Présidentielle américaine 2012: la politique étrangère de Mitt Romney



 

 

Avec les récents retraits de MM. Gingrich et Paul de la primaire républicaine ainsi que sa victoire dans le Texas, l’ancien gouverneur du Massachusetts Mitt Romney est désormais assuré d’être le candidat de son parti pour affronter Barack Obama durant l’élection présidentielle de novembre prochain[1]. Sans susciter d’enthousiasme, M. Romney est parvenu à se détacher dans cette primaire qui se sera focalisée sur des sujets de politique intérieure. En raison de la situation économique difficile et de la vision relativement positive qu’ont les Américains de l’action internationale de M. Obama, la politique étrangère n’est en effet pas apparue comme un thème particulièrement porteur pour les républicains durant la primaire. A l’occasion de l’élection générale, le candidat Romney devrait continuer à privilégier les thèmes domestiques.

 

Pour les mêmes raisons, les sujets internationaux pourraient se révéler un élément important de la campagne de Barack Obama. C’est du moins ce qu’a laissé entrevoir l’entrée en lice du président sortant au début du mois de mai. L’équipe de M. Obama a en effet, non sans risque, utilisé le premier anniversaire de la mort d’Oussama Ben Laden dans une publicité télévisée mettant en cause Mitt Romney, suggérant que le candidat républicain n’aurait pas eu le « cran » de déclencher le raid contre la résidence pakistanaise du chef terroriste[2]. Quelques jours plus tard, le président Obama a effectué une visite surprise en Afghanistan, ravivant la colère des républicains qui ont accusé le président d’exploiter une nouvelle fois la mort de Ben Laden à des fins électorales[3].

 

Il convient également de noter qu’en dépit de la stratégie électorale du candidat républicain, la situation internationale demeure particulièrement instable, notamment au Moyen-Orient où les possibilités de crises internationales sont nombreuses. A six mois du scrutin, on ne peut donc exclure que ces questions interviennent à un moment ou à un autre dans le débat. Alors que durant la primaire de 2008,  les positions de Mitt Romney sur les affaires internationales étaient apparues assez vagues, il semble désormais nécessaire de se pencher sur cette facette du programme de celui qui affrontera le président Obama. Pour cela, il convient d’étudier les propositions du candidat et la composition de son équipe afin de déterminer quelles seraient les grandes lignes de sa politique s’il était élu.

 

 

 

  1. Les principales orientations du candidat

 

C’est à l’occasion de la primaire du Parti républicain que Mitt Romney a commencé à se positionner sur le thème de la politique étrangère. Il s’est d’ailleurs distingué comme le candidat républicain ayant apporté le plus de soin à ces questions. M. Romney est en effet le seul à avoir détaillé ses positions sur les thématiques de la diplomatie, défense et sécurité nationale dans un livre blanc publié en octobre dernier[4].

 

Préfacé par l’universitaire et ancien conseiller de Condoleezza Rice au Département d’Etat, Eliot Cohen, ce document de 43 pages présente la vision du monde de Mitt Romney et la place qu’il souhaite donner aux Etats-Unis sur la scène internationale. Il plaide en faveur d’une politique résolument interventionniste et réaffirme la nécessité d’un leadership américain solide. « La question qui se pose donc à l’Amérique n’est pas de savoir si elle doit prendre la tête mais comment exercer ce leadership avec sagesse[5] », affirme M. Cohen. La politique de M. Romney s’inscrit dans la continuité de la tradition républicaine et prône l’affirmation de la puissance américaine. Cette dernière est ainsi présentée comme la clé de voûte d’un « système international assurant la sécurité et la prospérité des Etats-Unis et de nos amis et alliés[6] ». L’insistance de M. Romney sur ce point témoigne d’une volonté de marquer sa différence avec la politique de l’administration Obama qui a « affaibli la position américaine dans le monde[7] » et est en passe de faire des Etats-Unis « une force “creuse”[8] ». Le candidat républicain en profite également pour rejeter la théorie du déclin du pays, « perspective très en vue dans les hautes sphères de l’administration Obama[9] ».

