Ouzbékistan : oublier Andijan ?



 

 

Le 13 mai dernier marquait le troisième anniversaire de la sanglante répression des émeutes d’Andijan, une ville d’Ouzbékistan nichée dans la vallée de la Ferghana. Trois ans après, ces évènements sanglants semblent sur le point d’être passés par pertes et profits. Et le président ouzbek, Islam Karimov, surfant habilement sur les antagonismes russo-occidentaux, sur les contradictions de la politique de l’Union européenne et sur la complicité silencieuse, voire active, de ses voisins se voit conforté comme acteur régional, certes peu recommandable, mais incontournable. Retour sur un évènement qui, aujourd’hui encore, marque profondément les relations entre ce pays et les démocraties occidentales.

 

 

  1. 1.   Rappel des faits

 

Les évènements d’Andijan débutent le 13 mai 2005 quand, aux alentours d’une heure du matin, un groupe, fortement armé, prend d’assaut un commissariat de police et une caserne. Il se dirige ensuite vers le centre pénitentiaire et procède à la libération de plusieurs centaines de détenus, au rang desquels figurent une vingtaine de chefs d’entreprises locaux, détenus pour leur appartenance au groupe islamique Akramiya, la branche locale de l’organisation islamiste Hizb ut-Tahrir[1]. Par la suite, les insurgés s’emparent d’un bâtiment de l’administration régionale[2].

 

Selon l’agence de presse OuzA (Agence nationale d’information d’Ouzbékistan), le président Islam Karimov aurait effectué une visite éclair sur place. Après s’être entretenu avec les autorités locales, il aurait donné l’ordre de mettre fin à la situation avant de repartir vers Tachkent[3]. Le bilan réel des pertes en vie humaines ne sera jamais probablement connu. Les autorités reconnaîtront officiellement 169 morts[4]. De leur côté, les observateurs indépendants et les ONG présents sur place estiment les pertes en vies humaines à plus de 800, dont près de 200 dans la petite ville frontalière avec le Kirghizstan, Pakhtaobod.

 

De nombreux observateurs s’accordent pour estimer que les évènements d’Andijan constituent « le point d’orgue d’une série de protestations de colère populaire contre les conditions économiques déplorables dans lesquelles vit l’immense majorité de la population ouzbek[5] ». Pour preuve, les nombreuses manifestations récurrentes qui se sont déroulées dans les semaines précédentes, en divers endroits du territoire, en particulier quelques jours auparavant à Tachkent. En revanche d’autres observateurs soutiennent la piste exclusivement islamiste. Pour Shirin Akiner, co-directeur du programme de recherches avancées de l’OTAN sur « Les défis de sécurité en Asie centrale » et auteur d’un rapport d’enquête indépendante in situ, les pertes en vie humaines auraient été délibérément surestimées par les médias occidentaux et en réalité les autorités ouzbeks n’auraient fait que contrecarrer une tentative de coup d’état islamiste fomenté avec une aide extérieure[6].

 

a)  Des réactions internationales entre soutien plus ou moins tacite …

 

Sans surprise, les autorités russes en la personne du ministre des affaires étrangères, Sergei Lavrov, se rangent aux côtés d’Islam Karimov. En visite à Vienne, il déclare, le 16 mai 2005, que la Russie possède des preuves de l’implication de Talibans chassés d’Afghanistan qui seraient venus perpétrer des troubles sur le territoire ouzbek en vue de s’emparer du pouvoir[7]. Deux jours plus tôt son premier vice-ministre des affaires étrangères, Valeri Loshchinin, avait certes évoqué des raisons économiques et sociales, mais il avait, lui aussi, insisté sur le « facteur islamique » comme multiplicateur exponentiel de la violence.

 

Une telle réaction ne surprend pas Aleksei Makarkin, vice-directeur du Centre pour les Technologies politiques, un laboratoire d’idées basé à Moscou, pour qui les relations entre Moscou et Tachkent prennent, depuis la chute de l’empire soviétique, l’allure d’un « mariage de raison[8] ». D’un côté, le Kremlin tient avant tout à la stabilité de l’Asie centrale - il a très moyennement apprécié la « Révolution des Tulipes » au Kirghizstan, fin mars 2005 - et n’a pas perdu espoir de jouer un rôle majeur dans la région. De l’autre côté, un despote soucieux de se maintenir sur le siège qu’il occupe sans partage depuis 1990.

