Comment l'influence française recule: La bataille des medias contre Google



 

Si l’un des vecteurs d’influence d’un pays est la langue et la culture, alors la France risque bien de voir encore reculer ce qui lui reste d’influence.

 

Incapables de régler leur propre problème (entre autres, pour cause de « dictature syndicale », celui de la distribution : voir les grèves à répétition qui ont empêché, ces dernières semaines, les quotidiens d’atteindre les points de vente), trop souvent paralysés par le politiquement correct et englués dans le copinage qui fait que ce sont toujours les mêmes signatures et les mêmes interviews que l’on retrouve partout, les patrons des médias écrits se sont trouvés un nouvel ennemi : les méchants Américains de Google.

 

Les éditeurs français - Association de la presse d’information politique et générale (IPG) et Syndicat de la Presse Quotidienne Nationale (SPQN) - réfléchissent depuis des mois à un moyen de faire payer par Google l’indexation de leurs contenus pour mieux « bénéficier des retombées positives de la presse en ligne », nous apprend Le Figaro. La ministre de la Culture, Aurélie Filipetti, estime que cette idée est « extrêmement pertinente » tandis que la ministre déléguée au Numérique, Fleur Pellerin a pris langue avec son homologue allemand pour évoquer ce sujet, souhaitant ainsi que « l’Europe avance unie ».

 

La réponse de Google est arrivée début octobre, sous forme d’une lettre dans laquelle le géant américain menace de retirer de son moteur de recherche tous les sites de journaux français si une telle taxe était adoptée. Le résultat immédiat serait que la presse française perdrait une part importante (30% ? 40% ?) de son audience et, partant, une part au moins aussi importante  de ses revenus publicitaires.  Car, dans un marché normal, elles sont bien là, les « retombées positives ». Google et les autres moteurs de recherche indexent sites et articles et génèrent un flux de lecteurs qui, à son tour, permet de vendre de l’espace publicitaire. Et de faire circuler des idées. Tout le monde y gagne…

 

Mais ce calcul est trop simple et la presse préfère se réfugier sous l’ombre bienfaisante et protectrice de l’Etat qui taxera et répartira entre les heureux bénéficiaires le produit de cet impôt. Sous peine d’emprisonnement et de pénalités financières (on parle de 3 ans de détention et de 300 000 Euros d’amende !!) en cas de « défaut de versement »…

La réaction de Google a laissé les éditeurs « stupéfaits » de cette « menace de censure au mépris de la mission d’intérêt général de référencement » (mais si c’est une mission d’intérêt général, pourquoi vouloir la taxer ?) tandis que Mme Filipetti est « surprise » par cette « menace » (parce que brandir les foudres de la loi et le spectre de la prison, bien entendu, cela n’a rien d’une menace…)

Il est temps, pour et les uns et les autres de redescendre sur terre.

La France n’est plus, depuis longtemps, une grande puissance. A peine peut-elle prétendre au rang, déjà enviable, de puissance moyenne. Et ce n’est pas la faute des Américains, des Chinois, des Russes ou du grand capital. C’est la faute d’un Etat qui (de droite ou de gauche) n’a jamais trouvé d’autre solution à tout problème, depuis 50 ans, que de créer une commission, de passer une loi, de s’ingérer indument dans la conduite des affaires et/ou de faire marcher la machine à taxer. 

 

En cela, ce nouveau conflit illustre parfaitement le drame français : celui de l’étatisme, du manque d’initiative (on de son étouffement) et de l’hystérie régulatrice et taxatrice.

La presse quotidienne française crée fort peu de valeur ajoutée (qu’elle soit intellectuelle ou économique) mais elle bénéficiera, en 2013, de 516 millions d’Euros de crédit publics… Pour autant, avons-nous en France un média écrit ayant une influence mondiale (Comme le New York Times, le Washington Post, The Economist, The Times) ? Non, n’en déplaise au Monde.

Pourquoi ? Sans doute pour la même raison qui fait que, dans le QS World Universities Ranking, qui fait autorité, la première présence français ne se manifeste qu’en 34ème place (Ecole Normale Supérieure), derrière deux établissements suisses, deux de Hong-Kong, un australien, un japonais et… 27 universités américaines ou britanniques… Et sans doute pour la même raison qui fait que l’on ne trouvera aucune publication française ayant la même aura et la même renommée mondiale que l’américaine Foreign Affairs, pour ne prendre qu’un seul exemple. Sans doute, encore, pour la même raison qui fait que, depuis vingt ans ou plus, les meilleures revues scientifiques, entre autres en sciences humaines, sont publiées aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne. Sans doute pour la même raison qui veut que nos chercheurs les plus brillants s’exilent et que nous gardions, trop souvent, les autres. Ce n’est pas nouveau : « Des chercheurs qui cherchent, on en trouve, des chercheurs qui trouvent on en cherche », disait déjà, il y a cinquante ans, le Général de Gaulle…

 

Dans une Europe qui peine à trouver sa voie, face à une Amérique qui reste extraordinairement attractive et dynamique et à une Asie qui n’a pas encore atteint sa pleine vitesse de croisière, la France meurt. Doucement et sans bruit, mais elle meurt. Elle meurt d’étatisme, de lourdeurs bureaucratiques qui brident ou étouffent l’initiative, de ces millions de fonctionnaires qui ne créent aucune valeur ajoutée mais justifient leur existence en créant réglementation après réglementation, d’un impôt injuste et imbécile qui accable le travail et tue l’effort et l’imagination, de la stigmatisation permanente de ceux qui osent et entreprennent et d’une régulation du travail (35 heures, interdiction du travail du dimanche, etc.) d’un autre âge qui refuse de prendre en compte les intérêts de l’entreprise (vendre), du travailleur (être mieux rémunéré) et du consommateur (disposer d’une offre qui s’adapte à son mode de vie).

Résultats : nos cerveaux, les jeunes qui ne veulent pas être écrasés par un Etat tout puissant et les entrepreneurs qui sont lassés qu’on les prenne pour des « pigeons » s’en vont. Et notre influence décroît.

 

Le pathétique combat d’arrière garde d’éditeurs qui feraient mieux de faire de bons journaux que les lecteurs achètent plutôt que de quémander l’aumône de l’Etat n’est qu’une nouvelle illustration de ce triste état de choses…

 

 

 

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