 

En revanche, les objectifs généraux définis par l’ancien gouverneur du Massachusetts sont beaucoup plus consensuels et pourraient rassembler les deux candidats qui s’affronteront en novembre prochain. Outre la défense des valeurs et des intérêts américains, l’action de M. Romney sur la scène internationale aurait pour but « la préservation et l’amélioration d’un système international compatible avec les institutions libérales que sont le libre-échange, le gouvernement représentatif et le respect des droits de l’Homme [10]». On relève toutefois un geste vers le courant néoconservateur lorsqu’il prône « l’utilisation de tout l’éventail de la puissance américaine pour influer sur les événements avant qu’ils ne se transforment en conflit[11] ».

 

Dans ce livre blanc, Mitt Romney accorde une importance notable à la Chine et la Russie, présentées comme des « menaces pour la sécurité internationale[12] ». Le candidat républicain n’hésite pas à utiliser une rhétorique musclée, évoquant la perspective de conflit avec une Chine « autoritaire » dont la puissance économique et miliaire ne cesse de croître. Conformément aux principes généraux évoqués précédemment, M. Romney veut limiter ces risques en freinant l’expansion de l’influence chinoise en Asie. Pour décourager tout comportement trop agressif de Pékin à l’encontre de ses voisins,il défend le maintien d’une présence militaire américaine importante dans la région et l’octroi d’une aide militaire, notamment sous la forme d’avions, à Taiwan ainsi qu’aux autres alliés régionaux. Il souhaite également développer la coopération avec les puissances régionales, dont l’Inde, qui pourraient s’inquiéter de l’influence croissante de la Chine. Il veut également encourager le commerce avec les pays de la région au travers de la création d’une « Reagan Economic Zone » basée sur les principes du libre-échange[13].

 

La Russie est quant à elle décrite comme une « force de déstabilisation » en raison de son emprise sur l’approvisionnement énergétique de l’Europe centrale et de l’Ouest, de son stock d’armes nucléaires, de sa récente histoire d’agression militaire et de son influence au sein d’institutions internationales comme les Nations unies. Mitt Romney estime que cette force doit être « tempérée » et que la politique des Etats-Unis doit décourager tout comportement agressif ou expansionniste de Moscou. Il dénonce l’échec de l’administration Obama qui a fait de nombreuses concessions sans obtenir de contreparties. Le candidat républicain souhaite donc réviser la position américaine sur le nouveau traité de réduction des armes stratégiques (START) et sur les politiques de contrôle des armements. Il veut enfin aider les Européens à réduire leur dépendance des approvisionnements énergétiques russes et renforcer la coopération avec les Etats d’Asie centrale[14].

 

L’ex-gouverneur du Massachusetts se concentre ensuite sur le Moyen-Orient où il accorde une grande place à Israël, critiquant la prise de distance du président Obama avec Jérusalem. Il fait de la sécurité et de la légitimité d’Israël en tant qu’Etat une priorité. Il estime par ailleurs que l’instabilité politique qui a gagné de nombreux pays de la région a exacerbé les problèmes sécuritaires de l’Etat hébreu. Le candidat républicain rejette « l’illusion » selon laquelle le conflit israélo-palestinien serait le problème central de la région, arguant que cela a été confirmé par l’irruption du « Printemps arabe »[15]. Sur ce dernier point, il désire apporter son soutien aux forces progressistes d’Egypte, Tunisie et Libye, mais s’inquiète de l’opportunité que constituent ces soulèvements pour les islamistes radicaux et l’Iran[16]. Sur la Syrie, ses propos sont sans ambages. Bachar al-Assad est un « dictateur, un tueur et un allié de l’Iran[17] » et doit quitter le pouvoir. Mitt Romney a précisé sa position à plusieurs reprises dans les semaines suivantes, se prononçant pour « armer les groupes d’opposition syriens afin qu’ils puissent se défendre[18] ». Sur la question iranienne, M. Romney se veut également très ferme, rappelant que la perspective d’un Iran nucléaire est « inacceptable » et que l’option militaire reste d’actualité. Il préconise toutefois le durcissement des sanctions, notamment contre les intérêts financiers des Gardiens de la révolution et la Banque centrale iranienne. Si la position de Moscou et Pékin ne permet pas de faire valider ce processus par le Conseil de sécurité des Nations unies, les Etats-Unis doivent agir en dehors des instances onusiennes, avec le concours des Etats volontaires, estime-t-il[19].

