Les faits ont été largement ignorés par les médias européens, mais le djihad style « Orange Mécanique » de l’Etat Islamique a fait son entrée au Canada en ce début de semaine.
Lundi, c’est soldat canadien qui a été mortellement blessé, tandis qu’un autre était grièvement blessé, par un islamiste connu des services de police les ayant percuté avec son véhicule. Ce mercredi, en fin de matinée, un autre militaire a été blessé après qu’un inconnu ait ouvert le feu à plusieurs reprises contre le National War Memorial d’Ottawa avant de prendre la fuite. Le parlement canadien, tout proche du mémorial a été fermé tandis que les forces de l’ordre se lançaient dans la chasse à l’homme.
A l’heure où nous écrivons, aucun détail exploitable n’a été révélé sur le plus récent des deux attentats, mais on pejut déjà se livrer à une analyse du premier d’entre eux.
1) Les faits et le profil sommaire de l’auteur
Dans la journée de lundi, une voiture a renversé deux militaires (dont l’un portant uniforme) sur le parking d’un supermarché de Saint-Jean-sur-Richelieu, à 40 km au sud-est de Montréal. L’un des deux hommes, l’Adjudant Patrick Vincent, est décédé des suites de ses blessures. Le conducteur responsable a tenté de s’enfuir et a été pris en chasse par la police. Quelques kilomètres plus loin, il a perdu le contrôle de son véhicule et en est sorti avant d’être abattu par les forces de l’ordre.
Il s’est rapidement avéré que l’incident était de nature terroriste, ce qui a été rapidement reconnu par le ministre de la Sécurité publique, Steven Blaney.
L’homme abattu par la police a été identifié comme étant Martin Couture-Rouleau, alias « Ahmad », un converti rallié à l’islam radical. Il était âgé de 25 ans, s’était converti à l’islam il y a environ un an et était séparé de sa compagne et père d’un enfant.
Sa conversion semble avoir trouvé son origine dans l’état de dépression où l’avait plongé sa séparation et la faillite d’une petite entreprise de nettoyage créée avec un ami.
La mosquée fréquentée par l’intéressé accueillait régulièrement un prédicateur radical, Hamza Chaoui, qui affirme notamment qu’islam et démocratie sont incompatibles.
En juin 2014, ses parents inquiets de ce qu’ils considéraient comme une dérive sectaire avaient signalé les faits aux autorités.
En juillet, il avait été interpellé à l’aéroport de Montréal où il souhaitait s’embarquer sur un vol à destination de la Turquie, sans doute pour rejoindre la Syrie. Il avait été interrogé par la Gendarmerie Royale du Canada (GRC) qui avait été forcée de le relâcher faute de preuves mais avait confisqué son passeport.
La GRC préconisait à l’époque d’entamer des poursuites contre Couture-Rouleau, suspecté d’appartenir à une mouvance d’une centaine de Canadiens extrémistes, mais le Procureur général avait estimé que le dossier était trop mince.
A plusieurs reprises, entre juillet et octobre, la GRC avait rencontré Couture-Rouleau, parfois en présence de sa famille ou d’un imam afin de le « déradicaliser ». La dernière rencontre avait eu lieu le 9 octobre et avait été considérée comme « positive » par les enquêteurs.
Couture-Rouleau entretenait deux pages Facebook, l’une sous le nom d’ « Ahmad LeConverti » (elle a été supprimée lundi) et l’autre sous celui d’ « Ahmad Rouleau » qui était toujours active ce mercredi matin (https://www.facebook.com/#!/Baller.Qc?fref=ts). Le contenu de ces pages ne laisse aucun doute sur l’idéologie qui animait le jeune homme. La dernière photographie du profil « Ahmad Rouleau » est une image représentant deux portes ouvertes, l’une sur le paradis, l’autre sur l’enfer. Elle a été postée, sans aucun commentaire, le 17 octobre à 23h 56.
Le jour des faits, il s’était rendu sur le parking d’une grande surface de Saint-Jean-sur-Richelieu, ville où il résidait et y avait attendu au moins deux heures l’arrivée de militaires. La « chance » de voir des membres des forces armées sur les lieux était loin d’être nulle : la ville abrite la Garnison Saint-Jean et un collège militaire.
2) Les conclusions à en tirer
Il s’agit donc d’une première pour le Canada, mais cet acte est également la première mise en pratique des recommandations émises fin septembre 2014 par un porte-parole de l’Etat Islamique qui avait visé spécifiquement les Américains, Européens, Australiens ou Canadiens »[1] « Si vous ne pouvez pas trouver d’engin explosif ou de munition, alors isolez l’Américain infidèle, le Français infidèle ou n’importe lequel de ses alliés. Frappez sa tête avec une pierre, égorgez-le avec un couteau, écrasez-le avec votre voiture, jetez-le d’un lieu en hauteur, étranglez-le ou empoisonnez-le ».
On notera que la méthode utilisée par Couture-Rouleau l’avait déjà été, à Londres, le 22 mai 2013, par deux convertis britanniques d’origine nigérienne, Michel Adebolajo et Michael Adebowale. Les deux hommes (condamnés depuis à la perpétuité pour l’un et à « au moins » 45 ans de prison pour l’autre) avaient renversé le soldat Drummer Lee Rigby avant de l’achever à coups de couteau et de hachoir à viande…
Cet attentat est le deuxième acte terroriste commis en Occident et que l’on peut directement relier à l’influence de l’Etat Islamique, le premier était le massacre commis au Musée juif de Bruxelles le samedi 24 mai 2014 par Mehdi Nemmouche. On notera toutefois que :
Les autorités britanniques ont révélé avoir empêché récemment « plusieurs attentats »
Le 18 septembre dernier, la police australienne avait conduit une vaste opération antiterroriste à Brisbane et Sydney. Les terroristes arrêtés préparaient l’enlèvement et la décapitation d’un citoyen australien ;
Le 23 septembre, toujours en Australie, un homme de 18 ans convoqué pour interrogatoire à la police d’Endeavour Hills en raison de ses liens supposés avec l’Etat Islamique avait été abattu après avoir poignardé deux officiers de police.
S’il avère, comme c’est très probable, que l’incident du War Memorial est également lié à l’islamisme radical, on sera en face d’un troisième attentat lié à l’Etat Islamique.
En conclusion :
Depuis le mois de mai, des attentats liés à l’Etat Islamique ont été commis ou tentés dans quatre pays (Belgique, Australie, Canada, Grande-Bretagne).
Le « profil » de Couture-Rouleau souligne une fois de plus le risque spécifique lié aux convertis mais aussi l’influence que la propagande de l’EI peut avoir sur les esprits les plus fragilisés.
Il apparaît clairement que l’EI n’a pas besoin de commanditer directement un attentat pour que celui-ci ait lieu ou soit tenté. Cet élément augmente considérablement le risque de passage à l’acte…
Si l’on considère généralement que « seulement » une centaine de Canadiens seraient partis combattre dans les rangs de l’Etat Islamique ou d’autres organisations radicales en Syrie et en Irak, l’incident de Saint-Jean-sur-Richelieu doit évidemment être considéré come un nouveau signal d’alarme par les pays qui ont vu nettement plus de « volontaires » rejoindre cette région, en particulier la France (au moins 1000 personnes), la Grande-Bretagne ou l’Allemagne (entre 500 et 700 volontaires pour chacun de ces deux pays) et la Belgique (environ 600 cas répertoriés en août dernier).
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[1] Voir notre éditorial du 23 septembre 2014 : « Etat Islamique, les psychopathes parlent aux psychopathes ».