La liberté d'expression n'est pas négociable



 

 

Le 12 septembre 2004, à la sortie d’un plateau de télévision à Bruxelles, Claude Moniquet était violemment agressé par un certain Rachid Belabed. Frappé à plusieurs reprises à la tête à coups de poings et de pieds, Claude Moniquet avait souffert d’une commotion cérébrale et avait dû interrompre ses activités durant plusieurs semaines. Devant la police, le prévenu avait répété à plusieurs reprises qu’il « ne regrettait pas » son geste. Le lendemain, devant le magistrat instructeur, il réitérait : « J’aime bien ce que j’ai fait, je ne le regrette pas » (sic !)

Le procès de cette agression s’est déroulé ce matin – trois ans et trois mois après les faits ! – devant la 43ème Chambre correctionnelle du Tribunal de Première Instance de Bruxelles. On trouvera ci-dessous la déclaration que Claude Moniquet a faite, à cette occasion, à l’audience.

 

Je ne souhaite pas, ce matin, prendre trop de votre temps que je sais être compté.

Je sais également que l’affaire qui m’amène aujourd’hui devant vous en tant que victime est, sur l’échelle de la justice, une « petite » affaire. Il n’y a pas eu mort d’homme ni mutilation permanente. Certes, j’ai été durement touché, au point de souffrir d’une commotion cérébrale et de justifier de trois semaines d’interruption de travail ; au point aussi que les premiers jours, mes proches ont craint des séquelles permanentes. Mais tout cela, aujourd’hui, est bien loin et je ne garde pas de trace physique de cet acte de violence. Cela étant dit, cet heureux état de fait ne doit strictement rien à l’auteur de ces violences. Mon agresseur m’a frappé directement et à plusieurs reprises, à coups de poings et de pieds, à la tête et plus particulièrement dans la région temporale, une zone que tout un chacun sait être particulièrement fragile. Si nous avions eu moins de chance, l’auteur des faits et moi-même, je ne serai pas devant vous ce matin.

Cela étant, je le répète, les faits, s’ils sont graves, ne justifient pas d’un long débat.

Toutefois, si cette affaire n’a pas un grand degré de gravité par les conséquences qu’elle a eues, elle n’en est pas moins gravissime sur le plan des principes. Car ce n’est pas une rixe de bistrot que vous jugez ce matin, ni une bagarre banale comme il y en a malheureusement trop dont les conséquences parfois tragiques encombrent chaque jour vos tribunaux.

Non, ce que vous avez à juger, c’est de l’irruption de la violence dans le champ de l’exercice normal des droits démocratiques. Car j’ai été violemment, sauvagement agressé parce que ce que je disais avait le malheur de déplaire à l’auteur des faits.

Celui-ci, en effet, m’a accusé d’être un « raciste » et d’insulter l’islam car, depuis des années – et ce fut notamment le cas ce 12 septembre 2004 -, j’attaque l’islamisme et le fondamentalisme ainsi, d’ailleurs, que l’extrémisme sous toutes ses formes.

Je réfute totalement toute idée de racisme et d’islamophobie. Ceux qui me connaissent et ceux qui ont lu les milliers de pages que j’ai publiées depuis des années sur ces sujets savent ce qu’il en est. Le racisme m’est étranger. Je le hais, et « l’islamophobie » n’a jamais été mon fait. Du reste, si mon agresseur s’était senti insulté dans sa personne, dans ce qui lui est cher ou dans sa foi, il avait le recours de déposer plainte devant la justice. Il ne l’a pas fait. Il a préféré se faire justice lui-même, par la violence, d’une offense qui n’a jamais existé que dans son esprit.

Le problème que pose cette affaire, c’est que cette conduite n’est pas isolée, en Europe, aujourd’hui. Du reste, dans les jours qui ont suivi mon agression, ma photographie a été publiée sur plusieurs sites Internet, agrémentée de légendes me traitant de « porc nazi » (sic), félicitant mon agresseur ou minimisant la gravité des faits.

Surtout, deux mois après mon agression, le 4 novembre 2004, le cinéaste Théo Van Gogh était égorgé sur les trottoirs d’Amsterdam pour avoir réalisé un film jugé blasphématoire par certains islamistes. Plus près de nous, au début de 2006, nous avons vu les manifestations de haine déclenchées par l’affaire dite des « caricatures de Mahomet ». Il règne en Europe aujourd’hui un climat détestable qui interdit toute critique de l’islam et de ses dérives. Cela doit cesser. L’islam est une religion comme toutes les autres qui peut être critiquée. Surtout dans ses variantes extrémistes et intolérantes.

Or, la culture européenne, c’est la culture de la liberté.

Cette liberté, nous en avons payé le prix depuis Voltaire et à travers les siècles. La liberté, certes, c’est aussi la liberté de la religion et de pratiquer paisiblement celle-ci, quelle qu’elle soit. Mais cette liberté de religion, c’est la liberté d’avoir une religion ou de ne pas en avoir, de la pratiquer ou non et d’en changer, bien entendu, si l’on veut.

Et bien entendu, c’est également la liberté de blasphémer. Libre à ceux qui se sentent insultés d’acter en justice. Ils ne sont pas libres, en revanche, de tenter de faire taire l’autre par la violence.

J’en termine.

Ce matin, je ne suis pas venu réclamer vengeance. Je ne demande évidemment pas une peine disproportionnée pour l’auteur des faits et je ne souhaite pas qu’il serve d’exemple mais qu’il soit jugé pour ce qu’il  a fait, rien de plus. Je n’attends nullement de vous, Monsieur le Président, que vous fassiez peser sur l’avenir de mon agresseur une trop lourde hypothèque. Mais j’attends que dans votre jugement et dans ses attendus vous disiez haut et clair que la liberté d’expression n’est pas négociable et que l’irruption de la violence dans le débat public ne peut être tolérée et qu’elle ne le sera pas.

Je vous remercie de m’avoir donné la parole.

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