L'irakisation de Gaza a commencé: l'heure d'Al-Qaïda ou/et du Hezbollah ?



 

 

Il y a quelques jours, nous soulignions les aspects très particuliers de la dernière prise d’otage en date dans la bande de Gaza – celle d’un reporter américain de Fox News, Steve Centani, et de son caméraman néo-zélandais, Olaf Wiig. Après avoir rappelé que la plupart des prises d’otages d’Occidentaux s’étaient terminées en quelques heures ou en un jour ou deux, nous arrivions à la conclusion que : «Dans le cas présent, la durée inhabituelle de l’enlèvement et le fait qu’aucune faction ne se soit manifestée est de nature à susciter de réelles inquiétudes » .
Malheureusement, les faits viennent de nous donner raison : le 23 août, un groupe jusqu’ici inconnu, les Brigades du Saint Djihad, revendiquait l’enlèvement en diffusant une vidéo montrant les deux journalistes. La revendication est claire : tous les « prisonniers musulmans » aux Etats-Unis doivent être libérés dans les « 72 heures », soit ce samedi soir au plus tard. Ils ne le seront évidemment pas et la suite des évènements permettra de juger du sérieux de la menace représentée par ce nouvel avatar du terrorisme palestinien.
D’ores et déjà pourtant, cette sinistre actualité donne davantage de corps aux craintes exprimées, mezzo voce, depuis plus de deux ans par certains experts israéliens, américains et européens qui craignaient de voir la mouvance al-Qaïda s’implanter dans la Bande de Gaza.
Les Brigades sont totalement inconnues et l’on peut même douter qu’elles aient une existence réelle : il est nettement plus probable qu’il ne s’agisse que d’une nouvelle « marque » destinée à cacher une organisation, bien réelle celle-là, comme, par exemple, les Comités populaires de Résistance, l’une des fractions palestiniennes les plus extrémistes, réputée liée à al-Qaïda.
Le message de revendication qui accompagnait la cassette vidéo évoque la rhétorique habituelle des extrémistes sunnites : références coraniques, apologie du sacrifice des moudjahidin, critique de l’action des « forces du mal » en Afghanistan et en Irak, appel à la conversion de « tous les infidèles ». Il se termine de manière relativement elliptique : « Relâchez nos prisonniers et nous ferons la même chose », aucune allusion n’étant faite à ce que pourrait être le sort des otages si cette revendication n’était pas rencontrée. 
Plusieurs éléments semblent indiquer que les Brigades sont probablement une émanation de la mouvance al-Qaïda, auquel cas il s’agirait d’une avancée stratégique importante pour les salafistes, qui n’avaient jamais réussi jusqu’à présent à réellement s’implanter dans le conflit israélo-palestinien. En investissant ce nouveau terrain, al-Qaïda récupérerait à son profit le plus emblématique des conflits opposant (pour reprendre la phraséologie salafiste) « le monde musulman » à « l’Occident » ou aux « sionistes » : cette véritable OPA sur la « cause » palestinienne pourrait s’avérer extrêmement payante et donnerait une nouvelle légitimité à la mouvance djihadiste.
Mais si, par ailleurs, les Brigades sont une création encouragée par le Hezbollah qui a toujours eu – bien qu’il soit d’obédience chiite – une grande influence sur le Hamas et d’autres mouvances extrémistes palestiniennes , ce ne serait pas non plus une bonne nouvelle : auréolé de sa « victoire » toute relative, le Hezbollah pourrait se payer le luxe d’ouvrir, par Palestiniens interposés, un nouveau front contre « l’entité sioniste ».
Ce qui est certain en tout cas – que les Brigades gravitent dans l’orbite d’al-Qaïda ou dans celle du Hezbollah -, c’est que la situation est manifestement mûre, en Cisjordanie mais surtout à Gaza, pour voir émerger une tendance encore plus radicale que le Hamas ou le Jihad islamique. Le Fatah est déconsidéré par des années de mauvaise gestion et de corruption, le Hamas peine manifestement à s’imposer, mais aussi et surtout, la mouvance al-Qaïda et/ou le Hezbollah peuvent estimer que les évènements de ces dernières semaines ont démontré la « faiblesse » relative d’Israël et que le recours à des méthodes plus « dures » permettrait de remporter des points et d’obtenir bien davantage que par la négociation. Il est certes fort difficile de s’en prendre directement aux Israéliens – bien qu’une reprise des attentats soit possible – protégés d’une part par la clôture de sécurité et d’autre part par des mesures de sécurité draconiennes, mais frapper les Occidentaux présents à Gaza et leurs intérêts (ou, si possible, les intérêts israéliens à l’étranger) peut représenter une option intéressante aux yeux des djihadistes qui pourraient ainsi espérer amener la communauté internationale à  s’impliquer davantage dans le règlement du conflit.
Le risque serait alors de voir cette communauté isoler davantage encore Israël. Autre risque majeur : voir la Bande de Gaza basculer définitivement dans un chaos à l’irakienne qui détruirait ce qui reste du processus de paix et aurait un effet de déstabilisation sur toute la région.
Un mot encore pour regretter qu’Israël, précisément, ne soit pas au mieux de sa forme – avec un chef d’état-major boursicoteur, un ministre de la Défense faible, un Premier ministre indécis et d’autres membres éminents de son élite politique impliqués dans de regrettables scandales – pour faire face avec efficacité, résolution et intelligence à cette nouvelle menace.
Il y a quelques semaines, des inscriptions avaient fleuri sur les murs de Jérusalem et de Tel-Aviv : « Sharon réveille-toi, Olmert est dans le coma ». Sharon, malheureusement, a peu de chances de se réveiller mais le coma d’Ehud Olmert semble s’aggraver…. 
La mouvance du djihad et le Hezbollah, eux, vont bien. Merci pour eux.


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