HOPITAL DE GAZA : ECHEC D’UNE MANIPULATION DU HAMAS



Une explosion a touché, mardi soir, l’hôpital Ahli Arab de Gaza, faisant « plusieurs centaines de morts », selon les bilans fournis par le Hamas. L’organisation terroriste a immédiatement accusé les Israéliens d’avoir délibérément bombardé l’hôpital. Trente-six heures plus tard, il apparait qu’Israël n’a rien à voir avec cette frappe et que le bilan des pertes a probablement été (très) grossièrement exagéré. Mais le mal est fait. Bienvenue dans la Guerre hybride dans laquelle la manipulation de l’information, l’Infowar, est une arme (létale) à part entière.

« La première victime d’une guerre, c’est toujours la vérité » (Rudyard Kipling).

1-     Les faits

Dans la soirée du mardi 17 octobre, une forte explosion a eu lieu dans l’enceinte de l’hôpital Ahli Arab – un établissement appartenant à l’Eglise anglicane et géré par elle depuis Jérusalem -, dans les quartiers Est de Gaza. Le nombre de victimes est, manifestement, important. Immédiatement, le Hamas dénonce un « tir israélien ».

En début de soirée, l’organisation évoque 200 morts ; des témoins, eux, parlent de 500, 700 puis de « plus de mille » victimes. L’armée israélienne reste prudente et affirme, dans la soirée de mardi, ne pas pouvoir faire de commentaire avant d’avoir établi précisément ce qui s’est réellement passé. S’il est douteux que Tsahal ait délibérément visé l’hôpital, l’hypothèse d’une erreur lors d’un tir de missiles ou d’un bombardement est envisageable.

2-     La machine de propagande tourne à plein régime

Dans les minutes qui suivent le drame, les réseaux de communication du Hamas se mettent en route, et la machine de propagande tournera, rapidement, à plein régime.

Nous avons eu droit, bien entendu, à des communiqués officiels, mais l’organisation a l’intelligence de s’effacer rapidement derrière de simples « témoins » envoyés en première ligne de la guerre médiatique.

Sur les plateaux des chaînes francophones, on a vu ainsi se succéder des « Palestiniens de la rue » vivant à Gaza. Le discours est toujours le même, stéréotypé : aucune de ces personnes n’appartient (bien évidemment) au Hamas, aucune ne fait de politique ou ne s’y intéresse, chacune est favorable à la paix et au dialogue, toutes témoignent librement de ce qu’elles ont vu et vécu.

Mais l’ouverture s’arrête là. Quand on les interroge sur ce point précis, aucun de ces témoins, par exemple, ne condamne les faits atroces qui se sont déroulés en Israël entre le 7 et le 9 octobre et qui expliquent la riposte israélienne (mais ne pourraient évidemment pas justifier le bombardement d’un hôpital). Personne ne met en cause le Hamas : d’un intervenant à l’autre, les mots sont quasiment les mêmes, allant du « je ne sais pas très bien ce qui s’est passé » à « il faut enquêter… ».

Sur le bombardement de l’hôpital Ahli Arab, en revanche, l’unanimité est de mise : le coupable, c’est Israël. Et il ne s’agit pas d’un tir accidentel mais bien d’un acte délibéré. Quand un journaliste demande, presque timidement, si le drame ne peut pas provenir d’une erreur de tir du Hamas ou du Djihad Islamique, la question est balayée : non, ce sont les Israéliens qui sont responsables ; d’ailleurs ils ont l’habitude, ils ont détruit des dizaines d’hôpitaux et d’écoles, ils sont coutumiers des massacres de civils depuis des années. Et non, bien entendu, ce n’est pas le Hamas qui bloque les habitants de la Bande de Gaza dans le nord, les empêchant d’évacuer vers le sud, ce sont, à nouveau, les Israéliens.

Et tout au long de la soirée, de témoignage en témoignage, le nombre de victimes enflent de façon démesurée. Dans une croissance exponentielle, on passe de 200 à 300 morts, puis à 500 ou à 700, et enfin à « plus de1000 ». Mercredi, le bilan officiel du ministère de la Santé de Gaza (évidemment contrôlé par le Hamas) sera de 471 morts.   

Mais curieusement, et personne ne semble s’en étonner, alors que les victimes sont innombrables, on en voit peu. En règle générale, le Hamas est pourtant prompt à diffuser des gros plans de victimes et des images de corps ensanglantés (de préférence ceux de femmes et d’enfants). Ici, on voit surtout des secouristes qui s’affairent, des civières (parfois vides), une foule qui trépigne. Peu de sang. Peu de cadavres.

Bizarrement aussi, et cela provoque un malaise, aucun journaliste ne met en cause la parole des témoins : on les traite comme s’il s’agissait d’un micro-trottoir réalisé place de La Concorde. Personne n’évoque le fait que ces témoins, tombés du ciel en quelques minutes et s’exprimant, pour certains, dans un français parfait, parlent peut-être avec un pistolet du Hamas sur la tempe ou sont de simples relais volontaires de la propagande du Hamas. Miraculeusement, par les biais des mots de ces « gens de la rue », c’est la parole même de l’organisation terroriste qui est réhabilitée : ce qui sort de la bouche d’un Gazaoui ne peut être que la vérité.

