Derrière le Hamas et le Hezbollah, cherchez la Syrie et l'Iran



 

 

On aurait tort de ne voir dans la guerre qui semble peu à peu s’installer au Proche Orient qu’une  simple « opération de police» de l’armée israélienne, ayant pour but de récupérer ses otages. Car il s’agit bel et bien d’un conflit régional, qui risque de dégénérer et de pousser le Poche Orient vers une nouvelle guerre. Pour le plus grand bénéfice de l’Iran et de la Syrie : derrière le Hamas comme le Hezbollah, c’est en effet Damas et surtout Téhéran qui sont à la manœuvre.

Certes, on ne niera pas qu’il y a, au moins pour le versant « Hamas » de la crise, une explication locale à l’escalade des derniers jours. Moins de six mois après les élections qui ont porté le Hamas au pouvoir – pour cause, rappelons-le, de corruption généralisée du Fatah – son expérience était en train d’échouer. Le gouvernement était isolé, au plan international, les fonctionnaires ne pouvaient être payés qu’au lance-pierres et des affrontements fratricides entre Fatah et Hamas amenaient les territoires sous Autorité palestinienne  au bord de la guerre civile. Dans cette situation, le gouvernement Haniyeh avait entamé une très timide évolution qui aurait pu l’amener à reconnaître, au moins de fait, l’état hébreu – l’une des conditions posées par la communauté internationale pour accepter de dialoguer avec lui.  Pour l’aile la plus dure du Hamas, celle qui suit aveuglément les ordres dispensés depuis la Syrie par Khaled Mechal, il était nécessaire de reprendre la main. Déclencher une opération qui ne pouvait aboutir qu’à une forte réaction israélienne était donc de bonne tactique. De là à penser que cette motivation locale était la seule, il y a un pas que nous ne franchirons pas : Mechal, précisément, est réfugié en Syrie et est étroitement dépendant du régime Assad comme il est proche des mollahs iraniens. Or, l’embrassement sert à la fois la Syrie et l’Iran.

Dans le cas du Hezbollah, les choses sont encore plus claires. Seule la fiction politique qui règne en maîtresse à Beyrouth depuis la fin de la guerre dite « civile » (et qui n’eut rien d’une guerre « civile », puisqu’elle fut déclenchée et entretenue par le Fatah et par Damas)  permet à cette organisation terroriste de se parer du titre de « Résistance nationale ». C’est à ce titre que le Hezbollah fut la seule milice à être autorisée à garder ses armes et à participer à la vie politique après la fin de guerre « civile » ; depuis septembre 2004, il défie l’ONU qui a exigé le désarmement de toutes les forces non étatiques au Liban.

Le Hezbollah n’a rien à voir avec une quelconque « résistance nationale ». Quelle que soit la réalité de son implantation locale dans le sud du pays et dans les banlieues pauvres de Beyrouth (une implantation qui s’explique en grande partie, comme toujours avec les islamistes, par les carences sociales de l’Etat), le Hezbollah n’a jamais été et ne demeure à ce jour qu’un simple instrument de la politique de Téhéran, et dans une moindre mesure, un outil de Damas destiné à maintenir le Liban sous pression. Certes, le Hezbollah est maître de ses décisions quand il tire l’une ou l’autre roquette contre le nord d’Israël. Mais nul ne doit imaginer ne fut-ce même qu’une seconde qu’il en va de même lorsque cette organisation déclenche une opération d’intrusion en Israël, tue trois soldats et en enlève deux autres. Par son ampleur, cette action ne pouvait qu’entraîner une riposte décidée et massive d’Israël. Elle n’a pu être décidée qu’à Téhéran et à Damas.

L’Iran, en effet, a tout intérêt à détourner l’attention du monde de la crise qui entoure son programme nucléaire. Quant à la Syrie, c’est peu dire que tout ce qui déstabilisera le Liban est bon à prendre pour elle, surtout depuis l’assassinat de Rafic Hariri. Un mot encore sur la « justification » de cet acte terroriste : faire libérer les prisonniers arabes en Israël. Fort bien mais qu’en est-il des dizaines (centaines ?) de prisonniers libanais qui pourrissent dans les geôles infectes de Damas, parfois depuis des décennies ? Leur sort ne semble pas beaucoup préoccuper le Hezbollah ni d’ailleurs le gouvernement libanais.

Malheureusement, c’est le Liban tout entier qui se trouve aujourd’hui entraîné dans la spirale de la violence et aura à payer le prix de l’aventure du Hezbollah. C’est malheureux pour ce pays, mais c’est hélas, quoi que l’on en dise dans les chancelleries européennes, pleinement justifié. Il est en effet impossible d’exonérer le gouvernement libanais de toute responsabilité : d’abord, et c’est l’évidence, c’est à lui et à lui seul qu’incombe la surveillance et la sécurisation de ses frontières internationales. Le fait que l’armée libanaise ne soit pas capable d’assurer l’étanchéité de sa frontière sud et laisse ainsi s’infiltrer en territoire israélien des commandos terroristes met directement en cause le sommet de l’Etat. Ensuite, le Hezbollah participe au gouvernement libanais à la fois directement (par le biais de Mohammad Fneich, ministre de l’Energie) et indirectement (Faouzi Saloukh, ministre des Affaires étrangères et Trad Hamadé ministre du Travail sont « proches du Hezbollah », comme on dit pudiquement). Les choses sont donc claires : c’est une milice dépendant d’un parti du gouvernement qui a attaqué un pays voisin et pris en otage des soldats de l’état hébreu.  Vingt-quatre heures après ce fait d’armes, le Hezbollah est toujours au gouvernement et celui-ci n’a pas de mots assez durs pour condamner « l’agression » israélienne.

« Ma patrie a toujours raison », proclame fièrement la devise nationale libanaise. Le Liban « officiel » semble choisir, aujourd’hui, d’avoir raison en faisant bloc derrière une organisation terroriste. L’heure d’assumer ce choix a sonné. Mais ne doutons pas qu’à Damas et Téhéran, on se frotte les mains. 


© 2012 ESISC - European Strategic Intelligence and Security Center Powered by Advensys