L’ombre de l’Etat islamique menace New Delhi



 

 

 

Au cours d’une interview donnée à l’agence Reuters le mercredi 5 novembre, le porte-parole autoproclamé du groupe terroriste pakistanais Tehreek-e-Taliban Pakistan Jamaat Ahrar (TTP-JA), Ehsanullah Ehsan, a menacé de perpétrer des attaques sur le territoire indien. Jusqu’ici inconnu, cette nouvelle organisation avait revendiqué plus tôt dans la semaine l’attentat-suicide commis dimanche dernier contre le poste de douane indo-pakistanais de Wagah, dans la banlieue de Lahore, capitale de la province pakistanaise du Penjab.

Cette explosion, qui a provoqué la mort d’au moins 57 personnes du côté pakistanais, prouverait Selon Ehsanullah Ehsan la capacité des terroristes kamikazes du groupe à commettre des attentats de part et d’autre de la frontière. Selon lui, cette action ne serait en fait que la première étape d’une campagne terroriste destinée à faire payer au Premier ministre indien Narendra Modi « le prix du sang des centaines de combattants kashmiris et de civils innocents gujaratis qu’il a sur les mains. » Ehsanullah Ehsan, qui avait déjà proféré de telles menaces dans un message publié puis effacé sur son compte Twitter, a ajouté que cet avertissement été destiné  directement à la personne du Premier ministre Modi.

Au-delà du discours de propagande d’un nouveau groupuscule en recherche de reconnaissance, l’augmentation du risque terroriste a été confirmée par les services secrets indiens eux-mêmes. La National Investigation Agency a en effet averti le gouvernement que la nouvelle branche indienne d’Al-Qaïda (Al-Qaeda in the Indian Subcontinent - AQIS) projetait également de mener une campagne terroriste en coopération avec les Moudjahidin indiens (Indian Mujahideen - IM). Selon des informations publiées cette semaine dans la presse locale, le leader en exil des IM, Riaz Bhatkal, aurait chargé ses hommes d’enlever des étrangers, notamment des juifs, pour obtenir la libération de la terroriste pakistanaise Aafia Siddiqui, « Lady Al-Qaeda », actuellement détenue aux Etats-Unis.

Lundi, le ministère de l’Intérieur avait déjà ordonné la mise en état d’alerte des forces de sécurité dans la ville de Calcutta, capitale de l’Etat du Bengale-Occidental. Selon un rapport diffusé par la Central Industrial Security Force (CISF), des terroristes déguisés en pêcheurs pourraient tenter de s’infiltrer dans la ville portuaire depuis le Bangladesh pour y commettre des attentats. Suite à cette alerte, la marine indienne a déployé deux vaisseaux de guerre, l’INS Khukri et l’INS Sumitra dans le golfe du Bengale. Pour rappel, l’existence de réseaux transfrontaliers indo-bangladais a été avérée dans le cadre d’une enquête menée par la NIA suite à l’explosion d’une bombe dans une maison occupée par des membres présumés du groupe Jamaat-ul-Mujahideen (JMB) dans le district de Bardhaman.

Une nouvelle fois, cette conjonction de menaces extérieures et intérieures démontre plus que jamais l’actualité du risque terroriste en Inde, encore renforcé par l’accession au pouvoir de Narendra Modi, ancien « Chief Minister » de l’Etat du Gujarat et principal leader de la mouvance nationaliste hindoue. Depuis sa victoire écrasante aux élections générales et son accession au pouvoir en mai dernier, la personne du premier ministre a en effet été la cible de plusieurs menaces proférées par diverses organisations terroristes, dont le « Mouvement islamique des étudiants d'Inde » (Student Islamic Movement of India - SIMI), qui a explicitement fait part de son intention de l’assassiner.

Les menaces du Tehreek-e-Taliban Pakistan Jamaat Ahrar (TTP-JA) et des Indian Mujahideen témoignent par ailleurs de la réorganisation du mouvement terroriste pakistanais, dont une frange tente manifestement de se doter d’une plus grande  portée internationale, dans le sillage de « l’Etat islamique ». Il est en effet révélateur que la première attaque perpétrée par le TTP-JA ait pris pour cible des gardes-frontières pakistanais, alors que Riaz Bhatkal a explicitement appelé les Moudjahidine indiens à couper tout lien avec les services secrets pakistanais et à rentrer directement en contact avec l’AQIS, malgré les instructions de l’ISI.

À l’avenir, cette nouvelle configuration pourrait donc saper les efforts de coopération anti-terroriste promis par Narendra Modi et son homologue pakistanais Nawaz Sharif, dont les services risquent d’être débordés par des organisations uniquement désireuses d’importer l’idéologie de l’IS dans le sous-continent indien.

 

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