Au sujet des caricatures de Mahomet



 

 

En septembre dernier, la publication de caricatures de Mahomet par un quotidien danois (l’une d’elles le représentait avec un turban se transformant en bombe à retardement), avait provoqué une crise entre le Danemark et plusieurs Etats arabes. Cinq mois plus tard, les choses sont loin de se calmer : deux représentants d’un groupe laitier danois (le pays est l’un des tous premiers exportateurs de produits laitiers au monde) ont été agressés dimanche à La Mecque tandis que les produits danois (et par extension, ceux de certains autres pays scandinaves) font l’objet d’un boycott qui va en s’amplifiant. Par ailleurs, des drapeaux danois ont été brûlés dans plusieurs pays ou régions dont la Cisjordanie.
M. Stig Moeller, ministre des Affaires étrangères, a déclaré dimanche que son gouvernement « condamne vigoureusement ces agressions ainsi que le fait de brûler des drapeaux danois dans le monde arabe et s'attend à ce que les gouvernements de ces pays en fassent de même ». On remarquera par ailleurs que le Danemark jouit, en général, d’une bonne image dans le monde arabe. Le Premier ministre, M. Anders Fogh Rasmussen, a tenu à rappeler ce week-end que « le gouvernement ne peut influer en aucun cas sur les médias et il ne peut, pas plus que le Danemark en tant que nation, être tenu pour responsable de ce qu'écrivent des journaux indépendants ».
Au-delà de son côté « anecdotique » (mais il faut toutefois être conscient que cette crise est la plus grave qu’ait connue la diplomatie danoise depuis 1945…) cette affaire souligne un point préoccupant : le statut exorbitant que l’Islam et ses symboles sont en train d’acquérir dans le monde, non (hélas) par le légitime respect qui leur est dû mais du fait de la violence non seulement des extrémistes mais également des populations.
De manière générale, la mise en cause des religions (de n’importe laquelle d’entre elles) par les humoristes nous dérange car c’est s’attaquer aux croyances individuelles qui doivent être respectées et prendre le risque de peiner inutilement des croyants sincères. Mais il n’en reste pas moins que l’on peut, dans le monde occidental, se moquer de tout, depuis le Pape jusqu’aux homosexuels en passant par les bigots, les rabbins, les monarques, les chefs d’Etat et leurs familles. On peut regretter ces excès et la vulgarité qu’ils suscitent régulièrement mais il n’y a aucune raison, tant que certaines limites ne sont pas franchies, qu’une religion, en l’occurrence l’Islam, soit, de fait, au-dessus des autres.
Quiconque se sent insulté et estime que la ligne rouge a été dépassée a le droit de réagir par la parole ou par la plume, ou encore en intentant une action en justice. Si l’Islam veut occuper la place qui est la sienne, il ne peut s’agir que d’un Islam tolérant.
Et, répétons-le, la liberté religieuse, c’est la liberté d’avoir une religion ou de ne pas en avoir, de la pratiquer dans le respect des autres mais aussi de la critiquer et de la remettre en cause.  C’est la liberté, enfin, de l’abandonner ou d’en changer si on le souhaite sans encourir ces absurdes accusations d’apostasie (un crime puni de mort en Islam) qui interdisent, par exemple, à trop de personnes de culture musulmane (et fières de l’être) de proclamer ouvertement, aujourd’hui, si elles le souhaitent, leur athéisme voire leur simple adhésion à la laïcité.
Alors, a-t-on le droit de caricaturer le prophète ? On peut le regretter, mais la réponse est oui. 


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