Serbie - Kosovo : une lueur au bout du tunnel ?



 

 

Enfin ! La Serbie et le Kosovo sont parvenus, le 24 février 2012, au premier accord global. Les deux adversaires ont, pour la première fois, fait passer au premier plan leur désir de sortir de leur isolement et saisi leur chance de devenir des Européens (presque) comme les autres. Rien n’est toutefois acquis, mais les deux gouvernements, qui ont pris des risques, sans doute calculés, vis-à-vis de leurs opinions publiques, ont cédé aux nombreuses pressions internationales et ont fini par faire le premier pas.

 

Des relations pourtant toujours tendues entre Belgrade et Priština

 

L’année 2011 aura vu une succession d’incidents divers, plus ou moins graves, sur la frontière entre le Kosovo et la Serbie. Ainsi, lorsque le poste de Jarinje sera vandalisé, le président Tadić évoquera essentiellement l’action de personnes visant à remettre en cause le dialogue bilatéral, alors que le Premier ministre kosovar parlera de « structures parallèles serbes »[1]. Le Président serbe évitera d’impliquer ses concitoyens du Kosovo, sachant qu’il n’a, avec eux, qu’une marge de manœuvre assez étroite. Afin d’éviter à l’avenir ce type d’attaque, certains observateurs proposeront comme solution la négociation et l’aide au commerce légal[2]. Cette négociation débouchera d’ailleurs, sept mois plus tard, sur ce que personne n’attendait plus : une « demi-reconnaissance » par Belgrade de l’existence du Kosovo. En attendant, Belgrade et Priština ont compris que la normalisation du commerce entre les deux pays était sans doute la solution. Tout le monde a effectivement intérêt à favoriser le commerce, mais c’est particulièrement vrai dans l’espace balkanique. À partir du moment où le « business » fonctionne (et que tout le monde y trouve son compte), les relations se normalisent.

 

Mais dans cette partie très complexe, un des joueurs est souvent tenu à l’écart et, de ce fait, est tenté de jouer les empêcheurs de tourner rond : la population serbe du Kosovo. Profondément ancrée dans le berceau historique de la « nation » serbe, elle a de plus en plus l’impression d’être « lâchée » par Belgrade, tout en étant méprisée et vilipendée par Priština. Il faut toutefois restreindre la problématique aux seuls Serbes du Nord du Kosovo, qui forment une région quasiment homogène (et limitrophe de la Serbie) car ceux du Sud, plutôt isolés en « poches serbes » noyées dans une région albanophone ont, peu ou prou, accepté de s’intégrer (ils ont assez peu d’autres possibilités…). Il n’est pas évident d’ailleurs que les Serbes du Nord se fassent vraiment des illusions, et l’organisation récente d’un référendum local ressemble plus à un cri de désespoir qu’à un message politique. Il est probable que l’épisode malheureux de l’éphémère RSK (République Serbe de Krajina) et le triste sort des Serbes de Croatie soit dans toutes les mémoires[3]. Dans le cas de cette ex-république auto-proclamée, le soutien de Belgrade a trouvé très rapidement ses limites et, lorsque l’armée croate a lancé son offensive, il n’y a pas eu d’aide massive de la capitale serbe. Plusieurs centaines de milliers de Serbes de Krajina ont fui dans le plus grand désordre en direction de la Republika Srpska du Nord de la Bosnie, mais pour une bonne partie, ont poursuivi tant bien que mal leur exode jusqu’en Serbie. Les Serbes du Nord du Kosovo qui campent sur le « limes » délimité par l’Ibar et s’accrochent à Mitrovica (une nouvelle version des Krajinas – confins, en français) doivent se douter qu’ils risquent de connaître, eux aussi, les limites du soutien de Belgrade où, pour l’heure, les nationalistes qui étaient (et sont toujours) leur meilleur soutien, ne tiennent plus le haut du pavé. Si les prochaines élections reconduisent l’actuelle majorité, leur sort est réglé.

 

Alors pourquoi ne pas répondre aux avances du gouvernement kosovar et entamer des négociations sérieuses sur l’intégration au nouvel État ? Le problème est que, jusqu’à la mi-2011, Priština a souvent pris des décisions à l’emporte-pièce, fondées sur un principe simple : toute tractation sur le statut du Nord- Kosovo était exclue[4]. Le principal reproche fait aux Serbes est de ne pas faire preuve de souplesse lors des négociations sur divers grands sujets (cartes d’identité, plaques d’immatriculation, reconnaissance mutuelle des diplômes, timbres douaniers, etc.). Ceci a amené la police kosovare à tenter d’occuper, maladroitement, les postes frontières de Jarinje et Brnjak en juillet, provoquant une riposte violente des Serbes (dont, sans doute, un certain nombre était originaire de Serbie). L’incident a été monté en épingle par le mouvement « Vetëvendosje », qui pensait bien avoir trouvé là le prétexte pour atteindre ses objectifs, appelant la Présidente Jahjaga à, ni plus ni moins, décréter l’état d’urgence et la mobilisation générale. Et la nouvelle tension de la fin septembre, sur les mêmes points de passage, relevait sans doute aussi d’une stratégie de provocation. L’initiateur de la bombe artisanale qui blessa quatre soldats de la KFOR, et les auteurs des coups de feu sur les Serbes sur les deux points n’ont d’ailleurs pas été identifiés. Mais, parmi plusieurs hypothèses, on peut imaginer qu’après avoir laissé passer une chance, Vetëvendosje a tenté de relancer l’action. L’origine des incidents des 23 et 24 novembre est différente, puisque les affrontements entre Serbes et KFOR ont eu pour origine la tentative de démantèlement d’une barricade à Zubin Potok et non une provocation albanaise, comme l’a prétendu, à l’époque, le représentant russe à l’ONU.

 

L’approvisionnement du Kosovo vient encore, pour la plus grande partie, de Belgrade et les quelques exportations kosovares vont vers la Serbie. Et comme toujours, quand il s’agit de commerce (ou de trafics…), la situation s’est peu à peu dégradée, chacun en rejetant la faute sur l’autre. Il est vrai que Belgrade, bloqué sur la question, a investi massivement au Nord du Kosovo, puisque ce dernier était, en 2011, toujours considéré comme une province serbe. Les structures locales de sécurité, mais aussi les divers aspects économiques sont toujours serbes, alors que les infrastructures sociales seraient à la charge de Priština, selon M. Hoxhaj. Pour le ministre kosovar, la population locale serait prise en otage par les structures parallèles serbes. Cependant, M.Hoxhaj semblait faire là un raccourci peu crédible de la situation car la population, si elle est otage, c’est surtout de son passé et d’un endoctrinement qui ne date pas de la chute de Slobodan Milosević. Le « référendum » organisé début 2012 à Mitrovica prouvera que la population serbe du Nord-Kosovo, dans sa quasi-totalité, refuse l’intégration au Kosovo.

 

Alors, quelle solution pour les Serbes du Nord-Kosovo ? Bien entendu, si les clauses du plan Ahtisaari concernant la zone et le statut des Serbes locaux étaient appliquées, cela pourrait, en partie, désamorcer la situation. Mais les raisons du blocage serbe à appliquer ce plan vont au-delà de la simple obstruction. C’est un refus systématique de se voir rabaisser au rang de minorité ethnique (forcément dévalorisée et négligée) dans un État albanophone fondamentalement différent dans tous ses aspects de la société serbe, qui sous-tend la réaction de rejet. En se plaçant du point de vue serbe, il est donc logique que la seule solution reste le rattachement complet à la Serbie (c’est déjà le cas, de facto). On semblait donc bien loin d’un accord, il y a sept mois, M.Hoxhaj jouant même les Cassandre en se disant très inquiet lorsqu’il entendait certains responsables serbes parler du Kosovo.

 

Vers qui se tourner, quand on est kosovar albanais ? 

 

Face à ce blocage, certains n’hésitaient pas, de leur côté, à mettre en garde contre un dernier recours éventuel des dirigeants kosovars, majoritairement musulmans : le rapprochement avec les pays arabes et, plus particulièrement, ceux qui ont réalisé le « printemps arabe ». Partant d’un constat à moitié vrai mais inadapté (« la Yougoslavie de Tito était proche du monde arabe du fait de son appartenance au mouvement des Non-alignés », mais aussi de l’Inde, de l’Indonésie et d’autres pays non-arabes…), le Kosovo, toujours en recherche de reconnaissance (quatre-vingt-cinq pays seulement l’avaient reconnu fin 2011) et d’intégration à la scène internationale et à l’ONU, pourrait se trouver des alliés auprès des pays arabes, « en jouant une carte très importante, celle de la solidarité musulmane », en se découvrant des ennemis communs (le cas des « mercenaires croates et serbes » qui auraient été exécutés à Misrata – information absolument non vérifiée) est exploité[5]. C’est assez mal connaître la réalité balkanique et kosovare en particulier que de faire un raccourci entre la révolution libyenne et l’indépendantisme kosovar. Mais il est vrai que cette vision idéaliste des bons révolutionnaires face à de méchants dictateurs est tellement répandue depuis le départ de M. Ben Ali ! Elle a tendance à être généralisée à toute situation insurrectionnelle, selon un « copier-coller » un peu rapide et le « Untel… Dégage ! » brandi par certains manifestants en Tunisie, en Libye, en Égypte, à Bahrein ou au Yémen, plus récemment (en cyrillique…) à Moscou devient l’antienne obligatoire, le printemps étant souvent la saison préférée de tous les candidats au changement. Il faut bien admettre que rien de tout cela n’est très crédible, la recherche de reconnaissances de l’État kosovar reste évidemment une priorité pour Priština, mais pas seulement auprès des pays arabes.

Il est tout autant étonnant de lire, dans l’article cité précédemment, que « Priština aspire également à établir d'étroites relations avec le gouvernement de transition en Libye et avec les nouveaux dirigeants tunisiens, notamment ceux issus du parti Ennahdha. L'identité musulmane du Kosovo devrait être amplement mise en valeur par Pristina qui bénéficie déjà du soutien de plusieurs points (sic) lourds musulmans, comme la Turquie, l'Arabie Saoudite ou encore la Malaisie ». L’implication de la Turquie dans les Balkans est très réelle mais, jusqu’ici, la Turquie est encore une république laïque, même si les « islamistes modérés » sont au pouvoir. Comme en Bosnie-Herzégovine, elle est très présente et de plus en plus active, mais il faut davantage y voir une volonté hégémoniste et la pose d’un pied solide en Europe (puisque, depuis 1963, on lui refuse l’intégration à la CEE, puis à l’Union européenne), sur une terre colonisée par l’Empire ottoman pendant plus de quatre siècles, où Ankara jouit toujours d’un grand prestige que d’une activité « missionnaire ». Et ce n’est pas parce que l’Organisation de la Conférence Islamique a appelé ses membres à reconnaître l’indépendance du Kosovo[6] qu’il faut y voir une intégration de cette organisation par celui-ci. Il en est de même de la Ligue Arabe, au sein de laquelle onze des vingt-deux pays membres avaient reconnu le Kosovo.