 

A propos de l’Afghanistan et du Pakistan, Mitt Romney affirme que l’objectif est d’éliminer al-Qaïda et d’affaiblir les Talibans au point qu’ils ne représentent plus une menace existentielle pour l’Afghanistan ni pour la stabilité du Pakistan. Le candidat républicain reconnaît l’importance de la mort d’Oussama Ben Laden mais dénonce les contradictions de la politique de l’administration en Afghanistan, notamment l’envoi de renforts en 2009 couplée à l’annonce d’un calendrier de retrait. S’il est élu, il souhaite réévaluer la transition en Afghanistan en concertation avec les responsables militaires américains et inciter Kabul à lutter plus efficacement contre la corruption. On observe que la question cruciale de la relation avec Islamabad est largement éludée, l’ex-gouverneur se contentant de dénoncer les liens entre les services de renseignement pakistanais et les Talibans[20].

 

L’Amérique latine, qui d’après M. Romney a été délaissée par le président Obama, est une région particulièrement en vue dans le programme du candidat républicain. Ce dernier estime en effet que les progrès démocratiques de la région sont menacés, notamment par le Venezuela et Cuba qui sont à la tête d’un « mouvement “bolivarien” et anti-américain ». Il souhaite donc que les Etats-Unis aient un rôle plus actif dans la région, notamment par le biais d’une initiative de promotion de la démocratie et du libre-échange : la Campaign for Economic Opportunity in Latin America (CEOLA). La CEOLA devrait servir de tremplin pour permettre aux pays de la région d’accéder à la Reagan Economic Zone.

 

Enfin, Mitt Romney évoque la Corée du Nord et regrette que Washington ait été trop conciliant avec Pyongyang. Il prône une attitude plus dure, notamment par le biais d’un renforcement des sanctions financières contre le régime, et souhaite inciter la Chine à utiliser son influence pour faciliter le désarmement de la Corée du Nord[21]. On observe par ailleurs que l’Union européenne, l’Afrique, le Japon, le Brésil ou encore l’OTAN sont autant de thématiques ne figurant pas dans le livre blanc du candidat républicain. Certains de ces points, comme notamment l’OTAN[22], ont pu être abordés dans des tribunes publiées dans la presse mais restent anecdotiques.

 

 

  1. Une équipe diverse, largement liée à l’administration Bush

 

Outre les positions énoncées par le candidat, l’équipe de conseillers qui l’entoure est un autre indicateur de ce que pourrait être sa politique. En marge de la publication de son livre blanc, M. Romney a présenté une liste de 22 conseillers spéciaux en charge de la politique étrangère et de la sécurité nationale et 18 autres membres de groupes de travail thématiques[23]. D’autres, comme l’ancien ambassadeur des Etats-Unis auprès de l’ONU, John Bolton, ont apporté un soutien plus tardif à Mitt Romney[24] mais figurent parmi les voix les plus influentes.

