Les attaques terroristes à Paris, « acte de guerre », baromètre des risques géopolitiques croissant pour la France



 

Le vendredi 13 Novembre, une série d’attaques terroristes coordonnées d’une ampleur sans précédent a frappé Paris à 6 endroit différents, y compris au Stade de France ainsi qu’au Bataclan.

 

8 terroristes, dont 7 kamikazes ayant déclenché des charges explosives sont morts, et au moins 128 civils tués dont plus de 80 lors de l’attaque au Bataclan. Les assaillants étaient lourdement armés, équipés de fusils AK-47 et de gilets chargés explosifs au sein d’une opération complexe, multicouche, coordonnée et semble-t-il orchestrée par l’État Islamique.

 

Il semblerait que les événements se soient déroulés de la manière suivante:

 

-     Aux alentours de 21h15, des explosions ont été signalées à l'extérieur du Stade de France à Saint-Denis, lors du match de football France-Allemagne. Le président François Hollande qui assistait au match a été rapidement évacué du site. Au moins 3 explosions ont apparemment été déclenchées par des kamikazes pour un total de 4 morts, les 3 kamikazes inclus.

 

-     À 21h20, les attaquants ont ouvert le feu sur la terrasse du restaurant Petit Cambodge, rue Alibert, faisant au moins 12 morts.

 

-     Quelques minutes après, à seulement 2 rues de là, dans la rue de la Fontaine au Roi, au moins 5 personnes ont été tuées dans une fusillade similaire au restaurant "La Casa Nostra ».

 

-     À 21H40, au moins 18 personnes ont été tuées dans une fusillade dans un restaurant japonais ainsi qu’au café voisin "La Belle Epoque », rue de Charonne dans le 10ème arrondissement de Paris.

 

-     Aux alentours de 21h45, des hommes armés se sont introduis au Bataclan, situé au 50 boulevard Voltaire dans le 11ème arrondissement, et ont ouvert le feu sur les agents de sécurité du lieu avant de tirer sur le public et d’en garder certains comme otages. La prise d’otages a durée jusqu’à une heure du matin. Plus de 1500 personnes étaient présentes pour le concert du groupe "Eagles of Death Metal". Selon un témoin oculaire, cité par BFM TV, l'un des hommes armés a crié: « C’est pour la Syrie" et "Allah Akbar". Les rapports les plus récents établissent  que 84 personnes ont été tuées lors de la fusillade. Les 4 assaillants sont morts en faisant sauter leurs ceintures d’explosifs.

 

-     Une autre attaque a été signalée au boulevard Voltaire, seul l'attaquant serait mort dans l’incident.

 

Des rumeurs d'autres fusillades près des Halles, à Belleville, au Trocadéro et près de Place de la République ont également émergé au cours de la nuit, mais ont été plus tard jugées sans fondement. Par ailleurs, un incendie a éclaté dans le camp de migrants de Calais vendredi soir. Des rumeurs au sujet d'une autre attaque terroriste ont alors surgi, mais le préfet du Pas de Calais a confirmé que l'incident était lié à un dysfonctionnement de l’électricité «clairement accidentel».

 

Au total, 128 personnes auraient été tuées et jusqu'à 250 auraient été blessées, dont 99 sont en situation d’«urgences absolues». Plusieurs ressortissants étrangers seraient parmi les victimes, dont au moins un portugais et 2 belges.

 

8 terroristes ont été éliminés, mais il reste difficile de savoir si d'autres complices ou d'autres hommes armés sont encore présents dans la capitale. Une voiture décrite comme de marque Seat ou Volkswagen Golf est toujours activement recherchée dans la capitale.

 

Un Conseil des Ministres a été convoqué en urgence vers minuit à Paris. Juste avant la réunion, le Président François Hollande a annoncé en direct que l'état d'urgence était déclaré ainsi qu’un rétablissement immédiat des contrôles aux frontières. Les autorités ont en outre ordonné le «plan blanc» assurant la mobilisation de tout le personnel médical dans les hôpitaux parisiens.

 

Plusieurs stations de métro sont restées fermées ce samedi à proximité de l'emplacement des attaques alors que la population est invitée à rester chez elle. Plus de 1500 soldats ont été déployés dans la capitale. Les principales institutions publiques ainsi que les sites touristiques, y compris la Tour Eiffel, ont également été fermés. Toute manifestation à Paris est interdite au moins jusqu’à jeudi prochain.

