Kaboul ou le choc des civilisations



 

 

Si la question n’était pas taboue et le débat absolument interdit par les gardiens de la sacro-sainte pensée unique, on en viendrait certains jours à se demander si le Choc des Civilisations n’est pas une réalité.
Prenez l’Afghanistan, par exemple. Dans ce charmant pays aux coutumes rudes et viriles – le Bouzkashi, sport national, n’y consiste-t-il point à jouer au polo avec un mouton décapité ? – un tribunal s’est mis en tête d’éradiquer le crime. La police a donc jeté dans un cul de basse fosse un malheureux qui avait commis l’épouvantable délit de se convertir au christianisme. L’apostasie devant, selon la Charia, être punie de mort, le malheureux encourt une condamnation à la peine capitale.
Les juges auraient peut-être pu se pencher sur des crimes certes moins graves à leurs yeux mais néanmoins préoccupants à ceux du reste du monde. Le trafic de pavot, par exemple : l’Afghanistan est le premier exportateur au monde de cette fleur vénéneuse dont on  tire l’héroïne. Ou encore les crimes d’honneur que subissent encore trop de femmes. Non, il a fallu que l’on cherche à faire un exemple au nom des saintes valeurs de l’Islam.
Ce qui dérange dans cette affaire, c’est que ce sont des militaires européens, américains, australiens qui ont libéré le pays de l’emprise mortelle des Taliban. C’est à l’ombre de nos blindés que la démocratie tente, tant bien que mal, de s’y construire et c’est notre argent (celui des contribuables occidentaux) qui finance la plus grande partie du budget de l’Etat (l’argent de la drogue, lui, finit dans la poche des chefs de guerre, dont certains très proches du gouvernement…).  Et le plus étonnant dans toute cette affaire, c’est que la réaction horrifiée du monde démocratique surprend les dirigeants locaux…
Une dépêche d’agence nous apprenait ainsi, vendredi matin, qu’un chef religieux « modéré », Abdul Raouf, estimait que « Rejeter l'Islam c'est insulter Dieu ». « Nous ne permettrons pas que Dieu soit humilié. Cet homme doit mourir. Le gouvernement a peur de la communauté internationale. Mais le peuple le tuera s'il est libéré. Coupez-lui la tête », exige ce chef éclair, sinon « Nous en appellerons au peuple afin qu'il le réduise en morceaux pour qu'il ne reste rien ». Pour un autre, imam d’une mosquée de la capitale : « Il faut donner l'exemple. Il doit être pendu ». A Kaboul, tout le débat entre modérés et durs semble donc résider dans le fait de savoir si l’apostat doit être pendu ou décapité.
Par un curieux hasard de l’actualité, on apprenait cette semaine que l’Algérie a adopté une loi aussi stupide que liberticide limitant et réprimant l’exercice des cultes autres que musulman. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais revenons-en  à l’Afghanistan.
Au fond, on pourrait se demander si la solution n’est pas dans la remise au goût du jour des bonnes vieilles méthodes : un tapis de napalm pour les cultures de pavot, d’une part et, d’autre part, traiter les chefs religieux « modérés » pour ce qu’ils semblent être : des ennemis de la liberté. Ou alors, rentrer à la maison et laisser tous ces braves gens se débrouiller entre eux. Une chose est certaine en tout cas, cette nouvelle et vilaine affaire fait plus de tort à l’image de l’Islam que quelques banales caricatures…


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