 

La principale caractéristique de l’équipe de M. Romney repose dans ses liens avec d’anciens membres ou soutiens de l’administration du président George W. Bush. On observe ainsi que les courants conservateur et néoconservateur du Parti républicain sont particulièrement bien représentés. Outre John Bolton et Eliot Cohen, on trouve en effet l’ancien conseiller du vice-président Dick Cheney, Eric Edelman, l’universitaire Robert Kagan et Daniel Senor, qui fut membre de l’équipe mise en place par l’administration pour assurer la transition en Irak après la chute de Saddam Hussein. Tous trois sont membres de la Foreign Policy Initiative (FPI), un centre de recherche fondé par le héraut du néoconservatisme William Kristol pour succéder au Project for the New American Century (PNAC).  Sur son site Internet, la FPI cite parmi les principales menaces pesant sur les Etats-Unis, « l’émergence et la résurgence de puissances comme la Chine et la Russie[25] ». Associés à la politique du premier mandat de George W. Bush, et notamment l’intervention en Irak, ils représentent la ligne dure de l’équipe de Mitt Romney. Si cette tendance est souvent dépeinte comme la plus influente de l’entourage du candidat, cette perception mérite d’être nuancée. La très grande fermeté à l’égard de la Russie et de la Chine, ou encore le soutien marqué à Israël, sont directement tirés du corpus idéologique néoconservateur. En revanche, on observe que sur des sujets comme l’Iran ou la Syrie, Mitt Romney prône un durcissement des sanctions ou un soutien plus appuyé à l’opposition mais ne va pas jusqu’à appeler à une intervention militaire américaine. Cette posture modérée est d’ailleurs utilisée par certains observateurs, y compris dans le camp républicain, pour souligner la faible différence qui existe entre MM. Romney et Obama[26].

 

D’autres sensibilités de la dernière administration républicaine sont également présentes. L’ancien directeur de la National Security Agency (NSA) et de la Central Intelligence Agency (CIA), le général Michael Hayden codirige, avec Michael Chertoff, le groupe de travail de la campagne de M. Romney sur le renseignement. Lorsqu’il était à la tête de la NSA, le général Hayden s’était opposé au secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld sur la place du Pentagone dans les activités de renseignement[27], prenant ainsi ses distances avec le centre névralgique de la politique étrangère américaine de l’époque. De plus, son arrivée à la tête de la CIA en mai 2006 a accompagné le reflux de l’influence néoconservatrice au sein de l’administration durant le second mandat du président Bush, marqué par la nomination de Condoleezza Rice au Département d’Etat et de Robert Gates au Département de la Défense. Plus récemment, le général Hayden s’est désolidarisé d’une partie de l’équipe du candidat Romney en s’exprimant contre toute initiative militaire en Iran[28].

 

On observe également la présence d’autres partisans d’une approche plus modérée comme les diplomates Mitchell Reiss et Richard Williamson. Le premier a servi plusieurs administrations et a notamment travaillé avec Colin Powell au Département d’Etat et au Conseil de la sécurité nationale sous deux incarnations du courant réaliste du Parti républicain, Colin Powell et Brent Scowcroft[29]. Durant la primaire républicaine de 2008, M. Reiss était un des principaux conseillers de Mitt Romney. Perçu comme un représentant de l’establishment républicain, il a été marginalisé par ses propos en faveur de négociations avec les Talibans et a vu son influence chuter[30]. Richard Williamson est quant à lui un diplomate expérimenté et respecté qui a officié auprès de Ronald Reagan et George H. W. Bush. Plus récemment, il a occupé la fonction d’envoyé personnel du président George W. Bush au Soudan[31].

 

 

  1. Une rhétorique musclée pour masquer des positions volontairement floues

 

La diversité de l’équipe de l’ancien gouverneur du Massachusetts a inévitablement provoqué des frictions internes et luttes d’influence, donnant parfois l’image d’une campagne désorganisée. Cela a également contribué à brouiller le message de M. Romney sur une thématique ne figurant pas parmi ses points forts. L’intransigeance manifestée par le candidat républicain sur l’opportunité de discuter avec les Talibans a, par exemple, semé le doute au sein de l’équipe de campagne. Cette position tranche en effet avec les déclarations de proches conseillers comme Mitchell Reiss ou encore le co-président du groupe de travail de la campagne sur l’Afghanistan et le Pakistan, James Shinn. Ce dernier, qui a travaillé sur la problématique des négociations avec les Talibans pour la précédente administration républicaine, avait estimé qu’un accord négocié était « souhaitable », sous certaines conditions[32]. Les déclarations de Mitt Romney sur la Russie, présentée comme « l’ennemi numéro un » des Etats-Unis, et sur son opposition à la révision du traité START ont également surpris dans son équipe et au sein de son parti[33]. Sur ce dernier point, le sénateur Richard Lugar, s’est étonné des « objections discréditées » utilisées dans l’argumentaire de M. Romney qui ne lui a pas semblé « au courant de l’histoire et du contexte des politiques de contrôle des armements »[34].

