Courage allemand, lâcheté italienne



 

 

L’actualité du terrorisme nous offre, ces jours-ci, un contraste assez frappant : confrontées à la même problématique, deux capitales européennes, Berlin et Rome, viennent de réagir de manière diamétralement opposée. Pour obtenir la libération du journaliste Daniele Mastrogiacomo, Rome a manifestement exercé des pressions considérables sur Kaboul pour faire relâcher cinq Talibans. En Irak, deux Allemands ont été enlevés et sont menacés de mort si Berlin ne retire pas ses troupes d’Afghanistan (par ailleurs, cette manipulation en dit beaucoup sur les liens existant entre les différents théâtres du djihad). La réponse de Madame Angela Merkel est tombée lundi : l’Allemagne ne cédera pas au terrorisme. Courage d’un côté, honte de l’autre.

Pire encore, pour Rome : non seulement nos amis italiens se sont compromis mais, de plus, ils ont délibérément abandonné à leur sort les deux assistants afghans du journaliste et l’un d’eux a été égorgé. Ce mardi, Monsieur Mastrogiacomo, décrit, dans son quotidien, la mort de son chauffeur : « Le chef (taliban) a rendu la sentence de mort au nom de l'islam. Il disait que nous étions tous des espions et que nous devions mourir… Le traducteur pleure. Je ne comprends pas. Je lui demande ce qu'ils ont dit et lui, en larmes, me déclare: 'ils vont nous tuer'. Quatre jeunes hommes saisissent le chauffeur et lui mettent le visage dans le sable. Ils lui tranchent la gorge et continuent jusqu'à séparer la tête du corps. Il n'a pu dire un seul mot. Ils nettoient le couteau sur sa tunique et attachent la tête coupée au corps, puis l'emportent à la rivière et l'y jettent ». Ces mots seront, sans doute, la seule épitaphe d’un homme modeste qui, pour nourrir sa famille, a accepté de courir le risque d’être le chauffeur d’un « infidèle » et est tombé, pour ce « crime », sous le couteau des barbares. Le journaliste, lui, dixit l’ambassadeur d’Italie en Afghanistan « est en très bonne santé, en très bonne condition physique ». On est content pour lui. Et on espère que, si ce récit augmente le tirage de La Repubblica, ce journal aura la décence de verser un peu d’argent à la famille du mort. On s’étonnera simplement que La Repubblica ne nous explique pas comment elle va « dédommager » la famille du chauffeur, ni quels efforts elle déploiera pour faire libérer l’interprète afghan de Daniele Mastrogiacomo, qui est toujours aux mains des tueurs. Mais son sort ne semble pas préoccuper outre mesure ni Rome ni Kaboul. Après tout, c’est sa faute, il n’avait qu’à être italien…

Le mollah Dadullah, responsable de la prise d’otages, a déclaré par téléphone que pour prix de la vie de Monsieur Mastrogiacomo, plusieurs Talibans, dont un ancien responsable du régime, avaient été libérés par Kaboul. Cette pénible situation appelle, nous semble-t-il, quelques commentaires.

Il faudrait quand même, un jour ou l’autre – et ceci est dit avec tout le respect dû à la liberté de la presse et aux journalistes qui en sont le garant – que médias et reporters arrêtent de se mettre absurdement dans des situations inextricables, à charge pour l’autorité publique de les en sortir à n’importe quel prix. La région d’Helmand où M. Mastrogiacomo a été enlevé est l’une des plus dangereuses du pays ; son inconscience a coûté la vie à au moins un homme.   Rome, en cédant au terrorisme, a établi un dangereux précédant qui encouragera les prises d’otages. Quelle sera, désormais, la crédibilité de l’Italie en Afghanistan ? En négociant la libération de leur seul ressortissant – ou alors ils ont été bernés et en plus d’être lâche, la diplomatie italienne est peu professionnelle… - les Italiens ont fait preuve d’un incroyable mépris envers les Afghans qui, chaque jour, assistent les étrangers présents dans le pays et pour lesquels, en définitive, nous sommes sensés nous battre... La France, au moins, confrontée à la même situation en Irak, avait négocié la libération de tous les otages, y compris les Irakiens.

Bref, alors que Madame Merkel montre la seule voie à suivre (pas de négociation avec le terrorisme) cette pitoyable affaire laisse un goût de cendres. 


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