Déploiement international d’envergure au large de l’Iran



 

 

Le plus grand exercice naval jamais organisé au Moyen-Orient a débuté le lundi 16 septembre dans les eaux du golfe d’Aden et de la mer d’Oman. Baptisées IMCMEX (International Mine Countermeasures Exercise), ces manœuvres de lutte contre les mines mobilisent les marines d’une trentaine de pays autour d’un scénario envisageant le blocage du détroit d’Ormuz par une organisation terroriste. Selon le commandement militaire américain à Bahreïn, l’exercice se déroulera jusqu’au 27 septembre et se partagera entre des séminaires théoriques et des entraînements pratiques à la chasse et à la neutralisation des engins explosifs. Les manœuvres devraient se tenir sur base annuelle.

Le lieutenant Greg Raelson, porte-parole de la Cinquième flotte américaine, a indiqué que les finalités de l’exercice étaient « globalement défensives ». L’ampleur du déploiement naval et la nature même des opérations d’entraînement traduisent cependant l’inquiétude des nations occidentales pour la sécurité de la navigation dans la région en cas de conflit militaire israélo-iranien. L’Europe et les Etats-Unis craignent en effet que Téhéran ne cherche à bloquer l’accès au golfe Persique et ne procède au minage du détroit d’Ormuz, en représailles à une frappe israélienne contre ses installations nucléaires. Une telle stratégie menacerait directement les approvisionnements pétroliers occidentaux et japonais, qui restent étroitement dépendants de la production régionale.

Pressions croissantes sur Téhéran

Malgré les dénégations répétées de plusieurs responsables américains,  on ne peut isoler cet exercice de la montée des tensions autour du programme nucléaire iranien. En pleine campagne électorale aux Etats-Unis, le président Obama a fait adopter une nouvelle série de sanctions économiques visant les exportations énergétiques et les relations financières de l’Iran. Washington n’étudierait néanmoins l’option militaire qu’en tout dernier recours, considérant qu’une solution diplomatique est encore possible. Le candidat républicain Mitt Romney a pour sa part appelé à mettre en place une politique encore plus dure, allant jusqu’à soulever le risque que des groupes terroristes ne fassent exploser une « bombe sale » dans une grande ville américaine. Mitt Romney, qui considère que ce dossier est le « plus grave échec » de l’administration Obama en politique étrangère, a promis de prendre des mesures qui « handicaperaient réellement » l’Iran pour le forcer à abandonner ses ambitions nucléaires.

Israël a aussi durci le ton contre la république islamique. À l’occasion de l’ouverture de la 67ème session de l’Assemblée générale des Nations unies à New York le 17 septembre, Benjamin Netanyahu a déclaré à la télévision américaine que l’Iran avait déjà accompli « 90% du chemin » pour acquérir l’uranium enrichi nécessaire pour fabriquer une bombe atomique. Il a aussi exhorté les Etats-Unis à fixer une « ligne rouge » au-delà de laquelle serait déclenchée une opération militaire. À ses yeux, seule une date butoir pourrait encore empêcher l’Iran de se doter des capacités de construire un arsenal nucléaire. Le président américain s’est jusqu’ici refusé à accéder aux demandes du Premier ministre israélien, dont le discours radical provoque des tensions perceptibles avec Washington. On notera cependant que Barack Obama lui-même a déclaré au mois de mars que toute décision prise par Israël pour assurer sa sécurité serait parfaitement « appropriée ».

Risques pour la sécurité régionale

Une action de très grande envergure serait indispensable pour réduire à néant le programme nucléaire iranien, tant en raison des caractéristiques géographiques du pays que de l’incertitude sur la localisation exacte de ses installations ou des moyens militaires conventionnels et non-conventionnels dont il dispose. À l’heure actuelle, seuls les Etats-Unis ont les capacités offensives et défensives nécessaires pour mener une action décisive. Selon le Sunday Times, Israël réfléchirait donc à recourir à une impulsion électromagnétique (IEM) pour provoquer l’effondrement économique de l’Iran. Cette option, qui pourrait nécessiter une explosion nucléaire à haute altitude, demeure toutefois théorique et doit probablement s’analyser comme un épisode de la guerre psychologique que se livrent actuellement Tel Aviv et Téhéran.

Une nouvelle guerre au Moyen-Orient aurait des conséquences catastrophiques pour la sécurité régionale et pour l’ensemble de l’économie mondiale. En cas de frappe contre ses installations nucléaires, l’Iran riposterait certainement par un tir de missile balistique contre l’état hébreu, qu’Israël ait ou non participé à l’attaque. Téhéran demanderait aussi à ses alliés chiites du Hezbollah libanais de mener des incursions à la frontière nord d’Israël. Une autre cible serait la production pétrolière des pays du Conseil de Coopération du Golfe. Comme elle l’a fait durant la guerre Iran-Iraq dans les années 80, la marine iranienne pourrait enfin disséminer des champs de mines dans le golfe Persique et procéder au blocage du détroit d’Ormuz. Dans ce contexte, l’exercice IMCMEX apparaît bien comme un élément de la préparation des Etats-Unis et de leurs alliés à un éventuel conflit.

Perspectives à court terme

L’Ayatollah Ali Khamenei, guide de la révolution iranienne, a répondu à ces nouvelles pressions lors d’un prêche prononcé mercredi devant des membres de la haute hiérarchie militaire. Le communiqué publié ensuite sur son site officiel insiste sur le fait que l’Iran n’acceptera jamais les menaces belliqueuses de « grandes puissances énervées ». Il a accusé aussi les média occidentaux et israéliens de mentir sur les conséquences réelles des sanctions économiques sur la vie quotidienne des Iraniens. On notera à ce propos que si Téhéran a bien élaboré plusieurs stratégies de contournement, celles-ci n’ont pas empêché une diminution de ses ventes d’hydrocarbures à plusieurs clients importants, dont la Turquie ou l’Inde qui a annoncé une réduction de ses importations de pétrole iranien de 11%.

Les sanctions économiques actuellement en vigueur sont les plus strictes jamais décrétées par les Etats-Unis et l’Europe à l’encontre de la république islamique. Elles témoignent de la volonté de Barack Obama de continuer à faire preuve de fermeté tout en privilégient une approche diplomatique. Dans ce contexte, si le déploiement naval international de l’exercice IMCMEX peut apparaître comme un entraînement aux conditions d’une guerre dans la région, il doit d’abord être lu comme un avertissement résolu lancé à Téhéran. Moins de deux mois avant les élections présidentielles, Washington aura en effet recours à tous les outils de pression disponibles pour éviter un conflit dont les conséquences restent largement imprévisibles pour l’ensemble des acteurs régionaux.

 

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