 

Au Kirghizstan voisin, le président intérimaire, Kourmanbek Bakiev, tout récemment porté au pouvoir après la « Révolution des Tulipes » et l’éviction d’Askar Akaiev, condamne sans ambages le Mouvement islamique d’Ouzbékistan et les représentants de l’organisation islamiste Hizb ut-Tahrir. Cependant, cette condamnation présidentielle se démarque de l’opinion largement répandue parmi ses concitoyens. Ceux-ci voient, avant tout dans les évènements d’Andijan, le résultat de « difficultés sociales, politiques et économiques[9] ».

 

Quant à la Turquie, son ministre des affaires étrangères souligne prudemment l’importance que revêt la stabilité de l’Ouzbékistan pour Ankara et appelle au bon sens des autorités et des manifestants pour mettre fin aux troubles[10].

 

b) … et réprobation graduée …

 

Les toutes premières réactions des démocraties occidentales montrent bien que leurs dirigeants n’ont pas pris pleinement la mesure de l’évènement. Elles  soulignent surtout leur embarras.

 

Dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001, le président Islam Karimov s’était immédiatement rangé aux côtés des occidentaux en guerre contre le terrorisme. Il s’était mu en un allié important en mettant à la disposition des États-Unis et de la coalition la base aérienne de Karshi-Khanabad, pion clé dans les opérations militaires à destination de l’Afghanistan. Le condamner un peu trop ouvertement reviendrait à se priver d’un allié important au cœur d’une région hautement stratégique pour les opérations de la coalition. 

 

Les États-Unis se contentent, par la voix de Scott McClellan, porte-parole de la Maison blanche, « de déplorer les violences et d’exprimer leurs inquiétudes à l’annonce de l’évasion de membres d’une organisation terroriste[11] ». Les ministres des affaires étrangères français et allemands, Michel Barnier et Joschka Fischer, demandent respectivement « l’ouverture du dialogue politique » et « l’envoi de missions de la Croix Rouge et d’organisations humanitaires sur place[12] ». L’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe, tout en appelant à la fin des violences et au respect des droits de l’homme, propose « ses services pour contribuer à l’apaisement et à l’analyse des causes du problème[13] ».

 

Seul pays à se démarquer très nettement de ces critiques « bon teint », le Royaume Uni. Son ministre des affaires étrangères, Jack Straw, décrit la situation comme étant « particulièrement sérieuse » et il estime « qu’un manque évident de démocratie et d’ouverture combiné à une situation d’abus manifestes en matière de droits de l’homme ont conduit à ce drame [14] ».

 

Une fois connue la gravité des évènements, les puissances occidentales rectifient le tir. Tout en admettant, à demi-mots, la nécessité de la fermeté contre le terrorisme, elles concentrent l’essentiel de leurs critiques sur l’usage excessif de la violence, l’absence de progrès dans le domaine des réformes politiques et économiques ainsi qu’en matière de droits de l’homme et d’état de droit[15]. Sortant d’une prudente réserve, le Secrétaire général des Nations Unies de l’époque, Kofi Annan, appelle les protagonistes à la retenue et au respect du droit humanitaire[16]

 

Les États-Unis annoncent qu’ils maintiennent le gel, entré en vigueur à l’été 2004 devant le peu de progrès en matière des droits de l’homme, des 18 millions de dollars d’aide à l’Ouzbékistan. La Banque européenne pour la Reconstruction et le Développement - BERD - avait fait de même en 2004 en gelant, pour la même raison, la plupart des fonds destinés au financement des projets de développement du secteur public. 

 

Les critiques les plus virulentes contre le régime d’Islam Kasimov sont prononcées par des ONG de défense des droits de l’homme, en particulier Amnesty International et la Fédération internationale finlandaise pour les droits de l’homme. Toutes deux condamnent sans appel « les autorités pour l’usage disproportionné de la violence » et dénoncent, encore une fois, « un régime dictatorial qui pratique la torture, qui viole l’ensemble des droits civils et politiques, qui nie la liberté de conscience et de pensée et qui interdit toute forme de pluralisme politique[17] ».