Par ailleurs, les autorités kosovares ne peuvent absolument pas prendre un tel virage sans risquer de provoquer immédiatement une violente réaction américaine (et sans doute européenne) qui ruinerait toutes les avancées réalisées jusqu’ici. Sans parler de la réaction de la Serbie et des états des Balkans, qui pourrait entraîner une nouvelle déstabilisation régionale. Pour M. Thaçi et ses alliés, « le jeu n’en vaut vraiment pas la chandelle » et ces assertions sont hors sujet. Ceci dit, la rapidité avec laquelle sont intervenus les accords du 24 février laisse penser que cette hypothèse avait, peut-être, été prise en compte. Le premier accord serbo-kosovar a coupé l’herbe sous le pied des partisans de cette solution extrême.

Quel statut pour le Kosovo ?

Il devient intéressant de se poser une question essentielle, un peu comme en Bosnie-Herzégovine : quel statut pour le Kosovo ? Un excellent débat, tenu le 17 novembre 2011 à Paris, plus précisément dans le cadre prestigieux de la Sorbonne, a apporté bon nombre d’explications fort pertinentes[7], du fait de la qualité des intervenants. L’absence de l’ambassadeur du Kosovo à Paris, pourtant annoncé, a été toutefois regrettée (il est vrai que le débat engagé devait traiter de l’avenir du Kosovo… et qu’une prise de position intempestive aurait sans doute pu lui nuire...).

La nécessité de forger une « démocratie communautaire » dans le nouveau pays est évidente de nos jours[8], mais passer d’un statut de province autonome à celui d’État souverain s’avère, évidemment, très délicat. Après une « guerre territoriale et ethnique », l’ONU a été chargée de faciliter la transition vers la démocratie et l’état de droit, assistée d’une force internationale placée sous le commandement de l’OTAN. Actuellement, le Kosovo a proclamé son indépendance, mais six missions internationales sont toujours présentes.[9] La résolution 1244 de l’ONU prévoyait que le Kosovo devait devenir une démocratie après la guerre, sous la forme d’un protectorat international. Il est vrai que la notion d’État multiethnique n’y avait pas été incluse initialement : elle le sera cependant par la suite, car une démocratie « classique » n’était pas envisageable pour le Kosovo. Cette forme de démocratie devait donc être multiethnique, donc communautaire, les dispositions prévues étant de rendre les institutions paritaires. Le Parlement de cent vingt sièges a ainsi accueilli dix représentants serbes et dix représentants des autres minorités : Roms, Turcs, Bosniaques, etc. Ce souci de parité sera bientôt noté dans les administrations et un poste de ministre est ainsi systématiquement réservé aux Serbes.

Mais cette démocratie d’un type un peu particulier devait également appliquer le principe de décentralisation inscrit au plan de paix de M.Ahtisaari, puis dans la Constitution kosovare. L’objectif était louable, car il permettait aux grandes municipalités (au sens large) d’avoir plus de pouvoir, avec cependant le risque corollaire de voir ces entités se replier sur elles-mêmes. Dans les zones serbes, cela a rapidement entraîné des situations ubuesques, comme de voir les autorités centrales désigner, en 2000, des délégués serbes parce qu’un boycott des élections avait été décidé par les instances serbes locales. Le principe de décentralisation est formellement récusé par Albin Kurti, le charismatique leader de « Vetëvendosje », qui en a fait un cheval de bataille.

Lors du débat du 17 novembre 2011, cité dans cet article, M. Ricco faisait fort justement remarquer que ce qu’il appelait le « paradoxe de Belgrade » empoisonnait les relations serbo-albanaises au Kosovo. En effet, depuis la fin de la guerre, Belgrade s’est trouvée isolée, mise au ban de l’Europe, du fait de son refus d’évoluer dans sa vision du Kosovo, toujours considéré comme faisant partie de la Serbie. La tentative serbe de faire condamner le pouvoir kosovar pour anti-constitutionnalité de la déclaration d’indépendance a, en partie, échoué. La Cour Internationale de Justice a, en effet, prononcé un avis quelque peu biaisé en ne répondant pas à la citation serbe, mais en déclarant constitutionnelle la déclaration d’indépendance, pas l’indépendance elle-même. Or, l’État du Kosovo, reconnu à présent par quatre-vingt-huit pays à la date du 17 février 2012, n’est plus discutable[10] et il ne restait plus aux dirigeants serbes qu’à négocier au mieux pour ne pas tout perdre –et surtout pour ne pas se voir définitivement barrée la route de l’accès à l’UE. Toutefois, il est encore difficile pour l’équipe au pouvoir à Belgrade, d’annoncer ex abrupto à ses concitoyens et, encore plus, aux Serbes du Kosovo que, pour des raisons de « realpolitik » le cas du Kosovo était réglé. L’euroscepticisme gagnait d’ailleurs encore du terrain à Belgrade, selon un sondage réalisé mi-décembre 2011[11]. Près de 60 % des sondés y refusaient la perspective d’un « lâchage » du Kosovo pour obtenir l’intégration à l’UE. Si les sympathisants des partis libéraux et démocratiques étaient favorables à l’intégration européenne, les nationalistes continuaient à faire bloc contre cette idée. Et ils représentent toujours une force politique très importante (et éventuellement des perspectives d’agitation violente). Début janvier 2012, Tomislav Nikolić, le leader du DSS, ne laissait d’ailleurs planer aucune ambiguïté sur la position de son parti : « si l’UE exige la suppression des institutions serbes dans le Nord du Kosovo, il faut rompre le dialogue avec Bruxelles »[12] .

Mais, le Kosovo, en dépit de la reconnaissance de son indépendance, n’a toujours pas de représentativité dans les structures internationales, quelles que soient ces dernières. C’est pourquoi Priština attache, actuellement, autant d’importance à l’intégration de ses sportifs dans les différentes compétitions, sous le drapeau du Kosovo. Pour l’instant, ils peuvent participer à quelques rares compétitions sous leur dénomination et leur drapeau (par exemple, lors des championnats d’Europe de tennis de table en 2006 à Sarajevo). En règle générale, ils doivent se contenter de concourir sous le drapeau de la Fédération internationale du sport concerné. Parfois, ces sportifs « profitent » de quelques erreurs comme fin octobre 2009 à Paris lors des championnats du monde juniors de judo, où une jeune Kosovare, qui avait remporté sa catégorie, a eu la surprise d’entendre l’hymne kosovar. Mais ce que veulent à présent les instances politiques et sportives, c’est de voir le drapeau kosovar flotter aux Jeux Olympiques de Londres. Il est vraisemblable, toutefois, que le délai soit trop court et que le Comité International Olympique (CIO) ne donnera pas d’avis avant les Jeux.

Enfin, le débat évoqué supra a permis d’évoquer les disparités locales, génératrices de conflit tout autant que les aspects internationaux et régionaux[13].Au Kosovo aussi, le Nord (serbe) est la zone la plus riche (tout est relatif, bien sûr). Mais cette région est en périphérie, à la foi de Priština et de Belgrade. Le niveau de vie du Sud est nettement plus bas et, comme cela a été vécu à divers stades de l’éclatement de la Yougoslavie, on peut effectivement penser que les Serbes ne souhaitent pas être intégrés pour ne pas devenir les « vaches à lait » d’un État pauvre. Mais, ainsi que l’a fort justement souligné l’intervenant, il est certain, en tous cas, que la persistance de structures parallèles nuit au développement économique du pays.

Kosovo, paradis pour le crime organisé et royaume de la corruption ?

Le Kosovo est encore, avant tout, un havre de paix pour les trafiquants en tous genres en dépit des efforts de la Communauté internationale. De même, les anciens chefs de guerre, dont beaucoup ont des liens étroits avec le Milieu et ont également à répondre d’exactions diverses commises pendant les années noires sont, somme toute, assez tranquilles.

Pourtant, le Guardian de Londres du 25 janvier 2011, citant des documents présentés comme « otaniens », écornait sérieusement l’aura du personnage le plus controversé de la scène politique kosovare : le Premier ministre Hashim Thaci. Il y était directement nommé comme un des éléments majeurs de l’« affaire » de trafic d’organes, mis en lumière par le rapport du parlementaire suisse Dick Marty. Les révélations sont d’autant plus choquantes que M.Thaci est réputé être un allié courtisé de l’Occident.

Selon le Guardian, il serait en fait l’un des « plus gros poissons » du crime organisé au Kosovo. Ceci n’est pas forcément une découverte pour les spécialistes, mais le grand public ne pouvait manquer de faire un parallèle fâcheux avec le statut d’interlocuteur privilégié que lui avaient accordé les puissances occidentales. Soutenir d’une manière aussi constante l’un des anciens leaders de l’UÇK sur lequel pèsent les plus forts soupçons de collusion avec le Milieu albanais est effectivement quelque peu choquant, à défaut d’être étonnant.

Selon M. Marty, le Premier ministre a un lourd passé de trafiquant de drogue et serait donc impliqué dans les trafics d’organes attribués à l’Armée de Libération du Kosovo. Il aurait également commandité (et réalisé, semble-t-il) un certain nombre d’assassinats. Mais il est vrai qu’on « ne prête qu’aux riches ».

M. Thaci, évidemment, ne voit dans ces accusations et dans l’enquête diligentée contre lui, qu’un complot serbo-russe visant à le discréditer et à déstabiliser le Kosovo (ce n’est pas à exclure, mais pour l’instant, aucune preuve n’en a, bien sûr, été fournie). En revanche, le Guardian citait également des documents émanant de la KFOR et présentant M. Thaçi comme membre du trio de pointe de la criminalité kosovare.

 

Mais dans l’ombre du Premier ministre se trouverait en fait Xhavit Haliti, l’un des « pères fondateurs » de l’UÇK, dont il a été le financier et le logisticien, personnage multi-face, probablement ancien ( ?) du KSHik (service de renseignement du PDK, en opposition avec l’AIK, le Service « officiel »). Actuellement intégré à l’équipe au pouvoir, M. Haliti n’en est pas moins un puissant « homme d’affaires », mêlé, semble-t-il selon le rapport Marty, à tous les trafics s’opérant au Kosovo.

