[3], ravivant les appétits du Hamas en termes de pouvoir et de légitimité au sein de la société palestinienne.

 

            Car même si, officiellement, le Hamas n’a pas réclamé le départ d’Abbas pendant la guerre, en raison des opérations israéliennes, il faut souligner le triple échec des islamistes depuis leur prise de pouvoir à Gaza, lors du putsch sanglant de 2006. Ils ont tout d’abord échoué à briser leur isolement international. Sur le plan intérieur et strictement local, ils ont failli dans la gestion du quotidien des habitants de la bande de Gaza. Certes, ils ont « ramené l’ordre », selon leur leitmotiv maintes fois répété, face à la corruption de l’administration du Fatah, mais ils ont imposé une main de fer, transformant la société locale en dictature répressive, et métamorphosant leurs éléments armés en forces de police peu populaires. De plus, ils ont également échoué à assurer la prospérité économique, privilégiant la contrebande d’armes à travers les fameux tunnels passant sous la frontière égyptienne. Enfin, ils sont en difficulté en Cisjordanie, où les forces de l’Autorité palestinienne loyales à Mahmoud Abbas, aidées par les Israéliens et les Américains[4], traquent les islamistes et les empêchent pour le moment d’y rééditer ce qui s’est déjà passé à Gaza avec la prise de pouvoir du Hamas[5].

 

            On peut donc penser que ce dernier a tenté de jouer la carte de l’affrontement et de la « résistance » pour restaurer son prestige à un moment clef, misant sur la division des acteurs israéliens ces derniers mois quant à un engagement massif à Gaza et sur une direction israélienne affaiblie depuis 2006 et d’ores et déjà engagée dans un processus électoral. Peut-on dès lors parler d’erreur de calcul des islamistes, qui auraient sous-estimé la pression de la population du sud d’Israël sur les décisions gouvernementales israéliennes à la veille d’élections législatives, et négligé la fenêtre d’opportunité que la fin de mandat de George Bush offrait aux dirigeants hébreux, leur laissant donc les mains libres pour agir militairement à Gaza ? Il est difficile de répondre clairement par l’affirmative, tant les islamistes sont passés maîtres dans l’usage de la politique du pire. Il est possible que même s’il a sous-estimé la vigueur de l’action de Tsahal et son efficacité sur le terrain, le Hamas ait pensé que le gouvernement israélien n’irait pas jusqu’au bout et stopperait son action militaire avant qu’il ne soit complètement détruit, le laissant donc au pire militairement diminué, mais politiquement encore en vie, lui permettant dès lors de crier à la victoire et d’engranger les fruits politique des événements.

 

  1. Objectifs de      l’action israélienne et déroulement des opérations

 

    1. Objectifs israéliens

 

            L’opération militaire israélienne a donc débuté le 27 décembre 2008, soit une semaine après la rupture de la trêve par le Hamas. Manifestement, la direction israélienne a choisi de mettre de son côté le crédit diplomatique d’un effort de retenue que pouvait représenter une réaction différée. L’objectif immédiat et déclaré des autorités israéliennes était de faire cesser les tirs de roquette de la bande de Gaza vers le sud d’Israël et mettre donc un terme à une situation qui durait depuis huit ans déjà. Cet objectif était lié à un deuxième : l’arrêt de la contrebande d’armes en provenance d’Egypte. La réalisation d’un tel objectif impliquait deux volets : la destruction des tunnels entre Gaza et l’Egypte, et la sécurisation de l’Axe Philadelphie, à savoir, précisément, la frontière entre la bande de Gaza et l’Egypte. Enfin, concernant le Hamas lui-même, deux objectifs ont été avancés. Sur le plan strictement militaire, il s’agissait d’affaiblir significativement le Hamas en détruisant ses capacités militaires, ce qui impliquait ses stocks d’armement et son organisation militaire sur le terrain. Sur le plan politique, l’objectif d’Israël est resté plus flou, les autorités israéliennes restant assez vagues et laissant régulièrement planer la menace d’un renversement pur et simple du Hamas[6].

 

    1. Déroulement des opérations

 

L’opération militaire israélienne a commencé par des frappes aériennes puissantes et ciblées, particulièrement bien coordonnées, sur l’ensemble des centres de commandement du Hamas, de ses principaux dépôts d’armes, de ses rampes de lancement de missiles prêts à l’action et de ses chefs[7]. Ces raids aériens ont mis à contribution aussi bien des chasseurs que des hélicoptères et ont visiblement surpris totalement le Hamas en opérant un jour de shabbat. En réalité, ces frappes aériennes devaient constituer la première phase des opérations militaires israéliennes et durer plusieurs jours. Elles devaient s’étendre également aux tunnels de contrebande entre la bande de Gaza et l’Egypte, qu’on estimait à plusieurs centaines à la veille du conflit.

 

            La deuxième phase de l’opération « Plomb durci » a vu l’entrée en scène des forces terrestres de Tsahal sur le terrain, coupant la bande de Gaza en trois, afin d’empêcher toute possibilité d’approvisionnement des islamistes du Hamas et d’entraver leurs mouvements. Elle a permis aux forces de Tsahal, constituées de troupes d’infanterie et de blindés, appuyées par l’artillerie et l’aviation, de contrôler le terrain et d’acculer le Hamas, en étrillant ses meilleurs forces et en éliminant ses chefs de guerre, dans une progression lente mais prudente et maîtrisée, afin d’éviter au maximum les pertes, tant au niveau des civils palestiniens que de ses propres effectifs. Pour ce faire, Tsahal a pu compter sur un renseignement à la fois électronique et humain sans faille, s’appuyant autant sur la présence massive et omniprésente des drones au-dessus du champ de bataille[8] que sur un réseau d’informateurs parmi la population palestinienne elle-même, et lui permettant ainsi d’éviter les nombreux pièges qui lui étaient tendus par le Hamas.

 

            Les autorités israéliennes ayant déclaré que les opérations de Tsahal comporteraient trois phases, on a pu croire que l’encerclement de la ville de Gaza en annonçaient l’imminence, voire le début. Cependant, malgré des combats parfois très violents au cœur même du dispositif du Hamas, on n’a pas pu vraiment observer le lancement de cette dernière phase, du moins, pas de manière franche et visible. Est-ce en raison de la pression internationale et d’une volonté du gouvernement israélien de ne pas prêter le flanc à une critique médiatique déjà très dure à l’égard d’Israël ? Est-ce au contraire dû à des motifs internes, en particulier à des divisions au sein même du cabinet israélien ? Ce qui est sûr, c’est que les trois principaux dirigeants du gouvernement israélien, le Premier ministre Ehoud Olmert, la ministre des Affaires étrangères Tsipi Livni et le ministre de la Défense Ehoud Barak n’étaient pas sur la même longueur d’onde en ce qui concernait la fin des hostilité et l’objectif final de l’action militaire : renverser ou non le Hamas à Gaza.

 

  1. Bilan de      l’opération israélienne

 

    1. Une atteinte partielle des objectifs ?

 

            Après le cessez-le-feu unilatéral décrété par Israël le 18 janvier, on peut commencer à dresser un bilan des opérations. S’il semble indéniable que le Hamas a encaissé de terribles coups et que Tsahal a clairement remporté la victoire sur le terrain, peut-on pour autant affirmer que tous les objectifs énoncés par les dirigeants israéliens ont été atteints ?

           

            L’observateur ne peut que rester dubitatif sur de nombreux points. Certes, les forces de Tsahal ont pu agir avec une remarquable liberté de manœuvre et se sont bien mieux comportées que face au Hezbollah libanais en 2006. Les pertes israéliennes sont d’ailleurs remarquablement faibles (10 soldats tués dont 5 par des tirs amis[9]) et aucun matériel lourd (blindé, avion, hélicoptère…) ne semble avoir été perdu. Cependant, il convient de souligner que tous les tunnels entre la bande de Gaza et l’Egypte n’ont pas été détruits. Car si plusieurs centaines semblent avoir été mis hors d’état par les intenses opérations aériennes de la   Heyl Ha’Avir notamment, beaucoup sont manifestement restés en service. En témoigne la reprise rapide de la contrebande par le Hamas, par ailleurs très médiatisée[10].

 

            De plus, Israël a retiré ses troupes immédiatement après l’annonce du cessez-le-feu, sans garder le contrôle de l’Axe Philadelphie, et sans véritables garanties diplomatiques sur ce sujet avec l’Egypte. Certes, un accord a été signé entre Tsipi Livni et Condoleezza Rice sur la contrebande d’armes à destination du Hamas, mais sans l’Egypte[11]. Surtout, celle-ci n’inspire pas confiance, au vu de son jeu pour le moins trouble durant ces huit dernières années. Et si Le Caire semble accepter depuis de renforcer le contrôle de sa frontière avec la bande de Gaza, rien n’assure à ce stade que les déclarations égyptiennes se traduiront efficacement à l’avenir, tant l’autorité du président Moubarak semble faible sur une armée qui paraît trop peu motivée et organisée pour faire face aux problèmes posés par le Hamas[12].

 

            Cependant, si la situation ne paraît pas définitivement résolue au moment de l’arrêt, par Jérusalem de l’opération « Plomb durci », il semble qu’il ne faille pas pour autant trancher d’emblée dans le sens du pessimisme et en conclure à l’échec. En effet, différents pays, notamment occidentaux, ont parfaitement compris l’enjeu que représente l’arrêt de la contrebande d’armes à destination de la bande de Gaza et cherchent à mettre en œuvre des moyens militaires et techniques, afin d’aider Israéliens et Egyptiens dans cette tâche à vrai dire complexe. En effet, la contrebande d’armes ne passe pas seulement par la frontière entre la bande de Gaza et l’Egypte ou encore la Méditerranée, mais aussi par le Sinaï de manière plus générale, où les bédouins jouent un rôle dans cette partie. Sans oublier d’autres voies, au sud, comme la mer Rouge, le Soudan, la Somalie ou l’Erythrée[13].

 

            Concernant la question de la survie, ou non, du régime islamiste du Hamas à Gaza, il faut bien admettre que ce dernier est resté en place. Et la répression aveugle qu’il exerce depuis le lendemain de la guerre démontre qu’il entend bien rester le maître des lieux, quitte à creuser toujours plus le fossé qui le sépare désormais du Fatah[14].

 

            Enfin, les islamistes de Gaza ont repris leurs tirs de roquettes sur le sud d’Israël, démontrant qu’ils n’ont pas non plus l’intention de désarmer. Et même si leurs capacités militaires semblent très affaiblies, ces tirs cherchent également à montrer aux Israéliens qu’ils ont encore des armes, préservant une certaine pression psychologique sur les habitants des agglomérations proches de Gaza, au lendemain même de la fin des opérations de Tsahal. Néanmoins, il convient de noter la diminution significative des capacités de lancement de roquettes du Hamas tout au long de la guerre. Manifestement, le Hamas a bel et bien été affaibli par l’armée israélienne. On peut donc dire que l’objectif relatif aux tirs de roquettes a été en partie atteint. Mais là encore, tout dépendra de l’avenir de cette fameuse contrebande d’armes. Il faut donc espérer que les diverses puissances étrangères et l’Egypte sauront prendre leurs responsabilités. Il est donc trop tôt pour se prononcer sur ce point, au moment où ces lignes sont écrites.

 

            Bref, comme lors de 2006 contre le Hezbollah, certains se demandent en Israël si les autorités politiques n’ont pas une fois de plus stoppé Tsahal trop tôt, laissant paradoxalement l’ennemi KO, mais toujours debout[15]. Il faut dire que le débat portant sur l’éviction du Hamas de la bande de Gaza ne semble pas encore tranché en Israël, tant cette problématique est complexe, certains Israéliens, par exemple, semblant redouter autant l’anarchie à Gaza que le Hamas lui-même[16].

 

    1. Retour de Tsahal à ses fondamentaux

 

            Néanmoins, une chose est sûre : Tsahal a intégré les leçons de ses erreurs passées et effacé le souvenir difficile de la guerre de 2006 contre le Hezbollah. Manifestement, le tandem formé par Ehoud Barak à la Défense et Gaby Ashkenazy à l’état-major est nettement plus efficace que celui qui prévalait en 2006 avec respectivement Amir Peretz et Dan Haloutz. D’ailleurs, l’ensemble des commentateurs israéliens, issus des milieux médiatiques ou politiques, n’ont pas manqué d’adresser leurs compliments pour la conduite de la guerre par ces deux hommes. Il faut dire que, contrairement à Amir Peretz, Ehoud Barak connaît parfaitement le fonctionnement d’une armée. Et pour cause, c’est un ancien chef d’état-major de Tsahal. Quant à Gaby Ashkenazy, c’est un homme d’action qui tranche avec le côté brillant communicateur enfermé dans son paradigme hyper-technologique d’aviateur de Dan Haloutz.

 

            En fait, on peut dire que Tsahal est revenue à ses fondamentaux. Elle a pu mesurer, en 2006, les limites de la fameuse Révolution dans les Affaires Militaires (RMA) initiée aux Etats-Unis dans les années 90, et connue en Israël sous le nom d’Israël Security Révolution (ISR). Cette vision de la guerre axée sur le développement exponentiel des hautes technologies depuis les années 80 mettait l’accent sur l’informatique, les communications électroniques, la gestion en temps réel de l’information sur l’ensemble du champ de bataille ou encore l’aviation, et se traduisait notamment par le fameux concept de guerre réseau-centrée. Les armées qui intégraient cette Révolution Transformation pour les Européens– étaient censées pouvoir rendre sourde et aveugle n’importe quelle autre armée dans le monde. Tsahal avait très tôt épousé ce modèle technologique et doctrinal avec le développement par exemple des drones ou en mettant au point des technologies électroniques ultrasophistiquées qui firent merveille dans la vallée de la Bekaa libanaise en 1982 en annihilant sans coup férir tout le dispositif antiaérien soviétique dernier cri mis en œuvre par les Syriens.

