La guerre



 

 

Si les mots ont un sens, alors la France a admis hier, par la voix de Jacques Chirac qu’elle était en guerre.
Dans une déclaration spectaculaire, alors qu’il visitait la base de l’Île Longue qui abrite les sous-marins nucléaires français, au large de Brest, le Président de la République a en effet admis que des frappes nucléaires ciblées étaient possibles dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.
S’il continue à exclure l’emploi de l’arme ultime contre des groupes terroristes proprement dit,  M. Chirac, en revanche, a tenu à souligner que « les dirigeants d'États qui auraient recours à des moyens terroristes contre nous, tout comme ceux qui envisageraient d'utiliser, d'une manière ou d'une autre, des armes de destruction massive, doivent comprendre qu'ils s'exposeraient à une réponse ferme et adaptée de notre part ». Et d’ajouter : « Cette réponse peut être conventionnelle, elle peut aussi être d'une autre nature ». Or, dans la doctrine militaire française, évoquer une riposte « non conventionnelle » est une manière pudique de désigner l’emploi du nucléaire.
De plus, le Président de la République a ouvert la porte à la possibilité de moduler l’emploi de l’arme atomique et de ne plus l’envisager seulement dans la perspective de l’anéantissement total de l’adversaire : « La flexibilité et la réactivité de nos forces stratégiques nous permettraient d'exercer notre réponse directement sur ses centres de pouvoir et sur sa capacité d'agir. Toutes nos forces nucléaires ont été configurées dans cet esprit ».
Autre changement majeur : si jusqu’ici l’emploi de l’arme nucléaire était prévu exclusivement en cas d’atteinte à l'intégrité du territoire, en vue de protéger les populations ou de garantir le libre exercice de la souveraineté nationale, deux nouvelles causes permettant ce recours ont fait leur apparition : « la garantie de nos approvisionnements stratégiques et la défense de pays alliés ». Outre qu’il s’agit d’un remaniement majeur de la doctrine nucléaire, ces déclarations soulignent à quel point la France se rapproche aujourd’hui de certaines conceptions américaines, dont celles voulant que la lutte contre le terrorisme s’apparente à une guerre ou encore que des États « voyous », même si le vocable n’est pas utilisé, peuvent justifier un traitement musclé.
Mais qui doit se sentir menacé par les propos du chef de l’État français ? En premier lieu, l’Iran qui défie la communauté internationale avec son programme nucléaire et qui, en d’autres temps – entre 1986 et 1989 – a pratiqué, par Hezbollah interposé, le terrorisme sur le sol français et commandité la prise en otages de citoyens français au Liban. Téhéran serait mal inspiré de songer à utiliser à nouveau ce moyen pour faire fléchir, par exemple, la volonté de Paris dans le dossier nucléaire.   Pour ceux qui en doutent, on citera cet écho aux paroles présidentielles. Invité ce vendredi matin sur les ondes de RTL, le général Henri Bentégeat, chef d'État-major des armées, commentant cette évolution stratégique déclarait que l'Iran était « une inquiétude majeure pour nous aujourd'hui [car ce pays] affiche des intentions extrêmement belliqueuses ». A bon entendeur…

 

 


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