Au final, et c’est assez rare pour être souligné, c’est l’Union européenne qui met la barre beaucoup plus haut que les États-Unis dans la réprobation et la condamnation. Elle impose un embargo sur les importations d’armes à destination de l’Ouzbékistan et sur les visas pour douze hauts responsables soupçonnés d’être impliqués dans la répression brutale des émeutes. Elle fixe également comme condition indispensable à la levée des sanctions, l’ouverture d’une enquête internationale indépendante sur les évènements, sur la pratique de la torture et sur les parodies de procès qui ont suivi.

c)  … pour une efficacité plus que douteuse

 

Quinze jours après le début des évènements, le président Islam Karimov se rend en Chine pour une visite d’État. Bien que planifiée de longue date, cette visite, qui permet à Pékin d’afficher un soutien appuyé à Tachkent, se termine par la signature d’un traité sur les relations de partenariat et de coopération ainsi que par une vingtaine d’accords de coopération en matière commerciale et énergétique. Avec à la clé une promesse d’investissements chinois à hauteur de 1,5 milliard de dollars. Dans la foulée, il se rend à Moscou où il reçoit de la part de son homologue russe, Vladimir Poutine, un accueil des plus amicaux.

 

Dans les semaines qui suivent, les États-Unis se voient signifier la fin de leur stationnement sur la base militaire de Karshi-Khanabad[18] et les ONG américaines sont priées de plier bagages. Quant aux ONG locales, soupçonnées d’être de potentiels trouble-fêtes elles sont purement et simplement fermées. Les sanctions européennes entrent chaotiquement en vigueur en novembre 2005 alors que l’un des principaux responsables des massacres, le ministre de l’intérieur d’Ouzbékistan, Zokirjon Almatov, qui figure en très bonne place sur la liste des « bannis » de l’UE, se fait ostensiblement soigner dans une clinique allemande.

 

En novembre 2005, lors de son deuxième voyage à Moscou depuis les évènements tragiques de mai, le président Islam Karimov signe un traité présenté comme un « prolongement naturel du traité de partenariat stratégique de juin 2004[19] ». Il en profite également pour annoncer sa ferme intention de rejoindre la Communauté Économique Eurasiatique et l’Organisation du Traité de Sécurité Collective[20].

 

Comme on peut le constater au vu des résultats immédiatement obtenus, les sanctions n’ont pas eu l’effet que les puissances occidentales en attendaient. Bien au contraire. De tels résultats auguraient mal du devenir des relations avec l’UE et les États-Unis. Ils montrent aussi les limites de l’influence occidentale en Asie centrale avec pour résultat une donne complètement changée.

 

 

  1. 2.  Une victoire sans appel pour Islam Karimov ?

 

a)  Les racines du désamour

 

Le « désamour » entre Islam Karimov et les États-Unis prend certainement sa source dans la déception de voir les promesses d’investissements qui lui avaient été faites lors de sa visite, à Washington en 2002, tarder à se concrétiser.

 

Par ailleurs le jugement rendu, après plusieurs années de procédure, par la Cour de l’État du New-Jersey à l’encontre de Gulnara, sa fille, a également certainement contribué pour beaucoup à sa désaffection. Condamnée par contumace, en 2003, pour l’enlèvement de ses enfants, dans le procès qui l’oppose à son ex-mari, Mansur Maksudi, citoyen américain, elle devient une « criminelle recherchée ». La famille Karimov n’était certainement pas préparée à constater, à ses dépens, que la justice américaine est une justice indépendante. 

 

D’autre part, les différentes révolutions de couleur - Révolution Orange en Ukraine, Révolution des Roses en Géorgie et Révolution des Tulipes au Kirghizstan - ont contribué à renforcer la méfiance des dirigeants ouzbeks. Elles les ont même encouragés à s’engager dans la voie d’un tropisme sino-russe qui les mettrait à l’abri d’une telle aventure. Pour eux, il ne faisait aucun doute que le changement de régime au Kirghizstan était l’œuvre des chancelleries occidentales et que l’Ouzbékistan pouvait être la prochaine cible.

 

b) L’impuissance occidentale

 

Malgré leurs nombreuses demandes répétées pour la mise sur pied d’une commission d’enquête internationale sur les évènements d’Andijan, États-Unis, OSCE et UE se sont heurtés à une fin de non recevoir. Après trois années de glaciation des relations, Washington et Bruxelles essayent maintenant, tant bien que mal, de réparer ce qui peut l’être.

 

Le sobre télégramme de condoléances adressé aux ouzbeks par l’Ambassade des États-Unis à Tachkent, le jour du troisième anniversaire des évènements d’Andijan, illustre parfaitement la nouvelle orientation diplomatique de Washington. Lors de son passage à Tachkent, début juin, Richard Boucher, assistant du département d’État, a clairement annoncé la couleur. Le rétablissement des liens entre les deux pays passe par une « approche pragmatique[21] ».   

