La poussée djihadiste dans la plaine de la Bekaa menace à nouveau la stabilité du Liban



Mardi 2 décembre, le groupe terroriste « Etat Islamique » (EI) a publié sur le forum islamiste « Al-Minbar » un appel au djihad visant explicitement les communautés chiites et chrétiennes du Liban. Depuis plusieurs mois, de nombreuses régions du pays vivent en effet au rythme des combats opposant l’armée ou les miliciens du Hezbollah aux terroristes de l’EI ou du front Al-Nusra.

 

Ces dernières semaines, cette situation a donné lieu à de violents affrontements, dont le plus meurtrier a coûté la vie à au moins six soldats de l’armée libanaise ce mardi sur une route de montagne de Ras Baalbek, dans la plaine de la Bekaa, à proximité de la frontière syrienne.

 

Mercredi, le front Al-Nusra – groupe lié à Al-Qaïda qui s’est rangé aux côté de l’EI après le début des frappes internationales en Syrie et en Irak – a par ailleurs menacé via son compte Twitter d’exécuter les vingt-sept soldats et policiers libanais retenus par ses hommes en otage depuis le début du mois d’août.

 

Mercredi également, deux autres soldats ont trouvé la mort dans l’explosion d’une bombe artisanale sur une route du district frontalier d’Ersal, au sud de Ras Balbek. Pour rappel, plus de 70 personnes ont déjà perdu la vie dans ce secteur au cours des combats qui ont opposé l'armée libanaise aux djihadistes de l’EI l’été dernier dans des camps de réfugiés syriens.

 

Ces incidents, de même que les nouvelles menaces proférées sur Internet au nom du front Al-Nusra, témoignent de la situation d’instabilité extrême qui règne dans la région de la Bekaa, où l’armée a déployé des renforts pour assurer la sécurité des populations civiles, notamment dans les villages chrétiens. L’armée a également procédé à des tirs d’artillerie en direction des positions de djihadistes dans les montagnes. Selon la presse locale, des colonnes de combattants de l’EI tenteraient en effet de s'infiltrer depuis la Syrie voisine pour mener de nouvelles attaques contre les militaires libanais et les positions du Hezbollah.

 

Les autorités libanaises ont par ailleurs lancé plusieurs opérations antiterroristes à travers le pays depuis le début du mois de décembre, y compris dans la capitale. Selon la presse locale, quatre ressortissants syriens suspectés d’appartenir à une « organisation terroriste » auraient en effet été arrêtés ce lundi dans  le secteur de Tareek Jdideh du quartier Mazraa de Beyrouth.

 

Le jour même, sept autres individus présentés comme étant des « djihadistes », dont un citoyen australien, ont été arrêtés dans le district de Koura du département du Nord. Les forces de sécurité ont enfin procédé à l’arrestation de quatre syriens à Rachaya, dans la province de la Bekaa, à moins de 10 km de la frontière syrienne.

 

Notons enfin que le ministre libanais de l’Intérieur Nohad Machnouk a confirmé mercredi l’arrestation à Beyrouth d’une ex-femme et d’une des filles du chef de l’EI, Abou Bakr al-Baghdadi.

 

En plus de cette situation sécuritaire très tendue, le pays est aussi confronté à une hausse des tensions politiques internes, qui sont également alimentées pas le conflit syrien.

 

Faute de consensus possible entre courants politiques pro et anti-syriens au sujet de l’organisation de nouvelles élections, l’Assemblée Nationale a ainsi prolongé au mois de novembre son mandat jusqu’en 2017. (Pour rappel, les députés avaient prorogé leur mandat une première fois le 31 mai 2013, alors que la législature normale de quatre ans aurait dû se terminer le 20 juin de cette même année.)

 

C’est aussi dans ce contexte que les députés ont échoué à quinze reprises à désigner un successeur au président Michel Sleiman, dont le mandat s’est achevé le 25 mai dernier. Une seizième séance a été fixée au 10 décembre, sans aucune garantie de résultat malgré les exhortations de la communauté internationale en faveur du respect de l’ordre constitutionnel. Cette situation de vacance au sommet de l’Etat a par ailleurs amené le Premier ministre Tammam Salam à annuler les célébrations prévues samedi 21 novembre à l’occasion de la fête de l’indépendance.

 

C’est la première fois qu’une telle décision symbolique est prise depuis la fin de la guerre civile en 1990, ce qui témoigne de la gravité de la crise que traverse actuellement le pays. Etant donné ces derniers développements, il faut donc prendre avec le plus grand sérieux les menaces des organisations terroristes sunnites, qui pourraient essayer d’élargir le front du djihad suite à la stagnation de leur avancée en Syrie et en Irak.

 

FIN


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