Il n'y aura pas de miracle à Rome : la guerre, hélas, va continuer



 

 

Alors que les opérations se poursuivent sur le terrain, les choses semblent s’accélérer au plan diplomatique. Mais ces frémissements et les déclarations des uns et des autres n’annoncent aucun début de solution. Et ce, pour la plus simple des raisons : si chacun est d’accord pour constater l’existence de la maladie et l’extrême gravité de ses symptômes, personne ne s’accorde sur son origine et donc sur la manière de la soigner.

Des responsables européens cités mardi soir par l’agence AP affirmaient que le Haut représentant de l’Union européenne pour la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), M. Javier Solana, proposera lors de la Conférence internationale qui se tiendra à Rome ce mercredi 26 juillet un cessez-le-feu et le déploiement d’une force de réaction rapide multinationale. Le coeur de cette force serait constitué de soldats français, allemands et espagnols avec l’appoint de militaires « en provenance de Turquie, des Pays-Bas et de pays arabes comme l’Égypte et l’Arabie saoudite », affirmait AP. M. Solana s’est refusé, pour sa part, à commenter ces informations.

Ces déclarations bruxelloises font curieusement écho à un commentaire du ministre israélien de la Défense, M. Amir Peretz, qui déclarait plus tôt dans la journée qu’Israël « maintiendrait une zone de sécurité dans le sud du Liban jusqu'à l'arrivée d'une force internationale ». M. Peretz insistait toutefois sur la nécessité d’arriver à un accord « permettant d'éloigner le Hezbollah du Sud-Liban, le contrôle des passages frontaliers entre la Syrie et le Liban, d'empêcher le passage de nouvelles armes (…) et, bien entendu, cela amènera une force multinationale dotée de capacités lui permettant de faire appliquer l'accord qui sera signé ».

Nous l’avons déjà souligné dans nos dernières analyses, une force multinationale n’aura de sens que si elle peut :

- sécuriser la frontière israélienne ; - empêcher les infiltrations du Hezbollah et les tirs contre l’État hébreu ; - désarmer le Hezbollah en appliquant la résolution 1559.

Seules ces mesures sont à même de ramener la paix entre Israël et le Liban. Un tel programme ne pourra être appliqué que sur base d’un mandat politique clair et précis. Il serait très étonnant que la réunion de Rome accouche de ce mandat.

La France estime qu’il est d’abord nécessaire de passer par deux étapes : la fin des hostilités et un accord politique entre les belligérants. Ce n’est qu’après qu’une « force d’interposition » pourrait être déployée. On remarquera, au passage, qu’il n’est plus question, à Paris, de l’idée agitée la semaine dernière par le Président Jacques Chirac d’une force internationale qui pourrait « désarmer le Hezbollah par des mesures coercitives ». A Bruxelles, de toute façon, M. Solana l’a dit lundi à Saad Hariri, on n’envisage nullement le désarmement du Hezbollah mais, au mieux, la « supervision » de cette opération.

Il faut donc croire (espérer) que le Hezbollah désarmera tout seul –ce qu’il n’a pas vraiment fait depuis 6 ans…- ou sera désarmé par l’armée libanaise, qui n’a jamais jusqu’ici montré un grand enthousiasme pour cette mission. Les autorités libanaises ont clairement dit à Mme Rice, lundi, qu’elles ne voulaient pas de cette solution qui portait en elle les germes d’un éclatement de l’armée et d’une nouvelle guerre civile.

Ottawa, en revanche, entend mettre la question du Hezbollah sur la table à l’occasion de cette réunion. Le ministre des Affaires étrangères Peter McKay déclarait hier : « Nous espérons que la communauté internationale saisira cette occasion de s’attaquer à la nature du problème (…) des acteurs non gouvernementaux tels que le Hezbollah et le Hamas ont pu, soit à cause de l’incapacité de gouvernements soit avec le soutien de certains gouvernements, constituer des stocks militaires et attaquer Israël ». 

Enfin, on ajoutera que si les pays arabes viendront à Rome avec l’espoir d’arracher un cessez-le-feu immédiat, les Etats-Unis, eux, ne recherchent aucune solution à court terme mais veulent s’attaquer aux racines du problème.

Le scénario romain le plus probable est donc que les participants à la grande messe diplomatique se sépareront sans avoir atteint l’accord qui permettrait, peut-être, de dénouer la crise. La guerre continuera donc et l’Europe qui veut bien aller au Proche-Orient mais pour s’y livrer à de la figuration et surtout pas pour résoudre les problèmes pourra continuer à faire ce en quoi elle excelle : compter les morts, distribuer bons et mauvais points et se lamenter sur les victimes civiles qu’elle aurait pu, avec un peu de courage, participer à sauver.


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