Un petit côté "années trente" : l'anti-sarkozysme a de beaux jours devant lui



 

 

Peu d’hommes politiques français - et en tout cas peu de chefs de l’exécutif, à la notable exception de Pierre Mendès-France dans les années cinquante - ont suscité autant de haine que Nicolas Sarkozy. La charge est parfois tellement massive et tellement outrancière que l’on ne sait trop s’il ne conviendrait pas d’en rire. Mais ce serait oublier que les relents nauséabonds de l’anti-sarkozysme ont un petit côté « années trente » qui fait frémir car, décidément, contre cet homme, tout est permis. Et ce serait négliger le fait que, dans les mois à venir, cette tentative de destruction organisée va monter en puissance.

Nous ne faisons pas allusion ici à l’opposition démocratique – le Modem, le PS, l’extrême gauche – qui, faute d’arriver à se remettre de la défaite et à reconstruire un programme cohérent, se réfugie dans la critique systématique de tout ce que fait, veut, pense et dit le Président. Il est légitime que l’opposition s’oppose même si on peut, simplement, regretter qu’elle ne le fasse pas de manière plus intelligente. Nous ne cherchons pas plus de noises aux médias, même quand ils nous font croire que les vacances passées dans une honnête station balnéaire fréquentée par les classes « moyennes supérieures » américaines (« upper middle class», pour reprendre la terminologie sociologique d’outre-Atlantique) seraient des « vacances de milliardaire ». Il est vrai que la rage taxatoire française a une fâcheuse tendance à laminer les classes moyennes plus qu’à les laisser prospérer.  Nous n’en voulons pas davantage aux médias quand ils font du présumé délit de fuite (à scooter !) d’un fils du Président une quasi affaire d’Etat. On pourrait espérer plus de discernement de la part de ceux qui ont pour mission d’informer la société, mais la peopleisation est passée par là.

Non, ce que nous visons aujourd’hui, c’est ce magma informe où se rassemble extrême gauche, extrême droite, tiers-mondistes rassis, pacifistes attardés, antisémites de tous crins et éternels opposants à la « domination américaine ».

Cette mouvance nous inquiète car elle plonge ses racines loin dans le passé. Dans les années trente, les neutralistes entourant le pauvre Daladier tentèrent de nous faire croire que l’on pouvait s’entendre avec Hitler en se montrant raisonnable et que, à ce prix, on aurait, comme le disait son complice Chamberlain, « la paix pour notre temps » . Deux ans plus tard, en se donnant à Pétain, l’Assemblée « nationale » réunie à Vichy choisissait très majoritairement la honte de la collaboration plutôt que la continuation de la guerre auprès de l’Angleterre, adversaire historique . Plus près de nous, les mêmes ou leurs enfants se rêvaient « plutôt rouges que morts » près à se soumettre au diktat soviétique plutôt que de payer, par le réarmement, le prix de la liberté. On remarquera que ce sentiment de lâche abandon n’est pas propre à un camp, pas plus que ne l’est l’esprit de résistance : en 1981 et 1982, c’est François Mitterrand, Président socialiste qui arpentait l’Europe en répétant inlassablement « les pacifistes sont à l’ouest, les missiles sont à l’est ».

Aujourd’hui, les mêmes encore ou leurs petits-enfants tentent de nous convaincre que l’Iran ne présente aucun danger, qu’il est vain de défendre l’indépendance du Liban face à la Syrie et qu’on ne doit pas céder aux sirènes de la guerre pour le pétrole.

Derrière ces attitudes, toujours le même malaise : la honte d’exister, la fascination de la force, la haine de la démocratie, le « sanglot de l’homme blanc », et, plus que jamais, l’anti-américanisme, devenu, de longue date dans notre pays, un nouveau socialisme des imbéciles

Or, le désir de rendre à la France la place qui est la sienne sur l’échiquier international, et le rapprochement avec Washington – et non l’alignement sur les Etats-Unis, car on peut être un allié sans être un vassal – sont deux des pierres angulaires de la politique étrangère et de la politique de défense de Nicolas Sarkozy, qui a bien compris que seule l’alliance des démocraties pouvait permettre de construire un système de sécurité pour le monde contemporain.

Inacceptable vision pour les tenants de la politique de la carpette qui n’ambitionnent rien de mieux que d’offrir à quelques dictateurs le paillasson sur lequel ils pourront essuyer leurs bottes.

Un site Internet – né avant les élections et que l’on espérait défunt – offre une stupéfiante synthèse de cette nouvelle pensée unique, unique dans le sens où elle défère largement extrême gauche et extrême droite dans une nouvelle et fascinante alliance « Rouges-Bruns » : « Tout sauf Sarkozy ». 

Dès la page d’accueil le ton est donné. Sur bande sonore du chant des partisans, un titre apparaît : « Qui représente-t-il ? L’axe de la haine ! ». Puis une image : Nicolas Sarkozy sur fond de drapeaux américains et israéliens. Sur ce même site, le ministre des Affaires étrangères, Bernard  Kouchner, est qualifié de « Voix de ses maîtres sionistes », Dominique Strauss Kahn « d’Homme d’Israël », Christine Lagarde de « Femme des Etats-Unis » et Hervé Morin « d’Homme des Américains ».

Ils sont, bien entendu, soutenus par « un grand patronat toujours plus avide de gains financiers et moralement dégénéré » qui a pu installer au pouvoir « Une bête immonde ». Suivent les habituels délires sur la mondialisation, la main invisible du Groupe de Bilderberg qui ferait la politique des « compagnies pétrolières » ou les divagations du Réseau Voltaire du révisionniste Thierry Meyssan. Bref, voici Nicolas Sarkozy intronisé « Gouverneur Usraélien, » (admirez le subtil jeu de mots) de la France occupée.

Si nous nous arrêtons à ce site – outre l’abjection d’une propagande antisémite que l’on croyait révolue en France – c’est parce que nous pensons que cette propagande de haine qui incite à la guerre civile ne va pas seulement continuer. Elle risque fort, dans les mois à venir de s’amplifier démesurément.

Car si Nicolas Sarkozy suscite la haine, ce n’est pas seulement au titre de son « pro-américanisme » ou de ses origines partiellement juives et parfaitement assumées (il n’est pas sans intérêt de ce point de vue de souligner que M. Mendès-France, qui, nous l’avons rappelé, fut en son temps, victime des plus basses calomnies était juif…). C’est aussi et surtout parce qu’il veut secouer les habitudes du vieux pays, remettre en cause le confort des sacro-saints « avantages acquis » et libérer l’énergie d’une nation qui a passé les dernières années à contempler son nombril en se lamentant. Bref : mettre la France en ordre de bataille pour affronter les défis du siècle.

Trop d’intérêts, par ailleurs souvent opposés, convergent pour s’opposer à cette mutation en profondeur – indispensable mais douloureuse - pour que celle-ci n’entraîne pas une escalade de ce type de propagande. Toute la question étant, dès lors de savoir jusqu’à quel point une démocratie doit tolérer ce type de discours de haine.


© 2012 ESISC - European Strategic Intelligence and Security Center Powered by Advensys