 

            Ce développement hyper-technologique, associé à la fois à des problèmes d’entraînement des réservistes, en fonction de l’adaptation aux différentes Intifada palestiniennes, d’une part, et à des coupes budgétaires liées à des difficultés financières régulières (surtout au début des années 2000) d’autre part, a fini par éroder l’efficacité de Tsahal, se traduisant par le semi échec face au Hezbollah en 2006[17]. Celle-ci a par conséquent été mise sur la sellette, que ce soit dans la presse ou à travers la fameuse Commission Winograd, dont on se souvient qu’elle avait durement jugé les performances moyennes de l’armée lors de la guerre du Liban.

 

            Depuis lors, Tsahal a dû revoir sa copie. De nouveaux programmes d’équipement ont été mis en œuvre, concernant autant les chars de combat[18] que les hommes de troupe. La logistique a été améliorée, l’entraînement des hommes a repris intensivement sous la supervision d’une nouvelle direction, l’équipement des réservistes a été corrigé. Les doctrines ont été revues. Bref, Tsahal revient à ce qui a toujours fait son efficacité : son pragmatisme, sa capacité d’adaptation aux défis qui se posaient à elle et sa créativité. En fait, Israël a peut-être réellement réussi à faire le lien entre les « deux armées » que réclame le casse-tête stratégique auquel il est confronté depuis plusieurs années : la première, pour le combat de haute intensité à grande échelle, la deuxième, pour le conflit de basse intensité. La technologie et l’humain. Le tout, sans anicroche. Autrement dit, avec la guerre de Gaza, Tsahal a démontré qu’elle était autant capable de se battre contre une armée conventionnelle que contre une guérilla, voire une techno-guérilla[19].

 

            Ce résultat est d’autant plus remarquable que la bande de Gaza représente un véritable cauchemar stratégique pour tout état-major, avec sa haute densité de population et l’imbrication totale et par ailleurs volontaire du Hamas parmi les civils. Et il n’est pas inutile de souligner que la guerre urbaine a par ailleurs toujours constitué les pires des difficultés pour les armées modernes, l’adversaire asymétrique voyant là le moyen de rééquilibrer le combat. Pourtant, tout porte à croire que Tsahal a su remplir sa mission brillamment, sans rencontrer de véritable opposition de la part du Hamas et en minimisant ses propres pertes de façon remarquable. A ce propos, le fait que la moitié des dix soldats perdus par Tsahal au cours de  « Plomb durci » l’ait été par des tirs amis souligne bien l’extrême complexité du terrain d’opérations auquel elle a été confrontée[20].

 

            Mais ce résultat de Tsahal n’a été possible que grâce à un renseignement de haute qualité obtenu sur le terrain. Contrairement à ce qui s’était passé au Liban en 2006, Israël a pu disposer d’un réseau d’informateurs de premier ordre parmi la population palestinienne elle-même. Il faut dire que non seulement Gaza est un territoire aisément contrôlable par les moyens électroniques modernes dont dispose Israël, mais que les services de sécurité de l’Etat hébreu ont, depuis les années d’Intifada déjà, pu pénétrer la population palestinienne, jouant notamment sur les rivalités inter-palestiniennes. Il est d’ailleurs intéressant de relever qu’un tel développement d’un réseau d’informateurs sur place révèle à quel point le Hamas n’est pas toujours aussi populaire qu’on ne le croit.

 

            Autre élément essentiel à la victoire de Tsahal, la surprise. Certains ont ainsi glosé sur l’opportunité de déclencher l’opération « Plomb durci » un jour de shabbat, frappant ainsi le Hamas au moment où ils s’y attendaient le moins. D’autre part, il semble que l’armée israélienne ait utilisé des tactiques faisant appel à la créativité et à la surprise, comme des leurres destinés à révéler les positions du Hamas tout en épargnant les civils, ou encore le contournement des routes par les chars, afin d’éviter les mines, par ailleurs totalement localisées grâce au renseignement[21].

 

            Sur le plan de la communication, les autorités israéliennes semblent avoir tenu compte des recommandations de la Commission Winograd et évité la posture ultra-communicationnelle de l’ancien chef d’état-major Dan Haloutz, pour privilégier l’efficacité opérationnelle et la liberté de manœuvre. En 2006, on avait reproché à l’armée trop de fuites et aux journalistes d’avoir mis trop de bâtons dans les roues de Tsahal. De l’avis général, la presse israélienne elle-même, de loin la plus critique durant la dernière guerre du Liban, avait été trop loin et avait fini par miner le travail de Tsahal sur le terrain. Une réflexion s’en était suivie et un consensus avait émergé au sein de la société israélienne pour accepter plus de recul lors des opérations militaires, tout en préservant le caractère très libre d’une presse évoluant dans le cadre d’une société très démocratique.

 

            Enfin, on peut remarquer le soin pris par Tsahal pour tenter de dissocier la population gazaouie des terroristes du Hamas. Il faut dire que là aussi, une inflexion a peut-être été opérée par rapport à la guerre du Liban de 2006, Tsahal s’écartant de l’application rigide d’une stratégie s’inspirant fort à l’époque de la théorie des cercles de Warden[22], afin à la fois de tenter de préserver son image sur le plan international et de démontrer aux Gazaouis que le Hamas est aussi leur ennemi. D’où l’importance accordée à l’humanitaire dans cette guerre, en dépit des critiques souvent partiales et automatiques qui ont pu être adressées à Israël sur ce plan. Notons à ce propos que cette guerre a d’ailleurs propulsé l’humanitaire au centre des débats et des critiques, au point d’en faire une véritable arme de guerre, comme nous le verrons plus loin.

 

  1. Réactions      internationales

 

            Sur le plan international, on peut relever l’intense activité diplomatique qui s’est enclenchée dès le début de la guerre, notamment sous la houlette de la France, encore présidente de l’Union européenne pour quelques jours, avant de céder la place à la Tchéquie. Cette activité diplomatique a culminé avec le vote au Conseil de sécurité de la résolution 1860, le 8 janvier 2009[23]. Cette résolution, par ailleurs non contraignante, a été promptement rejetée par les belligérants[24]. Il faut dire qu’elle n’impliquait pas non plus de modalités pratiques susceptibles de garantir son application[25]. A croire qu’elle n’avait d’autre but que de contenter ceux qui l’avaient votée. Précisons que si la France était présidente du Conseil de sécurité, c’est de la Libye qu’est venu le lobbying le plus puissant en faveur de cette résolution avec, derrière, les diplomates de nombreux pays arabes et de l’Autorité palestinienne.

 

            Ceci nous amène à l’attitude des différents Etats arabes lors de ce conflit. Tout d’abord, il convient de souligner la division qui a marqué les dirigeants arabes, incapables de la moindre initiative couronnée de succès, hormis cette fameuse résolution sans lendemain. On peut ainsi citer l’exemple du sommet organisé à Doha le vendredi 16 janvier et qui n’a pu que souligner les divergences au sein de la Ligue arabe[26]. Car celle-ci s’est littéralement retrouvée divisée en deux blocs : le premier soutenant le Hamas et gravitant autour de la Syrie, le second opposé aux islamistes de Gaza, avec l’Egypte en première ligne. Derrière ces divisions, planait l’ombre de l’Iran, dont il faut rappeler que le Hamas constitue un des bras armés[27] dans la région (l’autre bras armé étant le Hezbollah, plus au nord).

 

            Ainsi, on peut ici constater un véritable paradoxe et se poser la question d’un soutien tacite aux Israéliens dans leur lutte contre le Hamas de la part des pays arabes sunnites « modérés » alors que la presse de ces mêmes pays se déchaînait contre Israël[28]. Même certaines déclarations de dirigeants arabes, par exemple égyptiens, paraissaient parfois à 180 degrés de l’attitude hostile qu’ils arboraient vis-à-vis du Hamas depuis le début de l’opération israélienne[29] en rendant les islamistes de Gaza clairement responsables de la situation[30]. On voit ici à quel point les dirigeants arabes se retrouvent piégés par leur propre rhétorique. En effet, pour des raisons diverses, parfois liées à la volonté de détourner leur population de leur propre incurie, les régimes arabes laissent se développer, voire encouragent, notamment dans la presse, un discours très hostile à l’égard d’Israël, voire virulemment antisémite, et ce, en dépit parfois de traités de paix signés avec l’Etat juif. C’est ainsi le cas pour l’Egypte et la Jordanie, qui se mettent dès lors en porte-à-faux avec leur attitude diplomatique « officielle »[31].

 

            Par conséquent, les dirigeants arabes se retrouvent coincés entre cette attitude hostile de leur population envers Israël, encouragée par leurs soins afin de canaliser les oppositions, islamistes ou non, et un intérêt différent, vu leurs relations avec le Hamas, la présence d’islamistes comparables à ce dernier sur leur propre sol, comme les Frères musulmans, ou encore l’expansionnisme iranien, qui les inquiète tous. D’où la situation schizophrénique dans laquelle se sont retrouvés de nombreux dirigeants arabes dans le cadre de cette crise, poussant tacitement les Israéliens à la fermeté, et les appuyant parfois par des déclarations très dures envers le Hamas, mais œuvrant en même temps dans le sens inverse, en favorisant la pression internationale pour que Tsahal cesse ses opérations à Gaza.

 

            L’Autorité palestinienne elle-même, présidée par Mahmoud Abbas, illustre cette impossible contradiction, soutenant tacitement Israël, tout en blâmant également le Hamas pour son attitude. Il faut dire que le Fatah, dirigé aussi par Mahmoud Abbas, est en conflit ouvert avec le Hamas, fruit d’une longue rivalité qui s’est aggravée avec la victoire des islamistes aux dernières législatives palestiniennes, et plus encore depuis que ceux-ci ont évincé le Fatah de la bande de Gaza, lors d’un putsch sanglant en 2007. D’un autre côté, la même Autorité palestinienne est en négociations avec le gouvernement israélien dans le cadre du processus d’Annapolis. On le voit, le chef de l’Autorité palestinienne et les dirigeants du Fatah avaient de bonnes raisons tactiques de soutenir le gouvernement israélien malgré une population majoritairement hostile à Israël[32]. Pourtant, encore une fois, on a pu constater la même schizophrénie que pour les autres dirigeants arabes dans l’entourage de Mahmoud Abbas vis-à-vis du Hamas. Sauf que la raison est plus complexe encore, due à la nature même du mouvement national palestinien, dont l’attitude est davantage tournée vers la diabolisation et la délégitimation  l’Etat d’Israël que vers la réalisation d’objectifs positifs liés à la réalisation d’un Etat[33]. Comme dans le cas des autres dirigeants arabes, le piège du système éducatif et de propagande se referme sur leurs initiateurs.

 

            Le rôle de l’Iran dans cette crise est par contre bien différent. Et ce serait une erreur que de le négliger, tant la direction du Hamas, logée en Syrie, est étroitement liée à l’Iran. Si des tensions ont pu apparaître entre les chefs du Hamas à Gaza et ceux de Syrie à propos de l’acceptation du cessez-le-feu, ces derniers privilégiant manifestement le jusqu’au-boutisme, on peut s’interroger sur l’intérêt qu’a pu représenter ce conflit pour les Iraniens. Etait-il dans leur intérêt de brûler la carte du Hamas à Gaza et perdre ainsi en influence dans la région, au moment où un nouveau président entrait à la Maison-Blanche ? Doit-on reprendre ici l’idée d’une erreur de calcul esquissée plus haut ? Peut-être les Iraniens tablaient-ils sur une opposition armée plus efficace de la part du Hamas face à Tsahal. Ou encore était-ce plutôt une manière de faire passer le dossier nucléaire au second plan et d’inscrire ainsi le dossier israélo-arabe en tête de liste sur l’agenda d’Obama, histoire de gagner du temps et de détourner l’attention.

 

            Ce qui est sûr, c’est qu’il existe un contentieux à la fois entre le Hamas et l’Egypte, et entre l’Iran et certains Etats arabes de la région, Egypte et Arabie saoudite en tête. Et de fait, on a pu constater une surenchère verbale entre les alliés de l’Iran au Moyen-Orient (Hamas, Hezbollah, Syrie en première ligne) et l’Egypte et les pays craignant l’expansionnisme iranien dans la région de l’Autre. Le début de la crise a même donné de nombreux signes d’une tentative de déstabilisation de l’Egypte[34]. Face à cette situation, cette dernière a d’ailleurs cherché très tôt à reprendre une posture de médiation dans le conflit, d’où son intense activité diplomatique tout au long de la guerre[35], sans pour autant baisser la garde face au Hamas et à ses alliés régionaux[36]. Ne perdons d’ailleurs pas de vue que le Hamas constitue de son propre aveu[37] la branche palestinienne de la Confrérie des Frères musulmans, née en Egypte en 1928 et formant la première force d’opposition au régime de Moubarak.