 

Tirant amèrement les conclusions des erreurs passées, les chancelleries occidentales en reviennent donc à la realpolitik. Bien loin des considérations démocratiques et humanitaires, bien loin des droits de l’homme, la réalité de l’enlisement afghan des occidentaux et la lutte généralisée et acharnée pour l’accès aux ressources énergétiques de l’Asie centrale imposent la relance des relations avec l’Ouzbékistan.

 

Saisissant ce que les ministres des affaires étrangères ont estimé être des progrès en matière des droits de l’homme[22], l’UE, fin avril a renouvelé, pour une seconde période de six mois, expirant en octobre, la suspension des sanctions. On peut rester sceptique devant une telle décision qui ne repose que sur de simples promesses verbales. D’autant plus, qu’aussitôt rendue publique l’annonce de la prolongation de la suspension des sanctions, Tachkent annulait sine die le séminaire UE-Ouzbékistan sur « les droits de l’homme et la démocratisation des médias ». 

 

c)  Le jeu ambigu de l’Allemagne

 

Obnubilée par la nécessaire diversification des sources d’approvisionnements énergétiques, l’Allemagne aura joué, dès le début et tout au long de cette crise, un rôle trouble qui aura contribué à affaiblir, avec détermination et efficacité, la position européenne.

 

Berlin parie sur la possible contribution que l’Ouzbékistan pourrait faire en matière gazière. C’est un pari risqué car il se fonde sur des ressources, supposées et jamais prouvées, dont certains experts s’accordent à reconnaître qu’elles pourraient être beaucoup moins élevées que ce que laissent entendre les autorités ouzbeks. Les États-Unis, l’Europe et en particulier l’Allemagne placent beaucoup d’espoir dans le projet de gazoduc Nabucco[23], prévu relier dans un premier temps l’Europe à l’Azerbaïdjan puis ultérieurement à l’Asie centrale.

 

Le problème, c’est que ce projet a subi un sérieux revers, courant 2007, à la suite de deux accords successifs conclus par la Russie avec Vienne et Rome. Comme le soulignait un expert américain de la région « l’Histoire retiendra que c’est en mai 2007 que les ambitions énergétiques des pays occidentaux en Asie centrale se sont effondrées. Au cours de ce mois, la Russie semble bien avoir réduit à néant les projets américains et européens d’importation directe des ressources énergétiques d’Asie centrale. Cette défaite de la stratégie américaine d’accès direct aux immenses réserves tue dans l’œuf les efforts similaires engagés par l’Union européenne depuis 2006[24]». 

 

Une autre raison de l’attitude ambiguë de l’Allemagne serait purement militaire. Elle dispose en effet d’une base dans le sud du pays, à Termez, pour ses opérations en Afghanistan. C’est le seul poste avancé en Asie centrale à la disposition de l’Allemagne et, depuis janvier 2008, à celle d’autres pays européens membres de l’OTAN y ont accès. C’est pourquoi il est considéré, par le ministère allemand de la défense comme stratégiquement indispensable. Si les autorités allemandes reconnaissent avoir, un temps, envisagé et étudié un possible repositionnement de leurs troupes, elles en sont arrivées à la conclusion que Termez était et demeurait la meilleure position possible en raison des missions de soutien aux opérations sur le territoire afghan et des conditions de sécurité[25].

 

L’exemple de l’expulsion de l’US Air Force de la base de Karshi-Khanabad a, plus que certainement, servi de leçon aux diplomates allemands.

 

 

  1. 3.  Une main de fer dans un gant du même métal

 

Outre le fait que le signal envoyé par la communauté internationale pourrait servir « d’encouragement » à d’autres despotes de par le monde (Zimbabwe, Belarus ou Myanmar par exemple), il offre la possibilité au président Karimov de continuer comme si de rien n’était. Ce dont il ne semble pas vouloir se priver.

 

Il a, certes, fait procéder, le 2 juin dernier, à la libération conditionnelle de Mutabar Tajibayeva, une militante de défense des droits de l’homme, et à celle d’Ahmadjon Odilov, le plus ancien - il était incarcéré depuis 20 ans - et âgé des prisonniers politiques (83 ans). Une exception qui confirme tristement la règle générale.