Mais force est de constater que, plus d’un an après, rien n’est venu perturber M. Thaçi et ses amis. Tout au plus a-t-il été contraint de prendre un ton plus mesuré que celui, agressif et menaçant, qu’il avait employé en réaction au document de M. Marty. Il y a un an, un policier canadien, l’ancien chef de département à la MINUK (Mission de l’ONU au Kosovo) Stu Kellock, déclarait : « J’étais tout à fait conscient des activités de Monsieur Thaçi et de l’influence qu’il avait. Cependant, dans les cercles où je travaillais, toute critique à son égard ou à l’égard de ses collaborateurs était immédiatement rejetée [...] Il était parfaitement clair que Thaçi avait été choisi et qu’il ne serait jamais mis en accusation pour ses activités criminelles. Pourtant, il avait une influence directe sur la collecte des impôts [NDLR : dits révolutionnaires, selon la phraséologie marxiste], le trafic de drogue, de femmes, d’armes et la contrebande en tous genres »[14]. Il ajoutait également, que « Les services chargés de la lutte contre le trafic de drogue de cinq pays au moins précisent, dans des rapports confidentiels qui s’étendent sur plus de dix ans, que le commerce de l’héroïne et d’autres narcotiques était contrôlé de façon violente par Hashim Thaçi et d’autres membres du « Groupe de la Drenica[15] ».

Il faut constater que, globalement, les très nombreuses affaires judiciaires, initiées depuis plusieurs années pour certaines, ne progressent que très lentement, tant à Priština qu’à Bruxelles. La révélation des forts soupçons sur les trafics d’organes a eu pour conséquence la création d’une commission d’enquête de l’UE, mais le travail de cette « Task Force » est tout sauf simple. Il porte sur les commanditaires, les victimes, mais aussi les structures ayant abrité les activités présentées comme ayant été dirigées par l’UÇK, pour laquelle la vente d’organes aurait été une importante source de revenus. Mais certains sites soupçonnés d’avoir hébergé des structures secrètes de l’UÇK sont situées en Albanie, base arrière de celle-ci pendant le conflit, ce qui complique encore la tâche.

Au Kosovo même, sept personnes ont, pour l’instant, été mises en accusation, dans le cadre de l’enquête sur la clinique « Médicus » de Priština, dont un médecin turc. Dick Marty, lorsqu’il avait rédigé son rapport, avait trouvé une ressemblance curieuse entre le cas de cette clinique et les prélèvements présumés sur les personnes disparues après 1999. Le scandale de la clinique « Médicus » décrite comme un lieu de prélèvement d’organes n’est peut-être pas encore terminé. Bien sûr, les actes chirurgicaux de l’après-guerre et cette « industrie » criminelle n’ont pas les mêmes « donneurs » et les opérations ne se sont pas déroulées au même endroit. Mais la similitude est plus que troublante, d’autant que la plupart des personnes impliquées, dont le Premier ministre actuel et plusieurs de ses proches, tous anciens de l’UÇK, ont été incriminées dans les deux cas.

La Russie s’est d’ailleurs saisie de l’affaire et a haussé le ton, demandant en particulier que l’enquête sur les disparus d’après 1999 soit confiée à l’ONU. À la mi-janvier 2012, Moscou a promis le pire aux « bouchers du Kosovo » et se sent encore plus concernée, car deux ressortissants russes feraient partie des « victimes ». Attirés par l’argent[16], tout comme des ressortissants du Kazakhstan, de Moldavie et d’Azerbaïdjan, ils auraient, selon eux, subi le prélèvement d’un rein dans la clinique « Medicus ». Selon le rapport Marty, ce sont près de trois cents « donneurs » qui sont concernés (selon la Serbie, ce chiffre atteindrait au moins 2000). L’agence russe n’était d’ailleurs pas particulièrement optimiste quant aux résultats de l’enquête du procureur Williamson et mettait clairement en cause les disparitions et rétractations de témoins ou la destruction des preuves pour expliquer les faibles résultats enregistrés.

L’implication d’Hashim Thaçi est, bien sûr, vigoureusement niée par l’intéressé. En revanche et jusqu’en novembre 2011, celui-ci avait manifesté sa désapprobation devant les conclusions tirées par Dick Marty dans son rapport et menaçait de porter plainte contre le rapporteur du Conseil de l’Europe, mais aussi de divulguer une liste d’informateurs du sénateur suisse, figurant sur une annexe du rapport[17]. Or, début novembre, le vice-Premier ministre annonçait que M. Thaçi renonçait, finalement, à porter plainte, considérant qu’il n’était pas directement touché par les enquêtes en cours. Curieuse volte-face, que celle du Premier ministre, à qui il aura fallu plus d’un an pour s’apercevoir qu’il n’était pas menacé ! Plus probablement, l’imminence des accords avec la Serbie[18] rendait l’ouverture d’une procédure à risque très gênante pour le principal intéressé, alors qu’il allait voir son prestige considérablement augmenter en endossant la tenue de « sauveur du Kosovo » grâce à l’accord avec la Serbie.

Mais au début du mois de février, la Russie repartait en campagne, devant l’absence de résultat dans les enquêtes menées par l’UE dans le cas du trafic d’organes présumé[19]. Elle a appelé le Conseil de Sécurité à soutenir la proposition de la Serbie de créer un organisme visant à enquêter sur l’implication de certains dirigeants kosovars dans le trafic d’organes humains. On est en droit de s’interroger quant aux motivations réelles de cette intervention qui apparaît, côté russe, comme une demande de réciprocité à la nomination de M.Williamson à la tête de la mission d’enquête placée sous l’autorité de la mission européenne EULEX, dû, selon le représentant russe à l’ONU, à un intense lobbying américain. Pour ce qui est du côté serbe, on peut y voir une dernière tentative pour parvenir à des conclusions permettant de freiner les ambitions du Premier ministre kosovar.

Cette ultime tentative exploitait une déclaration de Carla Del Ponte, ancien procureur du TPIY lors d’une interview donnée à l’hebdomadaire serbe « Nedeljnik ». Mme Del Ponte accusait dans cette interview l’OTAN et la MINUK de l’avoir empêchée d’enquêter sur les trafics d’organes en ne lui fournissant pas des éléments essentiels à son enquête. En outre, elle affirmait que des preuves des actes criminels avaient été détruites à son insu, peu après leur arrivée au TPIY. Elle s’est attiré une réponse cinglante de Serge Brammertz, l’actuel Procureur général, qui affirmait quant à lui que Mme Del Ponte était parfaitement au courant de la destruction, en 2005, de ces preuves matérielles. Dans une lettre adressée à M. Marty en décembre 2009, M.Brammertz le disait déjà, ajoutant, pour information, que ces pièces avaient été photographiées avant d’être détruites. Il est évident qu’aucune recherche en laboratoire ne peut être conduite sur des clichés ! Les deux procureurs sont d’accord sur un seul point : des preuves bien réelles ont existé et ce fut une erreur de les détruire. Par qui et pourquoi ? Le mystère reste entier, même s’il est assez facile de déduire qui en sont les bénéficiaires.

Toujours est-il que l’affaire est loin d’être enterrée et, une semaine après l’intervention russe à l’ONU, Rasim Ljajić, le président du Conseil national de Serbie pour la coopération avec le TPIY a adressé à MM. Ban Ki-Moon et Brammertz une lettre explicite, exigeant l’ouverture d’une enquête sur les circonstances dans lequel le TPIY avait détruit en 2005 les preuves de trafic d’organes qu’elle détenait[20]. Vuk Jeremić, le ministre des Affaires étrangères serbe, a par ailleurs demandé, le 1er mars, tout en reconnaissant le rôle joué par le Conseil de l’Europe dans l’affaire, qu’une commission de l’ONU soit désignée, afin que l’Organisation entreprenne un travail plus élargi sur le sujet. Au Conseil de Sécurité, les deux alternatives ont leurs partisans : Chine et Russie pour la commission de l’ONU, États-Unis, Grande-Bretagne et France pour l’actuelle « Task Force ».

Il faut noter qu’en marge du travail accompli par les services du Procureur, le gouvernement serbe mène sa propre enquête sur les événements incriminés dans cinq pays, en coopération avec des procurateurs russes. Des résultats probants seraient d’ailleurs fournis dans un proche avenir, selon les enquêteurs.

De nombreux procès relatifs à la guerre ne sont toujours pas bouclés

L’affaire du présumé trafic d’organes, très médiatisée, non seulement pour la gravité et le caractère inhabituel des faits, mais aussi parce qu’elle pourrait éclabousser le Premier ministre kosovar et un certain nombre de ses proches du PDK, a fait passer un certain nombre d’affaires tout aussi graves au deuxième plan. Un seul procès d’importance a, à ce jour, trouvé sa conclusion : celui de Sabit Geci, l’ancien chef de la police militaire de l’UÇK et de trois de ses subordonnés, accusés de crimes de guerre et de tortures sur des civils dans les camps de Kükes et Cahan. Après plus de quatre mois de débats, quatre peines de prison, allant de quinze ans pour le principal accusé à six ans, ont été prononcées. Plusieurs des individus cités début 2011 n’apparaissent pas parmi les personnes condamnées et il n’est pas certain qu’ils aient été jugés dans ce procès.

Le nouveau procès de Ramush Haradinaj, ancien chef militaire de l’UÇK, qui a repris le 18 août 2011 est, pour sa part, toujours en cours[21]. Le 17 février 2012, un témoin à charge particulièrement important ne s’est pas présenté à l’audience et refuse, depuis, de témoigner… Il n’est pas besoin de déclencher une enquête pour comprendre que ce témoin a, sans aucun doute, été menacé et/ou qu’il a peur de connaître le même sort que nombre de ceux qui ont osé « parler ».

En ce qui concerne « l’affaire de Kleçka » et Fatmir Limaj, autre figure historique de l’UÇK (Commandant Çeliku, ou « Monsieur 20% ») et vice-président du PDK, inculpé par EULEX de crimes de guerre en septembre 2011, la procédure à son encontre, ouverte en novembre, traîne en longueur. Alors qu’il était interpellé, il a invoqué son immunité parlementaire pour ne pas être emprisonné. Le 10 février 2012, une demande d’incarcération a été faite par EULEX, mais le Tribunal régional kosovar l’a une nouvelle fois rejetée. Limaj reste toutefois assigné à résidence pour deux mois supplémentaires et son procès s’éternise. Dans ce cas, il y a fort à parier que les fonctionnaires et juges kosovars ne voudront prendre aucun risque…pour eux. Il est vrai que Fatmir Limaj, dès septembre 2011, menaçait de faire appeler Hashim Thaçi à témoigner et de révéler un certain nombre de choses à la barre, en dévoilant « les noms des hauts fonctionnaires locaux et internationaux qui se cachent derrière les deux dossiers contre lui »[22] ! Là encore, il est très probable que certains de ces personnages ne tiennent pas à se trouver cités à témoigner et que le Premier ministre joue la prudence, dans une période aussi favorable pour ses intérêts. Par ailleurs, comme dans d’autres cas précédemment évoqués, témoigner dans un procès de ce genre n’est pas de tout repos et d’aucuns, dont l’ONU, se sont émus d’apprendre le « suicide » d’un témoin à charge essentiel (le témoin X) dans le procès Limaj. Agim Zogaj, se serait « opportunément » pendu dans un jardin public de Duisbourg en Allemagne, fin septembre 2011… On se croirait revenu à l’époque où l’UDBA de Tito réglait des comptes parmi la diaspora yougoslave en Europe ou, plus loin encore, aux plus sombres heures de l’application du Kanun [23]!