 

            Et il ne faut pas oublier non plus que l’Egypte et l’Iran entretiennent depuis des mois de très mauvaises relations. D’où cette hypothèse audacieuse qui consisterait à se demander dans quelle mesure une alliance objective de circonstance, transcendant les clivages idéologiques traditionnellement évoqués entre sunnites et chiites, aurait pu naître entre les Frères musulmans, palestiniens ou égyptiens, et Téhéran, pour enflammer la région et affaiblir l’Egypte et ses alliés. N’oublions pas qu’une telle alliance objective existe déjà entre le Hezbollah et le Hamas mais de façon beaucoup plus officielle et soutenue. Nous touchons ici à la complexité des enjeux de la guerre qui vient d’avoir lieu entre le Hamas et Israël.

 

            En dehors du Moyen-Orient, s’il faut admettre que les Etats-Unis, qui vivaient les derniers jours du mandat présidentiel de George Bush, et la Russie se sont montrés relativement discrets, l’Europe, a quant à elle joué un rôle en demi-teinte, tentant d’imposer une solution diplomatique improbable, tout en se perdant en formules creuses et devenues malheureusement habituelles et automatiques à l’endroit d’Israël, comme l’utilisation absconse du terme diplomatico-juridique de « disproportionné » pour qualifier la réaction israélienne aux milliers de tirs de roquettes et d’obus de mortier en provenance de Gaza sur le sud d’Israël depuis huit ans. Il faut dire que derrière l’agitation de l’humanitaire en défense des « civils palestiniens », l’Europe cachait mal son embarras vis-à-vis de cette situation. D’un côté, la nécessité de maintenir la tradition de la critique systématique d’Israël au risque de la langue de bois et de l’autre, des acteurs locaux qui n’appréciaient pas nécessairement cette posture dont les seuls bénéficiaires ne pouvaient être que les islamistes du Hamas. Ainsi, on a pu voir le président Sarkozy changer de rhétorique une fois arrivé en Egypte et adopter un ton beaucoup plus dur vis-à-vis du Hamas[38], illustration du conflit entre une diplomatie démagogique et sa difficile adaptation à la réalité du terrain.

 

            Enfin, il faut souligner que ce conflit a fait quelques victimes collatérales. Mentionnons la Turquie, officiellement alliée régionale des Israéliens, qui s’est illustrée par un comportement particulièrement agressif vis-à-vis d’Israël et allant par exemple jusqu’à réclamer son exclusion de l’ONU[39]. On l’a vu encore tout dernièrement avec le camouflet infligé par le Premier ministre turc Erdogan au président israélien Shimon Pérès au Forum économique mondial de Davos. Si Shimon Pérès s’est plutôt montré clément envers le dirigeant turc, lui assurant après l’incident diplomatique, et malgré ce dernier, que les relations entre les deux pays n’en seraient pas affectées, il n’est pas sûr que l’attitude de la Turquie pendant le conflit, épousant totalement la « rue arabo-musulmane » et s’associant aux critiques les plus virulentes à l’égard d’Israël ne laisse pas de traces. Ainsi, il faut noter par exemple la réaction de l’American Jewish Committee, dont le directeur exécutif a adressé une lettre ouverte sans équivoque au Premier ministre Turc[40]. La communauté juive américaine semble visiblement ébranlée dans ses positions jusqu’ici favorables à la Turquie.

 

            Autre conséquence de la guerre : les relations entre Israël et certains pays d’Amérique latine ont été affectées. Ainsi, on a pu observer la rupture des liens diplomatiques entre la Bolivie et le Venezuela, et l’Etat hébreu[41]. Rappelons que l’influence de l’Iran s’étend jusqu’en Amérique latine et que le Hezbollah y a aussi des activités importantes depuis des années.

 

  1. Attitude des      médias

 

            Comme en 2006, lors de la guerre entre Israël et le Hezbollah au Liban, la presse a rapidement présenté une situation en noir et blanc : les gentils, à savoir la population palestinienne, victimes des méchants, c’est-à-dire les Israéliens, bêtes féroces assoiffées de sang[42]. D’un côté les humains, de l’autre les non-humains. Quoi de plus simple pour le lecteur, ou le téléspectateur, qui écoute les informations, confortablement assis dans son fauteuil après une dure journée de labeur. Faut pas trop pousser la réflexion, les gens qui « consomment » l’information ne sont pas journalistes, ils ne peuvent pas comprendre les subtilités du Moyen-Orient et des affaires du monde.

 

            Ce faisant, les médias internationaux ont malheureusement choisi leur camp, tombant ainsi et très volontairement dans le piège de l’asymétrie, victimes consentantes de la propagande islamiste du Hamas. Rappelons en effet que dans le cadre d’un conflit asymétrique, un des protagonistes investit massivement l’infosphère, c’est-à-dire la scène médiatique, afin de délégitimer son adversaire et provoquer ainsi sa défaite morale et donc, et surtout, politique. Or cette victoire asymétrique n’est possible que si la sphère médiatique se laisse pénétrer. Autrement dit, dans un conflit asymétrique, les médias ne sont pas neutres, ils fournissent à la fois le champ de bataille et les combattants. Par conséquent, en adoptant une attitude partiale, les journalistes contribuent activement à la guerre d’un des protagonistes contre l’autre. Ici, c’est clairement le Hamas qui a été favorisé.

 

            Et ce ne sont pas les protestations face au refus de Tsahal de laisser des journalistes entrer dans la bande de Gaza au prétexte que cela laisserait le champ libre à l’autre camp qui doivent tromper. Il ne s’agit que d’arguments de pure mauvaise foi. En 2006, Israël avait agi de façon exactement inverse. Pourtant, l’attitude de la presse internationale avait été la même, présentant la même porosité à la propagande des islamistes… du Hezbollah cette fois.

 

            En effet, lors de ces deux conflits, la presse internationale a pris soin de présenter les événements de façon manichéenne, en montrant d’un côté les Israéliens et leurs chars, de l’autre, des civils innocents hébétés (les femmes et les enfants d’abord) au milieu des ruines fumantes laissées par les bombes de Tsahal. Par conséquent, pour la majorité des gens, Israël s’est battu contre des femmes et des enfants. De fait, on peut s’interroger : si, comme on nous l’a répété inlassablement, les journalistes ne pouvaient pas entrer dans la bande de Gaza, faute d’autorisation israélienne, qui fournissait les images ? Al Jazeera ? Des militants du Hamas ? Pourquoi n’a-t-on jamais vu de combattants du Hamas sur les images, ni morts, ni vivants ? Pourquoi les bilans palestiniens ne faisaient jamais état de combattants palestiniens ?

 

            A propos de ces bilans, comment se fait-il qu’ils soient aujourd’hui encore repris comme certifiés, alors qu’ils étaient systématiquement diffusés par le ministère palestinien de la Santé… dépendant du Hamas ? Après la guerre, de nombreuses sources ont indiqué que le Hamas, puisque c’est bien lui qui fournissait les bilans, avait délibérément gonflé le nombre de morts, tel ce journaliste italien qui est allé sur place interroger des médecins[43] et visiter les  hôpitaux. Même si les chiffres cités n’étaient que des estimations et ne correspondaient pas nécessairement au vrai bilan de la guerre, ils soulignaient tout de même de nombreuses incohérences concernant ceux que le Hamas a diffusés, via les médias internationaux. Pourquoi cela n’a-t-il pas été plus médiatisé ? Pourquoi cet empressement à gober et répercuter les communiqués et les images du Hamas ? Pourquoi avoir « noyé » le Hamas dans la population civile palestinienne, comme cela avait été fait tout aussi complaisamment avec le Hezbollah en 2006, qui avait été également « fondu » dans la population libanaise ? Nos médias deviendraient-ils pro-islamistes ? Quelle schizophrénie ! D’un côté, nous nous battons contre les islamistes en Afghanistan, de l’autre, nos journalistes les défendent quand ils sont en guerre contre Israël. Etrange. Déroutant. Question encore : en participant complaisamment à la guerre asymétrique du Hamas contre Israël, quel rôle jouent nos médias dans celle qui oppose les islamistes contre nos sociétés ?

 

         Au-delà de ces interrogations, et fournissant sans doute un élément de réponse, il est clair et évident que nous avons assisté durant cette guerre à un véritable culte de l’émotionnel, dérive supplémentaire des médias à la recherche du sensationnel, oubliant leur devoir de réserve et d’analyse. Cette dictature de l’émotion ne pouvait, hélas, qu’alimenter les expressions de haine qui ont éclaté dans diverses villes d’Europe et du monde, où des processions anti-israéliennes ont été organisées pour dénoncer l’opération de Tsahal à Gaza. Les médias auraient-ils contribué à la recrudescence de l’antisémitisme durant la guerre de Gaza ? Une réflexion s’impose et le retour à la déontologie est impératif en ce qui concerne le traitement de l’information par nos médias.

 

  1. L’instrumentalisation      du droit international

 

            Conformément à la logique des conflits asymétriques, on a pu assister dès le début du conflit à une mise en avant du droit international à l’encontre d’Israël. Il est clair que les débats sur le respect ou non du droit international humanitaire, du principe de proportionnalité ou du déroulement des combats lui-même se sont faits systématiquement à sens unique et n’avaient pour effet que de renforcer la pression internationale sur l’un des deux camps et de victimiser l’autre en attirant sur lui la sympathie internationale. En l’occurrence, c’est Israël qui a été d’emblée désigné comme le coupable avec pour corollaire la déresponsabilisation, voire l’occultation du Hamas. Ce phénomène n’est pas nouveau puisqu’il accompagne le conflit israélo-arabe depuis le début, plus particulièrement depuis quelques années, avec l’effort soutenu de délégitimation d’Israël qu’on peut observer dans le monde arabo-musulman[44].

            Cet effort systématique visant à saper la légitimité de l’opération israélienne « Plomb durci » s’est fait sur trois plans, étroitement imbriqués dans la propagande palestinienne : la situation humanitaire, le comportement de Tsahal et ses techniques de combat, et la notion de proportionnalité. Au-delà de la volonté évidente de faire stopper l’action militaire d’Israël, c’est l’image même de l’Etat juif qui était visée, en témoignent les manifestations de haine qu’on a pu voir dans les différentes villes d’Europe et d’ailleurs, ainsi que la recrudescence des actes antisémites dans le monde.[45]

 

    1. L’humanitaire, arme de guerre

 

            Ainsi, la guerre de Gaza a été marquée par l’utilisation de l’humanitaire comme arme de guerre par le Hamas et les détracteurs de l’action militaire israélienne. L’intérêt, comme nous venons de le voir, était à la fois d’attirer la sympathie internationale, de faire pression sur Jérusalem et ainsi éventuellement de stopper son offensive, avant que Tsahal ne détruise complètement le Hamas et, enfin, de délégitimer Israël en tant que tel.

 

            Dans cette optique, on a pu assister immédiatement après le début de l’opération « Plomb durci » à une vague de déclarations alarmistes concernant la situation humanitaire palestinienne. Très vite, les ONG représentées sur place ont emboîté le pas de ces déclarations, affirmant notamment que près d’un demi-million de Gazaouis vivaient sans eau et sans électricité en l’absence du respect par Israël du droit international humanitaire. Ces accusations de non-respect du droit humanitaire par les autorités israéliennes et ces chiffres étaient d’ailleurs repris par le commissaire européen à l’aide humanitaire Louis Michel, qui semblait oublier pour le coup qu’en principe, un être humain normalement constitué ne peut survivre plus de trois ou quatre jours sans eau potable. Si, donc, comme le suggérait le commissaire européen, Israël ne fournissait pas l’aide humanitaire nécessaire, et quand on sait que la guerre a duré près de trois semaines, on se demande si la population palestinienne de Gaza n’est pas d’origine martienne.

 

            Certes, la situation de la population civile de Gaza a été très difficile durant les opérations israéliennes, mais l’aide humanitaire n’a jamais été stoppée. D’ailleurs, il est intéressant de relever qu’Israël a autorisé le passage de convois d’aide humanitaire avant même les opérations militaires, preuve que les autorités israéliennes étaient conscientes tant de la situation que pouvait vivre la population de Gaza du fait de l’escalade dans la région, que des intentions du Hamas et de ses épigones de brandir l’humanitaire comme arme à travers les médias[46].

 

            Rappelons qu’outre le passage de Rafah avec l’Egypte, il y a quatre passages entre la bande de Gaza et Israël : Kerem Shalom, Karni, Nahal Oz et Erez. Au total, entre le 28 décembre 2008 et 18 janvier 2009, ce sont 1503 camions et 37 159 tonnes d’aide humanitaire qui sont entrés dans la bande de Gaza par ces points de passage. 706 des 1503 camions d’aide humanitaire ont consisté en des donations issues de nombreuses organisations internationales diverses et de donneurs privés.

 

            Pour exemple, rien que par le passage de Kerem Shalom, ce sont 14 208 tonnes de farine, 1283 tonnes de riz, 2356 tonnes de sucre, 1305 tonnes d’huile, 477 tonnes de légumes, 3595 tonnes d’alimentation animale et 1038 tonnes d’équipement médical et de médicaments qui sont entrées dans la bande de Gaza. Le point de passage de Karni a vu passer quant à lui près de 1638 tonnes d’alimentation animale, 162 tonnes de céréales, 84 tonnes d’orge et 1975 tonnes de blé. En tout, près de 30 000 tonnes de nourriture ont été fournies aux Gazaouis par les différents points de passage israéliens durant la guerre, auxquelles il faut ajouter 160 tonnes de couvertures.

