La radicalisation des groupes Mapuche menace les intérêts internationaux en Argentine et au Chili



Le 11 novembre dernier, un groupe inconnu jusqu’ici, la « Résistance ancestrales des Mapuches » (Resistencia Ancestral Mapuche - RAM), a revendiqué une série d’attentats perpétrés ces deux dernières années dans les provinces argentines du Rio Negro et de Chubut. Le groupe, qui se présente comme une émanation du mouvement autonomiste Mapuche du « Puel Mapu », a aussi menacé de mener dès à présent une véritable « guerre » contre les « Etats oppresseurs » de l’Argentine et du Chili, sur le territoire desquels s’étend le territoire ancestral de la nation Mapuche.

 

Au nombre des actions revendiquées dans ce communiqué, la RAM insiste sur l’incendie, le 12 octobre, du refuge de montagne « Neumeyer », à proximité de la ville touristique de San Carlos de Bariloche, ainsi que des attaques menées en 2013 dans cette même ville contre la cathédrale et le consulat chilien. Selon le groupe, de telles attaques s’inscrivent dans une « vision stratégique globale » de lutte contre les intérêts de la bourgeoisie et des « fascistes » qui gouvernent localement.

 

Le groupe a aussi revendiqué l’incendie déclenché en décembre 2013 dans une pinède plantée par une filiale du groupe italien Benetton dans la province de Chubut, démontrant sa volonté de s’en prendre aux intérêts des compagnies multinationales implantées au sud de l’Argentine et du Chili, essentiellement dans le domaine des industries forestières et extractives.

 

Si des incidents impliquant des autonomistes indigènes sont relativement fréquents depuis plusieurs années, les activistes mapuches ont intensifié le rythme de leurs actions violentes au cours des derniers mois, principalement en marge de manifestations de protestation organisées au Chili. Le 8 septembre dernier, l’explosion d’une bombe artisanale dans la station de métro Escuela Militar (Ecole militaire) de Santiago, déclenchée il semblerait par un groupe anarchiste, a par ailleurs mis en lumière l’existence d’un risque terroriste réel lié à des mouvements radicaux. Dans un tel  contexte, la menace de « guerre » brandie  par la RAM apparaît donc de manière très concrète, même si elle se limitait jusqu’à présent à des actions de faible ampleur dans les régions patagoniennes.

 

Alors que la plus grande partie des actions violentes attribuées ou revendiquées jusqu’ici par des Mapuches ont eu lieu au Chili, on notera par ailleurs l’affirmation du caractère transnational du combat autonomiste. Le communiqué de la RAM rejette en effet toute appartenance de la nation Mapuche à l’Argentine ou au Chili, et insiste sur la volonté de l’organisation de libérer l’ensemble de son territoire ancestral de toute souveraineté étatique.

 

Cette extension des revendications autonomistes des Mapuches au sud de l’Argentine doit aussi être analysé dans le cadre de l’opposition au projet de la compagnie pétrolière nationale YPF d’exploiter, en coopération avec le groupe américain Chevron, les réserves d’hydrocarbures non conventionnels contenues dans le gisement de Vaca Muerta, dans la province de Neuquèn.

 

La grave crise énergétique que traverse actuellement l’Argentine a en effet poussé les deux opérateurs industriels à accélérer le rythme de forage de puits exploratoires ainsi que la construction d’infrastructures routières nécessaires à l’exploitation pétrolière. Les répercussions de ces chantiers sur l’environnement et la santé, de même que les craintes en matière de droits fonciers, ont provoqué une opposition très forte de la part des populations locales, appartenant pour la plupart à des tribus mapuches. On notera entre autre la dénonciation de la nouvelle loi pétrolière, qui prévoit des  concessions pétrolières d’une durée de 50 ans.  

 

Au mois d’octobre, des villageois du secteur d’Añelo se sont ainsi enchaînés à des derricks et ont manifesté devant le siège du gouvernement provincial de Neuquèn pour réclamer la reconnaissance de leurs droits. Les autorités se sont finalement résolues à accorder par décret une personnalité juridique à la communauté indigène de Campo Maripe.

 

Etant donné les dimensions colossales des projets industriels en cours, non seulement dans le secteur pétrolier mais aussi dans celui de l’extraction des ressources minières, il est néanmoins douteux qu’une telle mesure soit suffisante pour calmer la colère des communautés indigènes,  alors que 10% seulement des 70 communautés reconnues de la province de Neuquèn détiendraient des titres de propriété légaux sur leurs terres. On notera aussi que des revendications similaires sont portées par les communautés mapuche du Chili et du reste de la Patagonie argentine, ce qui donne une idée de l’ampleur de ce problème.

 

Dans les semaines à venir, il est donc plus que probable que des groupuscules radicaux cherchent à passer à l’action pour mettre à exécution les menaces de la RAM. Ces groupes risquent notamment de mener des  attaques limitées contre les  intérêts des groupes étrangers accusés d’accaparer des terres indigènes avec la complicité des autorités de Santiago et de Buenos Aires. À plus long terme, on peut donc craindre l’émergence d’un véritable mouvement politico-militaire dans la région, en parallèle du développement des industries extractrices de part et d’autre de la cordillère des Andes.


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