Dans le cadre de l’« affaire Limaj », le cas de Blerim Kuci semble, pour sa part, classé. Interpellé par EULEX début avril 2011 parce qu’il refusait de témoigner, l’actuel maire de Suhareka et secrétaire de l’Alliance pour l’Avenir du Kosovo (AAK) de Ramush Haradinaj était un témoin important. Il persistera à ne pas vouloir témoigner et sera libéré un mois plus tard. En juin de la même année, les déclarations du fameux « Témoin X » (Agim Zogaj), évoqué précédemment, accusaient Fatmir Limaj d’avoir condamné à mort Kuci lors de son arrestation par l’UÇK en 1999, car il le considérait comme un déserteur, du fait de son appartenance politique et militaire. Kuci, qui appartenait aux FARK (faction armée concurrente de l’UÇK), avait dû son salut à la campagne aérienne de l’OTAN et à l’intervention du témoin. Zogaj a expliqué en détails le rôle de Fatmir Limaj et les conditions de vie et d’interrogatoires à Kleçka. Il déclarait également, en juin 2011 que Limaj lui en voulait à mort de cette intervention. Est-ce pour cela qu’il s’est (ou « qu’on l’a ») suicidé trois mois plus tard ? Ou est-ce parce qu’il mentionnait sans ambiguïté la visite d’Hashim Thaçi au camp de Kleçka ?

On a d’ailleurs appris très récemment (Koha Ditore du 21.03.2012, cité par le Courrier des Balkans du 22 mars 2012), que les charges contre Fatmir Limaj et ses neuf co-accusés avaient été abandonnées…et que les déclarations du « témoin X » (Agim Zogaj) étaient jugées irrecevables, le juge en charge de l’affaire dite « de Klečka » ayant estimé que « le parquet n’avait pas rempli certaines normes de la procédure ».  La défense et le Parquet ont un mois pour faire appel.

La farce continue et les craintes de voir l’affaire classée sous la pression sont peut-être en train de se réaliser.  L’ « hommage » rendu par Fatmir Limaj à la famille Jašari, au cimetière de Prekaz, dès sa libération, est en tous cas très significatif, car c’est la légitimité des actes commis par Limaj (ou ceux qui lui sont reprochés) sous la bannière de l’UÇK, qui est invoquée par ce geste. Il ne manque plus, dans cet ordre d’idées, que Limaj rejoigne le gouvernement, comme l’aurait suggéré le Vice-Premier ministre Hajredin Kuḉi ! 

 

Quatre ans d’indépendance et des menaces de déstabilisation existent encore

 

La célébration du quatrième anniversaire de l’indépendance du Kosovo s’est déroulée le 17 février dans un climat relativement tendu. À Priština, la foule, assez nombreuse, a salué le défilé des Forces de sécurité kosovare en agitant des drapeaux albanais… et américains. Même si la Présidente Atifete Jahjaga a affirmé dans son discours que«Tous les citoyens (...) voient l'avenir du Kosovo au sein de l'UE et de l'Otan» et dans «une amitié éternelle avec les États-Unis», la présence de drapeaux albanais démontre toutefois, que le mythe de la Grande Albanie n’est pas mort dans certains milieux kosovars et qu’une nouvelle fois, « Vetëvendosje » n’était pas très loin de l’événement.

 

Mais pourquoi Albin Kurti et le mouvement « Vetëvendosje » inquiètent-ils ? Peut-être parce que c’est la seule force potentiellement dangereuse pour Hashim Thaci et son parti (PDK- Partia Demokratike e Kosovës- Parti démocratique du Kosovo) qui n’ont finalement plus beaucoup d’opposants structurés. La LDK (Lidhja Demokratike e Kosovës - Ligue démocratique du Kosovo) est en perte de vitesse depuis la mort de M. Rugova et les autres partis sont insignifiants.

 

La menace vient essentiellement, en effet, du mouvement contestataire, « Vetëvendosje ! » (Autodétermination), qui récuse l’appellation de « Parti » et est dirigé par son fondateur, Albin Kurti, l’étoile montante de la scène politique du Kosovo. Cet ancien leader syndical étudiant a intégré l’UÇK (Armée de Libération du Kosovo) et plus précisément son organe politique, dirigé par d’Adem Demaçi dès 1999. Il a commencé à faire parler de lui à la fin de cette même année, lorsqu’il a été arrêté par le pouvoir serbe. Son attitude courageuse et ferme sera très remarquée lors de son procès (il sera condamné à quinze ans de prison mais n’en purgera que deux et sera libéré après le départ de M. Milosević, en 2001).

Il quittera officiellement toute obédience politique à sa sortie de prison, mais se révèlera un féroce adversaire de l’UNMIK et dénoncera en même temps la corruption. Il se signalera par les opérations caritatives qu’il organisera au profit des familles de disparus de la guerre. Il lancera aussi un certain nombre de manifestations et militera ouvertement pour l’auto-détermination se révélant un nationaliste convaincu.

 

Il se trouvera toutefois des objectifs communs avec le KAN [24](Kosovo Action Network) et adhèrera au mouvement. Il en deviendra rapidement l’un des principaux dirigeants. En 2005, le KAN affichait très ouvertement ses vues politiques, ainsi qu’il l’écrivit sur les murs du quartier-général de l’UNMIK : « Pas de négociations, l’auto-détermination ». De facto, le KAN se transforma, sans doute sous l’impulsion de Kurti, en mouvement clairement revendicatif, nationaliste et pan-albanais, « Vetëvendosje ». Il prônera en permanence la non-violence comme moyen de lutte, mais cette ligne de conduite sera souvent violée.

En février 2007, deux sympathisants du mouvement seront tués lors d’une manifestation. Arben Xheladini et Mon Balaj deviendront des martyrs de la cause et seront des références pour les actions futures. Kurti sera à nouveau arrêté, brièvement emprisonné, puis assigné à résidence.

 

En 2009, le mouvement se trouvera un nouveau challenge : la lutte contre le plan Ahtisaari et en particulier les mesures de décentralisation. Meetings, réunions, séminaires et manifestations se succèderont, sur l’ensemble du territoire. Mais le mouvement affichera surtout clairement son objectif pan-albanais en participant régulièrement aux activités de l’organisation pan-albanaise RrOSH (Réseau des Organisations Albanaises). Il se positionnera aussi comme un adversaire déclaré de Belgrade et publiera par exemple les noms et positions de cent dix-sept membres des « structures parallèles serbes opérant sur le territoire du Kosovo »[25]. Le mouvement continuera à organiser des meetings et manifestations, mais aussi à entretenir des relations étroites avec les autres mouvements albanais dans les Balkans[26]. Dans le même temps, Kurti deviendra de plus en plus populaire. On le demandera partout pour donner des conférences (même l’ « Université Américaine du Kosovo » le réclamera…).

 

Albin Kurti révèlera également son nationalisme en participant ouvertement, en 2009, à la célébration du 131e anniversaire de la « Ligue de Prizren »[27]. Il alternera les actions spectaculaires et le lobbying, les discours venimeux et une participation presque normale à la vie politique, l’humour ou la dérision et n’hésitera jamais à provoquer la MINUK, l’UE, le gouvernement kosovar ou la Communauté internationale. Il n’oubliera pas non plus de garder, entretenir ou parfois créer, les meilleures relations avec la très nombreuse diaspora et effectuera plusieurs déplacements au Danemark, en Suède. Il ne manquera aucune occasion de brocarder le Premier ministre, auquel il reproche son allégeance aux Américains (qu’il n’épargne pas davantage dans ses critiques) et sa « tolérance » vis-à-vis de la Serbie qui continue, selon lui, à « se croire chez elle au Kosovo ».

 

Mais il y a aussi, épisodiquement, des « dérapages », autant de manquements à la non-violence revendiquée par le mouvement. Ainsi, le 25 août 2009, quinze véhicules de la mission EULEX seront renversés par des manifestants de « Vetëvendosje », qui s’étonnera de voir quinze de ses militants interpellés, alors que, selon le mouvement, les activistes des « structures parallèles » serbes ne sera arrêté. Durant cette même année, le mouvement ne désarmera pas. Il enchaînera les manifestations, sur les thèmes habituels, auxquels s’ajouteront des demandes de mise en liberté des activistes emprisonnés et de dédommagement des familles des deux «martyrs » de février 2007, des appels au boycott des élections locales, ou des imprécations contre les communes serbes du Nord du Kosovo. L’activisme de Vetëvendosje pour la Grande Albanie revêtira une importance inhabituelle le 28 novembre et, outre les aspects culturels, le mouvement réaffirmera son attachement à l’idée d’unité de la Nation albanaise en remplaçant le drapeau du Kosovo présent à l’entrée de Priština par celui de l’Albanie. On ne peut être plus clair : le mouvement est bien ultra-nationaliste, pan-albanais, voire purement « ethnique ».

 

Albin Kurti, qui se défend d’être la personnification du mouvement, cristallise pourtant sur sa personne de nombreuses sympathies, au Kosovo et à l’étranger. Il sera d’ailleurs élu au Parlement, avec onze autres représentants de Vetëvendosje. Il est actuellement vice-président de la commission des Affaires étrangères.

Sa popularité continuera de croître, d’autant qu’il dénoncera régulièrement les manquements, selon lui, du gouvernement[28]. Fin décembre 2011, il est désigné personnalité de l’année lors d’une émission de la télévision kosovare ayant une très forte audience. Il est également devenu la bête noire des autorités. Petrit Selimi, vice-ministre des Affaires étrangères accusera d’ailleurs le mouvement de professer une doctrine absolutiste qui ne répond à aucune des questions actuelles. Kurti réitèrera son attachement à l’originalité du mouvement, pour lequel il ne souhaite pas un passage au rang de parti politique. Mais en fait, y a-t-il vraiment une différence ? Il apparaît que non, car ce mouvement/parti fait « du neuf avec du vieux » et n’est qu’une résurgence d’un passé récent, additionné de relents de stalinisme, d’un soupçon de populisme et d’une bonne dose d’ethno-nationalisme.