 

            En outre, 188 000 litres de carburant pour l’UNRWA ont été acheminés par le terminal de Nahal Oz, ainsi qu’un total de 1 535 750 litres de fuel pour la centrale électrique de la bande de Gaza délivrés par les passages de Nahal Oz et Kerem Shalom, sans oublier 234 tonnes de gaz domestique.

 

            A cet effort humanitaire déjà considérable, il faut ajouter 20 ambulances fournies par les gouvernements de Turquie et de Jordanie ainsi que 10 autres par le CICR, afin de rencontrer les besoins du Croissant-Rouge palestinien. 449 habitants de Gaza jouissant d’une double nationalité ont été évacués et 68 malades chroniques ainsi que leur entourage ont pu joindre Israël, la Cisjordanie ou la Jordanie. Enfin, il faut noter l’établissement à Erez d’un hôpital de proximité par la Magen David Adom (Croix-Rouge israélienne).[47]

 

            Au niveau alimentaire et médical, en ce qui ne concerne que l’aide humanitaire de la communauté internationale, les sources les plus importantes étaient le Programme Alimentaire Mondial (WFP), l’UNRWA et la Jordanie. Cependant, l’aide humanitaire fournie par les points de passage israéliens ne s’est pas interrompue avec la fin des combats puisque Israël a continué de permettre son acheminement vers la bande de Gaza. Ainsi, depuis la fin des hostilités, 68 984 tonnes d’aide et 5 264 300 tonnes de fuel ont été transmis aux Gazaouis[48].

 

            On le voit, malgré les critiques formulées à son encontre pendant l’opération « Plomb durci », Israël a fourni un effort considérable destiné à apporter à la population de Gaza une aide humanitaire, évitant ainsi une catastrophe certaine, en témoigne le nombre peu élevé de morts malgré une densité de population importante. Souvenons-nous en effet, comme nous l’avons mentionné plus haut, que plusieurs organisations humanitaires clamaient pendant la guerre que près de 550 000 personnes étaient sans eau et sans électricité. Ceci est d’autant plus remarquable que les combats ont parfois été très violents et que le théâtre d’opérations était fort complexe. Par conséquent, il faut convenir qu’Israël a respecté le droit international humanitaire en portant assistance à la population civile et en permettant aux diverses organisations présentes sur le terrain d’agir en sa faveur. On voit donc bien ici comment la fameuse théorie des cinq cercles de Warden a pu être adaptée par Tsahal aux contraintes de la guerre asymétrique.

 

    1. La proportionnalité

 

            L’autre point sur lequel les critiques d’Israël se sont déchaînées portait sur la notion de proportionnalité. L’idée d’une disproportion de l’opération militaire israélienne a été reprise en chœur dès le début de l’opération « Plomb durci » par diverses chancelleries européennes et ensuite par de nombreux diplomates internationaux, organes de l’ONU ou autres organisations humanitaires. Si, généralement, les dirigeants occidentaux ont concédé à Israël le droit à se défendre, ils ont en revanche jugé disproportionnée à la fois la voie de la riposte et sa conduite, tout le monde semblant d’accord de fonder cet argument sur le nombre de morts palestiniens et le poids porté par la population de Gaza durant la guerre, en regard d’une situation humanitaire présentée dans tous les médias comme catastrophique. Aussi n’est-il pas inutile sans doute de se pencher sur l’examen de cette notion de proportionnalité, concept juridique renvoyant au droit de la guerre et aux débats portant sur la guerre juste et les relations entre guerre et morale.

 

            Observons tout d’abord que ceux qui ont estimé que l’action israélienne était disproportionnée en raison d’une comparaison dissymétrique entre le nombre de tués dans les deux camps ont une vue bien étrange de la guerre. Ainsi, pour eux, si deux personnes ont été tuées d’un côté, il faut en tuer deux de l’autre. Ni plus, ni moins. Si le Hamas utilise des roquettes qui tirent à l’aveugle sur des civils israéliens, alors, selon ce raisonnement, Israël devrait lui aussi tirer à l’aveugle le même nombre de roquettes, en cherchant tout aussi intentionnellement que le Hamas à tuer le même nombre de civils de l’autre côté. C’est absurde.

 

            En réalité, ces critiques semblent ignorer que la guerre n’est pas un acte de rétribution, comme l’a rappelé Michael Walzer, dans un article publié pendant la guerre dans le New Republic[49]. Il y a dans la guerre autre chose qu’une simple comptabilité macabre qui la fait entrer dans une dimension visant une fin voire, parfois, une anticipation. Certaines guerres cherchent à arrêter un engrenage ou à rétablir un équilibre, pour éviter une situation géopolitique dramatique, aux conséquences plus terribles encore.

 

             Un exemple peut être tiré de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. Un des reproches des historiens militaires vis-à-vis de l’Angleterre et de la France concerne leur attitude face à l’Allemagne alors qu’elle avait envahi la Pologne. Immédiatement après cette invasion, les deux pays lui ont déclaré la guerre, mais ils se sont gardés de l’attaquer. C’est ce qu’on a appelé la « drôle de guerre ». Pourtant, si l’Angleterre et la France avaient compris l’engrenage qui venait de s’enclencher avec cette agression de la Pologne par Hitler, et alors que l’essentiel des divisions nazies étaient engagées dans la conquête de la Pologne, elles auraient vraisemblablement changé le cours de l’histoire et évité à l’Europe une catastrophe et une guerre mondiale. Dans ce cas, une invasion franco-anglaise de l’Allemagne aurait été parfaitement proportionnée par rapport au risque anticipé d’une invasion de l’ensemble de l’Europe par les armées d’Hitler. On voit donc clairement ici que le jugement et l’anticipation peuvent être intégrés au concept de proportionnalité, de même que celui d’un raisonnement global et géopolitique.

 

            C’est cet élément essentiel du raisonnement quant à la proportionnalité qu’ont avancé bon nombre de diplomates ou de responsables israéliens lorsqu’ils expliquaient la nécessité de frapper le dispositif du Hamas à Gaza : en six mois de trêve, les islamistes de Gaza avaient augmenté leur arsenal de roquettes, tant quantitativement que qualitativement. En effet, avant la trêve, ils n’avaient que des Qassam de faible portée. A présent, ils disposent de Grad d’importation iranienne, pouvant atteindre certaines agglomérations israéliennes, jusqu’à Beer-Sheva. Qu’en aurait-il été six mois ou un an après ? Outre le fait que les tirs de roquettes durent depuis huit ans déjà, les autorités israéliennes pouvaient-elles attendre de voir la menace s’étendre à ses grandes concentrations urbaines, par exemple Tel-Aviv et le cœur économique israélien qui l’entoure ? Est-il raisonnable pour un gouvernement de laisser un ennemi qui frappe sa population quotidiennement depuis huit ans améliorer ses capacités destructrices à l’encontre de sa population ? Et c’est sous cet angle qu’il faut donc raisonner en termes de proportionnalité.

 

            On le voit, les choses ne sont pas si simples, parce qu’on rentre dans une zone floue, en partie liée à la spéculation. La guerre procède d’un calcul, pas toujours par rapport à un passé, mais souvent par rapport à un futur. Il arrive d’ailleurs souvent que les deux dimensions soient entremêlées, ajoutant à la complexité. Approfondissons donc cette question, à l’aune des récents événements proche-orientaux, et revenons à cette notion de guerre juste qui s’est développée en Occident ces dernières décennies.

 

    1. Jus ad       bellum et jus in bello

 

            Le droit de la guerre juste distingue généralement deux plans essentiels : le jus ad bellum et le jus in bello. Pour résumer, le jus ad bellum fait référence à l’idée de légitime défense et aux moyens choisis par un gouvernement pour répondre à une agression. Il faut donc que l’action soit légitime du point de vue de la décision de l’usage de la force et de sa nature (des frappes aériennes ciblées ou une invasion en règle d’un Etat agresseur ou abritant des forces hostiles). Le jus in bello est quant à lui en relation avec le comportement des forces armées sur le terrain, ses techniques de combat, les moyens mis en œuvre pour distinguer autant que possible les combattants des civils non-combattants. D’un côté, donc, le principe du recours à la guerre, de l’autre, sa conduite proprement dite.

 

            En ce qui concerne le jus ad bellum, la plupart des dirigeants occidentaux ont généralement accordé à Israël le droit de se défendre, fût-ce de façon rhétorique. Par contre, le choix du déclenchement d’une opération militaire de grande envergure par Jérusalem a été sévèrement réprouvé par l’ensemble des commentateurs, notamment par les diplomates et responsables politiques occidentaux, à l’exception notable des membres de la classe politique américaine. On peut en dire de même pour la conduite des opérations sur le terrain par Tsahal, qui ressort quant à elle du jus in bello.

 

            Mais examinons plus attentivement. Pour ce qui est de la légitime défense accordée à Israël, nous retrouvons les deux arguments évoqués plus haut : la nécessité de réagir à huit ans de bombardements sur le sud d’Israël[50] en mettant un terme à l’attitude du Hamas, et la volonté d’anticiper et d’empêcher un saut qualitatif dans l’arsenal du Hamas, qui aurait certainement la possibilité de frapper le cœur démographique, politique et économique d’Israël dans les mois qui viennent, vu la progression dangereuse de ses capacités de tir sur l’Etat juif. Ajoutons que nos dirigeants auraient fait de même, comme l’a rappelé François Léotard, ancien ministre français de la Défense, lors d’une interview[51]. Par conséquent, les critiques quant à l’idée même de l’opération « Plomb durci » n’en apparaît que plus hypocrite. On pourrait évoquer un des critères réels de la proportionnalité : le dernier recours. Mais là encore, Israël a le droit avec lui, puisqu’il a attendu plusieurs années et mis en œuvre de nombreuses voies politiques, comme la négociation d’une trêve ou un retrait unilatéral, et opté pour la retenue devant les nombreuses agressions et autres provocations palestiniennes avant de lancer cette opération de grande envergure, qui faisait d’ailleurs débat dans la classe politique israélienne depuis longtemps déjà. Les propos de l’ancien ministre français de la Défense ou de Barak Obama lui-même[52] n’en sont que plus pertinents. Bref, il semble donc que le principe du jus ad bellum ait bien été respecté.

 

            Venons-en alors au jus in bello. Remarquons tout d’abord que ceux qui ont critiqué le déroulement de l’opération israélienne ne se sont prononcés qu’en s’appuyant sur des chiffres publiés par le ministère palestinien de la Santé… dirigé par le Hamas. Comme par hasard, ces chiffres n’ont jamais fait la distinction entre les civils non combattants et les combattants eux-mêmes, noyant ainsi le Hamas dans la population. De plus, le Hamas, en publiant ses bilans, avait tout intérêt à gonfler les chiffres des morts, pour des raisons évidentes évoquées plus haut. N’oublions pas que nous sommes en pleine guerre asymétrique, où les médias sont des armes et l’humanitaire, un moyen de délégitimer l’adversaire aux yeux du monde. Mais les commentateurs n’en ont manifestement pas pris compte dans leur jugement des opérations israéliennes. De ce fait, leur neutralité a malheureusement été bafouée au profit du Hamas.

 

            Il n’en reste pas moins que des civils sont morts, ce qui est évidemment regrettable. Plusieurs questions se posent ici. La première, au regard du principe de proportionnalité, c’est de savoir qui est responsable de la présence de civils sur le champ de bataille. La seconde, est-ce que l’armée qui attaque fait tout ce qui est en son pouvoir pour limiter les pertes civiles ou du moins pour atténuer les souffrances de la population civile ?

 

            Pour ce qui est de la première question, à vrai dire, elle ne s’adresse pas qu’à Israël, mais aux deux belligérants, ce que la plupart des commentateurs semblent avoir oublié. Dans le cas d’Israël, il faut remarquer le recours massif au largage de tracts, voire à l’envoi de sms sur les portables palestiniens afin d’avertir la population civile des dangers qu’elle encourait du fait des opérations militaires[53]. Par contre, il convient de souligner l’utilisation systématique par le Hamas des civils comme boucliers humains. Il s’agit pourtant là clairement d’un crime de guerre qui n’a que trop rarement été dénoncé dans les médias. Les rares condamnations qui ont eu lieu se sont souvent produites après le conflit, alors que la couverture médiatique avait perdu de son intensité[54]. Il faut ainsi souligner que le Commissaire européen à l’aide humanitaire Louis Michel lui-même a clairement dénoncé l’attitude du Hamas concernant les civils palestiniens eux-mêmes, nuançant ainsi son propre manque de vigueur durant la guerre[55].

 

            Mais la question la plus fréquemment évoquée au cours de ce conflit, quant au respect de la proportionnalité du point de vue du jus in bello, a concerné les efforts israéliens visant à éviter ou du moins à atténuer autant que possible les pertes civiles. L’usage intensif des tracts, le recours systématique à des moyens d’observation sophistiqués comme les drones, en vue d’identifier les cibles quand les conditions de combat le permettaient, le recours à des tactiques comme par exemple l’utilisation de leurres visant à révéler clairement les sources de tirs du Hamas[56], l’utilisation systématique de munitions guidées de précision, comme les armes guidées par GPS ou par laser, ou encore l’emploi de missiles guidés par optronique et déviables en temps réel témoignent des efforts importants de Tsahal d’épargner la population civile de Gaza des affres des combats.

