La vraie question de "l'affaire Erdal" : la tolérance de Bruxelles face à certaines formes de terrorisme



 

 

L’affaire Erdal, du nom de cette jeune terroriste turque d’extrême gauche qui s’est enfuie dans des conditions assez rocambolesques, alors qu’elle était sur le point d’être condamnée par le tribunal correctionnel de Bruges, suscite nombre de questions et de réflexions. La plus importante et la plus inquiétante est la tolérance des autorités face au terrorisme d’extrême gauche.
Première réflexion. Certains commentateurs ont, comme d’habitude, enfourché le cheval de la critique des « services », en l’occurrence de la Sûreté de l’État (S.E.) qui était en charge de la surveillance de la jeune femme, assignée à résidence.
C’est un faux et mauvais procès. Même si la Sûreté était sur le terrain, il serait injuste et totalement contre-productif de lui faire « porter le chapeau ». Car, in fine, si manquements il y a eu, ce ne sont pas ceux de la S.E. mais bien du gouvernement. Il n’est plus contesté, en effet, que la Sûreté a, à trois reprises, averti le ministre de l’Intérieur que Fehriye Erdal risquait de s’enfuir et qu’elle ne disposait pas, seule, des moyens de l’en empêcher. Ces rapports n’ont suscité aucune réaction. Mais ceux qui veulent affaiblir la S.E., dont l’ancien ministre de l’Intérieur, le socialiste flamand Johan Vande Lanotte, montent au créneau et réclament une énième réforme de ce service, voire son intégration pure et simple à la Police fédérale, ce qui serait une erreur et couperait la S.E. de nombre de ses contacts avec des services de renseignement étrangers.
Deuxième réflexion. Le ministre de l’Intérieur, M. Patrick Dewael, affirme que « dans un État de droit », il était impossible de placer Mme Erdal en détention avant son jugement. Mme Erdal ayant été, au moment de son arrestation en septembre 1999, une étrangère en situation illégale et munie de surcroît de faux papiers, cette affirmation péremptoire semble pour le moins discutable. On remarquera, par ailleurs, que c’est le même ministre de l’Intérieur qui trouve tout à fait normal (et absolument pas contraire à « l’État de droit » qui lui est si cher) d’interner des « illégaux » dans des centres fermés, parfois pour des années ! Donc, ce qui est applicable à une famille de malheureux réfugiés économiques ne pourrait l’être à une terroriste dangereuse ?
Mais admettons. On se demandera alors pourquoi il a fallu 6 ans et demi pour juger cette jeune femme qui avait été trouvée en Belgique en possession de faux documents et d’armes et était recherchée dans son pays d’origine pour terrorisme et complicité de meurtre. Si Mme Erdal avait été jugée dans un délai raisonnable, la question de sa détention ne se serait sans doute jamais posée dans les mêmes termes.
Troisième réflexion. Était-il raisonnable d’assigner Mme Erdal à résidence... au siège bruxellois de l’organisation terroriste à laquelle elle était sensée appartenir et où elle a donc pu continuer, pendant près de 6 ans ( !), à participer aux activités de cette organisation ? 
Quatrième réflexion. De la question qui précède découle un constat dont le moindre politique devrait être capable : le DHKP-C, organisation considérée comme terroriste par l’Union européenne, dispose donc d’un siège officiel à Bruxelles, capitale de l’Union. Et cela ne semble poser de problèmes ni à la Belgique ni d’ailleurs à l’U.E. 
On soulignera que ce siège est loin d’être clandestin. Il est situé rue Stévin, en plein « quartier européen », dispose de plusieurs adresses e-mail de fournisseurs d’accès belges et c’est de là qu’est géré le site Internet de propagande du DKP-C : www.dhkc.org . Sur ce site, on pouvait lire, dans un communiqué en date du 13 janvier dernier : « En représailles à l'assassinat de Serdar Demirel [un terroriste du DHKP-C mort en prison des suites d’une grève de la faim] :  le 8 janvier, à 20h30, nous avons tiré plusieurs rafales sur une voiture de police à hauteur du viaduc Ridvan Dedeolgu sur l'autoroute TEM à Istanbul ;  le 9 janvier, à 22h, nous avons détruit la banque Yapi Kredi située dans le quartier de Caglayan à Istanbul à l'explosif et aux cocktails Molotov. »
Que penser d’un gouvernement qui tolère sur son sol la présence officielle d’une organisation terroriste qui revendique ouvertement, depuis Bruxelles, attentats et assassinats ? Qu’en penser, en effet, sinon qu’il pratique la politique du « deux poids deux mesures » : le terrorisme islamiste est combattu (on s’en félicite !) mais la terreur d’extrême gauche bénéficie d’une invraisemblable mansuétude.
Soyons clairs : l’affaire Erdal ne relève pas d’un éventuel disfonctionnement des services de sécurité. Elle est purement politique : le gouvernement tolère le DHKP-C (et, par ailleurs, quelques autres organisations du même tonneau) et n’a probablement jamais voulu, pour d’obscures raisons où la lâcheté ne le discute qu’à une douteuse complaisance, que Mme Erdal se retrouve derrière les barreaux.
Les ministres responsables de cette faillite judiciaire et du tort fait à la réputation de la Belgique devraient avoir la décence d’en tirer les conclusions logiques. Et, en attendant, ils pourraient être bien inspirés de prendre une mesure de dissolution du bureau belge du DHKP-C et d’entamer des poursuites contre les responsables d’un site Internet qui revendique attentats et meurtres. Peut-être la Belgique y retrouverait-elle un peu de crédibilité auprès de ses alliés...


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