 

Certains ont vu dans ces prises de positions la marque de l’influence des faucons de l’équipe de M. Romney, menés par l’ardent défenseur d’une politique étrangère américaine unilatéraliste qu’est John Bolton. Ces divisions et le ressentiment qu’inspire la « faction Bolton » chez certains conseillers de l’ancien gouverneur du Massachusetts ont fuité dans la presse, témoignant d’un important niveau de frustration dans l’entourage du candidat[35]. De plus, il convient de noter que malgré l’influence de son parti sur la politique étrangère américaine depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, M. Romney s’est ostensiblement tenu éloigné de figures républicaines associées au réalisme comme Henry Kissinger, James Baker, Brent Scowcroft ou encore George Shultz. Cela a vraisemblablement poussé des observateurs avisés comme Colin Powell à prendre leurs distances M. Romney. L’ancien secrétaire d’Etat de George W. Bush a critiqué les déclarations du candidat républicain sur la Russie et dénoncé l’influence de ses conseillers « très à droite[36] ».

 

D’autres y ont vu, au contraire, le reflet d’un déficit d’autorité de l’entourage du candidat républicain. D’après les confidences anonymes de certains membres de son équipe, M. Romney aurait tendance à prendre ses décisions sans les consulter. Cette absence de dialogue et de débat a même incité certains à s’interroger publiquement sur la réalité de ses convictions. « Personne ne sait si le candidat a une position tranchée sur ces sujets », suggérait un proche de la campagne au New York Times[37]. On constate par ailleurs que l’ex-gouverneur ne dispose pas d’un conseiller politique chapeautant l’ensemble de sa campagne comme le fut, par exemple, Karl Rove pour George W. Bush. De plus, M. Romney apparaît particulièrement impliqué dans la dimension politique et stratégique de sa campagne, jonglant avec ses différents cercles de conseillers avant de prendre ses décisions, le plus souvent seul. Il écrit également lui-même la plupart des tribunes qu’il signe et relit attentivement les autres. Seuls ses proches – famille et quelques conseillers de longue date – sont crédités d’une certaine influence sur le candidat[38].

 

Cette opacité qui entoure le processus décisionnel au sein de l’équipe de M. Romney entretien les doutes suscités par sa campagne de 2008 où ses positions, notamment sur l’international, étaient apparues floues. Néanmoins, cette impression pourrait faire partie de la stratégie du candidat républicain. « Romney ne veut pas vraiment se pencher sur ces questions avant d’avoir été élu », affirmait un conseiller. Ses prises de positions sur les affaires internationales visent simplement « à donner l’impression qu’Obama n’est pas sincère lorsqu’il dit qu’il empêchera l’Iran d’avoir la bombe, alors que Mitt l’est[39] ».

 

 

 

  1. Conclusion

 

Si la question de la politique étrangère que mènerait Mitt Romney en tant que président reste ouverte, les positions prises jusqu’à présent et le choix de son entourage illustrent l’image de fermeté que l’ancien gouverneur du Massachusetts souhaite imposer. La marginalisation du courant réaliste du Parti républicain au sein de la campagne de M. Romney reflète une volonté de se démarquer de l’image de candidat de l’establishment et de courtiser un électorat plus populaire séduit par l’émergence du Tea Party. Les distances prises avec Mitchell Reiss laissent également penser que M. Romney a tiré les enseignements de la primaire républicaine de 2008 où il était apparu comme trop timoré sur les questions internationales. Enfin, comme l’a suggéré Richard Williamson[40],  Mitt Romney espère que cette fermeté tranchera avec la faiblesse supposée de Barack Obama, à l’image de Ronald Reagan face à Jimmy Carter en 1980.