 

            Ajoutons que même l’usage contesté de munitions au phosphore ou de type DIME est en réalité issus de la volonté de limiter les pertes civiles[57]. Rappelons en effet que ce type d’équipement est né des réflexions des armées occidentales au lendemain de la guerre d’ex-Yougoslavie. Souvenons-nous qu’à l’époque, l’OTAN avait été durement critiquée et accusée même de crimes de guerre. Le TPI pour l’ex-Yougoslavie avait d’ailleurs dû trancher cette question, le faisant alors à la faveur de l’OTAN[58]. Cependant, après les opérations, les Occidentaux ont recherché des moyens technologiques afin de diminuer les pertes civiles dans une meilleure mesure. Il est paradoxal, comme le souligne Joseph Henrotin, chercheur au CAPRI et spécialiste en questions militaires et stratégiques, que l’usage de ces munitions spécialement étudiées pour diminuer les pertes civils et se conformer ainsi davantage encore aux dispositions internationales tue quand même[59]. Résultat, elles finissent par se retrouver au cœur de la polémique et se retourner contre leurs utilisateurs.[60]

 

            Par ailleurs, soulignons que l’utilisation de munitions au phosphore n’est pas prohibée, seules les versions offensives antipersonnelles en milieu civil le sont. Or, Israël n’a pas fait d’usage de ce type. Les munitions au phosphore employées par Tsahal ne sont en réalité que des munitions fumigènes et éclairantes, destinées à aider les troupes au sol et utilisées actuellement par de nombreuses armées de l’OTAN. En outre, Israël n’a pas signé le protocole relatif à l’usage des armes au phosphore et n’y est donc pas lié[61].

 

            En définitive, et en dépit de la polémique sur le niveau des pertes civiles à Gaza durant l’opération « Plomb durci », il convient de relever que malgré une densité de population très importante (plus de 4000 habitants au km²), le nombre très élevé de personnes vivant dans la bande de Gaza (1,4 million d’habitants), la forte intensité des combats et la puissance de feu considérable déployée par les forces en présence, mais aussi malgré la volonté claire et manifeste du Hamas de se servir de la population de Gaza comme de boucliers humains, le nombre de civils tués est remarquablement faible et se situe même en-dessous du niveau observé dans la plupart des conflits en zone fortement urbanisée[62].

 

            Par conséquent, même s’il faut regretter la perte de civils innocents lors du conflit récent à Gaza, il faut conclure que l’action israélienne était proportionnée. Manifestement, Tsahal a su œuvrer dans un environnement très complexe, et même s’il est impossible d’éviter totalement la mort de civils lors d’opérations militaires, Israël a manifestement réussi à en atténuer au maximum le poids.

 

            Il est en revanche regrettable que la focalisation totale et sans nuance des médias sur le comportement de Tsahal ait éludé la responsabilité du Hamas aux yeux des commentateurs. Il faut bien souligner ici que ce silence n’est pas seulement le fait de médias mais aussi de politiques, voire d’acteurs humanitaires trop occupés à incriminer Israël que pour pouvoir se pencher sur le comportement du Hamas[63]. Pourtant, celui-ci relève du cas d’école en matière de crimes de guerre. Ainsi, le professeur Irwin Cotler[64], spécialiste en droit international dénombre 6 violations caractéristiques du droit international par le Hamas : le fait de viser intentionnellement des civils ; attaquer depuis des zones civiles (hôpitaux, mosquées, zones résidentielles, proximité d’écoles…) ; l’usage impropre et le détournement de symboles humanitaires (UNRWA, Croix-Rouge, détournement d’ambulances, utilisation de drapeaux de l’ONU, déguisement en médecins…) ; incitation au génocide dans la charte même du Hamas ; recrutement d’enfants dans un conflit armé ; enfin, l’ampleur des attaques délibérées et à grande échelle (depuis huit ans) contre les civils élève ce crime de guerre au rang de crime contre l’humanité. [65]

 

  1. Manifestations      anti-israéliennes et antisémitisme

 

            Ce déplacement du conflit sur le plan de la morale et les critiques virulentes de Tsahal qui ont suivi le début des opérations militaires ont donc rapidement amené le débat sur le terrain de la criminalisation d’Israël. Les conséquences ne se sont pas fait attendre et ont rapidement débordé des plateaux de télévision et des colonnes de journaux pour déboucher sur de très nombreuses manifestations dans le monde entier. Les manifestants présents lors de ces grands rassemblements étaient unanimes pour condamner l’opération israélienne dans la bande de Gaza et fustiger l’Etat juif. Ces événements, souvent suivis de violences, ont été marqués également par la présence sans complexes de slogans à caractère antisémite rappelant les heures sombres de la seconde Intifada ou de la conférence de Durban, en Afrique du Sud, en septembre 2001. Ces manifestations de haine ont malheureusement coïncidé avec une recrudescence d’actes antisémites dans le monde, et en particulier en Europe[66]. Cette crise a également été marquée par la suppression d’un certain nombre d’événements prévus de longue date, comme une commémoration de la Shoah en Catalogne[67], ou encore une exposition sur l’architecture à Tel-Aviv à l’institut La Cambre de Bruxelles[68], sans compter que des artistes, en France, ont dû annuler des spectacles, victimes de pressions et d’accusations inédites[69].

 

            Il est difficile de ne pas voir dans l’ampleur de ces manifestations et dans la recrudescence des actes antisémites une évolution brutale des mentalités dans certains milieux, de même qu’il est difficile également de ne pas faire de lien entre cette situation délétère et le traitement que les médias ont réservé à l’opération israélienne « Plomb durci ». Nous voyons ici les limites de l’adaptation israélienne à l’asymétrie devant la dictature de l’émotion évoquée plus haut et face à des médias souvent davantage mus par des choix éditoriaux discutables ou tout simplement l’attrait facile du sensationnel et qui, par conséquent, oublient un peu trop rapidement la nécessité de l’analyse complexe et nuancée.

 

            Il n’empêche que la question se pose de savoir si une rupture n’a pas été établie à l’occasion de ce conflit. Comment expliquer en effet qu’une commémoration de la Shoah soit purement et simplement annulée, manifestement pour des raisons politiques ? N’y a-t-il pas là un parallèle douteux qui a été établi trop souvent ces dernières semaines entre le génocide de millions d’innocents, motivé par le caprice démoniaque d’une idéologie barbare, et la mort certes malheureuse mais dans des conditions bien différentes de centaines de personnes, pas toutes innocentes d’ailleurs et elles-mêmes parfois coupables de crimes de guerre, comme nous l’avons démontré[70] ?

 

            Autre élément inquiétant, les informations annonçant, durant la guerre, une campagne de boycott de sociétés et de banques occidentales et juives[71] et les menaces[72] à l’encontre des intérêts européens, américains et juifs, émanant vraisemblablement du Moyen-Orient ? En dépit de la difficulté de localiser précisément la ou les sources de ce genre de menace, n’y a-t-il pas là un lien tout aussi inquiétant avec l’affaire des caricatures danoises[73] ? D’où la question suivante : certaines forces, au Moyen-Orient ou en Europe, n’ont-elles pas profité des récents événements de Gaza et de l’atmosphère trouble qui a pu régner alors en Europe pour manifester leur force et pousser leur avantage ? Car n’oublions pas que le Hamas est aussi et avant tout une émanation des Frères musulmans. Voilà qui relance les interrogations vis-à-vis de la cécité, voire de la complaisance de certains milieux médiatiques et politiques durant l’opération israélienne[74].

  1. Le soutien      au Hamas des partis arabes israéliens

 

            Mais une autre rupture s’est manifestée à l’occasion de la crise de Gaza. Les partis arabes israéliens ont ouvertement soutenu le Hamas contre l’Etat hébreu, leurs dirigeants faisant des déclarations particulièrement agressives à l’encontre d’Israël et de Tsahal[75]. En réalité, cette attitude n’est pas nouvelle et avait déjà été observée lors de la précédente guerre de 2006 au Liban ou lors de la précédente opération israélienne à Gaza, « Hiver chaud »[76]. Cependant, cette fois, il semble que les leaders de la communauté arabe israélienne aient dépassé une nouvelle étape, radicalisant leur discours. La réaction de l’ensemble de la classe politique israélienne ne s’est pas fait attendre, condamnant les propos et l’attitude des députés arabes. En conséquence, la commission électorale a même préconisé le bannissement de ces partis jugés déloyaux des élections législatives de ce 10 février 2009. Cependant, l’avis contraire de la Haute Cour de justice d’Israël a permis leur participation à ce scrutin[77]. Néanmoins, il semble que ce mouvement d’ensemble ait dès lors poussé une partie de l’électorat israélien à soutenir le parti du leader russophone Avigdor Lieberman, Israël Beitenou, partisan de la manière forte vis-à-vis des arabes israéliens, et préconisant, notamment, un code de citoyenneté, sous peine de déchéance de la nationalité israélienne.

 

            Manifestement, une rupture très nette est aussi apparue au sein de la société israélienne à l’occasion de l’opération « Plomb durci ». La radicalisation des leaders arabes israéliens a subitement augmenté les tensions entre la communauté arabe et les citoyens juifs en Israël. En tout état de cause, la société israélienne se retrouve à la croisée des chemins et doit maintenant faire face à un problème qu’elle ignorait jusqu’à présent : le pari fait par les leaders de la communauté arabe israélienne de l’affaiblissement définitif d’Israël et de sa disparition dans les années à venir[78], hypothéquant l’intégration déjà problématique de cette communauté au sein de l’Etat hébreu. De la prise de conscience par les élites israéliennes de ce problème et de la réponse qui y sera apportée dépendra l’avenir des relations entre Juifs et Arabes en Israël et dans la région, avec, en filigrane, la réussite ou non du pari fait jusqu’ici par les diverses mouvances du sionisme traditionnel d’une coexistence pacifique entre Juifs et Arabes.

 

 

  1. Une      progression des positions du nationalisme arabe ?

 

            Constatant donc à la fois la progression du processus de criminalisation et de délégitimation d’Israël en Occident et en particulier en Europe, associée à une recrudescence décomplexée de toute mémoire dans cette dernière de l’antisémitisme, d’une part, et la radicalisation affichée par les dirigeants arabes israéliens, de l’autre, on peut se demander si la crise de Gaza n’a pas été marquée par une progression des thèses palestiniennes et arabes aux dépens d’Israël. Rappelons que le nationalisme palestinien a toujours cherché avant tout à discréditer Israël et à affaiblir ce dernier, à défaut de pouvoir le détruire directement par les armes. On peut donc clairement déceler deux voies distinctes mais complémentaires dans la stratégie palestinienne depuis le Processus d’Oslo, voire depuis la période entre 1967 et 1974, date à laquelle l’OLP a infléchi sa stratégie de destruction d’Israël pour opter en faveur d’un programme « par étapes »[79]. L’essentiel est donc pour le nationalisme palestinien de couper Israël de l’Europe, en retournant l’opinion publique et les élites.

 

            En effet, dans le monde arabo-musulman, Israël est généralement présenté comme une émanation de l’Occident, et de l’Europe en particulier, en plein cœur de la « nation arabe » ou « musulmane ». Cette « émanation », selon ces thèses, serait en partie le résultat de la culpabilité occidentale envers les Juifs suite à la Shoah. D’où une présentation du conflit « en miroir », où Israël est présenté sous les traits du bourreau et nazifié, tandis que les victimes palestiniennes souffriraient d’un génocide, de crimes de guerre, de massacres et autres crimes contre l’humanité. Cette stratégie n’est donc pas nouvelle et a déjà rencontré certains succès par le passé, comme l’association infamante du sionisme au racisme dans une résolution de l’Assemblée générale de l’ONU en 1975 (annulée depuis lors)[80].

 

            Sur ce plan, les manifestations observées en Europe, la recrudescence des actes antisémites, la présentation manichéenne du conflit et strictement à charge contre Israël par les médias, la complaisance des milieux politiques, médiatiques et intellectuels pour la propagande islamiste du Hamas (comme hier avec celle du Hezbollah), tendent à démontrer qu’une nouvelle étape semble avoir été franchie et qu’une rupture paraît être en passe de se produire, isolant Israël de l’Europe et, au-delà, de l’opinion publique occidentale.

 

            Mais le nationalisme arabe agit également sur un autre plan contre Israël en œuvrant subtilement en sous-main dans le sens d’une politique irrédentiste. Des déclarations de Mahmoud Abbas dans le passé, pendant la seconde Intifada, ont d’ailleurs pu laisser entrevoir les espoirs des dirigeants palestiniens vis-à-vis de la population arabe israélienne. Si celle-ci semble pour l’instant préférer la citoyenneté israélienne, ses dirigeants ont néanmoins manifestement choisi une posture nettement moins conciliante et opté pour le défi vis-à-vis de l’Etat d’Israël, au risque d’un choc entre les communautés juive et arabe de ce pays. Là aussi, une rupture semble s’être opérée, avec une progression des positions du nationalisme arabe. La corrélation de cette progression avec l’amélioration des capacités de pénétration dans la société européenne de forces islamistes issues du Moyen-Orient, comme nous avons pu en déceler certains indices, n’en est que plus inquiétante.