 

Vetëvendosje, mouvement subversif et non-violent ?

 

Vetëvendosje n’a, visiblement, pas l’intention de changer ses méthodes, mais la patience du gouvernement kosovar commence visiblement à s’émousser. Le 14 janvier 2012, une manifestation annoncée comme pacifique est, malgré tout, violemment réprimée sur ordre du Premier ministre et du ministre de l’Intérieur Bajram Rexhepi. Albin Kurti avait mobilisé ses troupes, ce jour-là, sur les passages frontaliers de Merdare et Kamenica, dans le Nord du Kosovo, ainsi que sur leurs alentours. Il souhaitait, par ce geste, peser sur les échanges économiques entre la Serbie et le Kosovo, beaucoup trop déficitaires pour Priština, selon lui, en empêchant la circulation des camions serbes. Il a également impliqué indirectement dans son action le gouvernement de Tirana, en affirmant que cette action serait d’une importance tout aussi grande pour le Kosovo que pour l’Albanie. Dans le cadre de cette manifestation, des contacts étroits ont été pris avec de très nombreuses personnalités.

 

Le Premier ministre n’a pas manqué d’exploiter les violences, vraies ou supposées du mouvement, en jouant sur la contradiction avec le caractère prétendument non-violent de celui-ci, déclarant que l’avenir du Kosovo se situait à Bruxelles, non sur des barricades. Il a été rejoint dans son appréciation par..…Goran Bogdanović, le ministre en charge de la question à Belgrade. Pour ce dernier, il était évident que la période choisie par Vetëvendosje n’était pas fortuite et que les prémices d’un éventuel accord perturbaient la stratégie globale du mouvement. L’organisation de provocations est, bien sûr, un moyen de contrecarrer l’action entreprise en direction de l’UE. Il s’est, par ailleurs, interrogé quant à la « réciprocité » réclamée par M. Kurti sur le plan économique, dans la mesure où le Kosovo ne produit et n’exporte quasiment rien en direction de la Serbie!

 

Albin Kurti, en tout état de cause, a réussi à mettre en place une organisation activiste relativement bien structurée, puisque vingt-huit bureaux étaient recensés au Kosovo et que l’importante diaspora[29] est également noyautée, comme au bon vieux temps (cinq bureaux)[30]. Pour résumer son credo politique, on pourrait dire qu’il réclame essentiellement deux choses : le départ immédiat de l'administration internationale présente au Kosovo et l'unification de l'ancienne province yougoslave avec l'Albanie voisine. Et, dans ce but, il exige que la population soit directement consultée et se prononce par auto-détermination.

Il est donc évident que le mouvement ne pouvait que répondre défavorablement à l’accord du 24 février 2012. Sa première réaction aura été d’annoncer que la lutte continuerait et que les manifestations reprendraient avec le printemps. Il est vrai qu’une météo plus clémente est en général plus favorable, le rassemblement organisé au lendemain de l’annonce de l’accord contesté, n’ayant réuni qu’un petit millier de sympathisants[31]. Il n’est toutefois pas certain que tous les partisans plus ou moins déclarés du mouvement poursuivent un combat stérile, digne d’un irrédentisme dépassé et reprenant les recettes des grandes époques totalitaires (mobilisation de la jeunesse, pseudo-non-violence, organisation de « cellules » locales et dans l’émigration, uniformisation de l’habillement). Il n’est pas évident que perturber les relations économiques avec la Serbie par des blocages de routes, saboter systématiquement les plans de paix, demander le départ des instances internationales du Kosovo ou boycotter l’UE ou les États-Unis soit jugé suffisant par les militants, pour créer une base de revendications crédible. Il serait d’ailleurs savoureux de voir Vetëvendosje reprendre la « recette » du mouvement « Otpor» d’Ivo Marović[32] pour tenter de renverser le gouvernement Thaçi. Il n’est pas certain que Vetëvendosje soit en mesure d’obtenir un résultat de cette importance, mais la prudence devra être de mise pour M. Thaçi.

 

Certes, le mouvement a une réelle capacité de nuisance, mais il ne pourrait toutefois voir son influence augmenter, en particulier chez les jeunes, que si les récents accords restent sans conséquences positives pour les Kosovars (sachant que pour la Serbie, le but est presque atteint). Concrètement, il faudra que les jeunes, en particulier, puissent avoir des motifs de croire en leur avenir au sein de l’Europe, sous peine de voir les rangs de Vetëvendosje grossir. Il est donc indispensable que des propositions concrètes interviennent très rapidement, sous peine de donner des munitions à M. Kurti et son mouvement. Ce dernier, quoi qu’il dise, devrait sans doute agir plus ouvertement en tant que parti politique, sous peine de se voir marginalisé, mais son fondateur s’y oppose. Car le jeu politique risquerait de lui être défavorable, faute de personnalités de premier plan dans ses rangs. C’est sans doute pour cela que M. Kurti n’a pas, jusqu’ici, « sauté le pas » et il n’est pas certain qu’il le souhaite. Par ailleurs, s’il se transformait en parti, le mouvement serait susceptible de se décrédibiliser en laissant des manifestations violentes se dérouler, impliquant ses adhérents et sympathisants, alors que son actuel statut lui permet, en se retranchant derrière le bénéfice du doute, de minimiser le « contrôle » qu’il peut exercer sur des sympathisants (non des adhérents) plus ou moins répertoriés.

 

Quand tout s’effondre, votons !

 

En attendant, les Serbes du Nord-Kosovo ont organisé un référendum, les 14 et 15 février. La question posée ne pouvait avoir qu’une seule réponse[33] : « Non ! » Sans aucune surprise, un message clair a été délivré par les quelque trente-six mille électeurs qui se sont (spontanément ?) rendus en masse dans les bureaux de vote: le Kosovo indépendant a été rejeté à la quasi-totalité des voix et les « concessions faites par Belgrade, ont été dénoncées ». Ce scrutin a été, pour une fois, rejeté unanimement par les parties prenantes[34] et la Communauté internationale. Il est, toutefois, venu ternir les encouragements décernés par la Communauté internationale, qui reconnaissait le même jour les « progrès remarquables du Kosovo en tant qu’État indépendant » (Pieter Feith, Représentant Spécial de l’UE à Priština).

Le RSUE a toutefois appelé les dirigeants kosovars à «démontrer leur engagement en faveur d'un avenir au sein de ce pays pour les citoyens du nord ». En outre, ce référendum, organisé par les seuls Serbes du Nord-Kosovo sera particulièrement contre-productif pour leurs compatriotes du Sud-Kosovo, les plus nombreux, mais qui sont enclavés dans des « poches » ethniques. Il faut donc considérer ce référendum davantage comme un appel désespéré des Serbes du Nord-Kosovo à Belgrade à ne pas les sacrifier à des ambitions européennes, plutôt que comme une provocation en direction du gouvernement kosovar.

 

La surprise du 24 février

 

Tout va s’accélérer au lendemain du « référendum ». Alors que Milivoje Mihajlović (secrétaire général et porte-parole du gouvernement serbe) déclarait que « la reconnaissance de l'indépendance du Kosovo a été une grave erreur qui a violé la législation internationale », rajoutant : « Cette erreur ne pourrait être corrigée que si une solution acceptable était trouvée par les Serbes et les Albanais », les Serbes du Nord-Kosovo débloquaient, sans explication, les points de passage de Brnjak et Jarinje, qu’ils occupaient depuis les incidents de juillet 2011, sans violence ni protestation, à la demande de la police ! Dans le même temps, l’UE a recommandé à la Serbie de renoncer à organiser les prochaines élections municipales au Kosovo[35]. Il est certain que de ce fait, les structures parallèles qui y subsistent n’auront plus aucune légitimité et disparaîtront, à commencer par les municipalités serbes de Zubin Potok, Zvečan (dont les mandats s’achèvent le 6 mai), puis de Mitrovica et Leposavić. La coïncidence est étonnante… Après coup, on se rend compte que la déclaration du porte-parole du gouvernement était l’annonce du changement historique qui se préparait pour le lendemain (et qu’au vu de leur action, les Serbes du Kosovo connaissaient déjà). Les maires des quatre municipalités se sont d’ailleurs réunis le 9 mars et, dans un communiqué commun, ont conseillé à leurs administrés de ne pas se précipiter pour demander des documents d’identité du Kosovo.

 

Mais la nouvelle de la signature de l’accord du 24 février provoquera un véritable choc, car si les observateurs l’estimaient inévitable à plus ou moins long terme, la soudaineté de sa conclusion a surpris. Bien entendu, la paternité de cet accord historique a été revendiquée à la fois par Belgrade et Priština, qui ont fait valoir immédiatement (en les enjolivant quelque peu à l’intention de leurs concitoyens respectifs), les avantages retirés par les uns et par les autres.

 

Pour Belgrade, l’accord est une grande victoire et il a été présenté comme l’ouverture de la porte de l’UE à la Serbie (mais bien sûr, pas un mot sur la reconnaissance du Kosovo qui, de fait, n’est ni implicite, ni explicite dans l’accord). Pour Priština, c’est un triomphe car l’indépendance du Kosovo aurait été reconnue de facto par la Serbie. Ces déclarations outrancières ont été rapidement modérées, d’ailleurs, dans les deux capitales, quand il a été rappelé que les négociations n’étaient pas terminées. M. Thaçi a cependant précisé que la plus grande partie de l’accord était en faveur du Kosovo et qu’il restait très vigilant quant à la « note de bas de page ». Il se disait d’ailleurs certain que cette formulation n’était que temporaire. Reprenant au vol les accusations de Vetëvendosje, il a rétorqué qu’aucune concession n’avait été faite à la Serbie, que rien n’avait été ajouté à la Résolution 1244, qui restait complètement en vigueur et que le mouvement d’opposition était populiste et illogique dans ses déclarations. Il a estimé avoir fait le nécessaire pour que le Kosovo sorte renforcé des négociations et aille vers l’intégration et non l’isolement.

À qui profite le crime ?

 

Il n’en reste pas moins que cet accord, même imparfait, est historique. Il a d’ailleurs été salué comme tel par la communauté internationale, d’autant qu’il intervient après de longues tractations très médiatisées. Vendredi 24 février, cet accord a quelque peu surpris les observateurs, surtout après la déconvenue subie par les deux parties en décembre 2011 – les Serbes plus encore que Priština, car ils croyaient fermement se voir attribuer à cette occasion le statut de candidat à l’intégration européenne. L’opposition de plusieurs membres de l’UE, dont l’Allemagne qui avait demandé à la Serbie de faire plus d’efforts, avait été sans appel. Il est assez difficile de croire qu’en deux mois, Belgrade ait complètement changé d’approche du problème kosovar sans avoir reçu des garanties solides.

