Le Hezbollah doit être désigné "organisation terroriste" par l'Union européenne



 

 

Les autorités bulgares ont annoncé ce mardi 5 février que le Hezbollah avait « financé » l’attentat commis le 18 juillet 2012 à Burgas (6 morts) et que « au moins deux membres » de cette organisation y avaient directement participé.

 

Aussitôt a ressurgi le spectre de la désignation de ce groupe comme « organisation terroriste » par l’Union européenne. Rappelons-le : aujourd’hui, seuls les Etats-Unis, l’Australie, le Canada et Israël ont inscrit le mouvement libanais sur une telle liste. Les Pays-Bas les ont rejoints à titre individuel en 2008 et le Royaume-Uni considère que seule « l’aile militaire » du Parti de Dieu libanais est terroriste.

 

Une telle désignation, si elle était adoptée par l’ensemble de l’Europe, aurait évidemment l’intérêt majeur de permettre d’empêcher les collectes de fonds du Hezbollah en Europe mais aussi de limiter sa propagande. A l’heure actuelle (mais ce n’est pas nouveau), la France mène l’opposition à toute sanction contre le groupe libanais. Essentiellement au nom de la « stabilité politique » du Liban…

 

Cette position française, qui offre un noble alibi à la lâcheté européenne, est désastreuse.

 

Il est évident, si les mots et les faits ont un sens, que le Hezbollah est bel et bien un groupe terroriste.

-         En avril 1983, il tuait 63 Américains à Beyrouth en faisant sauter l’ambassade des Etats-Unis.

-         Le 23 octobre de la même année, il attaquait les casernes des contingents français et américains venus (sous mandat de l’ONU) protéger les populations civiles libanaises, tuant 58 parachutistes français et 248 Marines.

-         Entre 1985 et 1991, le Hezbollah enlevait et détenait, dans d’atroces conditions, plusieurs dizaines de ressortissants français, britanniques, allemands, italiens, suisses ou irlandais. Terry Anderson d’Associated Press devait rester 6 ans aux mains de ses geôliers. Dix de ces « otages du Liban » furent assassinés ou disparurent à tout jamais.

-         En 1985 et 1986, le Hezbollah, agissant comme « bras armé « » du MOIS (Ministry of Intelligence and Security ou « Savama », les services secrets iraniens) perpétraient des attentats sanglants en France tuant une quinzaine de civils innocents et en blessant près de 300.

-         Le 17 mars 1992, il faisait sauter l’ambassade israélienne à Buenos Aires, tuant 29 civils et en blessant 242.

-         Le 18 juillet 1994, il s’attaquait au centre communautaire juif AMIA, toujours à Buenos Aires : 85 morts et des centaines de blessés.

 

On nous dit régulièrement (cela me fut encore rappelé ce matin, lorsque je participais, sur ce sujet, à l’émission « Have sur Say », sur BBC World), que depuis la moitié des années 90, le Hezbollah aurait « changé », renonçant au terrorisme et choisissant de jouer le jeu de la politique.

 

Certes, certes. Mais alors comment expliquer que le même Hezbollah, pas plus tard qu’en 2012, s’en soit pris aux ambassades israéliennes en Inde et en Géorgie ? Ou encore qu’un opérateur du Hezbollah préparant un attentat se soit grièvement blessé à Bangkok avec sa propre bombe (enfin une bonne nouvelle….) ? Ou, enfin, que plusieurs membres du MOIS et du Hezbollah aient été arrêtés à Baku, au cours de ce même mois de février 2012, alors qu’ils organisaient un attentat contre un bus de transport scolaire ? Pour le Hezbollah comme pour l’Iran, attaquer une cible juive ou israélienne en Azerbaïdjan fait sens : ce pays est un allié de l’OTAN mais entretient également de très bonnes relations avec Israël, tandis que l’Iran soutient l’Arménie dans le conflit qui oppose ce pays à Baku autour du Nagorno-Karabak…[1]

 

Le passif est lourd. Mais il est également clair : oui, le Hezbollah est bien une organisation terroriste.

 

Un haut responsable européen de la lutte anti-terroriste déclarait pourtant hier que « le fait d’être derrière une attaque terroriste n’implique pas automatiquement la désignation comme organisation terroriste : il ne s’agit pas seulement d’une question juridique mais aussi d’une analyse politique ».

 

Parlons-en de cette « analyse politique ». On nous affirme que s’attaquer au Hezbollah pourrait « déstabiliser le Liban ». La stabilité du Liban est effectivement un vrai problème. Mais le Hezbollah y joue-t-il un rôle positif ? A-t-il contribué à pacifier et à stabiliser le Liban lorsqu’il a déclenché, en juillet 2006, des opérations contre Israël qui ont eu pour le pays les conséquences dramatiques que l’on sait ?

A-t-il participé à la stabilisation du Liban lorsqu’il a assassiné Rafic Hariri (et 22 autres personnes…), le 14 février 2005 ?

A-t-il participé à la stabilisation du Liban, lorsqu’il a déclenché des émeutes armées à Beyrouth, en mai 2008, après le démantèlement de son réseau de communication et l’arrestation d’un de ses hauts cadres ?

 

Cet alibi au non-interventionnisme est une lamentable et pitoyable comédie. Elle est indigne de la France qui a par rapport au « Pays du Cèdre » une responsabilité historique.

 

Enfin, peut-on se contenter d’interdire uniquement la branche armée du Hezbollah ? Je ne le pense pas. L’organisation a effectivement plusieurs branches (politique, armée, caritative, culturelle) mais elles dépendent toutes de la même direction centrale de 7 personnes, le Majlis al-Choura, présidé par son secrétaire général, Hassan Nasrallah. Cette direction est collégiale et prend les décisions par consensus. C’est dire qu’elle est pleinement responsable de tout acte posé par l’ensemble de l’organisation.

 

Le 15 mars 2005, le Parlement européen ne s’y était pas trompé en décidant, par 473 votes contre 33, que le Hezbollah était bel et bien une organisation terroriste. Il n’avait pas été écouté.

 

Il est temps de réparer cette erreur, il est temps que la France cesse son obstruction et que le Conseil européen dise enfin, haut et clair, ce que les simples faits proclament depuis trente ans : le Hezbollah est une organisation terroriste. Il est temps de lui en faire payer le prix.

 

 

Copyright© ESISC 2013



[1] Voir notre rapport « The Armenian-Iran Relationship, 17 janvier 2013  (www.esisc.org , Publications/Analyses)


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