 

  1.  Synthèse : un bilan mitigé

 

            Avant de conclure, il est temps de faire une synthèse des points forts de cette analyse. Après trois semaines d’opérations dans la bande de Gaza, Israël a clairement obtenu la victoire militaire sur le Hamas. L’opération « Plomb durci » a démontré les progrès notables de tsahal par rapport à 2006, où elle avait peiné à forcer la décision face au Hezbollah. L’armée israélienne a donc fait preuve de ses très grandes capacités de frappe grâce au retour aux opérations combinées et à un meilleur équilibre entre puissances aérienne et terrestre. Des progrès évidents ont été faits en termes de logistique. La chaîne de commandement a été révisée. Les équipements qui avaient fait défaut aux réservistes ont été disponibles aux troupes au sol. Surtout, Tsahal a su faire preuve de sa très grande capacité d’adaptation à un ennemi asymétrique qui a tenté, mais sans succès, de s’inspirer de la techno-guérilla du Hezbollah. Sa créativité, ses tactiques novatrices, associées à une très haute technologie ont été déterminantes sur le terrain. Autre fait majeur, le renseignement a été remarquable, s’appuyant sur un réseau d’informateurs humains et un renseignement technologique sans faille. Voilà qui a permis à Tsahal des performances peu communes. A la lumière de l’opération « Plomb durci », il apparaît donc clairement que Tsahal est bel et bien une des meilleures armées du monde. Israël a donc pu restaurer pleinement sa capacité de dissuasion sur le plan strictement militaire à l’occasion de cette opération, Tsahal se révélant être un outil de premier ordre sur le champ de bataille, y compris en milieu urbain.

 

            Par contre, le bilan politique semble plus incertain. Si Tsahal a visiblement su intégrer les recommandations de la Commission Winograd, qu’en est-il de l’échelon politique ? La détermination des objectifs est ainsi du ressort du politique, à qui revient le pouvoir décisionnel en derrière instance, le plaçant dès lors à la tête de la chaîne de commandement politico-militaire. Or c’est précisément cette dernière qui avait été pointée du doigt par la Commission Winograd, même si celle-ci s’était au final montrée plutôt clémente envers la direction politique, de façon assez inattendue d’ailleurs[81]. Par ailleurs, le concept de dissuasion, même militaire, ne dépend-t-il pas en définitive du politique, et ne doit-on pas plutôt parler de dissuasion politico-militaire ? Le comportement du gouvernement israélien et l’issue politique de l’opération « Plomb durci » se devaient donc de démontrer l’intégration par l’échelon politique des critiques issues de la guerre manquée de 2006 contre le Hezbollah au Liban.

 

            Les opérations militaires terminées et le Hamas incontestablement vaincu par Tsahal après trois semaines d’engagement au cours desquelles les islamistes ont été incapables de freiner la progression de l’armée israélienne, ne lui causant que des pertes très faibles et échouant même à capturer des soldats, projet pourtant maintes fois exprimé avant et pendant les opérations, le résultat politique semble d’autant plus incertain que les objectifs annoncés par les autorités israéliennes ne sont manifestement pas atteints. Certes, la guerre ne s’est pas achevée sur une résolution bancale et dangereuse pour la sécurité d’Israël et l’équilibre dans la région, à l’instar de ce qui s’était passé en 2006 avec la résolution 1701, négociée par les soins de l’actuelle ministre des Affaires étrangères Tsipi Livni et de son ancienne homologue américaine Condoleezza Rice. Mais le tableau n’est guère brillant en l’absence de tout accord concernant le réarmement du Hamas, et en dépit de déclarations de bonnes intentions de nombreux pays occidentaux. Si l’Egypte semble effectivement prendre un peu plus au sérieux le contrôle de sa frontière avec la bande de Gaza, rien ne dit que la contrebande d’armes cessera définitivement. C’est pourtant là la clef de toute stabilisation du front sud pour Israël et un des objectifs avoués de son opération militaire.

 

            Dans la même veine, il semble que le gouvernement israélien n’a pas assuré le contrôle de l’Axe Philadelphie en retirant sans doute prématurément ses troupes dès l’annonce d’un cessez-le-feu unilatéral. Du coup, la contrebande d’armes a déjà repris. Aucun accord avec le Hamas n’a été conclu au moment où ces lignes sont écrites, malgré des rumeurs persistantes et contradictoires dans la presse, provenant notamment de journaux en langue arabe[82]. On parle d’une trêve d’un an ou d’un an et demi. Mais n’est-ce pas la conclusion d’une trêve et l’échec qui en a résulté qui avait permis au Hamas de se réarmer depuis la précédente opération militaire dans la bande de Gaza, l’opération «Hiver chaud », en février-mars 2008 ?

 

            Autre dossier croupissant dans les méandres des négociations improbables entre Israël et le Hamas, celui de Guilad Shalid est toujours aux mains de ses ravisseurs islamistes, au mépris le plus total des conventions internationales. D’ailleurs, sa libération n’a jamais été vraiment évoquée comme un objectif durant les trois semaines d’opérations militaires.

 

            Enfin, et surtout, le Hamas est toujours en vie, ce qui lui permet de crier victoire. D’ailleurs, à peine la guerre finie, les islamistes ont repris le contrôle de la bande de Gaza, avec la poigne de fer qu’on leur connaît. Quelques ONG ont alors émis des critiques. Mais n’est-ce pas un peu tard pour le faire, quand elles en avaient l’occasion pendant la guerre et même avant ? Il faut dire aussi que les autorités israéliennes n’ont jamais su se mettre d’accord sur l’avenir du Hamas dans la bande de Gaza, tiraillées qu’elles étaient entre la crainte d’une anarchie à Gaza et la peur d’un ennemi islamiste aux portes des localités du sud d’Israël. Sans oublier les dissensions entre les membres du triumvirat à la tête du gouvernement israélien, si proche des élections de ce 10 février en Israël. En attendant, les tirs de roquettes continuent, même de façon sporadique, obligeant régulièrement la Heyl Ha’Avir à intervenir[83].

 

            Le gouvernement israélien a, semble-t-il, négligé que dans une guerre asymétrique, ne pas perdre est une victoire pour l’acteur asymétrique. Et pour ce dernier, ne pas perdre, c’est parfois tout simplement rester en vie. Le gouvernement israélien aurait-il une fois de plus manqué de détermination dans sa conduite de la guerre ? N’est-ce pas là une fois encore un mauvais message envoyé par Israël à ses ennemis et aux forces déstabilisatrices dans la région ? Il serait peut-être temps que les dirigeants israéliens méditent cette maxime désormais fameuse du général Beaufre selon laquelle la guerre est une dialectique des volontés.

 

            Et le tableau régional n’est pas bien meilleur. La guerre à Gaza a révélé un monde arabe divisé, écartelé entre la question de l’expansion iranienne d’un côté, et sa propagande destinée à calmer les ardeurs des populations du Moyen-Orient, souvent confrontées à l’incurie et à la corruption des gouvernants en place, de l’autre. Ajoutons l’inconscient collectif qui considère qu’Israël est toujours au centre de tous les problèmes du monde arabo-musulman, et on comprend les difficultés des dirigeants arabes de s’accorder sur une ligne commune face au danger que représente l’islamisme dans la région.

 

            On peut d’ailleurs épingler le rôle encore mal connu des Frères musulmans au cours de ce conflit, y compris sur la scène européenne, où ils sont très bien implantés. N’oublions pas que le Hamas est une de leurs émanations et que les milieux djihadistes et salafistes y puisent leur inspiration. Voilà qui jette une ombre encore plus sombre sur les manifestations qui ont eu lieu dans le monde entier et en particulier en Europe, où des slogans ouvertement antisémites ont pu fleurir à l’occasion.

 

            Autre acteur régional de poids : l’Iran. Si celui-ci soutient indéniablement le Hamas, il est difficile de se prononcer sur ses gains dans l’opération. Est-il sorti renforcé du résultat de « Plomb durci » ? Sur le plan militaire, le Hamas est durement atteint et mettra du temps à se reconstituer. Mais vu que le gain politique d’Israël n’est pas assuré et que toutes les conditions nécessaires au tarissement des sources d’approvisionnement en armes du Hamas ne sont pas réunies, on ne peut pas encore juger du coût pour l’Iran de la guerre à Gaza. En fait, tout dépendra à la fois de la nouvelle direction israélienne issue des toutes récentes élections législatives, mais dont il est possible qu’on ne connaisse le visage que dans plusieurs semaines, et de la nouvelle politique américaine de l’administration Obama, dont on sait d’ores et déjà qu’elle privilégiera une politique de détente et la négociation avec l’Iran, en vue de la conclusion d’une entente, vieux rêve de certains milieux politiques américains.

 

            La Turquie et l’Egypte sont quant à elles à la croisée des chemins. L’Egypte, surtout, se trouve désormais devant un choix crucial face au Hamas, sous la double pression déstabilisatrice des Frères musulmans et de l’Iran. Dans ce cadre, la coordination de sa politique avec Israël et les Etats-Unis est d’une importance capitale pour son avenir. Mais son action politique, militaire et diplomatique ne sera pas le seul facteur permettant, ou non, à l’Egypte de prendre la bonne direction. Dans ce contexte mouvant, sa politique intérieure sera sur la sellette, avec, en particulier, sa propagande, virulemment antisémite et peu propice à l’équilibre régional, paradoxe d’un régime fatigué, trop faible pour contrôler totalement son armée, et secrétant son propre poison, celui qui nourrit précisément ses ennemis les plus dangereux, tapis dans les faubourgs du Caire.

 

            L’Autorité palestinienne ne s’en trouve pas mieux lotie. La persistance du Hamas à Gaza n’augure pas pour elle d’une meilleure assise locale, en dépit d’une proposition renouvelée de dialogue avec le Hamas, en vue d’une toujours impossible entente sur un gouvernement national palestinien. Et les déclarations pleines de bonnes intentions des diplomates occidentaux en faveur d’un renforcement de Mahmoud Abbas n’y pourront rien. Au-delà, le mouvement national palestinien paraît toujours emprisonné dans ses mythes et de ses contradictions, hypothéquant toujours un peu plus le règlement du contentieux israélo-arabe.

 

            Sur le plan international, il faut relever la situation singulière qui prévaut en Europe. Une puissante alliance entre médias, politiques et intellectuels est désormais en place et a démontré sa virulence, empoisonnant les débats à l’occasion de l’opération israélienne « Plomb durci ». L’instrumentalisation manifeste de la morale et du droit international n’a en effet pas été le seul fait de la propagande arabe et islamiste. Elle a bénéficié clairement de la complaisance, voire du zèle de certains milieux occidentaux, et en particulier en Europe. Si le conflit israélo-arabe ne trouvera sa solution que dans l’éducation et l’éradication de l’antisémitisme au Moyen-Orient, peut-être l’Europe devrait-elle commencer à faire de même et ne plus tourner le dos à sa mémoire, si douloureuse soit-elle. Sans cela, elle perdra immanquablement en crédibilité, tant sur le plan moral que politique. N’en déplaise à certains, c’est le cœur même de sa civilisation qui a été un peu plus atteint durant cette guerre. Les violentes manifestations qui ont eu lieu sur son sol et la recrudescence de l’antisémitisme qu’on a pu, hélas, constater n’en sont que des signes tangibles et inquiétants.

 

  1.  Conclusion

 

            On le voit, les seules ruptures visibles qui se sont manifestées à l’occasion de la guerre de Gaza ne sont pas nécessairement positives et incitent au contraire à la prudence, voire à l’inquiétude. Il est par conséquent difficile de considérer l’opération israélienne « Plomb durci » comme un succès. Israël a démontré qu’il avait restauré un outil de dissuasion efficace avec la victoire sans appel de Tsahal sur le terrain, et le Hamas a été réellement et durement atteint. Néanmoins, en dépit de cet affaiblissement militaire du Hamas à Gaza, celui-ci reste debout et bien implanté. Son maintien au pouvoir et sa forte assise sociopolitique dans la région font planer un danger perpétuel sur Israël, tandis qu’ils grèvent durablement l’Autorité palestinienne, hypothéquant par là toute possibilité d’accord de paix dans la région.

 

            Mais le Hamas constitue également la branche palestinienne des Frères musulmans et le récent conflit à Gaza a démontré que la Confrérie possède un dangereux pouvoir de déstabilisation dans la région et en Europe. La combinaison à la fois de l’influence des Frères musulmans au Moyen-Orient et en Europe, de la progression des thèses d’un nationalisme arabo-palestinien qui ne se départit pas de sa substance pathologique, et du maintien du pouvoir de nuisance de l’Iran, puissance ouvertement révisionniste dont l’expansionnisme n’est toujours pas démenti, ne peut qu’inquiéter. La conjonction de l’islamisme et du nationalisme au Moyen-Orient a encore des beaux jours devant elle, même s’il appert que le premier prend l’ascendant depuis quelques années et qu’il phagocyte le second, à l’image de ce que l’on peut constater dans la société palestinienne.

 

            Le résultat mitigé de l’opération « Plomb durci », dû essentiellement au manque de détermination du leadership israélien dans un contexte certes limité par le calendrier politique, à la faillite de l’Egypte, avec sa responsabilité face à la contrebande d’armes à destination de la bande de Gaza, et à la complaisance des élites européennes et occidentales vis-à-vis des thèses anti-israéliennes, même lorsque cela implique un soutien aux islamistes, ne présage pas d’un Moyen-Orient plus stable demain et explique pourquoi la carte de la région n’a pas évolué positivement à l’occasion de la guerre de Gaza.

 

            Si les puissances occidentales paraissent avoir désormais pris conscience de la nécessité de couper les sources d’approvisionnement en armes du Hamas en soutenant Israël et l’Egypte, il semble que cette dernière soit bien au cœur du combat contre les islamistes du Hamas. Sa fragilité n’est malheureusement pas un gage de succès. C’est donc sans doute là le maillon faible où l’Iran et les islamistes chercheront à agir à l’avenir. Mais que penser alors de la stratégie américaine qui se dessine avec l’administration américaine de Barack Obama, qui semble privilégier une forme de détente et cherche activement un arrangement avec l’Iran, paraissant ignorer au passage la nature du danger de l’islamisme ?