 

Évidemment, l’accord signé, contre toute attente, entre les parties serbe et kosovare est décrit, à Priština, comme profitant essentiellement à Belgrade[36] ! Cette conclusion est simpliste, mais assez réaliste dans l’immédiat. Mais, si les Serbes sont les grands bénéficiaires (approche du statut de candidat à l’UE), qu’ont donc obtenu les Kosovars en échange de leur tolérance inhabituelle ? Car il est peu probable que ce soit par grandeur d’âme que Priština ait accepté cet accord qu’ils jugent « au rabais », même si, emporté par son élan, le Premier ministre Hashim Thaçi a cru pouvoir affirmer que l’accord avait fait du Kosovo un État européen. On peut supposer qu’une pression majeure a eu pour effet de « faire passer la pilule » de la « note de bas de page »[37]et on ne peut manquer de penser que M. Obama, grand ami et soutien du gouvernement kosovar[38], mais aussi du Président Tadić[39], a décidé de se poser en inspirateur de la paix dans cette région des Balkans, surtout à la veille des élections présidentielles. Hillary Clinton, pour sa part, s’est directement immiscée dans les affaires européennes en exprimant son espoir de voir Belgrade tirée de son isolement. Mais il n’est pas interdit de penser, également, que c’est aux autorités de Bruxelles que la signature de cet accord est due et qu’un accord d’association avec l’UE sera signé (précédant une éventuelle candidature). En revanche, il paraît prématuré pour les autorités kosovares de se lancer dans des spéculations populistes, en affirmant par exemple que 2012 serait pour le Kosovo l’année de l’UE[40].

 

Renouveau de la diplomatie serbe

 

Mais alors se pose une question immédiate : pour que Belgrade accepte aussi vite ce changement majeur, des promesses importantes ont sans doute été faites. Il en est de même pour Priština qui, quoi qu’en disent la plupart des commentateurs, a dû se voir promettre un avenir européen radieux et proche[41] et, par là-même, pourrait être enclin à croire que les derniers réfractaires à sa reconnaissance, parmi les Vingt-sept[42], acceptent enfin de faire le geste tant attendu en direction du petit État des Balkans. Ceci dit, l’arrivée d’une nouvelle génération d’hommes politiques à Belgrade[43] y est sans doute, aussi, pour quelque chose. Trois hommes sont ainsi mentionnés qui, sous la férule de M. Tadić, ont changé la manière de travailler de la diplomatie serbe. Ils arrivent à maturité politique au bon moment et ont permis à la Serbie de retrouver une respectabilité perdue depuis bien longtemps. Dix ans qui ont fait disparaître la Serbie de la scène internationale, lui faisant endosser un rôle de paria pas tout à fait du niveau de la Corée du Nord, mais assez proche.

 

Vuk Jeremic, Bozidar Djelic et Borislav Stefanovic sont aussi en passe de réussir un pari jugé longtemps impossible: ouvrir les portes de l'UE à la Serbie tout en ne lâchant rien - ou presque - sur le Kosovo », écrit le journaliste du Figaro. Et c’est vrai : qui aurait pensé, il y a seulement six mois, que tout irait si vite ! Mais pour « tourner une fois pour toutes la page de Milosević », il fallait oser parier sur la nouvelle génération d’hommes politiques. Pari gagnant !

 

Le premier, Vuk Jeremić, ministre des Affaires étrangères à trente et un ans, en a étonné plus d’un. Pur produit de l’École anglo-saxonne, formé aux États-Unis, c’est un pragmatiste d’une redoutable efficacité. À la fois nationaliste et pro-occidental selon le Figaro, il a défendu avec ténacité la position officielle sur le Kosovo. Mais il est aussi jugé trop intransigeant, voire arrogant. En 2010, il a plus spécialement été chargé de convaincre les Non-alignés de la nécessité de ne pas reconnaître le Kosovo. Il a, pour ce faire, réactivé des réseaux de l’ancienne Yougoslavie, ce qui n’a été apprécié que très modérément par les États-Unis, dont il se dit qu’il est le poulain, voire plus….

Božidar Delić, est un peu plus âgé (quarante et un ans), mais lui aussi a eu un parcours d’excellence. Formé en France, où il était arrivé à l’âge de dix ans, ne parlant pas un mot de français, il a fréquenté les meilleurs établissements parisiens, dont « Sciences Po » et HEC. Il est réputé être plus fin que Vuk Jeremić et plus apte à convaincre les Européens. Sympathique et ouvert, il peut néanmoins devenir cassant quand on le lie au passé de la Serbie de Slobodan Milosević.

 

Enfin, Borislav Štefanović, trente-sept ans, habile négociateur, est l’artisan du « oui » de Priština, le 24 février. Diplomate de formation, il a été en poste à Washington où il s’est fait une solide réputation de personnage très ouvert et extraverti. Il s’est vigoureusement défendu face aux attaques virulentes de l’opposition serbe, qui n’a fait, selon lui, aucune proposition constructive et s’est contentée, lors des négociations ayant précédé l’accord[44], de réaffirmer la nécessité de ne pas renoncer au Kosovo.

 

Ces trois brillants politiciens représentent une génération ambitieuse et compétente qui est capable de redonner à la Serbie une place correspondant à son passé, mais aussi à ses ambitions futures. Ils ont en commun, outre le fait d’être bien formés, compétents, ambitieux et parfaitement intégrés dans le milieu international, d’être d’une fidélité sans faille au Président Boris Tadić qui, faut-il le rappeler, est lui-même relativement jeune (cinquante-trois ans) pour un chef d’État d’Europe centrale et orientale.

 

Mais peut-être doit-on relativiser leurs succès, dans la mesure où il y a une réelle asymétrie avec le camp albanais de Priština, à commencer par M. Thaçi, plus souvent cité pour divers démêlés ou soupçons d’implication dans des affaires criminelles que pour ses qualités de négociateur et sa formation diplomatique. Et encore maintenant, il ne se dégage pas de personnalité marquante dans la classe politique kosovare, soit trop ancienne et marquée par les systèmes révolus, soit directement passée de la lutte armée au sein de l’UÇK à des responsabilités politiques qui la dépassent parfois. D’une manière générale, les dirigeants kosovars, à l’évidence, manquent cruellement de formation universitaire et d’expérience politique. Il est certain que, face à un pays où une partie de la population considère encore le « Kanun» comme une règle de vie, la formation universitaire occidentale a un temps d’avance dans le cas de négociations internationales au XXIe siècle.

 

Et après l’accord du 24 février ?

 

La dernière interrogation majeure est que Belgrade a peut-être aussi reçu d’autres « recommandations », en particulier de Moscou, très impliquée dans le soutien aux Serbes et qui, il y a peu, les appuyait dans la décision de ne pas reconnaître l’État kosovar. À moins que, sans renier la communauté orthodoxe internationale, la nouvelle équipe aie l’intention de dissocier plus fortement la religion de l’exercice de la politique. Si cette option a été choisie, il faudra aux dirigeants serbes du courage et une grande prudence, car c’est un sujet encore très sensible. Il faut reconnaître, d’ailleurs, que les deux parties ont misé gros avec cette véritable volte-face. Peut-être ont-elles aussi estimé être en mesure de museler leurs oppositions à la réconciliation respectives. Et si celles-ci, pour virulentes que soient leurs déclarations, étaient simplement en perte de vitesse ?

 

Quoi qu’il en soit, cet accord va grandement faciliter les relations politiques entre les deux pays, mais aussi le fonctionnement des instances régionales. Il simplifiera également les relations entre le Kosovo et l’Union européenne (UE), mais donnera aussi, pour la première fois, la possibilité à ce jeune pays de participer directement à un certain nombre de forums et réunions régionales ou internationales. Mais comme cela était aussi prévisible, de nouvelles aides de l’UE sont déjà sollicitées par Priština (comme le 9 mars par M. Hoxhaj, ministre des Affaires étrangères).

La porte reste, de toute manière, ouverte sur des négociations ultérieures entre les deux pays pour définir le statut exact du Kosovo. Car il reste un certain nombre de points à éclaircir et Serbes comme Kosovars ont encore à débattre de nombreux dossiers, dont celui de l’avenir de la zone, majoritairement serbe, du Nord du Kosovo. L’un d’entre eux, particulièrement significatif, a déjà pu être réglé le 24 février : la « gestion intégrée » des « points de passage » entre la Serbie et le Kosovo, qui ont été l’enjeu de nombreuses disputes et de plusieurs incidents graves ces derniers mois, après que les Serbes du Nord du Kosovo ont rouvert les deux passages frontaliers qu’ils bloquaient depuis le mois de juillet.

Il faut toutefois se garder de tout optimisme béat : Belgrade devait faire des concessions pour prétendre à l’accès à l’UE. Certaines ont été faites, mais les pourparlers continuent et, fort du soutien de la Russie et d’autres pays, dont les cinq « réticents à la reconnaissance du Kosovo » de l’UE, la Serbie ne signera pas tout aveuglément. De l’autre côté, Priština n’acceptera pas n’importe quoi pour le seul bénéfice sécuritaire des États-Unis et de l’UE et en dépit des éventuelles promesses ou aides.

Alors c’est vrai, pour Belgrade, l’essentiel est atteint. La voie vers l’UE se dégage[45] et le Président Tadic et le Parti Démocrate (DS) peuvent se présenter devant leurs électeurs sans passer pour des traîtres à la cause (même si le DSS de M. Kostunica laisse encore entendre que le DS a échangé le Kosovo contre l’admission à l’UE).

 

Mais le plus important est que – et Catherine Ashton, qui mène la diplomatie européenne l’a fait remarquer sans chercher à cacher sa satisfaction – ces accords revêtent une importance majeure, non seulement pour les deux protagonistes, mais pour la stabilité de la région et donc, de l’UE. Il n’est toutefois pas certain que les populations saisissent toutes les subtilités de langage qui ont permis la signature de l’accord et on peut craindre que des « raccourcis » soient opérés par ceux qui voudront discréditer les parties signataires.

 

Que pensent les populations serbe et kosovare, de l’accord du 24 février ?