 

Malgré l'absence de revendication jusqu’alors, le Président Hollande a déclaré lors une conférence de presse samedi matin que les attaques étaient «un acte de guerre commis par Daesh», confirmant les soupçons des forces de police. 3 jours de deuil national ont également été décrétés.

 

Quelques heures plus tard, l'État islamique a publié une déclaration revendiquant la responsabilité des attentats à Paris. Le message, intitulé «Communiqué sur l'attaque bénie de Paris contre la France croisée" et écrit en français mentionne "8 frères portant des ceintures explosives et armés de fusils d'assaut" ciblant des endroits spécifiques à Paris, tels que le «Stade de France» et le «Bataclan». La déclaration affirme que 200 personnes ont été tuées et que plus encore ont été blessés. Les groupes prétend que "la France et ceux qui suivent sa voie doivent savoir qu’ils restent les principales cibles de l’Etat Islamique et qu’ils continueront à sentir l’odeur de la mort pour avoir pris la tête de la croisade, avoir osé insulter notre Prophète, s’aitre vantés de combattre l’Islam en France et frapper les musulmans en terre du Califat avec leurs avions qui ne leur ont profité en rien dans les rues malodorantes de Paris. Cette attaque n’est que le début de la tempête et un avertissement pour ceux qui veulent méditer et tirer des leçons ». 

 

De nombreuses publications louant les attentats de Paris ont été diffusées sur des comptes djihadistes sur Twitter. Plusieurs membres de l’État Islamique ont de surcroit menacé de mener d'autres attaques contre la France en réponse à ses opérations en Syrie. L'un d'eux affirme "la France a envoyé ses avions de guerre en Syrie pour bombarder nos enfants. C’est aujourd’hui à sont tour de goûter la mort. Ces attaques vengent la Syrie. Après Paris, viendra le tour de  Rome et Londres". Plusieurs conseils destinés aux candidats kamikazes dans les pays occidentaux ont également été donnés dans les hashtags #PARISBURNS.

 

Ces attaques du 13 Novembre à Paris sont devenues la deuxième attaque terroriste la plus meurtrière en Europe depuis les attentats de Madrid attentat du 11 Mars 2004, qui laissèrent 191 morts et près de 1.800 blessés.

 

C’est également la première attaque sur le sol français comprenant l'utilisation de kamikazes vêtus de ceintures d’explosifs et la première attaque avec un tel niveau de coordination et de complexité. La diversité des méthodes opératoires utilisées par les terroristes, à savoir les attentats-suicides, les fusillades à l’AK-47, les explosifs et les fusillades au volant semblent  indiquer un complot terroriste complexe et sophistiqué pouvant avoir été préparé en amont pendant plusieurs semaines.  Cette version est confirmée par la dernière déclaration du Président Hollande qui a affirmé que les attaques ont été complotées hors de France et coordonnées à l'intérieur du pays.

                                                                                                                               

La France est depuis plusieurs années une cible prioritaire à la fois de Al Qaeda et de l’Etat Islamique ; les attaques de ce 13 novembre ne sont en aucun une surprise pour les services de sécurité français. Cependant, l’importance de cette attaque, le nombre de victims et la complexité de l’opération menée par les djihadistes sont autant de signaux négatifs pour la sécurité française.

 

Suite à cette attaque, de nombreuses rumeurs spéculatives ont émergé dans les médias, interprétant de récents messages de propagande de l’EI comme des menaces directes adressées à la France. En effet, ces dernières semaines, l’Etat Islamique a publié une série de vidéos de propagande dans lesquelles la France est citée à plusieurs reprises parmi d’autres cibles, sans mention particulière.

 

Une des premières menaces directes adressées à la France et au Président Frnaçois Hollande a émergé en début d’année à travers une vidéo publiée en février dernier, dans laquelle 3 combattants de l’EI francophones s’adresse directement au Président de la République François Hollande et à « tous ceux qui vivent en France ». Les 3 hommes ont ainsi prévenu « Sachez que les soldats de l’Etat Islamique sont partout et que votre cauchemar ne fait que commencer ».

 

De nouvelles menaces ont été proférées par l’EI à l’égard de la France depuis le début des raids aériens des forces françaises contre l’EI en Syrie.

La veille de l’attaque, le 12 novembre, l’Etat Islamique a publié une vidéo menaçant d’attaquer « très prochainement » la Russie. Il s’agit de la dernière menace en date adressée à un pays étranger. Aujourd’hui, les experts estiment que cette vidéo comporte une menace non seulement contre la Russie, mais contre l’Occident plus généralement.