3-      Le démontage de la manipulation

Pendant toute la nuit, les services de renseignement israéliens vont accumuler les éléments permettant de « documenter » la tragédie. Et on peut supposer qu’ils ne sont pas les seuls : leurs homologues américains, français et britanniques font de même. Outre leurs contacts locaux, ils peuvent bénéficier de l’imagerie satellitaire et des interceptions électroniques, sources précieuses pour étudier ce type d’incident.

Et mercredi après-midi, plusieurs éléments troublants sont rendus publics, permettant à Israël d’affirmer que le projectile provenait de la Bande de Gaza (donc de la partie palestinienne) et que l’explosion est due à une erreur ou un accident lors d’un tir de missiles du Djihad Islamique, une organisation étroitement associée au Hamas, dont les membres ont participé à l’expédition meurtrière du 7 octobre et qui, elle aussi, est armée et financée par l’Iran.

Ces éléments sont aujourd’hui connus, mais passons-les rapidement en revue.

A/ Les images d’al-Jazeera

D’abord, il existe des images tournées en « live » par la chaîne arabe al-Jazeera, que l’on peut difficilement accuser de jouer le jeu de la propagande de l’Etat hébreu (images qui, notons-le, étaient publiquement disponibles dès mardi soir et qui avaient été, honnêtement, présentées par certaines chaînes européennes). On peut y apercevoir, en temps réel, le départ d’un tir de barrage de missiles venant du sud, donc de la Bande de Gaza, en direction d’Israël. Aucun projectile ne vient du nord ou de l’est (donc d’Israël) et aucun avion n’est visible. Un de ces missiles explose (ou se désintègre) et tombe vers le sol. Quelques secondes plus tard, on peut voir une énorme explosion et le zoom réalisé par le caméraman permet de constater qu’elle a eu lieu dans le périmètre de l’hôpital.

B/ La carte des systèmes de radar anti-missiles

Ensuite, Israël a publié une image, issue de ses radars de détection et de poursuite de missiles, qui montre le même tir de barrage partant d’un lieu extrêmement proche de l’hôpital (sans doute d’un cimetière voisin) et sur laquelle on peut voir la trajectoire d’un des projectiles se modifier : il décroche et plonge vers le sol au-dessus de l’hôpital. Ce document technique corrobore les images d’al-Jazeera.

C/ Une conversation entre deux membres du Hamas

Enfin, l’enregistrement d’une conversation sensée s’être tenue entre deux membres du Hamas (non identifiés par les Israéliens) après l’explosion laisse apparaître leur étonnement. L’un des deux hommes évoque « une erreur » du Djihad Islamique.

D/ Les éléments apportés par la BBC

La BBC, dont l’objectivité est proverbiale, a mené ses propres recherches, via son service spécialisé « BBC Verify ». Premièrement, elle « a pu comparer les détails des bâtiments et la disposition du site de l'hôpital Ahli Arab avec des images satellites accessibles au public, afin d'établir que l'hôpital était le lieu de l'explosion. » Deuxièmement : « BBC Verify a montré les preuves à un certain nombre d'experts en armement, dont certains affirment qu'elles ne correspondent pas à ce que l'on attendrait d'une frappe aérienne israélienne typique. » Ainsi, « J Andres Gannon, professeur adjoint à l'université Vanderbilt, aux États-Unis, affirme que l'explosion semble être de petite taille, ce qui signifie que la chaleur générée par l'impact peut avoir été causée par des restes de carburant de fusée plutôt que par l'explosion d'une ogive. » Un autre spécialiste, Justin Bronk, chercheur principal au Royal United Services Institute (Rusi) au Royaume-Uni, est du même avis : « Les indices semblent indiquer que l'explosion a été provoquée par une section de fusée défectueuse qui a heurté le parking et provoqué un incendie de carburant et de propergol » (le propergol est un additif du carburant des fusées).

Sur son site, la BBC publie une image satellitaire de l’agence EPA montrant une quinzaine de véhicules incendiés sur le parking de l’hôpital, mais les bâtiments, tous proches, ne semblent pas avoir été touchés, ni endommagés par une onde de choc.

