Regain de tensions entre les deux Corées sur fond de rumeurs au sujet de Kim Jong-un



 

 

 

 

Lundi 19 octobre, le ministère sud-coréen de la Défense a indiqué que des échanges de tirs avaient éclaté la veille à l’intérieur de la zone démilitarisée intercoréenne (DMZ). Selon Séoul, une patrouille nord-coréenne aurait ouvert le feu sur des militaires sud-coréens qui leur enjoignait de s’éloigner de la ligne de démarcation. Aucune victime n’a été signalée suite à ce nouvel accrochage qui confirme néanmoins le regain de tension observé ces dernières semaines sur la péninsule coréenne.

 

Vendredi 10 octobre, des unités d’artillerie de l’Armée Populaire de Corée (APC) avaient en effet  ouvert le feu en réponse à un lâcher de ballons de propagande organisé l’après-midi même depuis le sud. Selon l’état-major conjoint des forces armées sud-coréennes, ce premier incident a été suivi d’un échange de tirs de sommation qui n’a pas fait de victimes. Le mardi précédent, un bref affrontement naval avait déjà opposé 2 patrouilleurs en Mer Jaune, après le franchissement de la « Ligne de limite Nord » par un vaisseau nord-coréen.

 

Relativement usuels à proximité de la DMZ, cette succession d’incidents frontaliers est sans doute liée aux rumeurs insistantes qui se sont propagées suite à la « disparition » momentanée du leader nord-coréen Kim Jong-un. Alors qu’il occupait une place omniprésente dans les médias nord-coréens depuis son accession au pouvoir en 2011, l’agence officielle KCNA n’a fait mention d’aucune activité officielle de sa part entre le 3 septembre et le 14 octobre, date à laquelle il est réapparu muni d’une canne. Plus frappant, il n’a pas pris part au pèlerinage organisé le 10 octobre au mausolée de Kim Il-Sung et Kim Jong-Il dans le cadre des célébrations du 69ème anniversaire de la fondation de la République Populaire Démocratique de Corée (RPDC).

 

Selon des sources médiatiques officielles, cette absence prolongée aurait été provoquée par une « mauvaise condition physique » due à un « excès de travail ». Entre autres rumeurs plus ou moins fantasques (rupture de ligament opérée par un chirurgien allemand, blessure lors d’un exercice militaire, conséquences d’un excès de poids, etc.) plusieurs organisations politiques d’exilés en Corée du Sud avaient néanmoins soulevé l’hypothèse d’un coup d’Etat organisé au sein même des instances dirigeantes du Parti des Travailleurs de Corée (PTC).

 

Tout au long de cette période de six semaines, l’agence KCNA a pris soin de continuer à insister sur  le rôle de leader incontesté du régime du « maréchal » Kim Jong-un. Le gouvernement de Séoul a également minimisé la portée de telles rumeurs par la voie du porte-parole du ministère de l’Unification, Lim Byeong Cheol. De même, il faut souligner le fait que la nature secrète du régime a toujours favorisé la propagation de rumeurs concernant la santé ou la stabilité du régime de Pyongyang, principalement dans la presse sud-coréenne. L’absence de Kim Jong-un aux cérémonies d’anniversaire de la RPDC est enfin moins significative que si elle était intervenue lors d’une cérémonie grandiloquente organisée à l’occasion d’une année jubilaire.

 

On notera cependant que l’actualité récente a accrédité l’hypothèse d’un certain flottement stratégique à Pyongyang.

 

Samedi 4 octobre, des délégations des deux Corées s’étaient en effet rencontrées dans la ville sud-coréenne d’Incheon à l'occasion de la cérémonie de clôture des « Jeux Asiatiques », convenant de renouer le dialogue bilatéral dès le fin du mois octobre ou au début du mois de novembre. Annoncée seulement 24 heures à l’avance, cette visite du « vice-maréchal » Hwang Pyong-so – considéré comme le numéro 2 du régime, récemment promu à la tête du bureau politique de l'APC et à la vice-présidence de la Commission de la Défense Nationale – a revêtu un caractère particulièrement symbolique après plusieurs mois de suspension de tout contact direct entre les deux Corées.

 

Cette initiative, à laquelle ont aussi pris part l’ancien Ministre de la Défense Choe Ryong Hae et le membre du comité central du PTC Hwang Pyong-so, pourrait en effet témoigner de la volonté d’une partie de la direction nord-coréenne d’atténuer l’isolement dont souffre la RDPC à l’échelle internationale, avec ou sans l’assentiment de Kim Jong-un et de la frange la plus dure de l’appareil militaire.

 

Cette visite est en effet intervenue quelques semaines après la tournée diplomatique entreprise par le Ministre des Affaires Etrangères Ri Su-yong. S’adressant pour la première fois depuis 15 ans à l’Assemblée Générale des Nations-Unies à New York, ce dernier a ainsi proposé à la Corée du Sud de réfléchir à une réunification basée sur le principe d’une confédération qui préserverait l'existence de deux régimes politiques distincts. Dans le même temps, on notera néanmoins que la presse officielle nord-coréenne a renouvelé ses attaques contre la personne de la présidente sud-coréenne Park Geun-hye, qualifiée de « pire de tous les traîtres ».

 

Sans que l’on puisse encore en tirer de conclusion probante, il faut donc constater que Pyongyang continue plus que jamais à souffler le chaud et le froid. Cette situation devrait se perpétuer dans les prochaines semaines et accroitre le risque d’incidents militaires, surtout si Kim Jong-un continue à renvoyer l’image d’un affaiblissement physique prompt à alimenter les rumeurs sur la santé politique de son régime.  

 

 

 


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