 

Les réactions à Belgrade (hors les nationalistes du DSS) ont été, jusqu’ici, modérées, beaucoup estimant qu’il était, de toute manière, devenu inévitable pour la Serbie de faire quelques concessions pour espérer rejoindre l’UE. Mais, en dépit de cette avancée, sans doute plus limitée qu’il n’y paraît, la partie n’est pas gagnée pour M. Tadić, car il lui faudra également calmer les inquiétudes de ses concitoyens, en particulier en ce qui concerne l’avenir des lieux de culte et de mémoire serbes (monastères, églises, cimetières, mémorial de Kosovo Polje, etc…), sujet d’une importance majeure en Serbie. Bien sûr, le plan Ahtisaari garantissait déjà leur inviolabilité. Bien sûr, ce principe a été répété, mais curieusement, on signale déjà, depuis l’accord, divers cas de dégradations d’édifices orthodoxes. La dernière en date a concerné l’église du petit village serbe de Stanišor, près de Gnjilane, dans la région de Kosovsko Pomoravlje, dont la porte a été fracturée le 2 mars. La version officielle parle de cambriolage, sans caractère ethnique (parce qu’un an avant, elle avait déjà été victime du même incident et que le voleur avait été identifié et arrêté). Selon le pope, elle a été, en fait, l’objet de nombreuses dégradations et vols depuis 1999. Ce serait en tous cas le deuxième cas dans la région en un mois, après l’église Saint Nicolas de Kosovska Kamenica.

 

Au Kosovo, la population albanaise est partagée entre la satisfaction de voir l’existence du Kosovo reconnue et le fait que le terme « République » ne soit pas accolé au nom du pays, mais relégué dans une « note de renvoi ». Et certains s’interrogent d’ailleurs sur les dividendes que touchera éventuellement le Kosovo de cet accord. L’UE devrait, dans ce sens, étudier rapidement l’éventualité d’arriver à un Accord de Stabilisation et d’Association (ASA) avec Priština, préalable à une relation contractuelle et premier pas indispensable sur le chemin vers l’Union. Mais l’accord n’est, évidemment, pas du goût du mouvement Vetëvendosje, qui a aussitôt accusé le gouvernement d’avoir accepté de supprimer le mot de république contre une simple note de bas de page et a rajouté dans son communiqué : « Nous ne sommes une république que pour nous-mêmes. Et ceci est exactement l’inverse du concept de république » ! Albin Kurti a aussitôt appelé ses partisans à manifester[46]. Mais l’opposition ne peut espérer aucun soutien extérieur, sauf à s’allier avec le diable, quelque forme qu’il prenne. Mais ce n’est plus Tirana qui volera au secours de Vetëvendosje, car l’Albanie est dans le même cas que la Serbie et même largement en avance[47]. Alors qui ?

Mis à part Vetëvendosje, les autres forces d’opposition au Kosovo (en voie de disparition) sont restées assez discrètes. La LDK (Ligue Démocratique du Kosovo) a, bien entendu, critiqué l’accord et plus particulièrement la formule de compromis car, pour elle, cela encourage les États à rester neutres sur la question de l’indépendance.

Les réactions de la minorité serbe sont encore très fragmentaires. Aucune n’a été relevée en provenance des 80 000 Serbes des « poches » du Sud-Kosovo, alors qu’au Nord, on a pu noter un certain nombre de commentaires[48]. Sans doute encouragés par une déclaration sibylline d’Oliver Ivanović[49], secrétaire d’État serbe en charge du Kosovo, certains leaders ont apporté quelques avis qui n’incitent pas à l’optimisme.

La présidente de l’ONG « Mouvement Européen Serbe » Rada Trajković estime que les citoyens « doivent essentiellement travailler au renforcement de la communauté serbe dans la province » (l ‘emploi de ce terme n’est sans doute pas un lapsus). Elle rajoutera : « Peu importe combien de fois quelqu’un répètera qu’à partir de maintenant tout ira mieux pour les Serbes, que maintenant la Serbie va davantage s’occuper de nous, je crois que le travail du gouvernement de Belgrade sera focalisé sur l’accession à l’UE et c’est pour cela que je dis une nouvelle fois qu’il est très important d’informer la population en temps utile et de lui dire : nous devons tous nous asseoir autour d’une table et discuter, afin de nous mettre d’accord sur le moyen de renforcer notre positions ».

 

Le maire de Mitrovica, Krstimir Pantić, pour sa part, s’est félicité du statut de candidat conféré à la Serbie, « quand bien même ce statut ne signifie pas grand-chose ». Il est conscient que la route sera encore longue jusqu’à l’intégration complète. Mais, très lucide et amer, il se dit certain « qu’après ça, on va demander à la Serbie de renoncer à tous ses intérêts restants dans la province, c’est-à-dire de renoncer au secteur de l’énergie, aux télécommunications et que la condition sera, ensuite, la reconnaissance du Kosovo ».

Bien entendu, les groupes d’opposition du Nord-Kosovo ont émis des avis négatifs sur le statut de candidat que vient d’obtenir la Serbie.

 

L’Europe pas si unie que cela - résurgence de préoccupations séculaires

 

La signature de l’accord, le 24, est d’ailleurs restée quelques jours en attente à Bruxelles et, le 27, l’unanimité (obligatoire) n’était pas atteinte, la Lituanie et la Roumanie ayant apparemment bloqué le vote sur le statut officiel de candidat. Pour Vilnius[50], certaines sources diplomatiques ont évoqué deux « points bloquants » : le premier concerne la présidence de l’Assemblée des Nations Unies, poste que briguait la Lituanie car il doit revenir, en 2012 à un pays d’Europe de l’Est et pour lequel la Serbie aurait proposé Vuk Jeremić, l’actuel ministre des Affaires étrangères. Le second serait plus subjectif : Vilnius voyant dans la candidature serbe à l’UE la main de Moscou. La Serbie est, en effet, souvent vue, en Lituanie, comme « une partie de la Russie qui va entrer dans l’Union Européenne ». En ce qui concerne la Roumanie (qui n’a pas reconnu le Kosovo et reste membre du « groupe de solidarité orthodoxe»non-officiel), les raisons de l’atermoiement concernaient une préoccupation supposée ethnique : le sort des populations roumaines de Serbie. L’irruption[51] de cette question dans un débat sur l’avenir du Kosovo a été diversement appréciée. M. Guido Westerwelle aurait ainsi accusé la Roumanie « d’introduire des aspects de politique intérieure » dans un débat qui concerne l’UE au sens large. Le ministre suédois des Affaires étrangères, Carl Bildt, aurait pour sa part déclaré que la Roumanie « [manquait] d’esprit européen ». Il est vrai que les droits des trente mille membres de la minorité roumaine sont protégés depuis très longtemps, au même titre que ceux de la bonne douzaine d’autres minorités de Serbie (le cas de la minorité croate s’améliore après la grave crise des années 90). Bucarest, en soulevant cette objection, a sans doute voulu profiter de la situation pour régler une très vieille question : le rattachement, ou non, des quarante mille Valaques (ou Vlachs), dont l’origine ne fait pas l’unanimité (même s’ils parlent une langue romane) à la diaspora roumaine. Les intéressés eux-mêmes ne le revendiquent pas, d’ailleurs[52], mais Bucarest les a intégrés d’office à la « nation » roumaine. D’ailleurs, alors qu’on n’en parle jamais, ou presque, il faudra bien, un jour, que Priština se penche également sur le sort des autres minorités non liées à un État éponyme comme le sont les Serbes, Croates, Bosniaques, Slovènes et Macédoniens qui résident encore sur le sol du Kosovo[53].

 

Et enfin, le 1er mars, le statut de candidat à l’adhésion était accordé à la Serbie, les objections lituaniennes et roumaines ayant été levées[54].

 

Mais cela n’a évidemment pas convenu aux plus extrémistes des Serbes du Nord-Kosovo (les « structures parallèles »), qui, le jour-même de l’annonce de la candidature de la Serbie, ont dressé des barrages sélectifs ponctuels sur un certain nombre de routes à Zupč, Zubin Potok et Zvečan, destinés à entraver la circulation des véhicules d’EULEX. Il n’est d’ailleurs pas du tout certain que ces barrages aient eu pour finalité de protester contre l’accord et la candidature serbe. C’est manifestement la mission européenne qui était visée et la brièveté de l’action (une heure) laisse penser que l’opération en cours devait déranger quelqu’un…ou qu’elle intervenait en représailles à l’arrestation, le 27 février, de six membres des « structures parallèles » par EULEX (apparemment des fonctionnaires du ministère de l’Intérieur de Belgrade).

 

Dans les conditions actuelles, que peut-on donc souhaiter ? Pour synthétiser, on pourrait simplement répondre : la paix pour cette région qui a beaucoup souffert depuis vingt ans. La nouvelle génération qui est née au moment de l’explosion de la Yougoslavie a besoin d’autre chose que de ressasser des antagonismes ethnico-religieux du XIXe siècle. Elle revendique d’ailleurs ce besoin de changement, mais reste attachée à des valeurs « traditionnelles », quand bien même elle peut davantage sortir de certains contextes familiaux ou sociaux favorisant l’isolement et l’ethnocentrisme. L’explosion des médias et des moyens modernes d’information désenclave des populations autrefois confinées dans les régions les plus reculées et cette ouverture au monde sera prépondérante. Mais de là à croire à la résolution de tous les différends parce qu’il y a eu un début d’accord le 24 février 2012, croire que celui-ci sera suffisant, croire que les accords ultérieurs éventuels seront mis en application sans problèmes relève de l’angélisme. La Communauté internationale, plus particulièrement l’UE, devra encore avoir longtemps un œil bienveillant mais attentif sur cette région des Balkans et surtout, devra proposer à tous ses peuples des issues positives et européennes à cette trop longue crise.

 

 

© ESISC 2012



[1] Dans l’acceptation kosovare, il s’agit de structures semi-officielles maintenues dans le Nord du Kosovo par Belgrade ; certains groupes nationalistes y sont parfois associés.

[2] NRC Handelsblad Rotterdam du 29 juillet 2011.

[3] Certains Serbes du Kosovo ont d’ailleurs vécu cet épisode de l’histoire moderne car, après la fuite ayant suivi la fin de la RSK, ils ont été « transplantés » en 1995 au Kosovo par Slobodan Milosević.

[4] Enver Hoxhaj, ministre des Affaires étrangères à son homologue français Alain Juppé en septembre 2011, à la veille d’un nouveau « round » de négociations à Bruxelles.

[5] MEDIAPART du 17 novembre 2011.

[6] Vingt-quatre des États membres sur cinquante-sept l’avaient déjà fait fin 2011.

[7] Anaïs Delbarre et Pauline Joris, “Kosovo : de la province à l'État ? (débat du 17 novembre 2011)”, Nouvelle Europe [en ligne], mardi 29 novembre 2011, http://www.nouvelle-europe.eu/node/1326.

[8] Odile Perrot, docteur en sciences politiques et spécialiste du Kosovo, intervenant au cours de ce débat.