 

En dépit des efforts consentis par Mitt Romney pour apparaître comme le candidat de la fermeté, on peut penser que la réalité de la situation internationale le pousserait à mener une politique plus mesurée. La rhétorique musclée de la campagne ne doit en effet pas occulter la relative proximité existant entre les positions de MM. Romney et Obama sur la politique étrangère. Cela est largement lié à la réduction de la marge de manœuvre des Etats-Unis sur la scène internationale, conséquence de l’affirmation de puissances comme la Chine, la Russie, l’Inde ou le Brésil. Il est en effet possible de s’interroger sur la capacité d’un futur président républicain à mettre un terme au programme nucléaire iranien, stabiliser l’Afghanistan ou contraindre Pékin à réévaluer sa monnaie. Outre l’importance du contexte économique et l’image relativement positive de l’action internationale du président Obama, cette réduction de l’influence américaine explique également pourquoi la politique étrangère ne sera pas un thème décisif cette année. Le ton employé par Mitt Romney et son équipe vise essentiellement à masquer le fait qu’ils disposent en réalité de peu d’arguments de fond pour se démarquer de la ligne de Barack Obama.

 

On observe enfin que le programme du candidat républicain reflète l’importance qu’il accorde à la dimension économique dans les rapports de force internationaux. Cela transparaît notamment dans sa position à l’égard de Moscou dont il redoute l’influence dans le domaine de l’énergie. Ce tropisme, hérité de sa carrière dans le secteur privé, est un moyen de mettre en valeur son expérience d’homme d’affaires et de lier la politique étrangère aux principales préoccupations des Américains. Au vu de la tournure que risque de prendre la campagne, cela semble judicieux mais ne sera peut-être pas suffisant pour empêcher la réélection de Barack Obama.

 

 

 

© ESISC 2012



[1] Nia-Malika Henderson, Philip Rucker, « Romney clinches nomination, attacks Obama on Solyndra, but Trump steals the spotlight », The Washington Post, 30 mai 2012. http://www.washingtonpost.com/politics/romney-attacks-obama-on-solyndra-but-trump-steals-the-spotlight/2012/05/29/gJQAvma9zU_story.html

[2] Chris McGreal, « Obama campaign marks Bin Laden raid anniversary with Romney attack ad », The Guardian, 30 avril 2012. http://www.guardian.co.uk/world/2012/apr/30/obama-campaign-bin-laden-death-ad

[3] Michael D. Shear, « Obama’s Afghanistan Trip Could Escalate Political Criticism », The New York Times, 1er mai 2012. http://thecaucus.blogs.nytimes.com/2012/05/01/obamas-afghanistan-trip-could-escalate-political-criticism/

[4] Mitt Romney, An American Century : A Strategy to Secure America’s Enduring Interests and Ideals, 7 octobre 2011, http://www.mittromney.com/sites/default/files/shared/AnAmericanCentury-WhitePaper_0.pdf

[5] Ibid., p. 2.

[6] Ibid., p. 7.

[7] Ibid., p. 4.

[8] Ibid., p. 14.

[9] Ibid., p. 9.

[10] Ibid., p. 7.

[11] Ibid., p. 8.

[12] Ibid., p. 5.

[13] Ibid., pp. 17-20.

[14] Ibid., pp. 34-36.

[15] Ibid., pp. 21-22.

[16] Ibid., pp. 20-22.

[17] Ibid., pp. 23-24.

[18] Callum Borchers, « Mitt Romney urges US to arm Syrian rebels, lead effort to oust Bashar Assad », The Boston Globe, 29 mai 2012. http://www.boston.com/politicalintelligence/2012/05/29/mitt-romney-urges-arm-syrian-rebels-lead-effort-oust-bashar-assad/8ASReNmBrMHqY1DpUz2bWN/story.html

[19] Mitt Romney, op. cit., pp. 24-28.

