Mardi 4 décembre, des émissaires de différentes parties qui participent au conflit malien se sont réunis à Ouagadougou à l’initiative du président burkinabé Blaise Compaoré, mandaté par la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour dégager une solution à la crise. Le gouvernement d’Union nationale de Bamako, les rebelles touaregs du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) et les islamistes d’Ansar Dine se sont accordés sur la « nécessité de créer un cadre de dialogue » pour obtenir la « cessation des hostilités ». Selon le communiqué publié à l’issue de la rencontre, le MNLA renoncerait à l’indépendance du Nord en échange de garanties sur une « large autonomie » et Ansar Dine prendrait l’engagement de rompre avec les terroristes djihadistes liés à Al-Qaeda au Maghreb islamique (AQIM). Le document insiste sur le « rejet » du terrorisme et sur le respect de l’intégrité territoriale du Mali. Le principal obstacle à un accord demeure l'application de la charia dans les zones tombées sous le contrôle des islamistes.
La situation sur le terrain est beaucoup plus complexe, et les perspectives d’une solution restent éloignées. Acceptée dans son principe grâce aux pressions de la CEDEAO, l’autonomie envisagée pour l’Azawad sera extrêmement difficile à définir, d’autant plus que l’on peut douter de la légitimité et des capacités des autorités maliennes à négocier un tel accord avec les rebelles touaregs. Plus important encore, aucun accord ne saurait être crédible tant que les djihadistes du Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (MUJAO) et des Katibates (« brigades ») de l’AQIM continueront à menacer l’ensemble du Sahel depuis leurs bastions du Nord-Mali. On notera qu’avant même la clôture des travaux de la réunion d’Ouagadougou, le MUJAO a annoncé qu’il exercerait des représailles contre l’Algérie et la Mauritanie si une « coalition d’infidèles » était formée pour le combattre.
Dans l’attente d’une intervention internationale
De nombreuses voix africaines réclament la mise sur pied rapide d’une mission d’intervention pour mettre un terme à la crise malienne. En visite à Paris le mardi 4 décembre, le président ivoirien Alassane Ouattara a appelé le Conseil de Sécurité de l’ONU à adopter une résolution autorisant l’usage de la force dès le premier trimestre de l’année prochaine. Tous les experts s’accordent pourtant sur les difficultés à organiser et à financer une telle intervention. Romano Prodi, envoyé spécial du Secrétaire général de l’ONU pour le Sahel, a déclaré le 20 novembre qu'aucune intervention militaire ne pourrait avoir lieu avant septembre 2013 en raison de contraintes politiques et logistiques. Nous l’écrivions déjà en octobre dernier (cf. ESISC briefing: Toward an external intervention in Northern Mali – 10/10/2012), mobiliser et former les 3 300 hommes nécessaires représentera une tâche démesurée pour la CEDEAO. Il sera par ailleurs impossible à l’armée malienne de reprendre le contrôle du Nord sans l’appui tangible des puissances occidentales.
Le terroriste algérien Abdelmalek Droukdel, chef de l’AQIM, a aussi menacé d’ordonner des attaques contre les intérêts de la France et des états voisins du Mali en cas de « déclaration de guerre ». Selon lui, Paris viserait à instrumentaliser la crise malienne pour « diviser le pays » et piller ses richesses par l’intermédiaire de multinationales. Dans une vidéo publiée sur des sites djihadistes, il a aussi menacé de faire exécuter les sept otages français aux mains de l’organisation terroriste au Sahel. Ces tentatives d’intimidation ont été répercutées par l’un des autres dirigeants historiques de l’AQIM au Mali, Mokhtar Belmokhtar, qui a créé un nouveau groupe : Al-Mouwaqqiaouna bi ddimaa (كتيبة "الموقعون بالدماء" - Ceux qui signent avec leur sang). Ces déclarations sont intervenues quelques jours après l’enlèvement par le MUJAO d’un nouvel otage français, Rodriguez Leal Alberto, le 20 novembre à Diéma, zone jusqu’ici considérée comme sûre à proximité de la frontière sénégalaise.
La voie vers une sortie de crise passe par Alger
Une intervention directe de la France et des Etats-Unis sera donc très risquée, même si les deux pays se sont engagés à plusieurs reprises à empêcher le terrorisme de s’implanter au Sahel. Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a lui-même exprimé ses doutes quant aux chances de succès d’une telle initiative. Le rapport transmis le 26 novembre par ses services au conseil de Sécurité invite à faire preuve d’une grande prudence pour ne pas « ruiner toute chance d’une solution politique négociée à cette crise ». Le commandant des forces américaines en Afrique (AFRICOM), le général Carter Ham, a aussi rappelé l’importance d’une solution négociée et a mis en garde contre les dangers d’une action militaire « prématurée ». Notons enfin qu’au terme d’un entretien à l’Elysée, le mercredi 5 décembre, le président tchadien Idriss Deby a dénoncé la « confusion totale » qui régnait sur ce dossier à cause des atermoiements des Maliens, de la CEDEAO et de l’ONU.
L’incertitude pèse plus que jamais sur la possibilité pour le Mali de rétablir son intégrité territoriale. Dans ce contexte, il faudra peut-être attendre la visite officielle de François Hollande à Alger, le 19 décembre, pour voir se dessiner les contours d’une solution. L’Algérie, qui a endossé un rôle de médiateur dans le conflit, a en effet exprimé son opposition quant à une ingérence occidentale au Sahel. C’est par ailleurs Alger qui a obtenu la participation d’Ansar Dine aux négociations tripartites d’Ouagadougou. La capacité des autorités algériennes et françaises à dégager un terrain d’entente sera donc déterminante avant que le Conseil de Sécurité ne se prononce sur une nouvelle résolution d’ici le 20 décembre. Le jeu d’influence auquel se livrent les deux pays pour défendre leurs intérêts stratégiques risque néanmoins de parasiter les efforts de toutes les parties engagées dans la recherche d’un dénouement de la crise, au risque de propager l’instabilité du Nord-Mali à l’ensemble de la région.