E/ Le bilan lui-même est fortement remis en question

Un spécialiste français des armements auquel nous avons parlé souligne que l’absence de cratère à l’épicentre de ce qui semble être le point d’impact prouve qu’il ne s’agissait pas d’une bombe larguée par un avion. Le même expert précise que l’ampleur limitée des dégâts le fait douter du bilan annoncé par le Hamas. « Le responsable de l’Eglise anglicane à Jérusalem, le chanoine Richard Sewell, doyen du St George's College, affirme qu'un millier de personnes déplacées s'étaient réfugiées dans la cour au moment de la frappe, et qu'environ 600 patients et membres du personnel se trouvaient à l'intérieur du bâtiment. Si l’on s’en tient au chiffre annoncé de 471 morts, cela signifierait une létalité d’environ 30% voire de 50%, si l’on s’en tient aux seuls présents dans la cour, ce qui semble peu compatible avec le périmètre de l’explosion où l’on constate des dégâts assez peu significatifs … »

Comme en écho aux propos de notre interlocuteur, dans la soirée de mercredi, un « haut responsable d’un service de renseignement européen » confiait à l’Agence France Presse : « Il n’y a pas 200 voire 500 morts [à l’hôpital] mais plutôt quelques dizaines, sans doute entre 10 et 50… »

F/ La prise de position de Joe Biden

Le président américain Joe Biden, en visite mercredi à Tel-Aviv, a lui aussi imputé la frappe à une « roquette hors de contrôle » tirée par un « groupe terroriste » dans le territoire palestinien : « Sur la base des informations que nous avons eues jusqu'à présent, il semble que (la frappe) soit le résultat d'une roquette hors de contrôle tirée par un groupe terroriste à Gaza ».

Deux réflexions s’imposent. Premièrement, Biden a déclaré se baser sur des « données américaines » (ce qui a été confirmé, depuis Washington, par son conseiller à la Sécurité nationale, Jake Sullivan). Ce qui signifie qu’il s’est forgé une opinion après avoir été « briefé » par ses services de renseignement, qui ont recueilli leurs données indépendamment des Israéliens. Deuxièmement, on peut penser que si l’administration américaine avait le moindre doute, jamais Joe Biden n’aurait été aussi loin dans ses déclarations. La situation est volatile, les intérêts américains ont été (et demeurent) menacés, et s’il se fourvoyait, il n’aurait plus aucune chance de jouer, à un moment ou un autre, un rôle d’intermédiaire entre Israël et le monde arabe.

Bien entendu (et c’est ce que diront certains), on peut penser que l’ensemble des éléments que nous venons d’évoquer ont été fabriqués de toutes pièces par la machine de guerre israélienne, et que les déclarations de Joe Biden ne sont que l’illustration de la complicité existant entre les Etats-Unis et l’Etat hébreu. Mais il s’agit d’éléments factuels qui, à ce jour, ne sont pas démentis par d’autres éléments du même ordre. « En face », on n’a que des déclarations du Hamas et des « témoignages ». Aucune preuve matérielle, aucun fragment de bombe ou de missile israélien, aucune image probante. D’un côté, des faits, de l’autre, des paroles.

4-     Un mensonge avéré, mais le mal est fait

Dans une affaire aussi complexe et sensible, il est dangereux de dire que l’on détient des éléments avérés à 100%. Il n’empêche que l’accumulation des faits que nous venons de rappeler permet de conclure, avec une marge d’erreur extrêmement faible, qu’Israël n’a pas bombardé l’hôpital de Gaza.

Il est plus difficile en revanche de décider qui du Hamas ou du Djihad Islamique est responsable du tir accidentel, mais ce n’est pas, ici, le problème essentiel.

Mais le mal est fait.

5-     Conséquence de la manipulation : une augmentation des tensions dans la rue arabe et de la menace terroriste partout dans le monde

Les tensions qui s’accumulent dans « la rue arabe » depuis le 7 octobre sont à leur comble et l’accusation portée par le Hamas contre Israël n’a fait que jeter de l’huile sur le feu.

Dans la nuit de mardi à mercredi, le Hamas puis le Hezbollah avaient appelé à un « jour de colère », le mercredi 18 octobre, et à des manifestations « partout dans le monde ». Quelques heures à peine après le drame, des émeutes éclataient en Cisjordanie (où le président Mahmoud Abbas est de plus en plus contesté), en Turquie, au Liban, en Tunisie, en Iran, en Jordanie ou en Libye. Phénomène significatif : là où n’existent pas d’ambassades d’Israël, ce sont celles des Etats-Unis, du Royaume-Uni ou de la France qui ont été assiégées, ces trois pays étant ouvertement accusés de soutenir l’Etat hébreu.

Dans la journée de mercredi, tandis que Jérusalem annonçait la fermeture de son ambassade au Maroc et sa délocalisation à Madrid, des factions pro-iraniennes tiraient des roquettes sur une base militaire abritant des troupes américaines en Irak.

Les mêmes manifestations, parfois violentes, se répétaient mercredi, en début de soirée, dans plusieurs pays.

De la contestation violente au terrorisme, il peut n’y avoir qu’un pas. Toutes nos sources dans les milieux de renseignement estimaient mercredi que la menace terroriste avait fortement augmenté en Europe et dans le reste du monde occidental depuis le 7 octobre et qu’elle s’était encore accrue après le drame de mardi soir.

Un jour ou l’autre, quelque part dans le monde, des terroristes tueront au nom de victimes (très majoritairement imaginaires) qui n’ont pas été tuées par Israël mais seront malgré tout devenues des « icônes » de la martyrologie palestinienne.

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