Les juges, la loi, la société



 

 

Personne ne niera, probablement, que la situation sécuritaire n’est pas, en France, ce qu’elle devrait être. Jour après jour, agressions et déprédations se succèdent tandis que des quartiers entiers deviennent, peu ou prou, des zones de non-droit livrées aux bandes organisées, abritant tous les trafics et où l’honnête citoyen – qui, en règle générale, a essentiellement le droit de payer ses impôts et de fermer sa gueule – n’ose plus sortir de chez lui une fois la nuit tombée.
Mieux encore (ou pire, si l’on préfère), le même honnête citoyen peut, le plus souvent, s’estimer heureux s’il ne retrouve pas, au matin, sa voiture incendiée. Dans ce cas, il pourra toujours tenter de se consoler en écoutant un haut responsable déclarer (comme cela fut le cas en novembre 2005, au lendemain des émeutes que personne n’a oubliées…) que la situation est « revenue à la normale » puisque « seulement une centaine de voitures ont été incendiées en une nuit… »
Et comme ledit citoyen honnête qui a le tort d’habiter dans ce que l’on appelle désormais, par souci du politiquement correct, « les quartiers » en se gardant le plus souvent de leur accoler la moindre épithète, est, en règle générale, une personne aux revenus modestes, il intéresse peu les beaux esprits de gauche qui refont le monde à Saint-Germain pas plus d’ailleurs que son sort ne préoccupe la droite bourgeoise et bien installée.
Par un curieux hasard – mais le hasard existe-t-il en politique, surtout à huit mois des présidentielles ? – deux personnalités politiques de premier plan appartenant aux mouvances démocratiques, M. Nicolas Sarkozy à droite et Madame Ségolène Royal à gauche, se sont fait l’écho de cette réalité (et non pas de ce « sentiment »)  d’insécurité vécue par trop de Français. Et les deux se sont attirés une volée de bois vert. Madame Royal s’est vue attaquer à l’intérieur de son propre parti tandis que M. Sarkozy est victime tout à la fois des quolibets de la gauche et de la grogne corporatiste des magistrats.
Pour avoir déclaré il y a quelques jours : « J'aimerais que l'on m'explique comment on empêche un délinquant de récidiver si l'on n'a pas le courage de le mettre en prison », Nicolas Sarkozy s’est donc vu accuser de nuire à la sacro-sainte « indépendance des magistrats ». Mais de quoi parle-t-on ?
Il y a en France trois pouvoirs, le législatif, l’exécutif et le judiciaire, c’est entendu. La constitution veut que les deux premiers aient des comptes à rendre – devant les électeurs pour les élus, devant le Parlement pour l’exécutif - et que, de surcroît, les juges, troisième pouvoir, aient la possibilité de poursuivre les membres des deux premiers pouvoirs. C’est fort heureux car cette capacité de la justice à demander des comptes à quiconque – sauf apparemment, au Président de la République, mais fermons cette triste parenthèse – fait précisément la différence entre la démocratie et la dictature.
Mais est-ce à dire que le juge qui applique la loi et souvent « dit le droit » serait au dessus de toute critique et que le judiciaire devrait être le seul pouvoir à s’autogérer, à échapper à tout contrôle externe et à décider lui-même des sanctions éventuelles (et rares) qui peuvent frapper ses membres ? Pour autant que l’on sache, la France étant une république laïque et non un quelconque califat, la loi n’est pas rendue au nom de Dieu et ne procède pas du divin. Et le juge ne prononce ni n’applique les peines en son nom propre et selon son bon vouloir.
La justice, en France, se rend « Au nom du peuple français ».  Or, que cela plaise ou non à la corporation judiciaire, le « peuple français » en a manifestement assez de l’état de fait que nous venons d’exposer. Il souhaite non pas, sans doute, une justice « plus répressive » mais une justice plus rapide et plus efficace, et une meilleure protection des victimes et des faibles. A force de l’ignorer, par corporatisme, par confort intellectuel ou par idéologie, les juges qui oublient d’où vient le terrible pouvoir qui est le leur font le lit des extrêmes.

 


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