 

Selon l’ONG Human Rights Watch (HRW), douze défenseurs des droits de l’homme sont encore emprisonnés[26] pour avoir « pacifiquement critiqué les autorités et défendu les droits de l’homme[27] ». Toujours selon HRW, il y aurait entre 7.000 et 10.000 détenus inculpés de « terrorisme » ou « d’extrémisme religieux ».

 

Les journalistes indépendants ou étrangers font l’objet d’une traque quotidienne et d’une surveillance constante. En octobre 2007, le journaliste ouzbek, Alisher Saipov, est abattu par des inconnus à Osh, une ville du sud du Kirghizstan où il a trouvé refuge. Connu pour ses enquêtes sur la corruption au sein de l’élite dirigeante ouzbek, pour sa dénonciation des violations des droits de l’homme et son enquête sur les évènements d’Andijan, il avait, peu avant sa mort, dénoncé la collusion entre services secrets des deux pays pour opérer librement et en toute tranquillité des deux côtés de la frontière. Selon son père, cet assassinat porte la marque du régime Karimov et aurait reçu le concours actif du ministère de l’intérieur et du GKNB (Comité d’État pour la sécurité nationale) du Kirghizstan[28].

 

Début juin la télévision nationale diffuse un programme spécial « ciblant » les journalistes du service de Radio Free Europe / Radio Liberty (RFE/RL). Elle les accuse d’activités subversives contre l’État et livre sur la place publique un certain nombre de détails concernant leur vie personnelle. Quant à Solijon Adburahmonov, ancien collaborateur de RFE/RL et depuis journaliste indépendant, il est arrêté à Noukous, une ville de l’Ouest du pays, et poursuivi pour « usage de stupéfiants ».

Ce n’est qu’au compte-gouttes que les accréditations sont accordées. Le motif de refus le plus souvent avancé est  « la méconnaissance de la mentalité du peuple ouzbek[29] ». Le plus sérieusement du monde, les autorités font valoir que leurs citoyens ont une mentalité particulière, difficile à appréhender pour un étranger. De plus, craignant que des journalistes étrangers s’introduisent subrepticement en Ouzbékistan sous couvert de tourisme, le gouvernement a fait adopter une loi sur « le séjour des étrangers ». Elle renforce et amplifie le contrôle sur les visiteurs[30]

 

Rien ne semble devoir arrêter le régime dans cette politique de répression. Naubet Bisenov, un analyste de l’Institut centrasiatique des stratégies économiques, résume ainsi la situation : « La faiblesse de l’UE à défendre ses valeurs en matière de démocratie et de droits de l’homme a conforté le sentiment d’impunité des autorités ouzbeks et celles-ci ont remarquablement manœuvré pour la contraindre à la reprise du dialogue sans aucune condition préalable[31]».    

 

  1. 4.  Conclusion

 

Quelques jours après les évènements d’Andijan, un dignitaire du régime confiait « qu’il ne fallait pas se soucier des protestations et menaces de sanctions des pays occidentaux » et il ajoutait avec une pointe de cynisme « que c’est à genoux que leurs dirigeants viendraient un jour quémander la reprise du dialogue[32] ».

 

Les faits semblent, malheureusement, lui avoir donné raison. Si tous les chemins mènent à Rome, il apparaît clairement que, pour l’UE, celui de Tachkent passe par Canossa.

 

 

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[1] Le mouvement Hizb ut-Tahrir (Parti de la Libération) est un parti politique d’obédience sunnite. Se proclamant internationaliste, antinationaliste et panislamique, il s’est donné pour mission de réunir tous les pays musulmans au sein d’un état islamique unitaire (le califat), régi par la loi islamique et dirigé par un chef d’état élu (le calife).

[8] Ibid.

[9] Ibid.

[10] Ibid.

[11] Ibid.

[12] Ibid.

[13] Ibid.

[14] Ibid.

[16] Ibid.

[17] Ibid.

[18] Ils se réemploieront sur la base d’Agram en Afghanistan et celle de Manas au Kirghizstan.

[20] L’Ouzbékistan rejoindra respectivement ces deux organisations en janvier et en août 2006.

[22] L’État ouzbek s’est engagé sur l’abolition de la peine de mort, sur l’adoption de l’habeas corpus et sur la ratification des traités internationaux contre le travail des enfants.

[23] Du nom du roi de Babylone, Nabuchodonosor II, qui restaura le réseau d’irrigation de son royaume.

[26] Dont un hospitalisé dans un asile psychiatrique.

[29] Ibid.


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