 

Les experts affirment que plusieurs signaux avant-coureurs le mois dernier laissaient à penser que l’EI pourrait commettre des attaques contre des salles de concerts. En particulier, un suspect détenu le 15 aout par les forces de la GDSI aurait eut l’intention de commettre des attaques contre des salles de concerts en France. Le suspect, un français ayant apparemment voyagé en Syrie en mai dernier, aurait reçu des recommandations pour attaquer les salles de concerts et des lieux publics. D’autres rapports ont aussi fait été de l’arrestation ces derniers jours en Bavière d’un homme de 51 ans venant de Monténégro, qui transportait des pistolets, grenades et autres explosives à bord de son véhicule. Il a été interpellé lors d’un contrôle routier sur l’autoroute A8 entre Feilnbach et la ville autrichienne de Salzbourg. Il aurait eut pour intention de rejoindre Paris. Cependant, le lien entre ces deux affaires et les attaques du 13 novembre n’est pas encore avéré.

 

Ce qui est sûr c’est que ces attaques vont marquer un tournant significatif pour les politiques de  sécurité et d’anti-terrorisme entre France et en Europe de l’Ouest dans un futur proche. Immédiatement après l’attaque, l’Etat d’urgence a été instauré par le gouvernement français et les frontières françaises ont été fermées. Des mesures de sécurité ont également été prises par les autorités belges et allemandes au niveau de leurs frontières communes avec la France. Ce contexte pourrait mener à des changements significatifs de la politique française, notamment de son implication dans le conflit en Syrie, ainsi que son suivi des français partis combattre le djihad en Syrie, Irak ou bien encore Yémen.

 

À la suite de l’attaque, les articles soulignant un supposé « échec cuisant » des services de renseignements et de sécurité français se sont multipliés dans les médias ; cependant il faut souligner qu’une dizaine de complots terroristes ont été déjoués par les autorités françaises depuis le mois de janvier dernier.

 

La nécessité de renforcer les mesures de sécurité a maintes fois été soulignée par les experts en sécurité depuis les attaques de Charlie Hebdo en janvier 2015 à Paris. À noter que suite à l’attaque déjouée contre le thalys Amsterdam-Paris en aout dernier, le directeur de l’ESISC Claude Moniquet avait déjà averti qu’il était « temps de mettre en place une nouvelle stratégie de l’anti-terrorisme ».

 

Il existe également un fort risque que les attaques de Paris, aujourd’hui louées par de nombreux djihadistes sur le net, inspire d’autres attaques perpétrées par des loups solitaires, non seulement liés à l’EI, mais aussi à Al Qaeda.

 

Durant ces deux dernières années, les Etats européens ont renforcé leurs lois anti-terroristes. Dans une tentative de limiter les flux de djihadistes français voyageant en Syrie, le gouvernement français a introduit une nouvelle législation qui simplifie les procédures de détention de suspects dans les aéroports. En parallèle, l’UE a intensifié la surveillance des djihadistes sur le net et à renforcer sa communication auprès des communautés musulmanes afin de prévenir les risques de radicalisation. Les attaques du 13 novembre suggèrent que ces mesures sont cependant insuffisantes face  à la montée du risque terroriste.

 

L’attaque de Paris va également modifier l’agenda politique du sommet du G20 prévu le 15 novembre en Turquie. La lutte contre l’EI et la gestion de la crise migratoire y seront des enjeux majeurs.

 

À plus long terme, cette attaque pourrait bénéficier aux mouvements d’extrême-droite et aux partis nationalistes à travers l’Europe. Elle pourrait également provoquer des changements majeurs au cœur de l’équilibre géopolitique régionale et mener à une redéfinition des priorités en matière de sécurité par les autorités à la fois européennes, mais aussi américaines, russes et au Moyen-Orient.

 

La France reste une des principales cibles pour l’EI et Al Qaeda, c’est pourquoi seul le développement et la mise en place d’une stratégie anti-terroriste basée sur la coopération au niveau européen pourrait permettre de répondre efficacement à la menace domestique que représente l’EI dans la région dans un futur proche.

 

FIN.                                                                                                                                              

 

Copyright© ESISC 2015


© 2012 ESISC - European Strategic Intelligence and Security Center Powered by Advensys