Le calme règne à Gaza depuis l’entrée en vigueur d’un cessez-le-feu dans la soirée du 21 novembre, au terme d’une campagne diplomatique intense marquée, entre autres, par une visite décisive de la secrétaire d’Etat américaine d’Hillary Clinton en Israël et en Egypte. Une intervention militaire terrestre de grande envergure semblait pourtant inévitable après l’attentat perpétré le jour-même contre un bus en plein centre de Tel Aviv.
En portant le conflit au centre névralgique de l’Etat hébreu et en brisant le tabou de l’inviolabilité de Tel Aviv, les terroristes ont cherché à produire un impact psychologique et politique majeur. L’annonce de l’attaque a d’ailleurs été accueillie par des manifestations d’allégresses dans les rues de Gaza et a suscité l’enthousiasme non dissimulé de la direction du Hamas. « Les factions palestiniennes auront recours à tous les moyens pour protéger les civils palestiniens en l’absence d’efforts de la communauté internationale pour mettre un terme à l’agression israélienne », déclarait ainsi Abou Zuhri, l’un des porte-paroles du mouvement terroriste.
Il est impossible à ce jour de prédire la viabilité du cessez-le-feu du 21 novembre. En une semaine de conflit, Tsahal a néanmoins déjà entrepris de détruire méthodiquement toutes les installations terroristes de Gaza. Plusieurs centaines de sites ont été visés par des raids aériens ou des bombardements maritimes: bâtiments officiels du Hamas, bases d’entraînements de la branche militaire du groupe (les Brigades Izz al-Din al-Qassam), caches d’armes et surtout des dizaines de lance-roquettes. D’un point de vue humain, de nombreux civils palestiniens, mais aussi plusieurs dizaines de terroristes islamistes, ont perdu la vie dans les opérations militaires. Du côté israéliens, trois civils et deux soldats ont péri et des dizaines d’autres ont été blessés à travers le pays en sept jours de crise. Les groupes palestiniens ont en effet tiré des centaines de roquettes contre Israël, où plus de 75 000 réservistes étaient mobilisés pour faire face à l’éventualité d’une offensive terrestre dans la bande de Gaza.
L’Iran revendique l’aide aux terroristes palestiniens
Comme nous l’avons constaté dans notre précédent briefing, la situation dans la bande côtière n’aurait pas atteint ce niveau critique sans l’intervention malveillante d’acteurs extérieurs aux relations israélo-palestiniennes. Quelques heures après l’attentat de Tel Aviv, le président du Majlis d’Iran (parlement), Ali Larijani, se targuait du rôle déterminant de la république islamique auprès des combattants palestiniens. « Notre aide présente des aspects matériels et militaires et ces pays arabes qui s’assoient et se réunissent devraient savoir que l’Etat de Palestine n’a pas besoin de mots ou de réunions. Notre message est que si les pays arabes veulent aider la Palestine, ils doivent fournir une aide militaire », affirmait-il dans une déclaration citée sur le site officiel du Majlis, ICANA.ir. Dans la foulée de la déclaration iranienne, les Brigades Izz al-Din al-Qassam (branche militaire du Hamas) revendiquaient l’attentat sans aucune ambiguïté sur leur compte Twitter.
Aucun élément concret ne permet d’établir avec certitude la responsabilité des services iraniens dans l’explosion de Tel Aviv, mais l’hypothèse mérite d’être envisagée. Il est d’une importance vitale pour Téhéran d’entretenir la stratégie de tension avec Israël et de contrecarrer les efforts de l’Egypte de Mohammed Morsi pour affirmer son rôle de puissance régionale et peser dans le processus de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas.
L’Iran espère ainsi revenir sur le devant de la scène arabe en fournissant des missiles Fajr 5 de longue portée aux milices palestiniennes et en jouant sur les divisions entre la branche militaire et la direction politique du Hamas. On notera d’ailleurs que cette dernière a commencé à prendre ses distances avec Téhéran pour cause de solidarité avec les Frères musulmans engagés dans la lutte sans merci qu’ils mènent en Syrie.
La trêve est-elle viable ?
D’une certaine manière, le déclenchement d’une offensive terrestre ou une intensification des raids aériens sur Gaza aurait donc servi les intérêts de Téhéran, qui est englué au côté de Bachar al-Assad dans l’épouvantable guerre civile syrienne. Une telle option aurait pourtant reçu l’aval de la communauté internationale. Jusqu’au bout, Barack Obama a affirmé son soutien total au droit à l’auto-défense d’Israël, martelant que c’étaient les tirs de roquettes contre le sud d’Israël qui étaient responsables de la crise. Le maintien de la pression aurait aussi été en conformité avec la doctrine militaire israélienne, qui prescrit de ne jamais céder à la force, et au contraire de toujours démontrer que la capacité de riposte de l’armée est supérieure à celle de l’adversaire, quelle que soit sa nature. Notons encore qu’à moins de deux mois des élections législatives du 22 janvier 2013, le gouvernement israélien engage plus que jamais sa crédibilité sur l’arrêt des tirs de roquettes.
Selon un sondage publié vendredi 23 novembre par la quotidien Maariv, la population israélienne reste divisée et sceptique sur la viabilité du cessez-le-feu. Tout en acceptant l’interruption des opérations militaires, Benjamin Netanyahou a été clair dans l’affirmation de sa détermination à ordonner toutes les actions nécessaires en cas de nouveaux tirs ou de provocations terroristes. Le « retour à la normale » reste donc précaire, comme le prouve l’échange de tir qui a côté la vie à un Palestinien ce vendredi matin à proximité de Khan Younès.
L’attitude de l’Egypte et sa capacité à mettre un terme au trafic d’armes via la péninsule du Sinaï seront un élément déterminant de la recherche d’une issue à long terme à ce conflit. De plus, le respect de la trêve continuera à dépendre de la lutte d’influence que se livrent les frères musulmans du Caire et les mollahs de Téhéran par l’intermédiaire des différentes factions palestiniennes. Il reviendra enfin à la direction du Hamas, et notamment au chef de son gouvernement Ismaïl Haniyeh, de démontrer sa capacité à imposer le cessez-le-feu à son aile militaire et aux autres organisations djihadistes. Si la trêve a été accueillie avec allégresse par la population gazaouie, une nouvelle aggravation de la situation n’est donc pas à exclure dans les prochains jours, avec son inévitable cortège de morts civils et de destructions matérielles dans les deux camps.
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