Une amie s'en est allée



 

 

La journaliste Marie-Rose Armesto est morte cette nuit, à l’âge de 46 ans, des suites d’un cancer contre lequel elle se battait avec ténacité depuis plusieurs années. Il est banal de dire que les mots sont impuissants et vains quand ils servent à commenter la vie dans ce qu’elle peut avoir d’injuste et de cruel. Banal mais vrai. Et malheureusement, ces mots n’enlèveront rien à la douleur de sa famille, de son mari, le journaliste Jean-Pierre Martin, et des nombreux amis quelle laisse derrière elle et dont nous sommes.

Marie-Rose Armesto n’était pas « seulement » une journaliste, elle donnait à ce métier ses lettres de noblesse en dépassant les apparences, en fouillant derrière les miroirs et en tentant de décrire au plus près la vie des populations qu’elles croisait, le plus souvent en période de crise ou de guerre, dans l’exercice de sa fonction de grand reporter pour la chaine belge RTL-TVI. Elle avait, ainsi, promené sa silhouette d’éternelle adolescente de la Bosnie à la Tchétchénie, en passant par l’Algérie, le Rwanda, la Somalie ou encore l’Afghanistan.

Fragile en apparence, Marie-Rose était habitée par une force de caractère peu commune et des convictions bien ancrées. Elle était une femme engagée, et cet engagement, elle le partageait avec Jean-Pierre Martin avec qui elle formait un couple fusionnel. Les droits de l’homme, la démocratie, les droits des femmes, n’étaient pas, pour Marie-Rose, des concepts creux et vides : elle les faisait vivre. A travers son métier et dans sa vie. Ce sont ces valeurs qui l’avaient amenée, par exemple, à oser défier Fidel Castro dans une interview, à mobiliser son énergie pour les disparus chiliens et les victimes de l’épuration ethnique en Bosnie et du génocide au Rwanda. Ces mêmes valeurs la poussaient à combattre non seulement le terrorisme mais aussi l’islamisme ou encore à adopter sur la guerre en Irak une position qui tranchait avec la vision caricaturale développée par trop de ses collègues.

Dans l’islamisme, Marie-Rose voyait une forme de nouveau fascisme – hélas toléré par nos politiques et par trop de belles âmes au nom du « droit à la différence ». Un fascisme qui risque de ruiner les efforts « d’intégration », annule les droits des femmes jusqu’au cœur de nos sociétés et répand la haine de l’autre. Son engagement ne l’empêchait jamais de rester à l’écoute des autres, de tous les autres. Elle avait ainsi, il y a près de cinq ans, livré un témoignage passionnant sur la radicalisation d’une partie de la jeunesse musulmane en interrogeant longuement Malika, l’épouse de l’un des tueurs du commandant Massoud. Militante, elle ne s’était pas limitée à un travail journalistique mais avait tenté d’aider la jeune femme à échapper à l’emprise de la mouvance qui avait conduit son mari au meurtre. Mais elle avait échoué, et elle en gardait une blessure secrète dont elle ne s’ouvrait qu’à ses proches.  

La bêtise et la lâcheté de ceux qui ménagent la bête immonde ou font semblant de ne pas la voir la mettaient souvent en colère. Mais dans une colère froide qui ne lui enlevait rien de sa lucidité et lui donnait au contraire un nouveau courage dans la lutte qui était la sienne. Malheureusement, dans la nuit du 22 au 23 janvier 2007, Marie-Rose a perdu la bataille qu’elle menait courageusement contre une autre bête immonde.

Cette nuit fut la première nuit vraiment froide de cet hiver gris. Nous y voyons un symbole, car avec Marie-Rose, c’est un peu de la chaleur de l’humanité et de la solidarité qui s’en est allée.

Aujourd’hui nous la pleurons. Demain, avec Jean-Pierre, avec tous ses amis, son souvenir sera une motivation de plus pour continuer son combat. Le combat de tous les démocrates.

L’ESISC présente ses plus sincères condoléances à la famille de Marie-Rose.


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