 

 

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[1] Il s’agit en fait d’une référence à la fête juive de Hanoukka, la Fête des Lumières, dont la célébration coïncidait avec la brusque montée de la tension dans la région. Plus précisément, ce nom de code renvoie à une chanson populaire écrite par le grand poète Haïm Bialik, haute figure de la poésie en langue hébraïque : « Mon maître m’a donné une toupie coulée dans du plomb durci. Savez-vous en l’honneur de quoi ? En l’honneur de Hanoukka ! ». Il s’agit d’une référence à un jeu populaire pour les enfants, le dreidel. La toupie dont il est question est de forme parallélépipède et sont gravées, sur ses quatre faces, des lettres hébraïques « noun », « gimel », « he » et « shin » formant l’acronyme de la phrase « un grand miracle est arrivé là-bas ». Rappelons que la fête de Hanoukka commémore la victoire des Hasmonéens sur Antiochus IV de Syrie à la suite d’une guerre de deux ans dont le Livre des Maccabées, non inclus dans le corpus de la Bible hébraïque, restitue le contexte historique. En réalité, la signification juive de cette fête est expliquée dans le Talmud : les vainqueurs ayant chassé les profanateurs du Temple, ne trouvèrent plus d’huile consacrée, sauf une fiole, en principe destinée à brûler un seul jour. Elle brilla cependant les huit jours nécessaires à la fabrication d’une nouvelle huile, par un miracle qui est donc célébré par la liturgie juive jusqu’à ce jour. C’est la raison pour laquelle cette fête est appelée Fête des Lumières et dure huit jours.

[2] Pendant les six mois de trêve entre Israël et le Hamas, 362 roquettes et obus de mortier ont été tirés par ce dernier. http://www.terrorism-info.org.il/malam_multimedia/fr_n/pdf/ipc_f007.pdf.

[3] « Abbas n'est plus le chef », Jerusalem Post (édition française), 09/01/09.

[4] « Gen. Dayton admits US is helping Fatah », Jerusalem Post, 27/05/07, http://www.jpost.com/servlet/Satellite?cid=1178708687359&pagename=JPost%2FJPArticle%2FPrinter

[5] « Combattre le Hamas en Judée-Samarie », Jerusalem Post (édition française), 16/01/09.

[6] « Jusqu'à la destruction du Hamas », Jerusalem Post (édition française), 30/12/08. « Israël se dit déterminé à faire "tomber" le Hamas », Le Matin, 29/12/08, http://www.lematin.ch/actu/monde/israel-dit-determine-faire-tomber-Hamas-63047.

[7] « IDF Targets Senior Hamas Leader Said Siam », IDF, http://dover.idf.il/IDF/English/News/the_Front/09/01/1502.html.

[8] « Des têtes tombent au Hamas », Jerusalem Post (édition française), 29/12/09. « UAVs Are One Step Ahead in Gaza», IDF, http://dover.idf.il/NR/exeres/537834F5-35B8-4928-A743-659AE7FCDEBF.html.

[9] Auxquels il faut ajouter la mort de quatre civils à cause des tirs de roquettes.

[10] « Le trafic clandestin reprend à Gaza », Jerusalem Post (édition française), 21/01/09.

[11] «US, Israel sign anti-smuggling deal», Yediot Aharonot, 16/01/09.

[12] « Don’t count on Egypt », Yediot Aharonot, 18/01/09.

[13] « Israël n'a pas atteint tous ses objectifs à Gaza », Le Figaro, 23/01/09.

[14] « A Gaza, des ONG dénoncent la répression du Hamas », Le Monde, 31/01/09, http://www.lemonde.fr/web/imprimer_element/0,40-0@2-1137859,50-1148835,0.html.

[15] «Israel begins pulling troops from Gaza; soldiers say 'could have done more », Yediot Aharonot, 18/01/09. «Hamas down but not out », Yediot Aharonot, 19/01/09.

[16] « Nous n'avons pas intérêt à détruire le Hamas», interview de Martin Van Creveld, in Le Figaro, 13/01/09.

 

[17] Voir « Guerre au Liban : premières leçons », par Emmanuel Dubois, note d’analyse de l’ESISC, 13/09/06, http://www.esisc.org/documents/pdf/fr/guerre-au-liban.pdf.

[18] Mentionnons par exemple l’acquisition du système de protection Trophy de Raphael pour les chars Merkava.

[19] Sans oublier ses capacités contre-insurrectionnelles démontrées lors de la seconde Intifada, amenant la victoire d’Israël lors de cette dernière. « Israel's Intifada Victory », Charles Krauthammer, Washington Post, 18/06/2004, http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/articles/A50910-2004Jun17.html.

[20] Il faut ajouter que les tirs amis constituent actuellement un de problèmes les plus difficiles rencontrés par les armées modernes (coalition en Irak, forces alliées en Afghanistan…), nécessitant des adaptations constantes, y compris au niveau technologique.

[21] « A Gaza, un mannequin criblé de balles qui en dit long », L’Express, 20/01/09.

[22] John A. Warden est un colonel de l’US air force qui a théorisé l’usage de la puissance aérienne de la guerre. Son ouvrage essentiel est “The Air Campaign: Planning for Combat”. Pour lui, l’ennemi est avant tout un système organisé en cinq cercles concentriques : le commandement (au centre), les éléments organiques essentiels (production, énergie…), les infrastructures (communications, routes, ports…), la population, et les forces armées (cercle extérieur). Pour détruire l’ennemi, il faut frapper ces cinq cercles en même temps. Bien sûr, frapper ne signifie pas nécessairement détruire. Cette théorie a été au centre des diverses campagnes menées par les armées de l’OTAN, depuis Desert Strom en 1991, jusqu’en Irak en 2003. Les Israéliens eux-mêmes s’en sont inspirés lors de la guerre de 2006 contre le Hezbollah au Liban et l’ont donc semble-t-il aménagée lors de l’opération « Plomb durci », l’adaptant au contexte d’une guerre asymétrique.

[24] «Livni on UN resolution: We will act only in our interest », Ynetnews.com, 09/01/09 http://www.ynet.co.il/english/articles/0,7340,L-3653286,00.html. “Gaza: le Hamas "rejette" la résolution du Conseil de sécurité », AFP, 09/01/09.

[25] « Olmert: UN resolution impractical », Ynetnews.com, 09/01/09, http://www.ynet.co.il/english/articles/0,7340,L-3653286,00.html.

[26] « Ligue arabe : divisions sur une réunion extraordinaire », Jerusalem Post (édition française), 15/15/01/09. « Les Arabes paralysés par une "guerre froide" », Le Monde, 17/01/09.

[27] Voir « Le Hamas, Bras armé de l’Iran », par Dimitri Dombret, note d’analyse de l’ESISC, 20/01/09, http://www.esisc.org/documents/pdf/fr/Hamas-2-433.pdf.

[28] Sur l’attitude de la presse arabe, voir : « Les médias et la « rue arabe » face à la crise de Gaza », par Lhoussain Azergui et Claude   Moniquet, note d’analyse de l’ESISC, 15/01/09, http://www.esisc.org/documents/pdf/fr/les-medias-et-la-rue-arabe--431.pdf.

[29] «Egypt: Israel drunk with power, violence », Ynetnews.com, 17/01/09, http://www.ynet.co.il/english/articles/0,7340,L-3657564,00.html.

[30] «Egypt FM: Hamas gave Israel the excuse to launch Gaza attacks », Haaretz, 02/01/09.

[31] «Jordanian recalls ambassador to Israel in protest of Gaza op », Ynetnews.com, 09/09/01, http://www.ynet.co.il/english/articles/0,7340,L-3653588,00.html.

[32] « Les ambiguïtés de Mahmoud Abbas », Le Figaro, 31/12/08.

[33] Sur ce point, voir « Yasser Arafat au Hamastan : guerre asymétrique et politicide », par Emmanuel Dubois, note d’analyse de l’ESISC, 17/09/07, http://www.esisc.org/documents/pdf/fr/de-yasser-arafat-au-hamastan-guerre-asymetrique-et-politicide-304.pdf.

[34] « Nasrallah: Egypt accomplice in 'Gaza crime'», Ynetnews.com, 28/12/08, http://www.ynet.co.il/english/articles/0,7340,L-3646081,00.html. « Le monde arabe demande des comptes à l'Égypte  », Le Figaro, 29/12/08, http://www.lefigaro.fr/international/2008/12/29/01003-20081229ARTFIG00187-le-monde-arabe-demande-des-comptes-a-l-egypte-.php.

[35] « Face aux accusations de "complicité" avec Israël, l'Egypte tente de négocier un cessez-le-feu », Le Monde, 29/12/08.

[36] « Egypt to Nasrallah: Our forces can defend nation », Ynetnews.com, 29/12/08, http://www.ynet.co.il/english/articles/0,7340,L-3646556,00.html. “Egypt refuses full opening of Gaza crossing », Ynetnews.com, 30/12/08. http://www.ynet.co.il/english/articles/0,7340,L-3647299,00.html.

[37] Cf. Article 2 de la Charte du Hamas.

[38] « Sarkozy : "Le Hamas a agi de façon impardonnable" », Le Figaro, 05/01/09.

[39] «Turkish PM: Israel should be barred from UN », Ynetnews.com, 16/01/09, http://www.ynet.co.il/english/articles/0,7340,L-3657237,00.html.

[40] « Dear Prime Minister Erdogan », David Harris, Jerusalem Post, 01/02/09, http://cgis.jpost.com/Blogs/harris/entry/dear_prime_minister_erdogan_posted

[41] « L'Amérique latine anti-USA tourne le dos à Israël, fustige le conflit à Gaza », Le Matin, 17/01/09, http://www.lematin.ch/flash-info/monde/lamerique-latine-anti-usa-tourne-dos-israel-fustige-conflit-Gaza.

[42] « Ne nous posons pas de question : Israël a (toujours) tort !», par Claude Moniquet, ESISC, 05/01/09, http://www.esisc.org/documents/pdf/fr/edito-plomb-durci-426.pdf.

[43] « Cosi i ragazzini di Hamas ci hanno utilizzato come bersagli », Corriere della Sera, 21/01/09, http://www.corriere.it/esteri/09_gennaio_21/denuncia_Hamas_cremonesi_ac41c6f4-e802-11dd-833f-00144f02aabc.shtml. Cependant, il faut noter que, dans un rapport spécial, Tsahal a publié son propre bilan après avoir vérifié l'identité des personnes tuées au cours de l'opération « Plomb durci ». Dans ce document de 200 pages, l’IDF liste leur nom, leur numéro d'identité, les circonstances de leur mort, et quand cela se présente, le groupe terroriste auquel l'individu était affilié. Ce rapport, ouvert pour la première fois au public le 15/02/09 par l’armée israélienne, s’est basée sur les chiffres publiés par les sources palestiniennes elles-mêmes. Selon ces dernières, l'opération aurait fait 1.338 morts. Néanmoins, Tsahal n’a jusqu’à présent identifié que 1200 personnes, parmi lesquelles 580 étaient des combattants certifiés du Hamas et d'autres organisations terroristes et 300 étaient des civils, femmes et enfants âgés de moins de 15 ans. Les 320 noms à classifier encore sont tous des hommes. Tsahal, qui possède déjà les données d’identification dans la majeure partie de ces cas estime que deux-tiers d’entre eux étaient des terroristes. A noter que parmi les femmes, certaines ont participé à des tentatives d’attentats-kamikazes, notamment à proximité des forces parachutistes et Givati et ont donc été répertoriées dans les
combattants. ”'World duped by Hamas death count'”,Jerusalem Post, 16/02/09, http://www.jpost.com/servlet/Satellite?cid=1233304788684&pagename=JPost%2FJPArticle%2FShowFull.

[44] A ce propos, il faut remarquer qu’en dépit de certaines critiques claires du Hamas par le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, celui-ci s’est empressé de se joindre à son rival pour dénoncer les massacres, crimes de guerre d’Israël contre « le peuple palestinien ». Autre chose remarquable, les interventions très nombreuses de Leila Shahid sur les plateaux de télévision ou sur les ondes radiophoniques et ses discours tissés de sophismes destinés à rendre Israël systématiquement coupable de crimes contre l’humanité, tandis qu’elle peinait de façon évidente à condamner le Hamas, dont on sait pourtant la responsabilité dans ce conflit et dans la situation dramatique dans laquelle se trouve l’Autorité palestinienne.

[45] « L'antisémitisme en 2008 est en baisse, sauf pendant la période de l'opération "Plomb durci" »– Le rapport du Forum pour la Coordination du Combat contre l'Antisémitisme, http://www.antisemitism.org.il/fra/2008.

[46] « Israël rouvre ses points de passage, les tirs se poursuivent », Reuters, 26/12/08. « Israël entrouvre Gaza à l'aide humanitaire », Le Figaro, 27/12/08, http://www.lefigaro.fr/international/2008/12/27/01003-20081227ARTFIG00204-israel-entrouvre-Gaza-a-l-aide-humanitaire-.php.

[49] « On proportionality », Michael Walzer, The New Republic, 08/01/09, http://www.tnr.com/politics/story.html?id=d6473c26-2ae3-4bf6-9673-ef043cae914f. Michael Walzer est précisément l’un des principaux experts de cette notion de guerre juste, auteur de Just and Unjust Wars et professeur à l’Institute for Advanced Studies à Princeton. Certains des arguments qui suivent dans cette analyse s’inspirent de cet article.