[9] Dont EULEX, que Simon Ricco, corédacteur en chef du Courrier des Balkans, décrivait, lors du colloque évoqué, comme le successeur de la MINUK, mais dont la mission de suivi et d’encadrement de l’état de droit est souvent entravée par les uns ou les autres. La lutte contre la corruption est l’un des volets principaux, mais d’une manière globale, elle se heurte d’une manière récurrente aux activistes de Vetëvendosje, qui veut que toute présence étrangère disparaisse. Ce mouvement (en fait un parti bien ancré à gauche, mais aussi très nationaliste et pan-albanais…) a mis la lutte anti-EULEX à l’ordre du jour de toutes ses manifestations.

[10] Si Moscou refuse de reconnaître le Kosovo indépendant, c’est autant par « solidarité orthodoxe » (la Grèce est dans le même cas, tout comme, mais de manière moins sensible, la Roumanie) que par souci de ne pas tolérer un précédent séparatiste qui pourrait donner des idées à ses populations non-russes les plus extrémistes. Ce dernier motif est partagé par les États de l’UE n’ayant pas reconnu le Kosovo et ayant également des problèmes de minorités ethniques revendicatives ou (Espagne, Slovaquie et, à un degré moindre, Roumanie) ou de division (Chypre).

[11] Courrier des Balkans, 2 janvier 2012.

[12] Blic, 2 janvier 2012.

[13] Olivier Haener, historien et analyste politique indépendant spécialisé sur l’Europe du Sud-Est.

 

[15] Région « berceau » de l’insurrection kosovare.

[16] RIA Novosti, Andreï Fediachine, 19 janvier 2012.

[17] Cette annexe n’a jamais existé, la sensibilité des identités des témoins nécessitant un traitement protégé et distinct.

[18] Une issue favorable était attendue pour la mi-décembre, mais celle-ci sera finalement repoussée.

[19] RIA Novosti du 08 février 2012.

[20] Glas Srbije 13 février 2012.

[21] Le premier avait débouché sur une remise en liberté de M. Haradinaj. À noter que neuf témoins à charge ont disparu dans des conditions suspectes pendant ce procès.

[22] Courrier des Balkans 7 septembre 2011.

[23] Christian Gut, professeur émérite à l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales (INALCO) et à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes (EPHE), Courrier des Balkans, 13 novembre 2003 : « Le Kanun est un code coutumier remontant au XVème siècle qui ne se réduit pas à la gjakmarrja, littéralement " prise " ou plutôt " reprise du sang ", mais relève d’un corpus qui rassemble un ensemble de règles qui régissent des institutions. Ce code, qui prévoit les procédures civiles comme pénales ainsi que les institutions n’a jamais véritablement cessé de fonctionner en parallèle avec d’autres cadres juridiques plus officiels ».

[24] Fondé en 1997, le KAN se présentait comme le défenseur des droits de l’homme et plus spécialement des enfants, ainsi que de la liberté dans les Balkans. Agissant sur trois domaines (droits de l’homme, justice sociale, éducation et culture), ce mouvement a connu un succès certain.

[25] Pour Belgrade, le Kosovo est toujours une province serbe et doit donc être administrée comme telle. IL est évident que ces structures et fonctionnaires officieux ne sont localisés que dans les enclaves serbes.

[26] En mai 2009, par exemple, Albin Kurti sera en Macédoine pour participer au troisième congrès annuel de l’organisation « Zaloju » (réveille-toi).

[27] Le 10 juin 1878 à Prizren eut lieu la réunion (La Ligue de Prizren) des trois cents représentants des territoires albanais ainsi que des représentants de Bosnie et du Sandjak.

[28] Vetëvendosje accuse directement M. Thaci de violation de la Constitution, parce qu’il n’a pas rendu public le contrat signé avec le consortium américano-turc Bechtel – Enka. Selon le mouvement, le Premier ministre, a menti sur le coût du tronçon de l’ « Autoroute de la nation » Vermica-Merdare. Cette autoroute attise en tous cas les convoitises… et attire les indélicats (un Croate a été arrêté en mai 2011 pour avoir signé un grand nombre de «faux contrats », pour un montant total de plusieurs centaines de milliers d’euros).

[29] Pas de données crédibles disponibles, mais elle est estimée à deux millions de personnes environ.

[30] La diaspora kosovare est très nombreuse et représente un vivier potentiel d’agitateurs.

[31] Contrôlée par Albin Kurti et ses adjoints, cette manifestation avait pour but de bloquer les accès au Parlement le plus longtemps possible, mais sans y entrer. Le leader du mouvement a d’ailleurs expliqué qu’ils n’étaient pas là pour « prendre le Parlement », mais pour en contrôler les accès. Là encore, certains parallèles historiques peuvent être faits, mais la crédibilité du mouvement est sujette à caution. Cependant, la simple menace implicite (« un autre jour, ce sera pour la prise du parlement »), ne peut qu’inquiéter.

[32] Ce mouvement est parfois considéré comme étant à l’origine de la chute de Slobodan Milosević.

[33] "Acceptez-vous les institutions de la prétendue République du Kosovo ?"

[34] Oliver Ivanović, secrétaire d’État en charge du Kosovo en Serbie a même déclaré que ce scrutin ne visait pas, en fait, les autorités de Priština, mais les autorités de Belgrade, précisant toutefois que « Quatre municipalités ne peuvent déterminer les intérêts à long terme de la Serbie ». À noter l’ambiguïté du discours, M. Ivanović ayant, certes, condamné le référendum, tout en laissant comprendre que, pour lui, quatre municipalités (sans préciser qu’il s’agit de municipalités serbes du Kosovo) ne peuvent déterminer les intérêts de toute la Serbie.

[35] Blic du 24 février, cité par M-Magazine.

[36] Veton Surroi, chroniqueur de « Koha Ditore » le 27 février.

[37] Dans le texte de l’accord et avec l’assentiment des deux parties, le terme « Kosovo » (l’appellation de République du Kosovo n’apparaîtra pas) est suivi d’un astérisque, renvoyant à l’explication suivante : "cette désignation est sans préjudice des positions sur le statut et est conforme à la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies n° 1244 et l'avis de la Cour internationale de justice (CIJ) sur la Déclaration d'indépendance du Kosovo". Cette explication sera assortie de la référence à la résolution 1244 et à la décision de la CIJ certifiant la constitutionnalité de la déclaration d’indépendance (mais pas de l’indépendance elle-même).

[38] Le ton du message de félicitations envoyé par le Président américain à son homologue kosovar, Mme Jahjaga à l’occasion du quatrième anniversaire de l’indépendance le 17 février ne laissait pas de doute sur ce sujet. Transmis à sa destinataire lors d’une session parlementaire, il félicitait le Kosovo à l’occasion de la célébration du quatrième anniversaire de la proclamation du nouvel État.

[39] "Nous espérons que ces accords vont ouvrir les portes de la candidature de la Serbie à l'Union européenne", qui sera bénéfique à toute la région ».

[40] Il est curieux de constater qu’à Sarajevo, ce sont quasiment les mêmes propos qui ont été tenus aux citoyens bosniens !

[41] Par exemple une étude de faisabilité sur son intégration, mais sans aller jusqu'à l'ouverture du processus d'accord de stabilisation et d'association.

[42] Chypre, Espagne, Roumanie, Slovaquie et Grèce n’ont toujours pas reconnu l’État kosovar. Peur que cette issue ne crée un précédent pour leurs propres minorités ethniques ou des régions à velléités indépendantistes ?

[43] Le Figaro, article d’Alexandre Lévy du 2 mars 2012.

[44] M. Štefanović à la Radio-Télévision Serbe peu après l’annonce de l’accord : « Nous n’avons pas cédé le Kosovo et nous n’avons pas lésé l’intérêt national ou la Constitution de la Serbie. L’important n’est pas ce que nous avons obtenu, mais ce que nous avons évité de perdre, alors que nous aurions pu [tout perdre] ».

[45] Le ministre allemand des affaires étrangères, Guido Westerwelle, a qualifié l’accord de « grand pas en avant dans la bonne direction ». Il faut rappeler que le « round » de décembre 2011 avait échoué, en grande partie du fait de l’opposition allemande.

[46] Une manifestation a eu lieu, effectivement, dans la capitale, le 27 février, à l’appel de M. Kurti. Mais elle n’a réuni qu’un millier de personnes environ (encadrés par un effectif double de policiers…) qui ont tout de même bloqué, sans violence, les accès au Parlement. Le leader du mouvement a annoncé que d’autres manifestations auraient lieu, pour donner lieu à un « printemps kosovar » (avec des banderoles « Thaçi Dégage !» ?). Le numéro 2 du mouvement et député, Visar Ylmeri, a accusé le gouvernement kosovar de vouloir modifier le statut du pays et a demandé sa démission.

[47] Entrée en vigueur de l’ASA en avril 2009 et dépôt officiel de candidature le même mois.

[48] B 92 du 1er mars 2012.

[49] Même source : « Le statut de candidat et une bonne chose pour tous les citoyens serbes, y compris ceux du Kosovo. Notre candidature est, indéniablement, la première marche vers un statut de membre à part entière, ce qui veut dire que notre pays va être organisé selon les critères que possèdent l’Europe entière et tout le monde occidental. Ceci veut aussi signifier que la Serbie va bénéficier de nouveaux investissements, de nouveaux emplois et ceci entraînera la stabilité économique et seul un pays économiquement fort peut avoir un grand pouvoir politique. Et une Serbie politiquement et économiquement forte pourra s’occuper efficacement des Serbes vivant au Kosovo et Métohija ».

[50] La Croix du 27 février 2012.

[52] Selon Bucarest, la minorité roumaine compterait 250 000 personnes en Serbie, réparties principalement dans la vallée du Timoc, dans l’Est et en Voïvodine, au Nord du pays. Ces derniers ont été officiellement reconnus comme minorité nationale pendant le régime titiste, à l’inverse de ceux du Timoc – encore appelés Valaques - qui n’ont jamais eu accès aux mêmes droits. Alors qu’en Voïvodine (l’ancienne Province autonome, véritable mosaïque de peuples), les Roumains bénéficient d’un enseignement public, d’émissions de télévision et de radio en roumain ainsi que d’une église orthodoxe roumaine reconnue, les Valaques du Timoc, eux, n’auraient aucun de ces droits. Courrier des Balkans 29 février 2012.

[53] Pour l’instant, Roms, Ashkalis, Egyptiens ou Goranis, qui ont également subi la guerre et souffrent encore actuellement de discrimination, n’ont pas beaucoup de moyens de se faire entendre. Dans l’avenir, grâce aux divers programmes d’accès à l’éducation, ils pourraient revendiquer également un meilleur statut. L’existence de la minorité monténégrine a, elle, été reconnue le 7 mars 2012 lors de la venue du ministre des Affaires étrangères de Podgorica.

[54] Le Président Traian Basescu ayant trouvé un compromis avec les Serbes au sujet des droits de la minorité valaque.


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