[20] Ibid., pp. 30-32.

[21] Ibid., pp. 28-29.

[22] Mitt Romney, « Reinforcing alliance’s military might is vital », The Chicago Tribune, 19 mai 2012. http://articles.chicagotribune.com/2012-05-19/news/ct-perspec-0520-romneynato-20120519_1_collective-military-irrelevance-nato-president-obama

[23] Philip Rucker, « Mitt Romney taps foreign policy, national security advisers », The Washington Post, 6 octobre 2011. http://www.washingtonpost.com/politics/mitt-romney-taps-foreign-policy-national-security-advisers/2011/10/06/gIQAnDHzPL_story.html

[24] John Bolton, « Romney: The Conservative Who Can Beat Obama », The Wall Street Journal, 20 janvier 2012. http://online.wsj.com/article/SB10001424052970204301404577170722068780542.html

[25] Mission Statement, The Foreign Policy Initiative. http://www.foreignpolicyi.org/about

[26] Helene Cooper, « Candidates Hammer Obama Over Iran, but Approaches Differ Little », The New York Times, 5 mars 2012. http://www.nytimes.com/2012/03/06/us/politics/republican-policies-for-iran-differ-little-from-obamas.html?_r=1&hpw

[27] Raphaël Ramos, Soixante ans après sa création, la CIA doit redonner la priorité au renseignement stratégique, ESISC, 2 octobre 2007. http://www.esisc.net/en/p.asp?TYP=TEWN&LV=187&see=y&t=30&PG=TEWN/EN/detail_os&l=1&AI=1574

[28] Mark Landler, « On Foreign Policy, Romney Breaks With Advisers », The New York Times, 20 janvier 2012. http://thecaucus.blogs.nytimes.com/2012/01/20/on-foreign-policy-romney-breaks-with-advisers/

[29] Ben Smith, « Romney’s Foreign Policy Hints », Politico, 6 octobre 2011. http://www.politico.com/blogs/bensmith/1011/Romneys_foreign_policy_hints.html

[30] Ben Smith, « Mitt Romney hawks new hard line on foreign policy », Politico, 19 janvier 2012. http://dyn.politico.com/printstory.cfm?uuid=6DB3B28D-1222-473D-82FC-CCA71980D5D1

[31] « Romney’s Foreign Policy May Mean Hardball Is Back », The Associated Press, 18 avril 2012. http://washington.cbslocal.com/2012/04/18/romneys-foreign-policy-may-mean-hardball-is-back/

[33] Richard A. Oppel Jr., « Romney’s Adversarial View of Russia Stirs Debate », The New York Times, 11 mai 2012. http://www.nytimes.com/2012/05/12/us/politics/romneys-view-of-russia-sparks-debate.html

[34] Peter Baker, « Lugar Attacks Romney on Nuclear Treaty », The New York Times, 8 juillet 2010. http://thecaucus.blogs.nytimes.com/2010/07/08/lugar-attacks-romney-on-nuclear-treaty/

[35] David E. Sanger, « Is There a Romney Doctrine? », op. cit.

[36] Michael D. Shear, « Powell Criticizes Romney on Foreign Policy », The New York Times, 23 mai 2012. http://thecaucus.blogs.nytimes.com/2012/05/23/powell-criticizes-romney-on-foreign-policy/

[37] David E. Sanger, « Is There a Romney Doctrine? », op. cit.

[38] Maggie Haberman, « Mitt Romney’s top political adviser: Mitt Romney », Politico, 4 juin 2012. http://dyn.politico.com/printstory.cfm?uuid=7878F027-15BC-49D7-8FAB-0B6907AC5F88

[39] David E. Sanger, « Is There a Romney Doctrine? », op. cit.

[40] Richard Williamson, « Obama’s Jimmy Carter Moment », Foreign Policy, 26 avril 2012. http://www.foreignpolicy.com/articles/2012/04/25/obama_s_jimmy_carter_moment


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