Nouvelles craintes pour la sécurité maritime après le détournement d’un pétrolier vietnamien



Jeudi 9 octobre, le département des affaires maritimes du ministère vietnamien des transports a annoncé que le pétrolier MT Sunrise 689 – porté disparu depuis son appareillage de Singapour le 2 octobre dernier – avait été relâché par des pirates dans la matinée.

Selon le directeur du département, Nguyen Nhat, le navire fait actuellement route vers les eaux territoriales vietnamiennes et l’île de Phu Quoc, dans le golfe du Siam. Nguyen Nhat a par ailleurs confirmé que le MT Sunrise 689, qui avait à son bord 18 membres d’équipage et 5 226 tonnes de diesel, a été attaqué par une douzaine de pirates armés qui ont blessé deux matelots, détruit les systèmes de communication et se sont emparés d’un tiers de la cargaison de carburant destinée à la province de Quang Tri.

Mardi, l’armateur Haiphong Sea Product Shipbuilding Co. avait déclaré avoir perdu toute trace du Sunrise 689 à 120 miles marins (222 kilomètres) au nord-est de Singapour, accréditant l’hypothèse d’une attaque pirate d’abord soulevée par le centre régional de piraterie du Bureau Maritime International (BMI). Le comité national de recherche et de sauvetage du ministère vietnamien des affaires étrangères avait alors demandé l’aide des autorités navales et des garde-côtes de Malaisie, de l’Indonésie, des Philippines et de Singapour. Le BMI avait par ailleurs appelé l’ensemble des navires faisant route dans la région à faire preuve d’une « vigilance particulière ».

Ce dernier abordage confirme la tendance d’une recrudescence de la criminalité maritime, principalement des vols de carburant, observée au large de la Malaisie et de l’Indonésie depuis la fin du mois d’avril. Ce phénomène est dû en grande partie à l’accroissement des échanges entre les dix Etats membres de l’Association des Nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) – Brunei, Cambodge, Indonésie, Laos, Malaisie, Myanmar, Philippines, Singapour, Thaïlande et Vietnam – qui s’est développé en parallèle des grandes voies maritimes intercontinentales. L’augmentation constante du commerce de carburant, de machines-outils et de matériaux de chantier à l’intérieur de la zone a en effet offert de nouvelles opportunités aux groupes criminels de la région après plusieurs années d’accalmie.

Plusieurs voix se sont donc élevées pour exiger la généralisation de la présence de gardes de sécurité armés sur les navires, solution interdite à ce jour dans les eaux indonésiennes, malaisiennes et thaïlandaises. Pour sa part, le Bureau Maritime International a appelé les marines des pays riverains de la mer de Chine Méridionale à augmenter le nombre de patrouilles navales dans leurs eaux territoriales et à maintenir le niveau de coopération transnationale. Il a aussi recommandé que soit exercée une surveillance permanente pour éviter les actes de piraterie contre les bateaux au mouillage.

Ce problème concerne actuellement les navires de petite taille et de taille moyenne utilisés par les armateurs régionaux. L’application de bonnes pratiques en matière de sécurité navale, dont le fait de ne pas mouiller dans des zones où se sont déroulées des attaques, semble en effet toujours suffisante pour protéger les superpétroliers transitant par le détroit de Malacca. Les groupes criminels locaux pourraient néanmoins tirer profit d’opérations relativement faciles pour acquérir de nouveaux moyens et accroître le périmètre de leurs actions. À ce titre, le fait que l’abordage du MT Sunrise 689 se soit déroulé à proximité immédiate du port de Singapour constitue un élément significatif dans l’apparition de cette nouvelle menace pour l’évolution de la sécurité maritime, dans un carrefour majeur du commerce international.

Ce phénomène est aussi inquiétant dans le contexte de renouveau de la menace terroriste en Asie du Sud-Est. Les services de renseignement locaux et Interpol ont en effet renforcé leurs efforts de coopération pour identifier un lien entre cet accroissement des vols de pétrole en mer et le financement des activités terroristes.

Au cours des dernières semaines, la police malaisienne a en effet démantelé plusieurs cellules terroristes qui auraient développé des liens financiers avec des groupes pirates. À l’appui de telles inquiétudes, rappelons en particulier l’opération antiterroriste menée en juin dernier par les forces de sécurités malaisiennes, qui ont notamment interpellé un officier de la marine royale à Sandakan, dans l’état de Sabah, dans le cadre d’une enquête sur des réseaux de recrutements djihadistes.

Si l’identité et la nationalité des pirates qui ont détourné la cargaison de carburant du MT Sunrise 689 n’est toujours pas connue à l’heure actuelle, cette attaque s’inscrit donc bien dans un cadre plus large qu’un simple fait divers. En effet, les répercussions de la hausse de la piraterie ne peuvent être ignorées alors que le phénomène djihadiste connaît un développement nouveau en Asie du Sud-Est, notamment du fait de la capacité des petites cellules à réunir des fonds pour commettre des attentats dans la région et envoyer des volontaires combattre en Syrie et en Irak.

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