[50] Un élément qui n’est jamais rapporté par ceux qui arguent du peu de morts israéliens du fait des bombardements palestiniens et qui oublient deux choses. Tout d’abord, les autorités israéliennes font tout ce qui est en leur pouvoir pour protéger leur population des roquettes du Hamas. Ensuite, un nombre très élevé d’Israéliens vivant dans le sud d’Israël, et en particulier à Sdérot, souffrent de symptômes de stress post-traumatique. C’est par exemple le cas de près de 75 à 94 % des enfants entre 4 et 18 ans. “Study: Most Sderot kids postramatic stress symptom », Haaretz, 17/01/08, http://www.haaretz.com/hasen/objects/pages/PrintArticleEn.jhtml?itemNo=945489. Certaines études plus récentes tendent à démontrer que le pourcentage de symptômes post-traumatiques rencontrés dans la population de Sdérot est plus élevé qu’à Gaza : « Study: Over half of Sderot residents are Qassam casualties”, Ynetnews.com, 24/11/08, http://www.ynetnews.com/articles/0,7340,L-3627943,00.html.

[51] Interview de François Léotard, réalisée pour Primo-Europe, 13/01/09, http://www.primo-europe.org/impression.php?numdoc=Ed-61807932.

[52] « Obama: Countries must protect citizens », Jerusalem Post, 11/01/09.

[53] Indépendamment de cette volonté de limiter au maximum les pertes parmi la population civile de Gaza, il est intéressant de noter également que certaines de ces opérations de largage de tracts ou d’envois de sms ont pu être menées par Tsahal à titre de PSYOPS, ou opérations psychologiques, destinées notamment à désolidariser la population gazaouie du Hamas.

[54] Mentionnons certaines critiques d’Amnesty international en ce qui concerne par exemple la répression exercée par le Hamas dans la bande de Gaza qui a succédé à la fin des opérations militaires. En réalité, cette violence islamiste n’a rien de nouveau. A noter qu’elle se produit dans l’autre sens en Cisjordanie, le Fatah et le Hamas étant en guerre ouverte. «'Hamas rounding up, torturing Fatah activists in Gaza Strip'», Khaled Abu Toameh, Jerusalem Post, 19/01/09, http://www.jpost.com/servlet/Satellite?cid=1232292907998&pagename=JPost%2FJPArticle%2FShowFull. On peut évoquer les accusations de vol de biens humanitaires lancées par l’UNRWA à l’encontre du Hamas. (« Le Hamas a confisqué une aide humanitaire de l'ONU à Gaza », AFP, 04/02/09.) Là encore, il n’y a rien de nouveau, en dépit des déclarations des responsables de l’agence onusienne. En effet, ces vols durent depuis longtemps et se sont notamment produits également pendant la guerre à Gaza : “Report: Hamas stealing aid supplies to sell to residents », Ynetnews, 06/01/09, http://www.ynet.co.il/english/articles/0,7340,L-3651783,00.html. « Jordan says Hamas seizes aid covoy sent to Gaza”, Reuters, 09/02/09, http://www.reuters.com/article/featuredCrisis/idUSL0983878.

[55] « Le commissaire européen Louis Michel n'épargne pas le Hamas », L’Express, 26/01/09, http://www.lexpress.fr/outils/imprimer.asp?id=736089.

[56] Voir note 21.

[57]« Arme “légal”, usage critiqué », Gérald Papy, La Libre Belgique, 14/01/09, http://www.lalibre.be/actu/monde/article/474497/arme-legal-usage-critique.html.

[58] Un des reproches adressés à l’OTAN concernait le recours à l’arme aérienne et aux bombardements à haute altitude en particulier. L’OTAN avait opposé le souci de la protection de ses propres troupes. Dans ce cadre, le Procureur public du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) avait tranché en faveur de l’Alliance atlantique. Il avait considéré, à la suite des conclusions d’un groupe d’experts, que les pertes civiles pouvaient être raisonnablement envisagées comme étant en lien avec l’obtention d’un gain militaire. Ainsi, même s’il avait été avéré qu’une stratégie différente aurait pu diminuer le niveau de pertes civiles, l’importance du risque encouru par les troupes intervenantes pouvait être prise en compte, en relation avec l’obtention d’un avantage militaire, le choix de la stratégie mise en œuvre restant totalement à la discrétion de l’Etat intervenant.

[59] Interview à RTL+, le 13/01/09, http://video.rtlinfo.be/video/10723.aspx .

[60] Rappelons ici que Tsahal évolue dans le même paradigme d’emploi de la force militaire que les forces occidentales déployées aux quatre coins du monde depuis ces vingt dernières années. Il serait ainsi très intéressant de comparer les codes d’engagements de l’IDF avec ceux des diverses armées de l’OTAN.

[61] Protocole sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi des armes incendiaires (Protocole III). Genève, 10 octobre 1980, http://www.icrc.org/dih.nsf/FULL/515?OpenDocument.

[62] « Tsahal progresse prudemment », interview de Joseph Henrotin par Gérald Papy, la Libre Belgique, 14//01/09, http://www.lalibre.be/article_print.phtml?art_id=474452.

[63] « Gaza : des organisations portent plainte pour "crimes de guerre" devant la CPI », Le Monde, 13/01/09. A remarquer que ladite Cour pénale internationale s’est depuis déclarée incompétente sur le sujet. Cependant, l’Autorité palestinienne a écrit à la CPI pour dire qu’elle demandait une enquête, acceptant sa compétence. On attend donc de voir si l’Autorité palestinienne se verra traînée en justice pour les nombreux crimes de guerre dont elle s’est rendue coupable depuis de nombreuses années. Rappelons d’ailleurs que le « gouvernement élu » du Hamas fait partie de l’Autorité palestinienne. Mais il semble que celle-ci ne craigne rien, vu l’impunité dont elle jouit généralement.

[64] Député canadien et professeur de droit international à l’université McGill de Montreal.

[65] «Law professor: Hamas is a war crimes 'case study'», Jerusalem Post, 13/01/09, http://www.jpost.com/servlet/Satellite?cid=1231866576202&pagename=JPArticle%2FShowFull.

[66] «Jewish communities targeted in Europe », ESISC, 05/01/09, http://www.esisc.org/impression.php?Id=F100211. http://www.esisc.org/impression.php?Id=F10116.

[67] « La Catalogne annule une cérémonie commémorative de la Shoah à cause de l’opération israélienne », CICAD, 23/01/09, http://www.cicad.ch/index.php?id=2086&tx_ttnews[tt_news]=5190&tx_ttnews[backPid]=2085&cHash=8eaa4f3644

[68] Il s’agit en fait d’une affaire à rebondissements puisque après avoir été annulée, l’exposition a été reprogrammée, sans doute en raison de nombreuses protestations qui avaient suivi la nouvelle de son annulation, y compris au sein même du corps enseignant de La Cambre. « Expo suspendue : un boycott d’Israël ? », Guy Duplat, La Libre Belgique, 04/02/09. « L'hypocrisie ensable Tel-Aviv », Daniel Couvreur et Danielle Gillemon, Le Soir, 04/02/09. « Art et chiffons belges », Metula News Agency, 11/02/09, http://www.menapress.com/article.php?sid=2335.

[69] « Enrico Macias et Arthur victimes de l’antisémitisme », L’Express, 18/01/09, http://www.lexpress.fr/actualite/societe/enrico-macias-et-arthur-victimes-de-l-antisemitisme_732581.html?xtor=RSS-186. En plus de la dimension clairement antisémite et de l’hystérie antisioniste qui entourent ces attaques contre des artistes d’origine juive, on peut s’interroger et se demander s’il ne faut pas y voir également une triste réminiscence du boycott qui avait frappé Salvatore Adamo dans le monde arabe à la suite de sa chanson Inch’Allah.

[70] Ajoutons que l’on pourrait comparer les bilans, même ceux émanant des services du Hamas et diffusés par les médias internationaux, avec les bilans provenant d’autres régions où opèrent des forces occidentales, comme l’OTAN, en Afghanistan actuellement ou au Kosovo hier, pour se rendre compte que l’armée israélienne est souvent moins meurtrière que les autres, malgré des armements comparables. « Une enquête US confirme la mort de 37 civils en Afghanistan », Libération, 09/11/08, http://front.liberation.fr/depeches/0101201508-une-enquete-us-confirme-la-mort-de-37-civils-en-afghanistan. Civilian casualties of the War in Afghanistan (2001–present), Wikipedia, http://en.wikipedia.org/wiki/Civilian_casualties_of_the_War_in_Afghanistan_(2001%E2%80%93present).

[71] « Arab medias call to the boycott of Jewish, American and French banks and companies », ESISC, 14/01/09, http://www.esisc.org/impression.php?Id=F10142.

[72] « Ayman al-Zawahiri calls to attack “Western interests everywhere in the world” », ESISC, 07/01/09, http://www.esisc.org/impression.php?Id=F100211. « AQIM threatens Western and Israeli interests throughout North Africa over Gaza », ESISC, 15/01/09, http://www.esisc.org/impression.php?Id=F10170.

[73] «Day of Wrathand high risk of anti-Semitic attacks or incidents on Friday », ESISC, 15/01/09, http://www.esisc.org/impression.php?Id=F10091.

[74] A remarquer que le risque sécuritaire lié à l’opération israélienne « Plomb durci » avait déjà été analysé par l’ESISC de façon globale lors d’une précédente note d’analyse: « La menace terroriste découlant de la crise de Gaza et le risque sécuritaire à moyen terme, note d’analyse de l’ESISC », par Claude   Moniquet, note d’analyse de l’ESISC, 06/01/09, http://www.esisc.org/documents/pdf/fr/la-menace-terroriste-decoulant-de-la-crise-427.pdf.

[75] « Salah: If we had an army, it would act », Ynetnews.com, 30/12/08, http://www.ynet.co.il/english/articles/0,7340,L-3647463,00.html. « Tibi: End war crime in Gaza », Ynetnews.com, 09/01/09, http://www.ynetnews.com/articles/0,7340,L-3653532,00.html. « MK Zahalka: probe alleged killing of Palestinian POWs in Gaza », Ynetnews.com., 08/01/09, http://www.ynetnews.com/articles/0,7340,L-3653166,00.html. «’Israeli minister war criminals’», Ynetnews.com, 27/01/09, http://www.ynetnews.com/articles/0,7340,L-3645080,00.html. « Sakhnin protest: IDF op a war crime », Ynetnews.com, 03/01/09, http://www.ynetnews.com/articles/0,7340,L-3649584,00.html.

[76] « Zahalka: Israel wants to kill as many Palestinians as possible », Jerusalem Post, 03/03/08.

[77] « High Court revokes ban on Arab parties from elections », Haaretz, 21/01/09.

[78] « Vents Mauvais sur la Galilée », Ugo Rankl, L’Impact n°37, 23 mars 2007, pp. 24-27.

[79] 12ème session du CNP, 1974. Contrairement à une légende tenace, la Charte de l’OLP n’a jamais été amendée et appelle toujours à la destruction d’Israël, en dépit d’une déclaration désormais fameuse de Yasser Arafat au cours de laquelle il avait lancé au sujet des aspects incriminés de la Charte de l’OLP que c’était « caduc ».

[80] Résolution 3379 de l’Assemblée générale des Nations-Unies votée le 10 novembre 1975 (72 pour, 35 contre et 32 abstentions). Elle a été annulée le 16 décembre 1991 par une autre résolution (111 pour, 25 contre et 13 abstentions).

[81] Pour l’analyse de la remise des conclusions de la Commission Winograd, voir : « Winograd, révélateur d’un « désengagement démocratique » et d’un effritement de l’Etat-nation ? », note d’analyse de l’ESISC, par Emmanuel Dubois, 17/03/08, http://www.esisc.org/documents/pdf/fr/winograd-369.pdf.

[82] « Hamas says sees Gaza truce deal in next 2-3 days », Reuters, 12/02/09, http://www.reuters.com/article/topNews/idUSTRE51B72T20090212. « L'accord pour la libération de Guilad Shalit devrait être conclu dans la semaine, selon le journal Al Hayyat. Le quotidien panarabe affirme qu'en parallèle de la trêve de 18 mois à Gaza, l'échange de prisonniers avec le Hamas devrait être finalisé d'ici mercredi. Selon des sources palestiniennes, Israël est prêt à élargir 1000 détenus palestiniens, et l'échange ''n'est qu'une question de temps''. » Guysen.International.News, 13/02/2009, 11:00. « Hamas: Shalit not part of truce deal », Ynetnews.com, 13/02/09, http://www.ynetnews.com/articles/0,7340,L-3671128,00.html. « Hamas: Shalit not part of truce deal », Ynetnews.com, 13/02/09, http://www.ynetnews.com/articles/0,7340,L-3671128,00.html.

[83] « IAF hits targets in Khan Yunis, Rafah after day of rockets », Jerusalem Post, 01/02/09. « IAF bombs Gaza weapons manufacturing site after rocket strikes Negev », Haaretz, 30/01/09, http://www.haaretz.com/hasen/objects/pages/PrintArticleEn.jhtml?itemNo=1059457. « IDF strikes Hamas targets after Grad hits Ashkelon », Haaretz, 04/02/09, http://www.haaretz.com/hasen/objects/pages/PrintArticleEn.jhtml?itemNo=1061353.


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