Les otages, l'Etat, les "services", l'argent et les médias



 

 

On n’est jamais déçu par la lecture de la presse. Prompts à dénoncer scandales et injustices, à distribuer bons et mauvais points ou encore à traquer la vérité (et nettement moins rapides, en général, quand il s’agit de reconnaître leurs propres erreurs et abus, mais ceci comme écrivait Kipling est une autre histoire), les médias ont toutefois une fâcheuse tendance à réinventer la roue en découvrant des vérités connues de tous. Ainsi, lundi dernier, The Times révélait que Paris et Berlin auraient payé des dizaines de millions de dollars pour faire libérer des otages retenus en Irak. Ainsi donc, des Etats auraient payé pour faire libérer des otages ? La réponse est courte et simple : oui ils ont payé. Et alors ?
Quel journaliste, quel citoyen peut-il imaginer une seule seconde que l’on fait libérer des otages en « négociant d’Etat à Etat » et sans payer de rançon, comme le déclaraient, il y a près de 18 ans, les proches de Jacques Chirac après le dénouement de la sinistre crise des otages du Liban ? Dans un livre publié il y a quelques années , nous décrivions d’ailleurs les négociations qui avaient conduit à ces libérations. Oui, les Etats payent. D’une manière ou d’une autre : de l’argent, des accords politiques secrets, des livraisons d’armes, des facilités de visas ou des soins médicaux pour les dirigeants des groupes en cause…
Il existe, en fait, trois possibilités de régler une crise d’otage, trois pas quatre : libérer les otages par la force, payer ou alors passer les otages par perte et profits et accepter de les perdre. Avec un peu de chance, voyant que leur chantage n’a pas pris, les terroristes se lasseront et libéreront des poids morts. Le plus souvent ils les tueront, ne serait-ce que pour démontrer aux Etats, qu’ils feront chanter dans le futur, qu’ils ne plaisantent pas. Les experts de notre centre ont été amenés, ces huit derniers mois à conseiller deux Etats dont des ressortissants avaient été victimes de prises d’otages. Dans les deux cas, il était bel et bien question de payer des rançons. 
En définitive, que veut la société ? Et quelle est la responsabilité de l’Etat ? La société – et elle a raison – souhaite que les otages soient libérés. L’Etat, lui, a pour première et principale responsabilité de protéger la sécurité de ses ressortissants. De toutes les manières qui s’offrent à lui. Dès lors, s’il n’a pas les moyens – ou le courage – de tenter le coup de force militaire, il se tournera vers les « services » pour utiliser les méthodes « spéciales » (ne parle-t-on pas, d’ailleurs, de services « spéciaux ») qui aboutiront à une heureuse issue.
Cela étant, la presse fait preuve de peu de responsabilité en soulevant ce genre de polémiques et en allant jusqu’à citer des chiffres, car ceci ne peut qu’encourager les terroristes à persévérer dans ce véritable business qu’est la prise d’otage. Quant à l’Etat, en niant contre toute raison, il se moque ouvertement des électeurs qui sont également, par ailleurs, des payeurs d’impôts, c'est-à-dire, précisément, ceux qui, en dernière analyse, financent le payement de la rançon.
La bonne solution serait sans doute la quatrième, celle qui, dans le politiquement correct qui paralyse nos sociétés, est indicible : payer, dans un premier temps, pour sauver la vie de nos concitoyens et, dans un deuxième temps, charger les services « spéciaux » de retrouver les preneurs d’otages et de leur appliquer l’extrême préjudice – comme disent nos amis anglo-saxons – qui fera que leurs futurs imitateurs potentiels comprendront que le prix à payer est trop lourd. Mais pour cela, il faudrait que l’Etat existe et qu’il soit courageux. Or, l’Etat est en déliquescence, ainsi que le prouve, entre de multiples exemples,  la triste affaire Clearstream, et le courage, il y a longtemps qu’il n’est plus au rendez-vous. Quant aux services « spéciaux », il faudrait que les coups tordus qu’il monte au profit d’un clan politique contre un autre leur laissent de temps de faire ce pour quoi on les paye .  Ce n’est pas gagné… 


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